Dispositif de renforcement du système scolaire conventionnel en Côte d’Ivoire. Influence des classes passerelles en zone centre nord et ouest (c.n.o.) de 2006 à 2014.par Moussa KONE Université Alassane Ouattara - Doctorat en sciences de l'éducation 2019 |
1.2. Champ sociologiqueLes six DREN ont la particularité d'être des zones occupées par les forces rebelles lors du conflit armé de 2002. Elles ont donc subi les effets néfastes des conflits que sont la fermeture d'écoles, le déplacement de population, la paupérisation, la destruction d'infrastructure sociaux-économiques de base (écoles, centres de santé, administrations...). Elles pourraient être qualifiées de zones en « situation difficile ». Le milieu de l'étude est particulièrement marqué par une hausse du taux de pauvreté consécutive aux crises. Le rapport DSRP fait par FMI (2009) en témoigne en ces termes : « Comparativement à 2002, la pauvreté s'est accrue au niveau des pôles de développement, particulièrement dans les pôles de développement occupés. 113» Ledit rapport nomme ces régions et précise leurs taux de pauvreté comme suit : Tableau III: taux de pauvreté des différentes régions des années 2002 et 2008
Source : FMI, 2009, Côte d'Ivoire : Stratégie de Réduction de la Pauvreté. Rapport d'Etape au titre de l'année 2009, Washington, FMI services de publication. p. 7 113 FMI, 2009, Côte d'Ivoire : Stratégie de Réduction de la Pauvreté. Rapport d'Etape au titre de l'année 2009, Washington, FMI services de publication. p. 7 61 Commentant les chiffres susmentionnés, le FMI relève ceci: en 2008, huit pôles de développement sur dix ont un taux supérieur à 50% contre quatre en 2002. Parmi ces pôles, celui du nord est le plus touché par le phénomène de pauvreté avec près de 4 pauvres sur 5 personnes en 2008. Ce pôle est suivi par ceux de l'ouest (63,20%) ; du Centre-Ouest (62,90%) ; du Nord-Ouest (57,90%) ; du Centre- Nord (57%) et du Nord-Est (54,70%).114 Le milieu de l'étude est économiquement faible. Cette situation a une incidence sur la capacité des populations à assumer la scolarisation des enfants en l'absence de structures éducatives publiques. Cet effet néfaste sur l'éducation se manifeste en termes de souffrance d'offre éducative. Pour la zone CNO, cette insuffisance infrastructurelle se traduit, selon BI et al (2003), par le fonctionnement de « 32,60% d'établissements scolaires primaires.115 » Le rapport de l'UNICEF sur l'état des lieux de l'éducation de base en 2007 confirme cette situation en ces termes : « L'insuffisance de l'offre est plus prononcée dans la zone CNO en raison de la dégradation des infrastructures scolaires et du départ massif des enseignants qualifiés.116 » De même, le RESEN 2016 décrit la situation des écoles dans les zones CNO comme suit après les conflits de 2002 et 2010 : en termes d'impact sur le système éducatif, si une baisse nette des effectifs scolaires après la crise de 2002 a été constatée, les niveaux de scolarisation ont été très peu affectés par la crise de 2010. En effet, durant la crise de 2002, outre les déplacements massifs des populations, pour qui l'éducation des enfants devenait secondaire, les fermetures des directions régionales de l'éducation de Bouake, de Korhogo, d'Odienné, et Man et des directions départementales de Bouna, Katiola et Séguéla, ont entrainé dans leur sillage celles de 40 inspections primaires, 3 CAFOP (Centre d'Animation et de Formation Pédagogique), 2.768 écoles primaires publiques, et 80 lycées et collèges.117 114 FMI, 2009, op.cit., p. 7 115 E. BIH et al, 2003, Etude sur l'égalité des sexes dans le domaine de l'éducation en Côte d'Ivoire, Abidjan, ROCARE, pp.39-40 116 UNICEF, 2008, op. cit., p.5 117 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op. cit., p.3 62 Les illustrations qui suivent nous donnent un aperçu de l'état de dégradation des infrastructures éducatives en 2009. Figure 8 : baraque aménagée pour servir de salle de classe à l'EPP Kamonoukro de Bouaké en 2009 Source : données de terrain, 2008-2014 63 L'existence de cette baraque traduit l'impuissance de l'administration scolaire à faire face à l'accroissement des effectifs des élèves et le manque d'infrastructures. A Bamoro, la situation n'est guère reluisante. Figure 9 : un bâtiment entier dégradé à l'EPP Bamoro, DREN de Bouaké en 2009 Source : données de terrain, 2008-2014 64 Cette image montre l'état de dégradation avancée des infrastructures dans les zones CNO en 2009. L'effet néfaste des conflits s'exprime également en termes de retard de scolarisation comme le révèle le rapport d'analyse 2008/2009 sur l'état de l'école en Côte d'Ivoire : « le phénomène de scolarisation tardive pourrait s'expliquer d'une part, par la crise sociopolitique qu'a connue la Côte d'Ivoire depuis 2002, et d'autre part, par la création d'écoles communautaires répondant au besoin de scolarisation des enfants en zones défavorisées ...118» On note que ces retards de scolarisation ont laissé hors du système scolaire conventionnel un grand nombre d'enfant dans les zones CNO. Depuis 2002, à ce phénomène est associée la déscolarisation estimée, selon COEN (2005) à « plus de 700.000 enfants. 119» Le RESEN 2016 montre qu'en 2014, « environ 1,45 million de jeunes de 6 à 15 ans ne sont pas scolarisés. (...) Ce sont des jeunes [garçons] et filles issues de familles pauvres, vivant dans les régions rurales du Nord 120» pour la majorité. Un autre phénomène accentué en zone CNO, est le déficit des enseignants du primaire comme relevé par le MEN (2009) en ces termes : « Le déficit d'enseignants au primaire public est estimé à près de 33,8%. Celui des zones CNO représente 48,4% du défit total. 121» Toutes ces spécificités font de la CNO un milieu d'attention pour la recherche dans le domaine de l'éducation. Par ailleurs, Nous présentons les indicateurs de performance de l'éducation de ces six DREN pour plus de précision. DREN de Bouaké : selon la DREN, au moment du lancement des classes passerelles en 2006, la DREN de Bouaké se compose de 11 Inspections d'Ecole Primaire (IEP), 611 écoles primaires publiques, 2.934 salles de classe, 101.953 élèves dont 42.376 filles, 1.466 instituteurs titulaires et 1.211 instituteurs bénévoles. Le taux de réussite au CEPE en 2006 est estimé à 43,33%. En outre, la 118 MEN, 2009, L'état de l'école en Côte d'Ivoire : Rapport d'analyse 2008/2009, Abidjan, MEN. p. 23 119 B. COEN, 2005, « Après trois ans de conflit, les enfants de Côte d'Ivoire retournent à l'école » in http://www.unicef.org/french/infobycountry/cote divoire_30572, consulté le 10 février 2012. 120 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op. cit., p. 51 121 MEN et DIPES, 2009, op. cit., p. 31 65 DREN enregistre la présence de Partenaires Techniques et Financiers (PTF) comme Save The Children Suède, la Force Licorne, UK, PAM, GEED, CARITAS, UE, UNICEF, PNUD-ACM, la Coopération Française, Suède-NRC, EPT et OCHA pour relancer l'éducation. Selon le MENET (2013), en 2012/2013, le district de la vallée du Bandama qui couvre la DREN de Bouaké compte « 944 écoles primaires, 5.011 classes, 196.217 écoliers dont 48.844 sans extrait de naissance, 80.000 filles et 5.575 instituteurs. 122» DREN de Duékoué : elle forme avec la DREN de Man, le district des Montagnes. Selon le MENET (2013)123, en 2012/2013, ce district compte 1.272 écoles primaires, 7.238 salles de classe, 26.7549 écoliers dont 144.330 sans extrait de naissance, 120.000 filles et 7.213 instituteurs. La zone enregistre la présence de Partenaires Financiers et Techniques comme NRC, GFM3, ADPF, SPPD, GTZ, PAM, UE etc. pour relancer l'éducation et soutenir les classes passerelles. DREN de Ferkessédougou : selon le MENET (2013), en 2012/2013, cette DREN compte, en association avec celle de Korhogo qui composent le district des Savanes, « 786 écoles primaires, 3.526 salles de classes, 153.489 écoliers dont 41.951 sans extrait de naissance, 70.000 filles et 3.599 instituteurs. 124» DREN de Man : en 2006, selon le Directeur Régional de l'Education de Man, cette DREN se compose de 7 Inspections d'Ecole Primaire, 370 écoles primaires publiques, 1.850 salles de classe, 79.429 élèves dont 31.539 filles, 617 instituteurs titulaires et 1.179 instituteurs bénévoles. Le taux de réussite au CEPE pour 2008 est de 72%. Par ailleurs, les partenaires techniques et financiers comme Save The Children, PAM, UNICEF et OCHA interviennent dans les efforts de reprise de l'éducation. Cette DREN appartient au district des Montagnes. Selon le MENET (2013), en 2012/2013, ce district compte « 1.272 écoles primaires, 7.238 122 MENET, 2013, « Statistiques de poche, pp. 70-75. » in http://www.men-depes.org, consulté le 01 octobre 2016 123 ibidem 124 ibidem 66 salles de classe, 26.7549 écoliers dont 144.330 sans extrait de naissance, 120.000 filles et 7.213 instituteurs. 125» DREN d'Odienné : En 2006, selon le Directeur Régional de l'Education d'Odienné, cette DREN se compose de : 2 Inspections d'école primaire, 210 écoles primaires publiques, 780 salles de classe, 22.703 élèves, 709 instituteurs titulaires. La DREN réalise en 2006, 68,19% de taux de réussite au CEPE. En outre, la DREN enregistre la présence de Partenaires Techniques et Financiers comme Save The Children, UK, PAM, GEED, CARITAS, UE, UNICEF, Texaco, JRS et OCHA pour soutenir les efforts de reprise de l'éducation. Selon le MENET (2013) en 2012/2013, le Denguélé compte « 262 écoles primaires, 1.165 classes, 37.735 écoliers dont 17.535 sans extrait de naissance, 20.000 filles et 1.113 instituteurs. 126» DREN de Séguéla : selon le MENET (2013)127, en 2012/2013, le Woroba compte 616 écoles primaires, 2.544 classes, 88.689 écoliers dont 37.846 sans extrait de naissance, 47.000 filles et 2.564 instituteurs. C'est une zone qui a des indicateurs performants en termes d'infrastructures et des ressources humaines puisque le Ratio Elève/Maître (REM) et le Ratio Elève/Classe (REC) sont de 35 : 1, un chiffre qui est nettement mieux que la moyenne du REM nationale estimée à 42 :1. Ce qui retient également l'attention est la proportion importante d'enfants sans extrait de naissance soit 42,67%. En somme, pour les six DREN, on constate une nette augmentation des infrastructures scolaires et des effectifs des enseignants qui accompagne l'accroissement des effectifs d'élèves. Toutefois, la demande massive d'éducation entraine une insuffisance d'offre éducative que le système scolaire tente de remédier en vain. 125 MENET, 2013, op. cit., pp. 70-75 126 ibidem 127 ibidem 67 |
|