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Les incidences de la croissance démographique sur le niveau de pauvreté en Haà¯ti (période 1980-2003)


par Joseph Junior Guerrier
Centre de Techniques de Planification et d'Economie Appliquée - Diplome d'Etudes Supérieures en Economie 2004
  

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1.1.1.3.- Les approches en termes de pauvreté humaine ou sociale

Les approches en termes de pauvreté humaine ou sociale intègrent dans les besoins fondamentaux un ensemble de biens et services qui sont fournis sur une base collective tels

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la santé, l'éducation, l'accès à l'eau. Elles prennent en compte également l'alimentation, le vêtement et l'habitat. On utilise comme indicateur de satisfaction ou non-satisfaction de ces besoins, l'existence et l'accessibilité de ces biens et services et leur impact sur la vie des personnes (en tant qu'indicateurs sociaux, tels l'espérance de vie, la mortalité, la scolarisation...) et non leurs potentialités monétaires (leur revenu).

1.1.1.4.- Les approches en termes d'exclusion

Les approches de la pauvreté en termes d'exclusion ne se réfèrent pas uniquement aux diverses formes de privation matérielle ou de services sociaux, mais aussi à un processus de désintégration sociale, fondé sur diverses dimensions entretenant des liens étroits les unes avec les autres. On peut noter en particulier la place accordée au travail non seulement comme mode d'accès à des moyens d'existence, mais aussi comme principal vecteur de lien social et d'identité sociale.

Les approches en termes d'exclusion ne cherchent pas en premier lieu à mesurer la pauvreté, mais plutôt à comprendre à la fois en quoi celle-ci est un processus dynamique qui se produit et se reproduit, comment s'effectue l'entrée ou la sortie d'un état de privation et de marginalisation sociale, et quelles sont les institutions qui sont susceptibles de réguler l'exclusion.

1.2.- Approches théoriques sur la fécondité

On entend par fécondité, l'action reproductrice des femmes, des hommes ou, d'une manière générale, des couples d'une population. C'est le mécanisme central à partir duquel le phénomène de la croissance démographique prend corps.

Lebenstein7 est considéré comme l'un des pionniers de l'analyse économique de la fécondité. Il fait essentiellement une analyse microéconomique, avec une balance coûts-avantages dans laquelle l'enfant est considéré comme un «bien durable » auquel sont liées des dépenses directes et des avantages, donc des utilités au sens économique.

7 Problèmes Economiques # 2875, mercredi 11 mai 2005, page 15

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L'analyse de la fécondité a été aussi un sujet d'intérêt chez le prix Nobel d'économie en 1992, l'économiste Gary Becker. Selon ce dernier, qui est allé dans le même sens que Lebenstein, la décision d'avoir des enfants ou bien de se marier, dans une société industrielle, est simplement le résultat d'une analyse coûts-avantages. L'enfant, dans une société industrielle, est assimilable à un bien de consommation. Les parents feront face à des dépenses et bénéficieront des satisfactions apportées par l'enfant. La baisse de la taille moyenne de la famille s'expliquerait par l'augmentation du coût relatif des enfants (éducation, soins, etc.).

Dans une société agricole, au contraire, l'enfant est considéré, pour Gary Becker, comme un investissement en capital dans la mesure où il peut travailler jeune et contribuer à l'augmentation du revenu familial. L'analyse du mariage est ainsi assimilée à celle de la constitution d'une firme.

Par ailleurs, pour R.A. Easterllin8, les variations de la fécondité seraient liées aux conditions d'insertion des jeunes entrants sur le marché du travail. R.A. Easterllin a observé que la fécondité aux États-Unis, par exemple, suit des cycles d'expansion et de dépression. Selon lui, une cohorte à faible effectif permet une meilleure insertion sur le marché du travail, un meilleur niveau de vie, et donc une plus grande fécondité. Il en résulte vingt ans plus tard une cohorte plus nombreuse, une insertion plus difficile et donc une moindre fécondité. Cette théorie prédisait ainsi une reprise de la fécondité dans les années quatre-vingt et un nouveau baby-boom. La théorie d'Easterllin établit une relation positive entre le niveau de vie et la fécondité. Une approche qui est en contradiction avec le point de vue de Gary Becker concernant les sociétés industrielles, selon lequel la décision d'avoir un enfant est le résultat d'un arbitrage avantages-coûts.

1.3.- Revue de littérature

1.3.1.- Revue théorique

Plusieurs grandes idées dominent le débat autour du lien entre la croissance l'économie et la démographie et de l'impact de l'évolution de l'un sur l'autre. Jean Bodin fait partie des tous premiers penseurs à aborder ce sujet. Au 16e siècle déjà, il considérait les

8 Ibidem

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hommes comme étant la richesse d'une nation, de sorte que si leur nombre augmente, la production suivra automatiquement. Par sa fameuse déclaration - « Il n'est de richesse que d'hommes »- Jean Bodin9 présentait la croissance démographique comme un facteur favorable à la croissance économique. Cependant, il faut situer le point de vue de Jean Bodin dans son contexte, où la puissance de l'État reposait sur la conquête de territoires. De plus, au 16e siècle, la taxe sur les têtes représentait une source de revenu importante pour les États. Il est compréhensible que l'homme ait été la véritable richesse aux yeux de Jean Bodin.

Par la suite, la pensée a évolué, compte tenu de l'évolution aussi de certaines réalités à l'échelle mondiale. Ainsi, Thomas Robert Malthus10, dans son ouvrage intitulé « Essai sur le principe de population » publié en 1798, soutient la thèse que la croissance démographique est défavorable à la croissance économique. C'est la position pessimiste. Selon Malthus, la population croit selon les termes d'une suite géométrique, alors que les substances croissent selon les termes d'une suite arithmétique. D'où le fait qu'il y aura nécessairement pénurie s'il n'existe aucun contrôle sur la croissance démographique. Malthus s'inspire de la loi des rendements décroissants de la production agricole pour expliquer cet écart entre les ressources et la population. De l'avis de Malthus, l'un des arguments expliquant l'impact négatif de la croissance démographique sur la croissance économique est que, avec une forte croissance démographique, la population tend à dépasser les ressources rares disponibles.

La thèse de Malthus avait surtout beaucoup de mérite pour l'époque où elle a été introduite, une période où la transition démographique était à son paroxysme en Angleterre11, avec un accroissement naturel considérable. Mais, elle s'est montrée dépassée dans le temps avec le progrès technique et le constat qu'un ensemble de pays sont parvenus à avoir une croissance économique élevée, même avec une forte croissance démographique. Le cas au vingtième siècle de certains pays de l'Asie dont la Chine et l'Inde en est l'illustration. Karl Marx12 critiquant la thèse de Malthus, avait déjà insinué que la surpopulation n'est que relative et qu'elle est la conséquence de l'état des techniques à un moment donné.

9 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population, Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p 10.

10 Ibidem

11 Ibidem

12 Ibidem

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D'un autre coté, au milieu des années soixante, Esther Boserup13 est venue avec la thèse de la pression créatrice, selon laquelle, ce n'est pas la richesse qui détermine la population, mais la population qui détermine la richesse. Car, avance cette thèse, la population fait pression sur l'amélioration des techniques de production. Cette position est qualifiée d'optimiste. Donc, la croissance démographique jouerait un rôle moteur dans les changements techniques. Des auteurs comme Simon Kuznets et Julian Simon14 abondent dans le même sens que Boserup en soutenant que l'ingéniosité des hommes s'améliore à mesure que la population croît. Kuznets et Simon croient qu'une société plus large implique des capacités d'avoir des avantages et des économies d'échelles, donc un meilleur positionnement pour se développer.

La thèse de Boserup est à l'opposé de celle de Malthus, tout en admettant que plus d'un siècle et demi sépare les deux auteurs qui ont dû fonder leurs analyses sur des constats différents. Toutefois, ces deux thèses ont pour cadre commun une économie dominée par l'agriculture (Doliger, s.d, p.2). En clair, et Malthus, et Boserup avaient une certaine part de raison chacun. Car, beaucoup de sociétés souffraient de surpopulation alors que certaines sont parvenues à décoller en dépit d'une pression démographique considérable. Alors comment trouver le juste milieu ?

Alfred Sauvy, pour sa part, croit qu'il n'y a pas de corrélation directe entre croissance démographique et croissance économique, car tous les cas existent. Cette position est dite neutraliste. D'après la thèse de Sauvy15, on peut avoir une croissance démographique faible avec en parallèle une croissance économique faible ou encore une forte croissance de la population accompagnée d'une faible croissance économique ou bien encore à la fois une faible croissance démographique et une forte croissance économique. D'où l'on parle dans le cas de Sauvy de la thèse de l'optimum de la population.

Pour un auteur comme Allen C. Kelley16, la relation entre démographie et pauvreté peut être observée à deux niveaux : le niveau micro et le niveau macro.

13 Cédric Doliger, Démographie et croissance économique en France après la seconde guerre mondiale : une approche cliométrique, Faculté des Sciences économiques, Université de Montpellier I, p.2

14 Allen C. Kelley, Population and Economic Development, s.d, p.8

15 Emilie Canalis, Corinne Ebert, Croissance et population, Licence Analyse et Politiques économiques, Année 1999-2000, p 11

16 Allen C. Kelley, The Impacts of Rapid Population growth on Poverty, food provision, and the environnement; Duke University. 1998, 29 p

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Au niveau micro, une expansion de la croissance de la population contribuera à augmenter la force de travail. Dans un premier temps, on assistera à une diminution relative du rendement du travail (salaire) et une augmentation relative du rendement pour les propriétaires de capitaux, terre et ressources naturelles.

Sur le plan macroéconomique, le plus important déterminant de la pauvreté est l'allure et la vitesse de l'activité économique dans son ensemble, et spécialement l'emploi. Dans les pays où la terre et les ressources naturelles sont relativement rares, où les ressources allouées à l'éducation et à la santé sont insuffisantes, où les marchés et les institutions gouvernementales sont faibles, un fort taux de croissance démographique affectera négativement la croissance économique et l'emploi, et par conséquent alimentera la pauvreté dans le pays.

Au niveau des ménages, l'impact d'une augmentation de la population sur la pauvreté est plus complexe. Au niveau le plus simple, la naissance d'un enfant augmentera, selon Allen C. Kelley, la probabilité d'appauvrissement du ménage par le fait que les ressources, déjà limitées, devront être distribuées entre plus de membres de la famille. Allen C. Kelley ne fait pas de différence entre les sociétés industrielles et agricoles.

Selon Borrce (1973), l'augmentation rapide de la population dans les pays en développement (PED) est considérée comme une importante barrière pour le processus de développement. Une position que Allen C. Kelley a corroborée dans une étude titrée « The impacts of rapid population growth on poverty ».

Thirlwal (1973) soutient de son coté, que la relation entre croissance démographique et développement économique est très complexe, particulièrement quand il s'agit de déterminer les causes et les effets. Pour Thirlwal, l'augmentation rapide de la population du Tiers-Monde n'est pas seulement synonyme d'obstacle au développement. L'auteur croit qu'il y a beaucoup de situations dans lesquelles, la croissance de la population peut être un stimulant au progrès, et qu'il existe bien des raisons rationnelles expliquant pourquoi les familles dans les pays en développement choisissent d'avoir beaucoup d'enfants. Il a déclaré que la complexité du sujet dépend du fait que le développement économique est un concept multidimensionnel. Thirlwal cherche à adopter une position relativiste dans la même lignée que Alfred Sauvy, à qui l'on doit la paternité de la position dite neutraliste.

Le débat a depuis évolué pour laisser le simple stade de la liaison entre croissance démographique et croissance économique. Les néo-malthusiens abondent à peu près dans ce

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sens en étudiant de préférence la relation entre croissance démographique et développement. Dans les PED en particulier, la croissance économique est considérée de plus en plus non pas comme une finalité en soi mais comme un moyen pour arriver au développement. Car, leur priorité - le développement - ne saurait être atteint sans un niveau de croissance acceptable. Il en est de même pour arriver à réduire la pauvreté. Il faut pouvoir produire a priori une certaine quantité de richesses qu'il faudra répartir par la suite en vue de satisfaire les besoins de la population. Dans le cas d'Haïti, c'est à ce niveau que le problème est posé. De 1980 à 2003, la production de richesses dans le pays n'a pas beaucoup augmenté. Entre-temps, comment la situation a-t-elle évolué sur le plan de la satisfaction des besoins de base ?

Ce travail se veut donc un effort d'aller au-delà d'une simple comparaison entre croissance démographique et croissance économique pour mieux comprendre plutôt les incidences de l'augmentation de la population durant la période 1980-2003 sur le niveau de pauvreté en Haïti, suivant l'approche en termes de pauvreté humaine ou sociale.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984