I.2- Théorie de la zone monétaire
optimale
L'union monétaire a fait l'objet d'étude dans le
cadre du débat entre régimes de change fixe et flexible. Elle ne
constituait pas un objet d'étude spécifique, mais était
assimilée à un système de change fixe, à la fois
dans les discussions académiques et politiques (Fratianni et Von Hagen,
1992). C'est dans ce contexte que s'inscrit la théorie des zones
monétaires optimales, principale approche de l'intégration
monétaire. Elle définit une zone monétaire comme un
domaine au sein duquel les taux de change sont fixes et cherche à
déterminer ses conditions d'optimalité (Mundell, 1961). De
nombreux prolongements théoriques, mais surtout empiriques, ont
été développés dans ce cadre et les critères
des ZMO ont été appliqués à l'Europe entre autre
par Mongelli (2002) et à d'autres régions du monde comme
Eichengreen (1998). Mais cette littérature met plus l'accent sur les
coûts macroéconomiques engendrés par la perte de
l'instrument de taux de change et aborde à peine la question des
bénéfices de l'intégration monétaire.
L'intérêt porté aux unions monétaires,
déterminées plus spécifiquement par une monnaie commune,
s'est ravivé avec la concrétisation de l'intégration
monétaire en Europe, qui, avec la création de l'euro en 1999, a
montré que la constitution
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d'une union monétaire était réalisable
alors que la théorie des ZMO favorisait le pessimiste sur ses chances de
succès (Brack, 2008).
La création de l'Union économique et
monétaire (UEM) en Europe représente un enjeu majeur, non
seulement pour les pays membres, mais aussi pour les autres pays qui pourraient
la rejoindre et pour les pays non-membres, principaux partenaires de l'Union.
D'un autre côté, les crises financières qui se sont
multipliées dans les années 1990 (notamment la crise du
système monétaire européen de 1992-1993 ; la crise
mexicaine de 1994-1995 et la crise brésilienne de 1999) ont conduit de
nombreux économistes à défendre les régimes de
change « extrêmes », tels que la caisse d'émission (en
Argentine, Bulgarie, Estonie et Lituanie) ou l'union monétaire
«dollarisation», considérés comme étant les
seuls viables avec le système de change flexible (Fischer, 2001). Ces
deux événements ont contribué à élargir les
débats dans le domaine de la recherche académique, à la
fois en limitant la portée de la théorie des ZMO et en ouvrant de
nouvelles pistes de recherche. L'expérience européenne procure de
nouvelles données permettant d'analyser empiriquement les effets de
l'union monétaire, et non plus seulement ses conditions
d'optimalité. Elle a montré que les critères mis en avant
par la théorie des ZMO sont endogènes ; l'union monétaire
serait viable ex-post même si elle ne l'est pas ex-ante.
On peut distinguer deux types d'unions monétaires :
l'union monétaire multilatérales et l'union monétaire
unilatérale. Dans les deux cas, il y a abandon de la monnaie nationale
au profit d'une monnaie commune ce qui constitue la définition
généralement admise de l'union monétaire. Dans le cas de
l'union monétaire multilatérale, la souveraineté
monétaire est partagée entre les membres de l'union, alors que
dans une union monétaire unilatérale («dollarisation»
ou «euroisation»), elle est abandonnée au profit du pays
ancre. L'union unilatérale connaît de nombreux
développements. Étudiant la politique de change effective de 66
pays, mesurée à partir de la volatilité relative des
monnaies par rapport à trois ancres potentielles (dollar, mark et yen),
Bénassy-
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Quéré et Deusy-Fournier (1995) montrent que la
majorité des pays considérés tendent de fait à
stabiliser leur monnaie par rapport à une monnaie de
référence : 30 % le font par rapport au mark (essentiellement les
pays de l'Union européenne), et près de 30 % également le
font par rapport au dollar (le yen n'apparaissant pas comme une monnaie
d'ancrage). Ces proportions seraient sans doute plus importantes si l'on
pouvait étudier également des comportements d'ancrage par rapport
à des paniers, et non uniquement des monnaies de
référence. Il est probable que le mouvement d'ancrage sur des
grandes monnaies internationales se poursuivra, renforçant le rôle
régional, sinon international, de l'euro par exemple.
C'est ce que montrent (Bénassy-Quéré
et al., 2004) à propos des pays
sud-méditerranéens et des pays d'Europe centrale et orientale.
Pour ces auteurs, si les pays proches, en termes régionaux, de l'Union
européenne adoptent un raisonnement en termes de zone monétaire
optimale pour définir la monnaie de référence de leur
politique de change, ils auront sans doute intérêt à
retenir l'euro (plutôt que le dollar ou le yen), en raison de
l'importance de leurs liens commerciaux avec l'Union. Par ailleurs, si l'on
admet que ces pays ont également pour objectif la stabilisation de leur
solde extérieur, il apparaît également que l'euro devrait
être la monnaie d'ancrage réel à privilégier, et ce
dans des proportions qui sont importantes, puisque l'euro représenterait
dans la majorité des cas plus de 70 % du panier d'ancrage. L'union
multilatérale est généralement considérée
comme la résultante d'un long processus d'intégration, tandis que
l'union monétaire unilatérale apparaît davantage comme une
solution pour certains pays émergents ou en développement en
proie à une instabilité macroéconomique forte ou
caractérisés par une dollarisation de facto, cette
dernière étant généralement mesurée par la
part des dépôts en monnaie étrangère dans la masse
monétaire : de nombreux pays se caractérisent par une
dollarisation élevée, où les dépôts en
monnaie étrangère dépassent 30 % de la masse
monétaire.
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