3.2. De l'influence des facteurs pédagogiques et
individuels
Les facteurs pédagogiques (méthode
d'enseignement, programme scolaire et qualification des enseignants) ont le
même niveau d'influence que les facteurs individuels (passé
scolaire des élèves, âge des élèves et
motivation). Cela signifie qu'il existe un lien étroit entre la
réussite des activités pédagogiques de l'enseignant et la
personnalité des apprenants.
Le lien étroit entre les facteurs pédagogiques
et individuels suggère la nécessité de l'adaptation des
programmes scolaires et des pratiques pédagogiques à la
personnalité et l'environnement des apprenants comme indiqué par
Ki-ZERBO en 1972 et réaffirmé par GIMENO dans ces travaux de
1984. Selon les promoteurs, « cette nécessité d'adaptation
est une réalité dans la mise en oeuvre des classes passerelles
». Cette logique sous-tend la prise en compte dans le programme scolaire,
des mesures adoptées par les classes passerelles comme : les
activités socioculturelles, l'enseignement des compétences de vie
(life skills), le réajustement des contenus au niveau de la
classe, l'affectation des enfants dans des niveaux de classe selon leur
passé scolaire et leur âge, ainsi que la tenue des cours de
soutien pédagogique pour les élèves en difficulté
d'apprentissage.
3.2.1. De l'influence de
l'hétérogénéité de l'âge des
apprenants
Une analyse comparative des moyennes selon l'âge, au
moyen du test de variance n'a pas permis d'établir une différence
significative entre les plus jeunes élèves et les plus
âgés. Ce résultat signifie que tous les
élèves, indépendamment de leur âge, ont des niveaux
de réussite assez proches. Cette bonne performance de l'ensemble des
élèves pourrait s'expliquer par la thèse de CONNAC (2006)
qui affirme que l'autonomie que développe chaque apprenant en situation
de « classe unique multi-âge est un facteur d'amélioration
des résultats scolaires. 361» Selon
361 S. CONNAC, 2006, op. cit.
332
cet auteur, c'est une autonomie générée
par le refus de catégoriser les apprenants selon leur âge. Selon
lui, l'amélioration des performances scolaire est liée à
« l'hétérogénéité et l'amplitude
élevé 362» de l'âge des apprenants. En
d'autres termes, plus la différence inter-âge est grande, plus les
performances sont s'améliorent.
Il convient de relever qu'effectivement, les
élèves des classes passerelles ont l'âge qui varie de 7
à 14 ans, soit une amplitude d'âge de 1 à 7 ans qui varie
de 1 à 7 points. Si nos résultats confirment que nous sommes
effectivement dans une situation «
d'hétérogénéité d'âge » comme
suggéré par CONNAC (2006), toutefois, ils ne permettent,
cependant pas, de confirmer que les performances des élèves sont
liées à ce seul facteur. La vérification d'une telle
thèse nécessiterait l'analyse comparée des classes
passerelles à effectifs hétérogènes et des classes
ayant des effectifs plus homogènes. Au regard de l'approche de la
pédagogie différenciée qui admet qu'une classe n'est
jamais totalement homogène du fait que les apprenants ont des
personnalités différentes, on peut admettre que
l'hétérogénéité est inhérente
à la structure de la classe. Son effet positif ou négatif sur les
performances dépend des facteurs comme la gestion de la classe, la
qualification de l'enseignant, la méthode d'enseignement et des facteurs
multiples, de manière hiérarchisée, comme relevé
par le cadre théorique.
Une analyse approfondie de nos résultats permet de
s'interroger sur le seuil de différenciation significative dans la
corrélation entre l'âge et la performance scolaire des
élèves des classes passerelles. Plusieurs chercheurs ont
fixé ce seuil à 2 ans de différence inter-âge (entre
les élèves de 5 et 7 ans) lorsque les enfants sont issus des
milieux favorisés uniquement. A la différence de cette
thèse, nos résultats portent sur des élèves issus
exclusivement des milieux défavorisés dont l'âge est
compris entre 7 et 14 ans. Cela nous permet d'affirmer que
l'hétérogénéité de l'âge dans classes
passerelles, avec des élèves scolarisés tardivement et
issus de milieu socioéconomique défavorisé, permet
d'obtenir aussi des
362 S. CONNAC, 2006, op. cit.
333
performances améliorées, à l'instar du
cas des apprenants issus de milieu favorisé. Ce constat, s'il ne
s'oppose pas à la thèse sociologique classique selon laquelle
l'origine socioéconomique serait le facteur déterminant de la
réussite scolaire, il permet, néanmoins, de minimiser l'influence
dudit facteur, conformément au modèle de « l'avantage
stratégique 363» suggéré par MEURET et
MORLAIX (2006).
Par ailleurs, comparativement à la thèse de
GBATI (2007) selon laquelle les scolarisés tardifs et précoces
réalisaient les plus faibles performances face à leurs
compères en âge normal officiel, nos résultats prouvent
plutôt une quasi homogénéité de performance pour
tous les élèves, indépendamment de leur âge. En
effet, le programme des classes passerelles est fait exclusivement pour les
scolarisés tardifs. Il serait inadapté à des
élèves scolarisés selon l'âge officiel de 6 ans. Les
performances les plus faibles enregistrés en évaluation en langue
maternelle par les élèves de 7 ans en est une parfaite
illustration. Toutefois, le fait que certains élèves plus
âgés enregistrent aussi, des performances faibles, à
l'instar des plus jeunes, permet de conclure que le facteur âge, bien que
contribuant à la réussite scolaire, ne suffit pas à
justifier l'échec des apprenants. D'autres facteurs pourraient
intervenir comme déjà mentionné ci-haut.
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