d. Massie : Les derniers instants de Vipsania
(1990)
Citons enfin la mort de Vipsania dans les
Mémoires de Tibère. Depuis que ses proches l'ont vu
ému en la croisant fortuitement, le prince n'a jamais pu revoir son
épouse d'autrefois. C'est en apprenant, de la bouche de son fils, sa
mort prochaine qu'il décide de lui rendre une dernière visite.
Affaiblie par la maladie, Vipsania a perdu son charme d'antan et même
l'odeur de sa chambre est putride. Toutefois, en mémoire de l'amour
qu'il lui témoignait, Tibère reste à ses
côtés dans ses derniers instants. Et là où Drusus
peut pleurer sa mère, le prince en est incapable : ce qu'il
chérissait le plus, et dont il avait été des années
privé, vient de lui être à jamais
enlevé.
Vipsania fit d'abord ses adieux à Drusus.
Puis celui-ci me demanda d'entrer. Je n'avais pas été, au dernier
moment, certain qu'elle allait vouloir me voir.
Je ne l'aurais pas immédiatement reconnue,
car la maladie l'avait littéralement dévorée. Son visage
était décharné, et l'on pouvait lire dans ses yeux la
douleur qui la rongeait. Elle étendit la main. Je la pris dans la
mienne, y déposai un baiser et tombai à genoux auprès
du lit. Nous demeurâmes un long moment ainsi. Il planait dans la chambre
une odeur particulière de moisissure et de
renfermé.
- N'essaie pas de parler, lui dis-je. Il suffit que
nous soyons de nouveau ensemble.
Elle dégagea sa main pour me caresser le
front...
*
Cela s'est-il passé ainsi ou ma
mémoire me trompe-t-elle ? Parfois, ces quelques dernières
minutes passées avec Vipsania prennent la clarté d'un
rêve, de l'un de ces rêves dont on s'éveille avec la calme
certitude d'avoir vu une réalité plus profonde que celle de la
vie quotidienne. C'est comme si un voile s'était levé un
moment. Drusus ne ressentit rien de tel. Il pleurait sa mère, alors
que je gardais les yeux secs. Et pourtant le sentiment de perdre ce que
j'avais déjà perdu de longues années auparavant
était plus intense en moi : j'avais entrevu, dans cette
chambre où la mort était déjà présente,
ce qui m'avait été refusé970.
But think, boy, of the amphitheatre.
How in the arena men sword it to
death.
Or the Pursuer sees the trident up
To stab him through the meshes. Thou must
go
And see the shows on the ides. Both of
us
Will go with the Emperor.
Drusus II.
O that's grand, that's grand !
And shall I see them fight ?
Tiberius.
Ay, ay.
Drusus II.
And shall I
Put down my thumb as all the street-men do
?
Tiberius.
Or turn it up, if he have foughten
well.
Drusus II.
Yes, if he's foughten well : but not, if
not.
970. Massie 1998, p. 219
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