Avant d'entrer dans le vif du sujet nous avons jugé
utile de commencer par clarifier le sens de quelques mots utilisés
souvent par les prêteurs et les emprunteurs. Deliens, & Lefevre
(1988, p. 106)25, ont proposé les sens des termes comme : le
prêt à tempérament, la vente à tempérament et
le prêt hypothécaire. Tous ces crédits font l'objet d'une
convention écrite et génèrent des intérêts en
faveur du créancier.
? Le prêt à
tempérament
Opération par laquelle un consommateur acquiert un
bien auprès d'un vendeur et le fait financer par un tiers (institution
financière). Le consommateur s'engage à rembourser le
prêteur en un nombre de mensualités supérieur ou
égal à 3. Il verse un acompte au vendeur de 15% au minimum.
? La vente à tempérament
C'est une sorte de crédit qui concerne les biens
durables tels qu'une auto neuve, du mobilier, un téléviseur etc.
le commerçant ou l'institution prêteuse demeure
propriétaire du bien que vous avez acheté jusqu'à ce que
vous ayez terminé de le payer. Ici la notion de crédit-bail ou le
leasing financier intervient26.
? Le prêt hypothécaire
Il s'agit d'un prêt d'argent contre
intérêt dans lequel le remboursement du capital et le paiement des
intérêts sont garantis par la mise en gage au profit du
prêteur d'un bien immeuble.
Le "surendettement", est la situation dans laquelle se
trouvent des personnes physiques ou les MPME dont, la situation est
caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le
débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes
non professionnelles exigibles et à échoir. Il n'y a pas un taux
mathématique précis mais le surendettement se déduit d'une
analyse concrète de la situation personnelle, familiale, professionnelle
et patrimoniale de la personne ou la MPME endettée. Il existe plusieurs
dimensions en ce qui concerne le surendettement : la dimension
économique car on doit rembourser une somme d'argent, la dimension
temporelle car elle concerne le moyen ou long terme, la dimension sociale en
tenant compte des dépenses basiques à remplir avant le
remboursement de dettes, et enfin la dimension psychologique qui n'est autre
que le stress causé par l'ampleur de dettes. Certaines études de
la dette considèrent
25 Deliens, & Lefevre, Op. Cit., (1988, p.
106)
26 Nantel Y., Si vous avez des dettes : ce qu'il faut
savoir. Montréal : Saint-Martin, 1986.
35
le surendettement comme un phénomène individuel
et d'autres disent qu'il faut prendre en compte tous les flux de
trésorerie des ménages en compte27.
D'après Disney, Bridges et Gathergood (2008), l'une
des causes du surendettement est l'imprudence financière.
C'est-à-dire prendre une mauvaise décision financière
à cause de la compréhension insuffisante du coût
réel de remboursement. Ceci peut-être dû aux conditions et
termes du contrat, qui ne sont pas clairs, ou l'incapacité de
l'emprunteur à gérer correctement ses revenus. Une
réduction brusque du revenu comme par exemple une perte
d'emploi. Des dépenses imprévues (par exemple
les soins médicaux couteux). Une
augmentation inattendue du
coût de la dette (augmentation du taux d'intérêt). Un
changement soudain de la structure familiale par exemple un divorce, la
naissance ou la mort d'un membre de la famille).
Dans certains cas, le surendettement découle de la
pauvreté des ménages incapables de faire face à leurs
dépenses d'où le recours à des prêts qu'ils risquent
de ne pas rembourser. La nécessité du prêt peut-être
causé par le surendettement lui-même, ce qui crée un cercle
vicieux. Ceci est dangereux pour toutes les parties à savoir les
ménages, les MPME et les financiers. Or il n'est pas possible de
résoudre le problème en s'endettant d'avantage. Pour un
ménage il faut au contraire réduire sensiblement ses
dépenses ou bien chercher la possibilité
d'accroître ses revenus. Domont-Naert Françoise
(1993)28, dans son ouvrage " Le
surendettement des consommateurs
en Belgique : rapport final " évoque deux sortes principales du
surendettement. À savoir les causes lointaines comme la
capacité de gestion du surendetté, ou le milieu familial du
surendetté. Elle parle également des causes immédiates,
c'est le cas de faibles revenus ou la méconnaissance des termes du
contrat de crédit.
Dans la famille du surendetté le surendettement peut
émaner des caractéristiques socioéconomiques ou
l'incapacité de la gestion financière de la personne
concernée.
o Caractéristiques socio-économiques
: Il s'agit de variables sociologiques qui permettent de situer
l'individu. Par exemple le sexe, l'âge, la nationalité, la
composition de ménage, la profession, le revenu, les biens qu'il
possède, etc. En général les familles en
difficultés financières et matérielles présentent
des
27 Disney, R., Bridges S., Gathergood J. : Drivers of
Over-indebteness, 2008. En ligne
https://www.nottingham.ac.uk/economics/cpe/publications/berrsep08.pdf,
consulté le 11/04/2019
28 Domond-Naert F. (Ed.) : Le surendettement des
consommateurs en Belgique : Rapport final. Louvain-La-Neuve, Belgique : Centre
de droit à la consommation, Bruxelles 1993.
36
risques importants pour des générations futures.
Car la socialisation des enfants est une fonction essentielle de la famille. Il
s'agit de l'apprentissage de valeurs et de modes de comportement en accord avec
la culture locale. La socialisation se fait directement par l'instruction et
indirectement par l'observation du comportement des parents. La socialisation
est un processus sans fin29. Donc le milieu d'origine de l'individu,
l'éducation reçue, le climat familial vont influencer le
comportement, la prise de décision et la consommation de l'enfant quand
il sera adulte et autonome30.
o La pauvreté : D'une part,
Domont-Naert F. (1992)31 définit la pauvreté comme
« l'addition de multiples cas de détresse provoquée par
l'insuffisance de ressources monétaires ». Cette définition
considère la situation individuelle. En ce qui concerne les causes de la
pauvreté, nous pouvons citer le manque de l'effort personnel, ce qui est
le cas de certains clochards heureux de leur situation. Les autres causes sont
indépendantes de la volonté de la personne concernée, il
peut s'agir d'un incident imprévu comme la maladie, le veuvage ou
l'accident. D'autre part la pauvreté peut s'agir d'un
phénomène global dont la solution se trouve dans la
société entière. C'est le cas de bouleversements
économiques et sociaux. Dans ce cas la pauvreté peut
disparaître si la société entière fait quelque chose
pour l'éradiquer. Par exemple stabiliser la croissance
économique.
? Les critères de pauvreté
:
L'insuffisance de ressources disponibles
:
« Le pauvre est celui qui ne dispose pas d'un
minimum de ressources jugées nécessaires à l'assurance de
sa survie ». Domont-Naert (1992). Le minimum de ressources dont on
parle peut s'agir du seuil de pauvreté absolu (nécessaire pour
exister) ou bien du seuil de pauvreté relatif qui est calculé par
rapport au niveau de vie moyen d'un pays pris isolement.
29 Paul Van Vracem et Martine Janssens-Umflat, Op.
Cit, (pp. 40-41, 1994)
30 Domont-Naert Françoise, Op Cit
31 Domont-Naert F. Consommateurs
défavorisés : crédit et endettement : contribution
à l'étude de l'efficacité du droit de la consommation.
Bruxelles : Kluwer, 1992.
37
La précarité du statut
social
Les personnes les plus démunies vivent dans
l'insécurité économique. Il s'agit de l'absence d'une
profession, ou avoir un emploi précaire. Par conséquent son
revenu est très bas car dans la plupart de cas il s'agit des allocations
sociales ou de chômage. L'irrégularité de revenu provient
du type de travail effectué ou du statut professionnel du travailleur.
L'alternance de revenus et d'allocations accentue l'irrégularité
de ressources. Le chômage croissant augmente l'incertitude de revenus
suffisants. La précarité de ressources due à une
précarité du travail ou à l'absence du travail
entraîne une précarité générale des
conditions de vie. Donc l'irrégularité et l'incertitude des
ressources constituent des éléments essentiels vers la
paupérisation. Affirme Domont-Naert (1992).
Le sous-développement
culturel
La pauvreté culturelle est également une
pauvreté. En général le pauvre souffre des lacunes en ce
qui concerne son éducation et sa formation. La plupart de jeunes
insuffisamment scolarisés sont issus de milieux sociaux
défavorisés. L'analphabétisme est l'une de causes de la
pauvreté en Belgique32. L'école joue un rôle
important comme facteur d'intégration sociale, culturelle et
économique. L'exclusion des modes de vie dominants
Les gens sont considérés comme pauvres s'ils ne
mènent pas le même style de vie que la société dans
laquelle ils vivent et à ce moment-là. Ce sont les plus
démunies qui sont exclus de nos biens de consommation les plus courants
comme le régime alimentaire, vêtements, éducation,
conditions de travail, et social. Ces pauvres, pour éviter cette
exclusion sociale et économique doivent emprunter de l'argent afin de
montrer à leur entourage qu'ils consomment la même chose que tout
le monde. Or l'incertitude et l'irrégularité de leurs revenus
augmente la probabilité de ne pas honorer leurs engagements
contractuels. Ce qui peut bien entendu les pousser au surendettement.
32 Domont-Naert, Op. Cit, 1992
38
Les pauvres n'ont pas de pouvoir dans la
société
Le pauvre est exclu des structures du pouvoir. Il ne dispose
pas des moyens pour faire entendre ses revendications. La pauvreté
s'explique par l'absence du pouvoir sur autrui. Certains auteurs avancent
l'idée que les instruments juridiques sont inefficaces pour
éradiquer la pauvreté parce que les plus démunis ne sont
pas capables de faire entendre leur voix. (Domont-Naert 1992).
Le pauvre et la société de
consommation
Le consommateur défavorisé se trouve
confronté à un marché caractérisé par des
prix élevés. C'est pourquoi il doit recourir au crédit. Ce
système de marché adopte une fonction qui n'est pas remplie par
le marché traditionnel. Il offre certains biens par le biais du
crédit au consommateur défavorisé. Ce dernier ne peut se
procurer de ces biens sur le marché traditionnel. C'est ainsi qu'une
nouvelle catégorie des commerçants a débarqué. Ils
sont disposés à accepter des risques très
élevés en offrant des crédits à des consommateurs
défavorisés. D'où la raison de fixer des prix
élevés même si cela aux yeux de certains est une pratique
déloyale. En d'autres termes les consommateurs pauvres n'ont que deux
choix : soit ils acceptent de se laisser exploiter, ou bien ils renoncent
à l'acquisition de certains biens. C'est ce que la fondation Roi
Baudouin appelle « le dilemme du pauvre en matière de consommation.
» cité dans Domont-Naert (1992, p.28)33. Nous
sommes partisans de l'idée que ce dilemme n'est pas un choix, car dans
notre société de consommation la possession de certains biens est
un symbole du statut social. Les consommateurs sont hiérarchisés
grâce à des biens matériels qu'ils possèdent. «
Le poids de dépenses alimentaires est inversement proportionnel à
l'importance de revenus. » confirme Deliens C. & Lefevre P.
cité dans Domont-Naert (1992, p. 29)34. C'est-à-dire
que les ménages pauvres dépensent une grande partie de leur
revenu à l'alimentation, et une petite partie restante à des
biens et services de besoin secondaire. C'est l'opposé pour les
ménages ayant le revenu élevé. Les
33 IDEM, p.28
34 Domont-Naert, Op. Cit. p. 29
39
consommateurs défavorisés doivent faire face
à un dilemme : d'une part satisfaire leurs besoins primaires comme le
logement et l'alimentation. D'autre part garder le contact avec la
société. C'est-à-dire leur famille, ou leurs voisins. Dans
la société de consommation, ce n'est pas la consommation primaire
qui est valorisée, mais bien celle de biens comme la voiture, la
télévision etc. cette dernière consommation qui est
secondaire à la première est valorisée par la
société de consommation. Parce qu'elle est visible par le monde
qui nous entoure comme les voisins ou les amis. Le consommateur qui ne
participe pas à cette consommation de biens secondaires se sent
dévalorisé. Delvax G. & Bourgoignie T. ont baptisé
cette consommation de biens secondaires «La norme sociale de
consommation ». Cité dans Domont-Naert (1992,
p.3035). Ce concept fait référence au mode de
consommation de masse au sein duquel le choix du consommateur est fortement
limité. Le consommateur défavorisé participe à
cette norme sociale de consommation pour s'affirmer. Donc « la
précarisation et la paupérisation peuvent s'expliquer par
l'incapacité d'échapper aux pressions du mode de vie dominant.
» conclut Hiernaux J. p & Bodson D. cité dans Domont-Naert
(1992, p.31)36. Le consommateur défavorisé, à
cause de ses moyens financiers limités se retrouve en situation de
sous-consommation en essayant de se plier aux contraintes du mode de vie
dominant. D'où le recours au crédit car c'est le seul moyen
d'accéder à la surconsommation que la norme sociale de
consommation lui impose.
o La gestion financière
L'apparition d'un défaut de remboursement d'une dette
et toutes les conséquences qui en résultent sont
étroitement liés à la capacité de gérer son
revenu. Si quelqu'un anticipe mal ses capacités de rembourser une dette,
il risque de devenir un emprunteur surendetté. Plusieurs facteurs vont
influencer comment dépenser son revenu. Il s'agit des habitudes
familiales, des préférences personnelles et celles des membres de
la famille la mode, le groupe de référence, etc. Il y a trois
sortes de gestion qu'il faut maitriser pour éviter le surendettement.
Il s'agit de la gestion de soi, de la gestion du
35 IDEM, p. 30
36 IBIDEM, p.31
40
temps et de la gestion de l'argent.
La gestion de soi consiste à pouvoir analyser, de se comprendre
soi-même, puis d'établir des relations entre soi et les autres, ou
avec une situation donnée. Notons que certains consommateurs se sentent
incapables de comprendre certaines situations. Par exemple comprendre comment
le banquier a calculé le taux d'intérêt, l'annuité
ou le cas échéant la mensualité à rembourser.
La gestion du temps : l'être humain doit faire des projets, et doit
planifier son avenir. Les ménages des classes bourgeoises
dépassent le domaine de l'immédiat en prévoyant ce qui
peut leur arriver dans le futur. (Domont-Naert 1993). La gestion de
l'argent consiste à équilibrer le revenu et les dépenses
pour ne pas se retrouver dans une situation de surendettement. Or certains
ménages ont un revenu irrégulier ou limité de telle
manière qu'établir un budget est difficile voire impossible. Ceci
augmente le risque du défaut de paiement. Certaines familles payent
leurs factures dès qu'elles se présentent et à la fin se
retrouvent sans rien épargner. Si les ressources ne sont pas
suffisantes, équilibrer le budget devient impossible car on vit à
court-terme. Ceci revient à dire que certains ménages se
retrouvent dans la situation du surendettement parce qu'il est difficile pour
eux de planifier le budget à long terme. Donc accuser ces ménages
d'effectuer des achats déplacés n'est pas toujours vrai. Pour les
ménages qui ont un revenu élevé, pouvoir épargner
est une manière d'éviter le surendettement.