La protection des enfants lors des conflits armés dans la région des grands lacs. L'exemple de la république démocratique du Congo.par Albert Damase Lamine Diatta Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016 |
INTRODUCTIONLa guerre, telle qu'elle est de nos jours, n'est pas un phénomène nouveau. Il s'agit en réalité, d'une situation qui a, et qui marquera à jamais l'histoire de l'humanité. Les hommes ont longtemps vécu dans un monde où règnent des rapports de forces, des situations d'extrêmes violences entre les peuples, les groupes, les communautés, les nations, ou entre les ethnies. Et il est clair que, à chaque conflit, les pertes en vie et en ressources se multiplient. Ainsi, face à cette situation, il n'en demeure pas moins que certaines personnes imbues de bonne volonté ont toujours tenté d'oeuvrer pour la réduction de ces atrocités. Et depuis plusieurs siècles, l'humanité s'est tant bien que mal efforcée d'apporter son aide afin de préserver les populations innocentes des conséquences de la guerre. Malheureusement, la guerre n'a jamais cessé et n'est pas encore prête de cesser, car malgré les efforts consentis, elle perdure et devient plus atroce, plus complexe et plus néfaste sur tous les points de vue. D'ailleurs, il ne se passe guère un jour sans que les médias rapportent des nouvelles de combats en quelques points du globe et invariablement, le récit fait état de victimes et de leur souffrance.1(*) Ainsi, puisque la guerre est inévitable, il urge alors de trouver des mécanismes afin de la réglementer pour venir en aide aux personnes qui ne sont pas concernées ainsi que certains biens qu'elles fréquentent le plus souvent, d'où la pertinence de l'intervention de la Communauté internationale pour tenter de réduire toutes ces gravités pour non seulement, extirper les populations de ces atrocités mais également, préserver la sauvegarde de la dignité humaine. Car en raison « des violences et de la destruction des repères familiaux qu'ils engendrent, les conflits modifient les bases de la société, créent la méfiance entre les personnes, fragilisent les relations de confiance et limitent les contacts et la communication ».2(*) Cependant, il a fallu patienter jusqu'à la seconde moitié du XIXème pour voir l'apparition des traités qui organisent la conduite des hostilités ainsi que des dispositions consacrées au droit et à la protection des victimes des conflits armés. Cette communauté internationale est à l'origine de ces traités et du droit international humanitaire moderne tel que nous le connaissons aujourd'hui. Le DIH est donc l'arme essentielle dont dispose la Communauté internationale pour parvenir et réduire les peines et les souffrances des victimes lors des conflits armés et en même temps assurer leur protection. Communément appelé « droit des conflits armés » ou encore « droit de la guerre », le DIH est le droit qui régit les rapports entre les Etats, les organisations internationales ainsi que d'autres sujets de droit international. C'est une branche du droit international public et est composé de règles qui s'appliquent durant les conflits armés afin d'assurer la protection, pour des motifs humanitaires, les personnes qui ne participent pas, ou plus, aux hostilités tout en limitant les moyens et méthodes de guerre. Autrement dit le DIH est formé de règles inscrites dans les traités internationaux ou qui proviennent de la coutume. Ce sont des règles qui s'appliquent spécifiquement aux conflits armés internationaux et non internationaux. De nos jours on assiste moins à des affrontements entre les Etats ce qui veut dire que les conflits armés internationaux se font rares, et que nous sommes plutôt en présence des conflits qui se déroulent à l'intérieur des frontières et font encore beaucoup plus de victimes. Malheureusement, notre chère continent a été touché et ravagé par les conflits armés non internationaux surtout dans la région des Grands Lacs et particulièrement en République Démocratique du Congo, un pays riche malheureusement en expérience et où on assiste à des violations graves des règles du DIH. De même l'Afrique noire donne aujourd'hui l'image d'un continent profondément marqué par le déferlement de la violence et violations massives des droits de l'Homme. « Et des images apocalyptiques sont rapportées en longueur de temps par les médias des massacres qui embrasent périodiquement la région des Grands Lacs et l'Afrique centrale ».3(*) En effet, l'échec de l'Etat postcolonial ne traduit pas simplement l'incapacité des politiciens africains à diriger leurs Etats sur la base des principes de la démocratie moderne, comme certains veulent l'affirmer4(*). Et à y regarder de près, elle exprime l'échec historique de mettre à jour les institutions et structures administratives, économiques et politiques issues de la colonisation, en les adaptant au modèle de participation et de tolérance qui intègre les différences. En réalité dans la région des Grands Lacs, la situation paraît plus que complexe et la RDC qui se situe au coeur de cette région n'a pas échappé à ces situations d'extrêmes violences. D'ailleurs, même le « commun des mortels peut noter sans effort particulier que la sous-région africaine des grands lacs est un espace de l'état de guerres civiles, de conflits interethniques, de conflits interétatiques. »5(*) Et la RDC a toujours été marquée depuis son indépendance, et voire même avant, par une succession de guerre civiles, de violences armées, de rebellions, d'assassinats politiques entrainant ainsi un bilan lourd de conséquences. Ainsi, plusieurs causes viennent expliquer le pourquoi de ces troubles qui sont d'ordre politico-ethnique ou économique. D'abord il faut noter que des luttes politico-ethniques dans la région des Grands Lacs ont beaucoup secoué le pays et surtout en 1994 avec le génocide du Rwanda où Hutus et Tutsis s'affrontaient sans merci et faisant ainsi plus de un million de victimes. « Ainsi le génocide rwandais et le flux de réfugiés ont conduit à un développement des conflits en RDC6(*). Ensuite, l'une des causes de ces conflits interminables est également liée à l'exploitation abusive des ressources congolaises depuis les temps de la colonisation. En réalité, cette deuxième cause n'est pas à négliger si l'on sait que la RDC est un pays immensément abondant en ressources naturelles et ne finit pas d'attirer les grandes puissances, ce qui fait que plusieurs guerres sont également liées à l'exploitation massive de ces richesses. Les raisons fondamentales résident dans la recherche du pouvoir de contrôle de Kinshasa en vue de l'accès libre aux immenses ressources dont regorge la République Démocratique du Congo.7(*) Ces guerres sont devenues tellement violentes et complexes, que seules les populations en souffrent le plus, mais surtout les enfants qui revêtent la double tunique de « victimes » et « acteurs » à la fois. Et c'est dans ce contexte que s'inscrit ce sujet « La protection des enfants lors des conflits armés internes dans la zone des Grands Lacs : l'exemple de la RDC ». Dès lors que faudrait-il comprendre par protection des enfants dans les conflits armés ? Ainsi par cette protection des enfants, il faudrait comprendre l'ensemble des mesures ou garanties qui visent à défendre les enfants dans les conflits armés. C'est également le fait de mettre ces derniers hors état de danger, de leur apporter les aides nécessaires, de les protéger contre toutes formes d'attaque et de violence ou d'atteinte à leur intégrité physique. Il s'agit donc des mesures qui sont consacrées aussi bien par les textes nationaux qu'internationaux. Et, au terme de l'article 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant « Un enfant est un être humain qui n'a pas encore eu dix-huit ans ». Quant à la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant définit l'enfant comme « tout être âgé de moins de dix-huit ans ». Mais la définition de l'enfant varie d'un Etat à un autre, car chaque Etat possède sa propre conception de l'enfant, et dans l'état actuel du droit des conflits armés seuls les enfants âgés de plus de quinze ans peuvent participer aux conflits. Il demeure alors opportun de définir la notion de conflit armé interne également appelé conflit armé non international. Et dans la jurisprudence du TPIY le « conflit armé non international, ou conflit armé interne, existe dès lors que les violences prolongées ont lieu entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes entre eux, sur le territoire d'un ou de plusieurs Etats ». Le CICR définit le conflit armé non international comme un affrontement prolongé qui oppose les forces armées gouvernementales aux forces d'un ou de plusieurs groupes armés, ou de tels groupes entre eux, et qui se produit sur le territoire de l'un des Etats parties aux Conventions de Genève. Quant à la région des Grands Lacs, c'est l'ensemble des Etats composé par la Tanzanie, l'Ouganda, le Burundi, le Congo et le Rwanda. Il s'agit d'une entité géographique caractérisée par un relief accidenté, une densité humaine élevée et une grande proximité culturelle, notamment linguistique et dans lequel l'ethnie est devenue un facteur de déchirement. Ainsi, pour mieux cerner et rester dans le cadre du sujet, nous allons pencher nos développements sur les garanties fondamentales qui sont prévues par le DIH pour assurer la protection des enfants lors les conflits armés non internationaux dans la région des Grands Lacs. Autrement dit notre travail consistera à montrer comment la protection des enfants est-elle assurée lors des conflits armés internes spécialement en RDC qui demeure notre champ d'étude. Aujourd'hui, la situation des enfants en RDC est devenue tellement préoccupante que la Communauté internationale s'est beaucoup penchée sur cette question et les propositions ne cessent de voir le jour afin d'atténuer la souffrance des enfants lors des conflits. Et même si beaucoup d'amélioration ont été apportées dans les textes conventionnels garantissant d'avantage la protection des enfants, il n'en demeure pas moins qu'ils ne s'expriment pas tous de la même manière au point d'entrevoir certaines marges profitables aux Etats ou parties aux conflits. Il ressort de ces considérations que ce sujet revêt un intérêt pratique car l'application des normes du DIH lors des conflits armés pose problème. En réalité, malgré les efforts consentis par la Communauté internationale pour l'amélioration et l'adaptation des textes conventionnels, il reste qu'il y a d'énormes difficultés dans leur mise en oeuvre car les règles du DIH ne cessent d'être violées. La protection des enfants dans les conflits armés internes en RDC est d'une importance capitale dans la mesure où depuis le déclenchement des hostilités ce sont les enfants qui en souffrent le plus car étant doublement impliqués. S'ils ne sont pas victimes des effets des violences, ils en sont les auteurs par leur enrôlement dans les forces armées pour y être des enfants-soldats. Dès lors toute une série de questions nous traverse l'esprit à savoir : quels sont les mécanismes fondamentaux de protection des enfants victimes des conflits armés internes ? Quels sont les mécanismes de mise oeuvre de cette protection ? Qu'en est-il de son effectivité en RDC? Et toute cette série de questions nous permet d'aboutir à une seule et unique question à savoir : Quel est le degré d'effectivité des mécanismes de protection des enfants lors des conflits armés internes dans la Région des Grands Lacs et plus particulièrement en RDC ? Ainsi notre démarche consistera d'abord, à montrer que le DIH a consacré des mécanismes de protection avec une protection générale reconnue aux enfants contre les attaques en tant que victimes civiles car les enfants font également partie des populations qui, en principe ne sont pas concernés par les conflits armés, et une protection spéciale contre la participation des enfants aux hostilités qui font souvent l'objet d'enrôlement dans les forces armées aussi bien régulières que irrégulières. Mais, il faudrait savoir que la consécration des mécanismes n'est guère suffisant c'est pourquoi des moyens de mises en oeuvre ont été prévus également comme la prévention des violations faites aux enfants pendant les conflits ainsi que la répression aux niveaux national et international. Ensuite, toujours dans notre approche nous avons tenté de ressortir ce qui pourrait constituer comme entraves à la mise en oeuvre de ces mécanismes. Ressortir ces problèmes n'a pas été facile, car il y a beaucoup de facteurs et paramètres auxquels il fallait tenir compte, tels que les facteurs politique, économique, ethnique et même religieux. Et il se trouve que d'une part ce sont des obstacles d'ordre pratique et d'autre part des lacunes d'ordre juridique. Enfin, nous avons essayé de montrer que malgré les difficultés, ces mécanismes sont toujours à la quête d'une exhaustivité au regard des efforts qui sont toujours en train d'être déployés. En effet, la Communauté internationale s'implique d'avantage dans la protection des enfants en RDC et procède à une redynamisation des mécanismes de protection des enfants. Le DIH, est donc un droit qui s'applique directement aux conflits armés internationaux ou non internationaux afin de sauver les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, tout en limitant les moyens et méthodes de guerre. C'est un droit qui agit pour des motifs d'ordre humanitaire et s'efforce de préserver le respect de la dignité humaine. Alors les enfants étant les plus affectés dans les conflits armés internes en RDC, en raison de leur vulnérabilité et de leur maigre capacité de résistance, il urge alors d'appliquer les mécanismes fondamentaux de protection des enfants dans les conflits armés internes (Première partie) avant d'aborder l'effectivité relative de ces mécanismes de protection (Deuxième partie). * 1 Emanuelli, Claude, « Introduction au droit international applicable dans les conflits armés, Etudes internationales, vol. 23, n°4, 1992, p. 723. * 2 Prévention et résolution des conflits violents et armés, Bureau international du Travail, Genève, 2010, p. 12. * 3 MUMBALA ABELUNGU, Junior, Le droit international humanitaire et la protection des enfants en situation de conflits armés (Etude de cas de la République Démocratique du Congo), Université de Gand, Thèse soutenue en 2017 sous la direction de Prof. Dr. An CLIQUET et Prof. Dr. em. Eduard. p. 37 * 4 LEMEMBU KASANDA Albert, «La mondialisation et la résistance culturelle en Afrique, du vertige d'une utopie à la tentation du réalisme» dans ALTERNATIVE SUD, Vol. 7, Mars 2000, p.31-45. * 5 NTIRUMENYERWA M. KIKMONYO Gervais, « La crise dans la sous-région des Grands Lacs : Quand les protagonistes tournent le dos au droit », L'Afrique des Grands Lacs, Kinshasa, mai 2015, p.255. * 6 Philipe Hugon, « conflit armé et trappes à pauvreté en Afrique », Afrique contemporaine, 2006/2 (n°218), p. 37. * 7 Katond Diur, « Coopération militaire et paix sein des pays de la SADC » in démocratie et paix en RDC, Kinshasa, PUK, 1999, p.207. |
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