I.2.2. La microfinance au Nord-Kivu et à Goma
La province du Nord-Kivu est située à cheval sur
l'Équateur entre les parallèles de 0° 58' au Nord et 2°
3' au Sud et entre 27° 144 et 29° 58' de longitude Est. Elle est
limitée à l'Est par le Rwanda et l'Ouganda avec lesquels, elle
partage respectivement 217 Km et 765 Km de frontière terrestre et
lacustre. Au Nord, elle partage une longue frontière naturelle avec la
Province orientale, à l'Ouest avec la Province du Maniema et au Sud la
Province du Sud-Kivu ; reliée à Bukavu par la voie terrestre (223
Km), lacustre 125 Km. La Province du Nord-Kivu couvre une superficie de
59.586,58 km2 (60.000 Km2) soit 2,5% de la superficie
nationale.
De par sa position géographique, le Nord-Kivu
constitue, pour la République Démocratique du Congo, le Portail
Est vers l'Océan indien. En effet, les principaux échanges
économiques d'import et export du Nord-Kivu sont orientés dans
cette direction à travers le Rwanda, l'Ouganda, vers le Kenya et la
Tanzanie sur la côte orientale de l'Océan Indien. La province a
aussi la particularité d'être traversée par
l'équateur, ce qui enrichit sa diversité climatique au Nord et au
Sud de cette ligne.
Selon le rapport PNUD intitulé « profile
économique de la province du Nord-Kivu 2009 », le secteur tertiaire
(plus commercial) caractérisé par une faible structuration des
acteurs constitue le plus grand contributeur du PIB de la province devant le
secteur primaire avec 40 % du PIB résultant des efforts de
sécurisation par et Gouvernement avec l'appui de la MONUSCO dans les
zones rurales et de production où vivent 88 % des Populations du
Nord-Kivu. L'absence d'investissements sur les infrastructures de base (Routes
et Energie) justifie le faible score du secteur secondaire avec à peine
10% au PIB. D'autres facteurs structurels influent aussi sur les faibles
performances notamment : la rareté des capitaux et la faiblesse du
système financier Bancaire et Non Bancaire, facteurs auxquels il faut
associer le manque des ressources longues adaptées aux investissements
durables du secteur Privé, à la faiblesse de l'esprit
d'entreprise et de la culture Industrielle.
D'après le rapport d'activité de la microfinance
de la BCC 2018, la Province du Nord-Kivu comptait vingt-quatre (24) ISFD
agréées par la Banque Centrale du Congo au 31/12/2018 contre
vingt-huit (28) une année plus tôt, résultant de
l'agrément de trois (3) nouvelles institutions mutualistes, la radiation
de quatre (4) COOPEC et enfin n la transformation de trois (3) COOPEC primaires
en agences.
23
Tableau 3 : Répartition par catégorie des
ISFD
Catégories
|
2014
|
2015
|
2016
|
2017
|
2018
|
COOPEC
|
36
|
30
|
25
|
25
|
21
|
IMF
|
2
|
2
|
3
|
3
|
3
|
Total
|
38
|
32
|
28
|
28
|
24
|
Source : BCC
La répartition géographique des institutions
dans la Province du Nord-Kivu laisse entrevoir une forte concentration dans la
Ville de Goma, Chef-lieu de la Province, à l'instar des autres
années, bien qu'en diminution de 37,5 % par rapport à fin 2017.
Cette contraction du nombre des ISFD à Goma est compensée par la
Ville de Beni qui a vu le nombre de ses institutions passer d'un (1) à
trois (3) d'une année à l'autre. Ainsi, la répartition se
présente de la manière suivante :
Tableau 4 : Répartition des ISFD par
province
Villes
|
2014
|
2015
|
2016
|
2017
|
2018
|
Nbre ISFD
|
Part
%
|
Nbre ISFD
|
Part
%
|
Nbre ISFD
|
Part
%
|
Nbre ISFD
|
Part
%
|
Nbre ISFD
|
Part %
|
GOMA
|
24
|
63,2
|
18
|
56,3
|
17
|
60,7
|
16
|
57,1
|
10
|
42
|
BUTEMBO
|
5
|
13,2
|
5
|
15,6
|
7
|
25
|
8
|
28,6
|
8
|
33
|
BENI
|
2
|
5,3
|
2
|
6,3
|
1
|
3,6
|
1
|
3,6
|
3
|
13
|
KIRUMBA
|
2
|
5,3
|
2
|
6,3
|
2
|
7,1
|
2
|
7,1
|
2
|
8
|
KIWANJA
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
KANYABAYONGA
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
LUBERO
|
1
|
2,6
|
1
|
3,1
|
1
|
3,6
|
1
|
3,6
|
0
|
0
|
NYAMILIMA
|
1
|
2,6
|
1
|
3,1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
OICHA
|
1
|
2,6
|
1
|
3,1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
RUTSHURU
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
1
|
4
|
VITSHUMBIRI
|
1
|
2,6
|
1
|
1
|
3,1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
BUTURANDE
|
1
|
2,6
|
1
|
3,1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
TOTAL
|
38
|
100
|
32
|
100
|
28
|
100
|
28
|
100
|
24
|
100
|
Source : BCC
Selon toujours ledit rapport, le total bilantaire des ISFD de
la Province s'est établi à l'équivalent en CDF de USD 40
069 624 à la clôture de l'exercice 2018 après avoir atteint
USD 54 190 635 à fin décembre 2015, soit une régression de
26,1 %. Ce recul s'expliquerait principalement par la
24
dégradation de la situation macroéconomique, la
déconfiture de certaines institutions et l'insécurité dans
certaines parties de la Province.
Tableau 5 : Part des ISFD de la province du Nord-Kivu
dans le total Bilantaire des ISFD de la
RDC
RUBRIQUES
|
|
2014
|
|
2015
|
|
2016
|
|
2017
|
|
2018
|
TOTAL BILANTAIRE
|
|
191 000
|
|
228 593
|
|
258 192
|
|
280
|
221
|
|
240 970
|
|
|
251
|
|
968
|
|
373
|
|
|
924
|
|
377
|
ISFD DU NORD KIVU
|
58
|
851 826
|
62
|
221 091
|
54
|
709 046
|
54
|
190
|
635
|
40
|
069 624
|
Part (%)
|
|
30,8
|
|
27,2
|
|
21,2
|
|
|
19,3
|
|
16,6
|
Var (%)
|
|
15,7
|
|
5,7
|
|
-12,1
|
|
|
-0,9
|
|
-26,1
|
Source : BCC
Bien qu'étant la deuxième Province en termes de
nombre d'institutions, le rapport note que la part de ses ISFD dans le total
bilantaire du secteur n'a été que de 16,6 %, enregistrant de
nouveau une régression de 2,7 points de pourcentage en 2018
comparée à la situation de 2017. Avec une part de 85,7 % du total
bilantaire de la Province, les institutions mutualistes ont vu leurs
activités baisser de 29,1 % de 2017 à 2018. Cette contraction
s'explique principalement par la crise de liquidité qui a affecté
les COOPEC primaires du plus grand réseau du pays, note le rapport.
Il ressort de ce rapport que l'encours de crédit de
l'épargne ont connu des régressions dans les mêmes
proportions, contrairement aux fonds propres qui se sont
légèrement améliorés quoique demeurant
négatifs. L'épargne collectée durant la période
2018 n'a été que très faiblement allouée à
l'activité de crédit. La légère hausse des fonds
propres se justifierait essentiellement de la radiation de certaines ISFD aux
équilibres fondamentaux rompus.
25
I.3. LES FACTEURS QUI INFLUENCENT LE CONSOMMATEUR
VERS LE SURENDETTEMENT En général le terme
consommateur désigne les utilisateurs des produits qui sont sur le
marché. Il s'agit des individus ou des groupes (le gouvernement, les
entreprises,...). Ces derniers ne nous concernent pas dans ce mémoire.
Avant d'élucider ces facteurs, il nous a paru important
d'éclaircir certains vocables qui peuvent sembler difficile pour le
lecteur.
Van Vracem et Jansens-Umflat (1994)14, nous
proposent les définitions des termes comme : consommateur, prescripteur,
le garde barrière, ou acheteur « Un consommateur est un
individu qui achète ou qui a la capacité d'acheter des biens et
des services offerts en vente dans le but de satisfaire de besoins, des
souhaits, des désirs, à titre personnel, pour son ménage
ou pour sa MPME». La décision d'acheter ou de consommer peut
émaner d'une même personne ou de personnes différentes.
C'est pourquoi Van Vracem et Jansens-Umflat vont plus loin en explicitant en
profondeur les termes : le prescripteur, l'acheteur et le
consommateur.
Pour eux :
? Le prescripteur ou l'influenceur : «
C'est l'individu par ses habitudes de consommation ou ses décisions
d'achat ou par ses recommandations, influence le choix du type de produit ou le
choix d'une marque devant être fait par les individus du groupe
».
? Le décideur : « Celui qui prend
la décision finale d'acheter et qui a un certain pouvoir financier. Sa
décision peut différer un peu à celle de la famille
à ce qui concerne le montant total à dépenser ».
? L'acheteur : « C'est toute personne
qui conclut l'acte d'achat ou qui achète habituellement une marque. Il
peut avoir ou non un pouvoir de négocier, ou de choisir l'endroit
d'achat ».
? Le garde-barrière : « C'est la
personne qui en raison du pouvoir ou de l'influence qu'elle exerce peut bloquer
ou contrôler le processus de décision d'achat à tout moment
».
? Le consommateur : « C'est une personne
physique (ou morale) qui acquiert, possède ou utilise un bien ou un
service placé au sein du système économique par un
professionnel sans en poursuivre elle-même la fabrication, la
transformation, la distribution ou la prestation dans le cadre d'un commerce ou
d'une profession15.
14 Van Vracem P., & Janssens-Umflat M. :
Comportement du consommateur: Facteurs d'influence externe: Famille, groupes,
culture, économie et entreprise. Bruxelles, 1994
15 Domont-Naert F. : Consommateurs
défavorisés : crédit et endettement : contribution
à l'étude de l'efficacité du droit de la consommation.
Bruxelles, 1992
26
NB : Dans ce mémoire lorsque nous parlons du
consommateur, il s'agit d'une personne physique ou morale, le MPME au sens de
l'OHADA ou un ménage.
? Le crédit à la
consommation
Dans le colloque organisé par l'observatoire de
crédit et de l'endettement (1995), Yves Ullmo16 a
proposé la définition du surendetté suivant l'approche
normative, subjective et objective.
? Approche normative : les surendettés
sont des emprunteurs au taux d'effort c'est-à-dire que le pourcentage de
taux d'intérêt et du remboursement par rapport au revenu
dépasse arbitrairement le taux fixé.
? Approche subjective : les
surendettés sont ceux qui se présentent comme tels dans une
enquête d'opinion, par exemple ayant des difficultés à
assurer le paiement de leurs dettes ou à subvenir aux besoins de la vie
courante après paiement.
? Approche objective : les surendettés
sont ceux qui présentent des incidents dans le service de leurs dettes
auprès de leurs établissements de crédits, ou ceux qui ont
déposé un dossier devant la commission de surendettement (en
France). En Belgique il s'agira de ceux qui ont demandé le
règlement collectif de dettes.
Il y a surendettement dès lors que les
difficultés sont prévisibles même si elles ne sont pas
encore effectives... la situation de surendettement ne doit pas être
aléatoire, l'intéressé doit prouver avec certitude qu'il
se trouvera dans l'impossibilité manifeste de faire face à
l'ensemble de ses dettes non professionnelles à une date ou une
période déterminée17.
Dans leur ouvrage « la consommation Belge au quotidien
», Deliens & Lefevre (1988)18 , ont défini le
crédit comme une opération par laquelle un prêteur (le
créancier) met à la disposition d'un emprunteur (le
débiteur) une certaine somme d'argent pour permettre à ce dernier
d'acquérir un bien ou service en anticipant sur ses ressources
propres.
Van Vracem et Jansens-Umflat (1994)19
définissent le crédit à la consommation comme « un
crédit à court ou moyen terme consenti à des individus par
des canaux commerciaux réguliers, destiné d'habitude à
financer l'achat des biens et des services de consommation ou à
16 Yves Ullmo, Observatoire de crédit et de
l'endettement, Bruxelles, 1995
17 Chatain P. L. & Ferrière F. :
Surendettement des particuliers. Paris : Dalloz, 2002
18 Deliens C., & Lefevre P. : La consommation
belge au quotidien. Bruxelles : Labor, 1988
19 Van Vracem et Jansens-Umflat, Op Cit.
27
refinancer des dettes encourues à cette fin. » Le
crédit à la consommation est une façon de donner un coup
de pouce au pouvoir d'achat des ménages en cas de besoin.
C'est-à-dire une alternative au revenu disponible quand cela
s'avère nécessaire. Le crédit à la consommation
permet d'acquérir des produits dont il est difficile voire impossible de
se procurer par ses propres moyens. Il existe deux types de crédit
à la consommation :
· Le crédit à remboursement non
échelonné. Le remboursement de prêts est
forfaitaire, souvent en une seule fois. C'est le cas de cartes de voyage ou de
loisir, le crédit pour le carburant, etc.
· Le crédit à remboursement
échelonné. C'est toute sorte de crédit à
la consommation qui doit être remboursés en plusieurs fois.
A Goma, il arrive qu'un MPME/Ménage contracte trop
souvent le crédit à la consommation, ce qui risque de lui
créer une situation de surendettement si ce ménage/MPME ne peut
plus honorer ses dettes. Certains facteurs internes ou externes peuvent pousser
une MPME/Ménage à consommer un bien plutôt qu'un autre.
Dans ce mémoire nous nous limiterons à la simple
définition des facteurs internes, car ils touchent plus à la
psychologie du consommateur, ce qui n'est pas notre objectif principal. Les
facteurs externes seront analysés plus en détail.
|