2.2.2. Genèse de la
construction du sens moral chez l'être humain dans L'engagement citoyen
volontaire
L'engagement citoyen volontaire est le fait de personnes qui
s'engagent en fonction de valeurs et d'impératifs moraux.
a. Le lien entre les émotions et le sens
moral
Dans son livre « passions
withinreasons », R.H. Franck analyse une série d'actes
dans lesquels des individus risquent leur réputation, des pertes
matérielles voire leur vie pour autrui. Ou encore des situations
où des individus posent des actes alors qu'ils n'en tirent aucun profit
(comme aider une personne que l'on est certain de ne jamais revoir par la
suite, ou donner un pourboire dans un restaurant où on ne reviendra
jamais, etc.). C'est ce qu'il appelle le commitment problem.
A l'issue de son analyse, il arrive à la conclusion
que la survie en société nécessite que les êtres
humains éprouvent des passions et des émotions menant à
des actes qui ne vont pas dans le sens de la recherche d'un profit
immédiat.
Pour cet auteur, une partie des attitudes
désintéressées reposent sur un ensemble d'émotions
innées, dont la compassion. Il se réfère notamment aux
études menées par J.KAGAN sur les étapes de l'agir moral
chez l'enfant.Les travaux de Kagan portant sur des psychopathes adultes
démontrent d'émotions également que des compétences
émotionnelles et comportements moraux vont de pairs :
l'échec à développer les premières obères le
développement des seconds. L'absence d'émotions et l'absence de
sens moral seraient donc liées.
On peut en effet, comprendre que si je ne ressens aucune
tristesse ou compassion devant une personne qui souffre, je peux être
amené à ne pas considérer que faire souffrir quelqu'un est
un acte répréhensible. Ce qui ne signifie pas pour autant que je
ne connaisse pas les interdits sociaux mais bien que je ne les aie pas
intégrés comme significatifs pour moi.
Il y aurait donc chez la plupart des « petits
humains » un substrat émotionnel commun qui les
prédisposerait à une certaine empathie avec autrui,
prédisposition qui sont par la suite encouragées ou non par
l'environnement familial, éducatif et social. Ces prédispositions
peuvent aussi être orientées vers des groupes particuliers mais
pas vers un « autre » généralisé.
b. Le lien entre le développement cognitif et
le sens moral
Piaget a pour sa part étudié les liens entre le
développement cognitif et le développement moral. Il montre que
le sens moral se développe en même temps que la capacité de
se mettre à la place d'autrui (c'est ce qu'il appelle le
phénomène de décentration).
Un autre phénomène important également
pour le développement du sens moral est la capacité, qui apparait
chez les enfants aux alentours de 10 ans environ, à faire la
différence entre intentions et actions c'est à partir de ce
moment qu'ils vont avoir tendance à juger les comportements plus en
fonction des intentions présidant à l'action qu'en fonction des
résultats provoqués par cette action( ce n'est pas d'avoir
cassé le jouet d'un autre qui est le plus grave, mais de l'avoir fait
volontairement)(PIAGET, 1969, p.259)
Un autre auteur comme Piaget insiste sur l'aspect rationnel et
cognitif de l'activité morale alors que Franc met plus en avant l'aspect
émotif de cette activité. D'autres auteurs en lient intimement
les deux facettes. H. PARRET par exemple défend la conception selon
laquelle « le raisonnement même est affectif, et la
rationalité nécessairement émotive » (PARRET,
H., 1986, p.186)
Si on considère que la raison et l'émotion sont
à ce point liées, il est concevable que l'activité morale
(le fait de poser des jugements moraux ou d'orienter son comportement en
fonction de règles morales) repose à la fois su des
compétences cognitives et compétences affectives.
c. Sympathie et altruisme
Selon L.Boltanski(1993), la conception de la sympathie chez
Adam SMITH propose une piste intéressante pour comprendre les attitudes
altruistes. La sympathie est, pour Adam Smith, la faculté naturelle que
l'homme a de connaitre la souffrance d'autrui et d'y porter
intérêt. C'est par sa capacité imaginative que l'homme peut
se représenter la souffrance d'autrui.
Cela ne veut dire qu'il se glisse totalement dans la peau de
l'autre mais plutôt qu'il est capable d'imaginer ce que l'autre ressent
et d'en avoir de la compassion. C'est en cela que « la
médiation de l'imaginaire est importante parce qu'elle soutient
l'édifice moral et sociétal sans recourir à
l'identification communautaire ou à la fusion
édénique » (L.BOLTANSKI, 1993, p.63).
C'est par cette capacité imaginative que nous pouvons
nous sentir solidaires de personnes qui partagent d'autres conditions de vie
que les nôtres ou qui ne nous ressemblent pas. Mais, le sociologue
souligne bien le caractère acquis de ces capacités
imaginatives : elles doivent être développées et
nourries, soit grâce à nos propres expériences de la
souffrance, soit grâce à des oeuvres de fictions dans lesquelles
les sentiments et les états d'âme des personnes souffrantes ou des
personnes témoins de souffrance sont décrits.
L.BOLTANSKI, en partant des analyses d'Adam SMITH, aboutit
à l'idée qu'il existe des sensibilités communes face
à des spectacles des souffrances. C'est sur base de ces
sensibilités que vont s'élaborer les réactions altruistes
qui dans un deuxième temps vont être justifiées par des
principes moraux et éthiques. On rejoint ici, les auteurs faisant le
lien entre émotions, capacités cognitives (ici imaginatives) et
principes moraux.
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