II - L'image de Capri
a. L'île de Capri
Lorsqu'on évoque Tibère, on pense
à Capri, au mythe d'un « tas de pierres informes, couvert d'une
vigoureuse végétation, reprennant leur aspect primitif et leurs
couleurs; des palais resplendissants
202. Beesly 1878, p. 115
203. Rolland 2014, p. 192
204. Lyasse 2011, p. 11
205. Beulé 1868, p. 147
206. Ibid., p. 151-152
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se dressant à nouveau sur les hauteurs et
dans les replis des fertiles vallées; du milieu des pierrailles et des
ruines s'élèvant des escaliers et des galeries ouvertes, peintes
de couleurs vives; des colonnes et des statues émergeant des jardins
impériaux.207». Pourtant, rien ne subsiste de
l'île de l'Antiquité, pas même un escalier208.
Capri est devenue une île touristique, qui nous renseigne davantage sur
les vacanciers de la « jet-set » des années 60 ou sur les
films de la Nouvelle Vague, tel le Mépris de Jean-Luc Godard,
que sur les empereurs qui y sont associés.
Capri, ou Caprée, devient une
propriété du prince en 29 av. J.-C., date à laquelle
Auguste fait la connaissance de l'île. La légende veut qu'il y ait
vu renaître un arbre mort et que les prodiges observés l'ait
poussé à l'échanger contre l'île d'Ischia (ou
d'Aenaria, selon les auteurs) - avant cela, Capri était la
propriété de Naples. Elle devient une résidence
impériale, un lieu de repos au retour de séjours loin de Rome, de
par son climat clément et la pratique attestée de
l'éphébie. Capri est alors surnommée, apparemment à
l'initiative d'Auguste, « Apragopolis », soit la ville de
l'oisiveté209. Elle profitait également de son relief
escarpé, qui en rendait l'accès difficile, évitant
à son hôte d'être importuné par des visiteurs
indésirables.
C'est cette image de calme qui prédomine durant
le règne d'Auguste. Le souverain, selon Suétone, collectionnait
des « os de géants210» qu'on ne trouvait
qu'ici et se reposait dans son grand palais. Ici, Auguste n'est plus le
maître du monde, il n'est que le vieil homme paisible et heureux. La
scène est
décrite par Carl Weichardt : Nous ne voyons
pas ici le souverain qui faisait la loi au monde, le surhomme favorisé
par une chance inouïe. (...) Nous voyons le vénérable
vieillard entouré de ses amis, de son épouse Livie,
âgée comme lui, et de son beau-fils Tibère. Ils sont
à table, et, avec une douce gaieté, l'empereur regarde au loin
sur la mer vers la petite île à laquelle il a donné par
plaisanterie le nom d'île des Paresseux; en même temps, il rappelle
dans des vers grecs la mémoire de son favori Masgabas le Fondateur qui
l'a précédé dans la tombe.211
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