La protection des enfants lors des conflits armés dans la région des grands lacs. L'exemple de la république démocratique du Congo.par Albert Damase Lamine Diatta Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016 |
B. La prolifération des groupes armés, un facteur favorisant l'enrôlement continu des enfants en RDCL'une des principales difficultés d'application des règles du DIH en RDC est la prolifération des groupes armés. En effet, dans ce pays les groupes armés ne cessent de voir le jour. D'ailleurs « en raison de la prolifération de petits groupes armés et de la dispersion des mouvements et rebelles de plus grande ampleur, la configuration des groupes armés dans l'Est du Congo est de plus en plus fragmentée. »58(*) Aujourd'hui, rien que les provinces du Kivu à elles seules, comptent plus de soixante-dix groupes. Et pourtant ce ne sont pas des groupes de grande envergure, mais plutôt des groupes avec un nombre souvent inférieur à trois-cent personnes. La majeure partie est congolaise mais il y a également des groupes étrangers. On peut y trouver de vastes mouvements militaires dotés de structures politiques élaborées, de groupes politiques dénués d'aile politique, de petites milices villageoises de défense locale et même de factions qui ne s'apparentent guère plus qu'à des gangs. Si certains groupes en raison de leur capacité militaire et de leur influence politique significatives inspirent la menace du côté de Kinshasa, d'autres par contre se confinent dans les coins les plus reculés du pays et causent par conséquent plus d'ennuis à la population qu'au Gouvernement congolais. Ces derniers étant considérés comme des voyous qui attaquent les civils innocents, et sans défense. Ainsi la « plupart des groupes armés actuellement présents dans l'Est de la RDC, sont le résultat direct des Première (1996-1997) et Deuxième (1998-2003) Guerres du Congo et de la période de la transition qui s'en suivit (2003-2006), se concluant par les élections de 2006 .»59(*) Mais cette fragmentation des groupes armés provient de la conjugaison de plusieurs facteurs, à savoir l'implication grandissante de plusieurs acteurs politiques au niveau micro-local dans la politique militarisée, il y a également la volatilité de la dynamique des conflits locaux, et le recours à des politiques militaires contre productives. Ainsi face à ces fourmillements de groupes armés, il n'est point étonnant que certaines règles du DIH soient violées ou inappliquées, surtout celles relatives à la protection des droits des enfants. En réalité, ces groupes armés qui voient jour ont besoin de beaucoup d'éléments pour agrandir les troupes afin de pouvoir s'affirmer et pour cela, ils n'hésitent pas à enrôler et même à recruter des enfants-soldats. En effet, avec le caractère très meurtrière et prolongé de la guerre en RDC, les groupes armés perdent beaucoup d'hommes et se retrouvent à court de ressources humaines. C'est pourquoi « ceux-ci sont donc obligés de recourir aux enfants, qu'ils enrôlent de force pour renforcer leurs effectifs. »60(*) Ceci constitue une violation grave des droits des enfants et même assimilé au crime de guerre par le Traité de Rome. Alors, plus les groupes se multiplient, plus on retrouve davantage d'enfants dans les rangs. Car, malgré leur âge relativement jeune, les enfants s'avèrent parfois plus efficaces que les adultes et ce pour plusieurs raisons. Ils sont de nature impressionnable mais aussi susceptible d'être modelés en instruments de guerre impitoyables et dociles. Ils coûtent moins cher que les adultes, mangeraient moins, accepteraient un solde minime par rapport à celui des soldats adultes. Mais, la multiplication des groupes armés en RDC et le recours aux enfants soldats sont tributaires à l'utilisation d'armes légères ou de petit calibre, parce que les enfants en raison de leur stature ne peuvent qu'utiliser des armés de ce genre étant donné qu'ils sont appelés à se déplacer avec. Ces armes sont plus pratiques et plus faciles à être maniées, plus disponibles, abordables et faciles à transporter, à fabriquer, à entretenir et à utiliser.61(*) Ainsi ces armes causent plus de dégâts et sont plus ravageuses car les enfants les prennent parfois pour des jouets alors que ce sont des armes qui sont des fois extrêmement dévastatrices. Et le commerce mondial des armes légères est estimé en 2009 à environ 4 milliards de dollars américains par an.62(*) La prolifération des groupes armés en RDC vue sous cet angle, contribue à rendre difficile l'adaptation des règles du DIH aux réalités du terrain et constitue par ailleurs un obstacle d'ordre pratique. Ainsi il est aisé de constater que les obstacles d'ordre pratique s'accompagnent dans ce contexte de lacunes d'ordre juridique en RDC. * 58 Verweijen Judith et Wakenge Iguma Claude, « Comprendre la prolifération des Groupes armés dans l'Est du Congo », Rift Valley Institute PSRP Briefing 7, décembre 2015, p. 1. * 59 Jason Stearns alii, « Armée nationale et Groupes armés dans l'Est du Congo. Trancher le noeud gordien de l'insécurité. », Institut de la Vallée du Rift, 2013, p. 16. * 60 Fofack Wilson Eric, « Les enfants victimes des conflits armés : pratiques et lutte en Afrique », GRIP, 3 août 2015, p. 5. * 61 Les enfants et les conflits armés, op.cit., p.284. * 62 Small Arms, « Les ombres de la guerre.Small Arms Survey Yearbook 2009 », Genève, 2009, p. 7-11. |
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