La protection des enfants lors des conflits armés dans la région des grands lacs. L'exemple de la république démocratique du Congo.par Albert Damase Lamine Diatta Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016 |
B. L'arrestation de Thomas Lubanga, une lueur d'espoirNombreux sont ceux qui ont attenté à la vie des enfants en RDC, nombreux sont les acteurs au conflit qui ont eu recours à certaines méthodes interdites qui ont gravement touché les enfants. Cependant, ce n'est pas tout le monde qui a été incriminé et puni. Et la RDC, en tant qu'Etat partie à la Convention de Rome, est le premier pays ayant déféré ses nationaux responsables de crimes de guerre à la Haye pour y être jugés et dont le plus célèbre est Thomas Lubanga Dyilo. Ce dernier est un ancien chef-rebelle et ancien président de l'Union des Patriotes Congolais (UPC).97(*) Son arrestation longtemps réclamée par les victimes est le fruit de la coopération entre la CPI et l'Etat congolais. C'est pourquoi, elle sera considérée comme la fin d'un déni de justice après tant d'années de patience. Ainsi, il convient de signaler que « c'est encore grâce à la RDC que la cour pénale internationale connait ses premières affaires et expérimente le principe de la complémentarité »98(*). En effet, Thomas Lubanga a vu sa responsabilité individuelle engagée pour deux raisons. D'abord les faits qui lui sont reprochés sont assimilés aux crimes prévus par le Statut de Rome et d'autre part par le fait qu'il était un supérieur hiérarchique au sein de la faction rebelle qu'il dirigeait. Il y a donc une « coaction » en vertu des articles 8.2.e) VII) et 25.3.a) du statut.99(*) En réalité, Thomas Lubanga est accusé pour crime de guerre, pour les crimes de conscription et d'enrôlement des enfants de moins de 15 ans et d'incitation des enfants à participer activement aux hostilités à l'Est du Congo dans la province d'Ituri. Et en tant que président de l'UPC, il avait pour principale ambition de s'emparer du pouvoir en Ituri. Et pour y parvenir la branche politique était insuffisante, ce qu'il a conduit à mettre en place une aile armée en 2002 avec ses coauteurs connue sous l'appellation Forces Patriotiques pour la Libération du Congo (FPLC). Et c'est à cette occasion qu'il a procédé à des recrutements massifs d'enfants de manière forcée et volontaire sans considération d'âge entre le premier septembre 2002 et le 13 août 2003. Ces derniers recevaient une formation militaire de base dans les camps. Ainsi, des enfants ont été déployés en tant que soldats à Bunica, Tchomia, Kasenyi, Bogoro, et ont participé à des combats, notamment à Kobu, Songolo, et Mongbwalu. Et il a même été prouvé que l'UPC/FLPC a utilisé des enfants de moins quinze-ans comme garde militaires.100(*) D'ailleurs, il y a eu aussi la création d'une unité spéciale, dite des « kadogo » formée pour la plupart de jeunes âgés de moins de quinze-ans. Mais les faits ne s'arrêtent pas seulement au recrutement, car il s'y ajoute d'autres traitements et châtiments très sévères, des régimes de formation durs et même de viols. C'est ainsi qu'en 2003, sur initiative du Procureur, le Gouvernement congolais a déféré l'affaire devant la Cour le 3 mars 2004, qui sera suivie de l'ouverture d'une enquête le 21 juin 2004. Ceci va aboutir à la délivrance sous-scellée d'un mandat d'arrêt à l'encontre de M. Lubanga en date du 10 février 2010. Et le 17 mars 2006, Thomas Lubanga qui était en détention au centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa est remis à la CPI par les autorités congolaises, mais va être transmis par la suite à la cour de la Haye. Puis le 29 mars 2007, dans une décision, les juges de la chambre préliminaire confirment les charges de crimes de guerre à l'encontre de l'accusé. Cependant la procédure sera suspendue le 13 juin 2008 par la chambre de première instance pour défaut transmission des dossiers aux juges et de communication à la défense d'importants éléments de preuves potentiellement à décharge, mais cette suspension sera levée le 8 juillet 2009 et le procès est ouvert devant la chambre de première instance le 26 janvier 2009. C'est finalement le 14 mars 2012 que le verdict va être rendu. La chambre de première instance de la Cour internationale a à l'unanimité, déclaré Thomas Lubanga Dyilo coupable en tant que coauteur des crimes de guerre relatifs à la conscription et à l'enrôlement d'enfants de moins de quinze-ans et pour leur participation directe aux hostilités.Cette condamnation constitue ainsi une lueur d'espoir pour toutes les victimes qui s'attendaient à ce que justice soit faite, et pour ceux qui étaient pessimistes quant à la possibilité de faire condamner ces acteurs au conflit ayant violé les droits des enfants. En somme, même s'il y a encore des difficultés à condamner certains responsables politiques et militaires ayant recouru aux enfants soldats, la condamnation de Thomas Lubanga Dyilo montre ainsi que le droit international humanitaire malgré ces difficultés d'applications est bien effectif. De même, la chambre a également prononcé le 7 août de la même année, les principes applicables aux réparations pour les victimes. * 97 UPC : Union des Patriotes Congolais créée le 15 septembre 2000 grâce au soutien de l'Ouganda. * 98 MPIANA, Joseph Kazadi, « La cour pénale internationale et la République Démocratique du Congo : 10 ans après. Etude de l'impact du Statut de Rome dans le droit interne congolais», Revue québécoise de droit international, janvier 2012, p. 58. * 99 Kane Ahmeth Fadel, op.cit., 363. * 100 Fiche d'information sur l'affaire Procureur c/Thomas Lubanga Dyilo, ICC-PIDS-CIS-DRC-01-014/16-FRA, 10 février 2010, p.2. |
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