0. INTRODUCTION GENERALE
0.1. Etat de la question
La question de la micro finance a déjà
été abordée avec une diversité de qualification et
selon différents aspects tels que la pratique des crédits
rotatifs, la micro-stratégie de survie, la politiques de
microcrédits, comme outil de lutte contre la pauvreté a
déjà préoccupé pas mal des chercheurs. Dans le
souci de savoir le niveau de la recherche sur cette question, nous nous sommes
intéressés à certains travaux des chercheurs et de nos
prédécesseurs en vue de doter notre étude de son
originalité. Au-delà de l'impact sur les clients, observe-t-on un
impact plus global de la micro finance sur le développement d'une
région, d'un pays ? La micro finance favorise la bancarisation de la
population et l'on estime que les IMF représentent jusqu'à 5% de
la collecte d'épargne et 10% du crédit à l'économie
dans certains pays. Dans ces conditions, il est clair que la micro finance
contribue significativement, à son échelle, au financement de
l'économie. Pour autant, il est très difficile de
démontrer de façon rigoureuse un impact à un niveau large,
sur la croissance économique ou sur la réduction du taux de
pauvreté d'un pays.
Pour l'avenir, certaines évolutions pourraient
permettre à la micro finance de maximiser son impact. Pour l'instant,
les investissements dans les micro-entreprises se concentrent en
général sur des activités de survie (petit commerce,
activité de transformation sommaire) offrant peu de possibilités
d'expansion et de création d'emplois. S'il est vrai qu'à court
terme, des millions de personnes n'ont pas accès à l'emploi
salarié et trouvent auprès de la micro finance un appui
nécessaire pour survivre, la micro finance doit également
à son échelle contribuer au renforcement du tissu d'entreprises
formelles en proposant des services plus adaptés aux Micro Petites et
Moyennes Entreprises (MPME).
Enfin, si la micro finance n'est pas un outil adapté
pour « les plus pauvres des pauvres » qui cherchent avant tout
à satisfaire les besoins vitaux et manquent du minimum de
stabilité nécessaire pour que le recours au crédit et
à des services financiers leur soit utile, certains programmes de micro
finance ont exploré la possibilité de partenariats avec des
programmes socio-économiques afin de toucher une clientèle plus
pauvre que celle qu'ils touchent actuellement. La micro finance, qui
aujourd'hui permet à des populations vulnérables (situées
juste en-dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté) de mieux
résister aux aléas de la vie et de développer leurs
micro-entreprises, peut ainsi utilement s'articuler avec d'autres politiques de
développement et accroître encore sa contribution à la
lutte contre la pauvreté (Alix Pinel, Sébastien Boyé,
Jérémy Hajdenberg, Christine Poursat et David Munnich, 2009).
4
Les explications du professeur MUHAMMAD YUNUS, fondateur
de la Grammen Bank et prix Nobel de la paix 2006 dans le microcrédit au
Bangladesh sur la réussite de la Grammen Bank, ont
particulièrement attiré notre attention par la banque de
Bangladesh.
En effet, vers les années 1974, le professeur MUHAMMED
YUNUS, après avoir constaté que plus ou moins 40% de la
population du Bangladesh vivent dans la pauvreté mis sur pieds la
Grammen-Bank en vue d'améliorer les conditions économiques des
familles pauvres en octroyant des crédits.
Aujourd'hui, son application dans tout le Bangladesh prouve
des succès spectaculaires au point qu'au moins plus de 10% de la
population bénéficiaires de son prêt sont en
majorité des femmes. Cette expérience se repend aujourd'hui en
tâche d'huile dans 58 pays du monde dont la Chine, les Etats-Unis,
l'Afrique du Sud, la France, la Norvège et le Canada.
Pour MUHAMMED YUNUS5, le microcrédit est un
moyen efficace pour éradiquer la pauvreté et améliorer les
conditions socio-économiques. Il poursuit en soutenant que les gens ne
sont pas pauvres par bêtise ni par paresse car ils travaillent toute la
journée pour accomplir des tâches physiques forts complexes mais
plutôt parce que les structures financières existantes n'ont pas
pour vocation de les aider à améliorer leurs sorts. A partir de
l'approche prônée par le professeur MUHAMMED YUNUS, nous essayons
de vérifier pourquoi les MPME de la ville de Goma actives et dynamiques
de notre milieu bénéficiaires de microcrédit ne
parviennent pas à sortir de l'auto-dépendance financière
des IFDs donatrices du microcrédit en constituant grâce à
ce dernier leur propre capital qui fait partie de leurs bien-être.
Edouard BITANGALO WASSO6, dans son mémoire
intitulé « les politiques de microcrédit dans la lutte
contre la pauvreté à Bukavu : cas du PAIDEK, PLD et CAPES
», il a montré que les taux d'intérêts
appliqués par les IMF chez les clients sont perçus comme
exorbitants, et ces taux sont appliqués de manière identique
à tous les emprunteurs peu importe le secteur d'activité. Il
poursuit en montrant que la durée de remboursement des crédits
est un autre obstacle à l'émergence des
bénéficiaires des micros-crédits des 3 IMF et enfin, il
montre que les montants de crédits octroyés aux emprunteurs ne
les permettent pas d'évoluer. Il pense que les variables
d'échéance, le mode de remboursement des crédits, le
montant de crédit sont des éléments qu'il faut revoir et
adapter à la réalité pratique à Bukavu.
L'accompagnement et la formation
5 MOHAMMED YUNUS, vers un monde sans
pauvreté, l'autobiographie du banquier des pauvres, Ed., Lattes, Paris,
1997
6 Edouard BITANGALO WASSO, les politiques de
microcrédit dans la lutte contre la pauvreté à Bukavu :
cas du PAIDEK, PLD et CAPES, Mémoire Inédit ISDR/BUKAVU,
2004
5
des emprunteurs doivent être de nature à
privilégier un climat de coopération et de concertation
régulière entre les IMF et leurs clients. Il se base uniquement
sur les politiques d'octroi de micros-crédits sans pourtant analyser la
contribution de ses micros-crédits sur le bien-être
socio-économique des pauvres malgré tous ces défis dont
ils sont jalonnés. C'est pourquoi, ce travail va tenter d'esquisser les
différents facteurs qui influencent le surendettement et de la cavalerie
financière encourus par les MPME dans le financement de fond de
roulement et autres besoins financiers de ces dernières.
Consolatrice BORA FURAHA7, dans son TFC
intitulé « Microcrédit : outil de lutte contre la
pauvreté par l'accroissement du revenu des ménages à Uvira
», a montré que les micros-crédits n'ont pas
jusque-là atteint les objectifs nobles qui sont ceux de lutte contre la
pauvreté. Elle estime que la mauvaise connaissance de différents
rouages et l'insuffisance des crédits octroyés soient à
l'origine. Elle pense que les micros-crédits constitueraient une
solution appropriée s'ils s'approchent de la base et s'attèlent
à répondre aux besoins réels du financement des pauvres.
Il poursuit en montrant que le microcrédit à Uvira est une
réalité figée et n'offre pas les « bons
crédits » aux clients ; chose qui compromet encore une fois sa
rentabilité. Il pense qu'en libérant les micros-crédit de
son statut de « crédit minimaliste pour l'auto-emploi des pauvres
» et en le transformant en « Services financiers et assistance
technique pour les entreprises agro-alimentaires et agricoles en vue de
générer une grande quantité d'emplois salariés pour
les pauvres» qu'il pourra tenir toutes ses promesses. Néanmoins,
elle n'a pas analysé les multiples changements apportés par les
micros-crédits sur le plan alimentaire, scolaire, sanitaire et autre
dans les ménages bénéficiaires de crédits à
Uvira afin de mesurer l'impact socio-économique de ses
micros-crédits dans la lutte contre la pauvreté à Uvira.
Elle a oublié de montrer les différents facteurs qui influencent
le surendettement et cavalerie financière ces MPME à Uvira avant
et après accès aux crédits et leurs états
après l'utilisation du crédit et c'est à ce niveau que ce
travail lui complétera.
KERHERO et BALEMBA8 cité par Béatrice
BAHATI CIREZI ont mené une étude sur l'impact de micro
crédit sur la réduction de la pauvreté à
Bukavu. Cette étude avait pour objectif de connaitre si la
situation économique des femmes bénéficiaires est
différente de celles qui ne bénéficient pas du
crédit. Ils ont mené leurs études sur un
échantillon composées de 200
7 Microcrédit : outil de lutte contre la
pauvreté par l'accroissement du revenu des ménages à
Uvira, T.F.C, ISDR/Bukavu, 2005
8 KERHERO et BALEMBA, Impact de micro
crédit sur la réduction de la pauvreté à Bukavu,
TFC, Inédit ISDR/BUKAVU, 2008
6
femmes dont 100 sont bénéficiaires du
crédit auprès d'APEF et 100 autres femmes non
bénéficiaires du crédit. Grâce aux variables
d'indication socioéconomique (dépenses relatives à
l'alimentation, à la scolarité, aux soins médicaux et
à la contribution de la femme au budget général du
ménage) et celles d'estimation socio démographique (l'âge,
le niveau d'étude et taille du ménage) les chercheurs sont
arrivés à conclure que la situation socioéconomiques des
femmes bénéficiaires de crédit est meilleure
comparativement à celles des autres qui n'y accèdent pas. Le
micro crédit a donc un impact positif sur la réduction de la
pauvreté des bénéficiaires lorsqu'il vise avant tout le
bien être de ses bénéficiaires. Le crédit permet
d'accéder aux soins de première nécessité,
d'envoyer davantage les enfants à l'école et de mieux manger. Le
crédit intervient de façon très particulière dans
l'autonomisation des femmes. Elle n'a pas démontré dans son
travail que ces micros crédits octroyés à ces femmes
étant à la consommation, leurs mensualités sont
souvent de faible montant, ce qui inciterait ces femmes à y recourir
fréquemment, même pour des dépenses courantes telles que
soulignées ci haut. Or, plus les mensualités sont faibles, plus
la durée de remboursement est longue et le coût du crédit
cher. L'attention du consommateur devrait être attirée sur ce
point ainsi que sur les risques de « cavalerie » consistant à
puiser dans une réserve pour en rembourser une autre ». C'est
à ce point que ce travail aura compléter sa recherche.
KATARAKA cité par Béatrice BAHATI CIREZI, avait
analysé la contribution et les limites de la micro finance dans la
lutte contre la pauvreté dans la ville de Bukavu. Lors de ses
études, il avait abouti à l'affirmation selon laquelle la micro
finance oriente ses crédits en vue de relever le niveau des secteurs
délaissés, des couches sociales les plus faibles qui constituent
sa population cible. S'appuyant sur un échantillon aléatoire de
80 ménages et grâce à la démarche statistique
qu'elle utilise, elle parvient à relever que, théoriquement, les
bénéficiaires de micro crédits sont des pauvres. Elle
aboutit aux résultats selon lesquels 51% des enquêtés
trouvent que le montant accordé était suffisant pour satisfaire
leurs besoins et 49% d'entre eux, par contre, trouve que les crédits
leur accordés n'étaient pas suffisants. Elle en déduit que
la population à faible niveau de revenu, a besoin des services
financiers qui vont au-delà de simples financement de leurs
activités productives, car le microcrédit doit rester un outil,
un moyen, sans jamais devenir une fin en soi. C'est ici exactement que dans
son travail, Mr KATARAKA, n'a pas démontré que de ces 49%
d'enquêtés, il y aurait un certain notre des débiteurs qui
feraient recours à des dettes supplémentaires pour couvrir leurs
besoins. Et c'est de cela donc que ce travail aura apporté comme
contribution à sa recherche.
7
Dans son Editorial de Mai 20169, ADA - Appui au
Développement Autonome, a réalisé une étude sur les
MPME et s'est appuyée sur cinq IMF en Ethiopie, au Kenya et à
Madagascar pour identifier un total de 83 propriétaires de petites
entreprises en expansion ; des entretiens individuels ont ensuite
été menés avec ces entrepreneurs afin de mieux comprendre
leur parcours. Parmi les conclusions de cette étude ADA - Appui au
Développement Autonome signale qu'en Afrique subsaharienne comme
ailleurs, les Micro, Petites et Moyennes Entreprises (MPME) jouent un
rôle crucial pour le développement économique et la
création d'emplois. Néanmoins, le secteur peine à
atteindre pleinement son potentiel en raison de toute une série de
difficultés parmi lesquels l'accès limité aux services
financiers, mais également parce qu'il existe un manque plus
général de connaissance et de compréhension de ce segment
de l'économie. Afin de mieux répondre aux besoins des MPME, une
première étape devrait donc consister à identifier les
profils, les schémas de croissance, les facteurs de succès et les
difficultés rencontrées par les entrepreneurs qui sont parvenus
à transformer leur micro entreprise en petite ou moyenne structure.
ADA - Appui au Développement Autonome va plus loin dans
ses conclusions et informe qu'aujourd'hui, la plupart des entrepreneurs
affirment que l'accès au financement demeure crucial pour continuer
à croître, mais une grande partie d'entre eux rencontrent toujours
des difficultés pour obtenir les montants dont ils ont besoin,
principalement à cause des exigences de garantie. Les temps de
traitement sont également considérés comme trop longs. Une
solution trouvée par des entrepreneurs kenyans consiste à
contracter plusieurs prêts à la fois auprès de
différentes institutions, mais aussi parfois auprès de la
même, ce qui semble inefficient et les expose à plusieurs risques
dans leur exploitation. Un manque de produits financiers adaptés aux
MPME apparaît clairement, étant donné que ni les IMF ni les
banques ne sont en mesure de répondre à leurs besoins.
Contrairement à ces chercheurs, notre travail portera
sur « l'Analyse des facteurs de vulnérabilité,
causes du surendettement et de la cavalerie financière de Micros, Petits
et Moyens Entrepreneurs en Ville de Goma ».
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www.ada-microfinance.org
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