CONCLUSION
Dans un contexte de pacte de convergence et de
stabilité, les problèmes
d'hétérogénéité structurelle des
économies et l'effet de jeu non coopératif des politiques
budgétaires continuent d'accentuer la présence d'effets de
débordement budgétaires dans l'UEMOA. Les économies sont
interdépendantes de telle façon que les politiques
budgétaires adoptées par un pays affectent les performances
économiques des autres pays.
L'analyse des résultats de l'indicateur
économique tel que le taux de croissance économique, a
montré un retard d'envol des taux de croissance pro-pauvre dans l'UEMOA.
Nonobstant les progrès enregistrés dans les ambitieux programmes
des Etats, le taux d'évolution de l'activité économique
réelle dans la zone reste en deçà du niveau minimal de 7%
pour réduire la pauvreté (Diaw et Diop, 2015). Par ailleurs, les
indicateurs macroéconomiques montrent les divergences entre pays
à travers des taux de croissance très variables et des niveaux de
dispersion assez significatifs (voir les valeurs des écarts-types en
annexe). De tels résultats confirment également le
caractère structurellement hétérogène des
économies, induisant ainsi des réactions variées face aux
chocs. Les pays de l'union sont essentiellement exportateurs de produits de
base alors qu'ils importent des produits à haute valeur ajoutée.
Dès lors, leur vulnérabilité à la volatilité
des prix devient très fréquente en raison des fluctuations des
cours mondiaux.
L'analyse du tableau de corrélation des cycles
économiques (cf tableau n°2) montre qu'il n'y a pas eu
d'augmentation du caractère symétrique des chocs (en raison de
faible corrélation des chocs liés aux termes de
l'échange). Ceci s'explique notamment par la forte spécialisation
des pays dans la production et surtout l'exportation de matières
premières ; ce qui exclut une complémentarité entre eux.
En outre, il existe une forte hétérogénéité
des structures économiques dans la zone UEMOA où trois (03) types
d'économies cohabitent : des économies sahéliennes
fortement dépendantes des aléas climatiques (Burkina, Mali,
Niger), des économies relativement industrialisées et à
forte dominance des activités de
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services (Côte d'Ivoire, Sénégal) et des
économies côtières dont la dynamique est clairement
tirée par le commerce d'import-export (Bénin, Togo).
Pour ce qui concerne la mobilité du facteur travail,
elle est restée très faible en dépit de l'existence du
traité de l'UEMOA qui prévoit dans son article 4, la libre
circulation et le droit d'établissement des personnes exerçant
une activité indépendante ou salariée. Les mouvements
migratoires semblent être plus liés aux déterminants
historiques et culturels qu'aux ajustements économiques. De plus, les
difficultés que connaît la Côte d'Ivoire, pays le plus
influent de l'Union sur le plan économique, n'ont pas facilité
les migrations de travailleurs en direction de ce pays, dans un contexte de
nationaliste illustré par la notion « d'ivoirité ».
Sur le marché des biens et services, la faible
flexibilité des prix relatifs dans des cas oligopolistiques,
combiné au bas niveau du taux d'épargne pour un marché
financier régional embryonnaire, réduisent les transferts
intra-communautaires au plan microéconomique. Au niveau
macroéconomique, la faiblesse des fonds structurels empêche la
mise en place de politiques d'envergure et de convergence des pôles
régionaux. Le commerce intra- régional est resté faible,
en raison de la structure extravertie des économies (priorité
à l'exportation vers les pays du Nord de matières
premières agricoles et non agricoles), de l'étroitesse des
marchés, de la qualité des infrastructures de transport et de
nombreuses entraves non tarifaires aux échanges.
In fine, c'est un goulot d'étranglement qui s'installe
dans l'union (situation sous-optimale). Pourtant, les questions touchant les
effets de débordement issus des politiques budgétaires nationales
continuent de diviser les économistes comme Marshall (1898) ; Pigou,
(1920) ; Benassy et Schalck (2007) ; Levine et Brociner, (1994). Tous ont
longtemps mis l'accent sur l'importance des répercussions
budgétaires en cas d'austérité et où de relance.
Cette situation nous oblige à aller vers une revue de littérature
économique pour mieux cerner les controverses théoriques et
empiriques portant sur les politiques budgétaires et leurs effets.
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CHAPITRE II : FONDEMENTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES DE LA POLITIQUE
BUDGETAIRE
EN UNION MONETAIRE
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Le débat sur l'efficacité de la politique
budgétaire continue d'opposer les économistes de la nouvelle
économie classique (NEC), ceux de la nouvelle économie
keynésienne (NEK) et ceux de l'économie géographique. Un
des arguments les plus solides consiste à admettre que la politique
budgétaire n'a pas d'effet favorable sur l'activité
économique (Creel et al., 2004). De ce fait, les Etats membres peuvent
l'abandonner sans crainte surtout que les déficits publics semblent
nuisibles, à cause notamment de la hausse des taux
d'intérêt qu'ils provoquent, ainsi que de la baisse de la demande
privée (puisque les agents anticipent les impôts qu'ils devront
payer demain) et de l'offre (en raison de l'anticipation de hausse future des
impôts) qui en découlent.
L'objet de ce chapitre est de passer en revue les arguments
à la fois théoriques et empiriques relatifs à la zone
monétaire optimale, aux politiques budgétaires et ses effets de
transmission et la coordination des politiques budgétaires. Pour cela,
il est scindé en quatre grandes sections : la section (I) la
théorie de la zone monétaire optimale, section (II)
présente la politique budgétaire en union monétaire, la
section (III) met l'accent sur les mécanismes de transmission des effets
budgétaires et la section (IV) explique la coordination comme une
réponse à l'efficacité budgétaire dans l'union.
SECTION I : THEORIE DE L'UNION MONETAIRE OPTIMALE
On peut définir une union monétaire comme une
zone géographique dans laquelle circule une monnaie unique qui est
à la fois le moyen de paiement dominant et la principale unité de
compte. S'il est clair qu'une union monétaire interdit toute politique
monétaire indépendante aux pays membres, il n'est évident
qu'il aille de même pour la politique budgétaire, (Bovenbers et
al., 1991). S'il existe un marché financier développé sur
lequel les gouvernements peuvent emprunter, ils n'ont pas besoin de recourir au
financement monétaire. C'est pourquoi on soutient parfois que les
conditions monétaires ne seront pas perturbées par des politiques
budgétaires indépendantes et même divergentes. C'est
pourquoi, nous allons aborder d'abord les fondements d'une union
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monétaire, ensuite la théorie de
l'optimalité pour une zone monétaire et enfin les critères
d'optimalité.
I.1- Fondements théoriques d'une union
monétaire
Mundell (1961) est le premier économiste qui a
jeté les fondements théoriques de l'union monétaire,
notamment celle européenne. Sa théorie des zones
monétaires optimales est l'une de ses plus importantes contributions
scientifiques qui a servi dès les années soixante de cadre
d'analyse aux nombreux débats sur le bien-fondé de la
création d'une monnaie européenne. Mundell va être un
ardent partisan de l'Euro dont il est considéré comme le parrain.
Paradoxalement, sa théorie va être utilisée par de nombreux
économistes pour s'opposer à l'Union monétaire
européenne et pour mettre en doute ses chances de succès. Dans sa
théorie des ZMO, il mène son analyse à partir d'une
interrogation fondamentale : quels sont les critères économiques
selon lesquels diverses régions du monde pourraient décider
d'adopter une monnaie commune ?
A partir du concept de région, Mundell envisage une
nouvelle carte monétaire du monde. Ainsi une région allemande
pourrait s'allier avec une région française pour créer
leur propre monnaie et abandonner le franc et le mark. Il prend l'exemple de
l'Amérique du Nord pour élucider son idée. Dans quelles
conditions pourrait-il être avantageux pour l'Ouest du Canada et l'Ouest
des États-Unis de s'allier pour créer une monnaie de l'Ouest,
ainsi que pour les parties Est des deux pays de créer une monnaie propre
à l'Est du continent ? Les relations entre ces deux nouvelles monnaies,
qui supplanteraient les dollars canadiens et américains, seraient
régies par un taux de change flottant. Pour répondre à
cette question, il développe une analyse dans laquelle il met en exergue
les coûts et bénéfices de l'union monétaire. Les
avantages de l'adoption d'une monnaie commune comprennent la réduction
des divers coûts de transaction qu'entraîne l'existence de monnaies
différentes, un gain en liquidité de la monnaie dû
notamment à l'extension de son aire de transactions, dont
bénéficiera également l'ensemble des marchés
financiers. Les désavantages potentiels proviennent de
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la suppression du taux de change entre les composantes de
l'union : il n'est plus possible de laisser le taux de change absorber les
chocs qui viendraient frapper de façon asymétrique les diverses
régions d'une union monétaire.
Ainsi donc la constitution d'une union monétaire
implique l'abandon de la politique monétaire à une instance
supranationale (banque centrale). Cette disposition est susceptible d'engendrer
des coûts qui peuvent mettre à mal l'union. C'est pourquoi la
théorie de la zone monétaire définit au départ par
Mundell (1961) énumère les critères que doivent remplir
les pays candidats à une Union Monétaire pour minimiser les
coûts liés à l'abandon de l'instrument monétaire.
À la suite de Mundell, plusieurs autres critères ont
été définis, notamment par McKinnon (1963) ; Kenen (1969)
; Ingram (1969) ; Cooper (1977) et Kindleberger (1986).
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