La protection des enfants lors des conflits armés dans la région des grands lacs. L'exemple de la république démocratique du Congo.par Albert Damase Lamine Diatta Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016 |
Paragraphe 2: Les difficultés d'adaptation des règles du DIH aux réalités du terrainIl faut noter que d'efforts ont été consentis par la Communauté internationale afin d'assurer la protection des enfants dans les conflits armés et particulièrement en RDC qui demeure encore une zone prolifique en conflits. Mais il se trouve que le DIH se heurte parfois à plusieurs problèmes. Ainsi, s'il est interdit aux chefs des armés et des groupes de guerres de faire participer les enfants aux conflits, certains contextes font que ces mêmes enfants décident parfois de participer aux conflits (A). De même, notons également que la prolifération des groupes armés entraine une difficulté d'adaptation (B). A. L'engagement volontaire des enfants dans les forces arméesSi interdiction est faite aux acteurs des conflits de procéder à des recrutements d'enfants conformément à l'article 4 alinéa 3 du PA II au terme duquel « les enfants de moins de quinze ans ne doivent pas être recrutés par les forces ou groupes armés, ni autorisés à prendre part aux hostilités », il arrive parfois que les enfants eux-mêmes s'engagent volontairement sous les drapeaux. Cette situation rend complexe l'adaptation des règles du DIH aux conflits armés internes. En effet beaucoup d'enfants s'engagent dans les forces armées, aussi bien gouvernementales que non gouvernementales. Cet engagement ne pose pas trop de problème du côté des forces armées régulières parce qu'elles sont soumises à une certaine réglementation, par contre il l'est beaucoup plus du côté des groupes armés. Le Protocole facultatif de la Convention internationale des Droits de l'Enfant interdit l'engagement volontaire des enfants de moins de seize ans. Et en RDC on peut constater un réel engagement volontaire des enfants dans les forces armées toutes confondues. Et contrairement à la conscription, l'engagement volontaire des enfants peut être conçu comme tout acte librement consenti sans pression préalable de la part de l'Etat ou de tout autre groupe armé mais dans tous les cas, aucun texte de la RDC ne prévoit un recrutement volontaire des enfants. Ainsi plusieurs raisons justifient cet engagement volontaire, et selon Graça Machel les enfants « peuvent être mus par des facteurs et notamment des pressions culturelles, sociales, économiques ou politiques. »55(*) Alors « ils se présentent volontairement pour la conscription obligatoire alors qu'ils n'ont pas l'âge requis. »56(*) Ce volontarisme peut également s'expliquer par d'autres motifs tels que le désir de vengeance, le prestige de l'uniforme, les concepts religieux, la recherche de la sécurité et de protection etc... En RDC, le recrutement volontaire se traduit tout simplement par l'expression de la volonté de l'intéressé de vouloir intégrer le groupe armé. Il suffit d'un acte d'allégeance par lequel le volontaire se présente tout simplement devant le « Seigneur de guerre » et lui fait part de son intention d'appartenir à son groupe en devenant soldat. Et dans ce cas aucune condition concernant le critère d'âge n'est fixée car tout simplement tout ce qui intéresse le « Seigneur de guerre » c'est de voir grandir son entreprise de prestation de « services belliqueux ». Mais, il y a un autre facteur explicatif du phénomène de militarisation des enfants à travers leur engagement volontaire, il s'agit du millénarisme en RDC qui permet de comprendre l'impact du religieux dans les conflits armés dans ce pays. En effet, le dictionnaire Larousse définit le millénarisme comme un « ensemble de croyances à un règne terrestre eschatologique du Messie et de ses élus, censé devoir durer mille ans. » C'est également un mouvement de pensée contestant l'ordre social et politique existant, réputé décadent et perverti, et attendant une rédemption collective en se référant à une croyance à un paradis ou un retour d'un homme charismatique. » Et en RDC, le millénarisme a une emprise importante sur la conduite et les agissements de groupes armés. . Et dans les provinces du Katanga et du Kivu, comme dans l'Est de l'Afrique, le mouvement millénariste précurseur a été le « Kitawala ». Or dans la région des Grands Lacs, le mouvement Kitawala a été à l'origine des premières révoltes dans la province du Kivu en 1944, où la présence des jeunes était massive.57(*) Ainsi, les leaders qui recrutent font alors croire aux enfants à l'avènement d'un royaume nouveau et de la nécessité de se rallier à eux. Cette situation qui échappe au DIH rend alors compliquée l'adaptation et le respect de ses règles. Mais, l'engagement volontaire n'est pas le seul élément pouvant rendre difficile l'adaptation des règles du DIH aux réalités du terrain, mais aussi il y a la prolifération des groupes armés. * 55A/51/306, op. cit., § 38. * 56 Action for the Right of Children (ARC), Enfants soldats, septembre 2002, p. 9. * 57 Ngondzi Jonas Rémy, Enfants-soldats, conflits armés, les liens familiaux : Quels enjeux de prise en charge dans le cadre du processus de DDR ? Approche comparative entre les deux Congo, Université Montesquieu Bordeaux IV, 18 décembre 2013, p. 143. |
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