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Structure administrative et gestion de la population dans le département du Mbéré de 1983 à  2018


par Léandre TASSONA
Université de Ngaoundéré - Master 2 Histoire 2019
  

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1- Le poids fatidique de la composition du dossier

Au Cameroun, le régime des manifestations est libéral ; néanmoins, la loi réglemente les manifestations de façon à prévenir les troubles à l'ordre public129(*). Dans cette logique, toute manifestation est soumise à une déclaration préalable. Les sorties sur la voie publique conformes aux usages locaux sont dispensées de cette déclaration130(*). Sont visées notamment les processions religieuses. Les manifestations « sportives, récréatives ou culturelles » sont soumises à déclaration préalable à la sous-préfecture de l'arrondissement compétent selon divers critères : la déclaration de manifestation doit être établie par 3 responsables de l'organisation de l'événement, domiciliés dans la circonscription territorialement compétente, qui devront se munir d'une pièce d'identité lors de la déclaration de la manifestation131(*). L'objectif de cette déclaration est de traiter les demandes d'organisation de « manifestations publiques », au sens de l'Ordonnance générale de police, telles que l'organisation de fêtes de quartier/de village, kermesses, manifestations scolaires, stages, manifestations sportives, bals publics....132(*) De ce fait, les populations administrativement « sinistrées » sont donc contraintes d'ignorer le centre administratif le plus proche, pour parcourir de longue distance afin de déposer d'emblée la demande pour d'éventuel traitement. À titre illustratif, vu la proximité avec Djohong, un habitant de Yafounou s'est vu refuser la délivrance d'une autorisation de manifestation publique par le sous-préfet de Djohong pour la simple et unique raison que ce village n'est pas de son ressort territorial133(*).

2- La durée du traitement

Il doit permettre de vérifier de manière détaillée si l'ensemble des autorités publiques compétentes ont bien été consultées et si l'ensemble des mesures organisationnelles, de sécurité et de police administrative ont été planifiées. C'est ainsi donc qu'il est impératif pour tout citoyen de procéder à des déclarations et de demander des autorisations aux autorités administratives qui peuvent varier en fonction des infrastructures prévues (buvette, musique...), du nombre de personnes attendues et du lieu. L'on doit déclarer la manifestation 3 jours au moins et 15 jours au plus avant la date de la manifestationSource ?.

L'enquête met en évidence qu'une large majorité de la population éprouve de difficultés à accomplir ces démarches administratives courantes. Plus d'une personne sur cinq déclare cependant des difficultés et cela recouvre un public particulier.Ainsi, satisfaire ses besoins d'accessibilité est devenu coûteux. Offrir un service de transport efficace et l'autonomie inhérente est difficile, au point que l'absence de voiture peut être ressentie et vécue comme un facteur d'isolement social. En effet, la mobilité est un élément d'accessibilité prépondérant et par conséquent d'intégration, et ce, d'autant plus dans un contexte d'éloignement des équipements et services. L'absence de mobilité est facteur d'exclusion ou de frein à la participation à la vie en société.

C- Conditions difficiles de l'établissement d'un titre foncier

Le titre foncier est un document qui garantit, sécurise et protège le droit du propriétaire. Le détenteur du titre foncier est considéré comme l'unique et le véritable propriétaire du terrain concerné. Le titre foncier a en principe un caractère définitif, irrévocable et inattaquable. Le Cameroun, à l'instar de la plupart des pays qui ont adopté le système Torrens, a opté pour le régime foncier de l'immatriculation, qui se traduit par l'inscription des droits réels sur un Livre foncier134(*). L'inscription de ces droits réels sur le livre foncier, n'intervient qu'à l'issue d'une procédure destinée à révéler tous les droits réels attachés à un espace. Lorsque, aucune opposition ne s'est manifestée lors de cette procédure, le titre foncier obtenu devient inattaquable, intangible et définitif135(*).Qui en est l'auteur ?. Est-ce un article, une archive ?

Mais toujours est-il que les habitants des villages isolés misent en exergue dans cette étude se trouvent désaxer par la réalité distancielle et des caprices procéduraux, qui les conduisent inéluctablement à l'abandon de ces services administratifs.

1- Distanceentre les villages isolés et leurs centres administratifs

Le requérant va tout d'abord retirer l'imprimé de la demande d'immatriculation à la sous-préfecture ou au bureau de service départemental des affaires foncières et domanial. Cette demande d'immatriculation est signée en quatre exemplaires (04), dont l'original timbré, doit porter les mentions suivantes :

Nom, Prénom, Filiation, Domicile, Profession, Régime matrimonial et Description détaillée de l'immeuble à immatriculer136(*).

2- Tournure dans le traitement de la demande du titre foncier

Cette demande minutieusement remplie est déposée au service de la sous-préfecture et on attendra par la suite un délai de trois (03) jours pour réclamer le récépissé. Dans un délai de huit (08) jours l'autorité transmettra le dossier au service départemental des affaires foncières137(*). Quinze (15) jours plus tard, le chef de service départemental des affaires foncières fait publier un extrait de la demande déposée au service du sous-préfet138(*). C'est alors que la date de la descente de la commission consultative sur le terrain pour constater l'effectivité de la mise en valeur du terrain est fixée. Après le bornage effectué au cours de la descente sur le terrain, le requérant va auprès du receveur départemental des domaines pour payer les frais de bornage, contre quittance. Trente (30) jours après ce payement, le délégué départemental du MINDAF transmet le dossier complet au délégué régional des affaires foncières qui l'inscrit dans le registre régional de suivi des réquisitions d'immatriculation139(*). Il lui affecte un numéro, examine sa régularité, vise le cas échéant et établie un avis de clôture de bornage qui est publié par le délégué régional dans le bulletin régional des avis domaniaux et fonciers. Dès lors le dossier est transmis au conservateur foncier du lieu de situation de la parcelle concerné.

3- Délivrance de l'attestation et déplacement

Enfin après trente jours (30) jours de la publication de l'avis de clôture de bornage de ladite parcelle, et surtout en absence de toute opposition ou tout litige sur le terrain, le conservateur foncier du ressort territorial procède à l'immatriculation dans le livre foncier et vous délivre une copie de titre foncier(duplicatum), après le paiement de la redevance foncière auprès du receveur, ainsi que les timbres y afférents. C'est après la traversée de cette étape que vous allez attendre six (06) mois pour entrer en possession de votre titre foncier140(*).

En milieu rural, cette problématique d'accessibilité est renforcée par l'aspect géographique qui fait l'apanage de ces zones « sinistrées », à savoir l'étendue des distances à parcourir pour atteindre un centre d'intérêt. Par conséquent, effectuer ces démarches administratives, peut prendre une éternité entière pour des personnes sans véhicule personnel et donc tributaires des transports en commun. L'autonomie de ces personnes est profondément entravée si bien qu'elles ne peuvent vaquer à leurs occupations comme elles le souhaiteraient. C'est pourquoi, elles préfèrent s'abstenir de cette norme citoyenne.

II- Les conditions difficiles d'intervention des administrateurs dans les territoires de commandement éloignés

En Afrique, plus de cinquante ans après les indépendances, le constat global qui s'impose est que la fourniture de services publics a fatalement suivi la courbe de décrépitude de l'État postcolonial141(*). Mal citée. Qui est l'auteur ? La date de publication ?Avec une conception patrimoniale du pouvoir, la perpétuation d'une administration coloniale, le manque de vision et de projet commun, les mauvais choix de priorité dans les dépenses publiques, le clientélisme, la corruption et le favoritisme ethnico-clanique, ou encore la faible valorisation des compétences et des ressources en tous genres ; la fourniture de services publics est aujourd'hui caractérisée par des insuffisances chroniques et des déséquilibres sociaux et territoriaux sans cesse grandissants142(*). Or, « si le défi majeur du développement est le bien-être des populations, l'une des réponses à ce défi consistera dans la capacité des pouvoirs publics à offrir aux populations des services publics de base, en quantité et en qualité satisfaisantes »143(*).

En interrogeant à la fois les orientations politiques, les configurations institutionnelles ainsi que les pratiques des institutions et des Hommes au niveau de ce Département, la gouvernance est un concept opératoire. Elle est une pratique concrète qui ne peut se satisfaire simplement de considérations globales. Elle ne vaut que par ses applications concrètes. Ainsi, elle a été appréhendée sur la base de recueil d'expériences des acteurs, d'analyses croisées, de mise en débat, et d'élaboration de propositions.

Un État légitime, c'est un projet de société qui offre de bonnes conditions de vie aux citoyens144(*). Or, le niveau de satisfaction des besoins économiques, sociaux et culturels est étroitement lié à la qualité des services auxquels l'ensemble de la population peut effectivement accéder, sans exclusive. Sous ce rapport, la délivrance de services publics est une quête permanente en réponse à la crise multiforme que vit l'Afrique. Naturellement, les populations africaines en générale et celles du Département du Mbéré en particulier aspirent à une meilleure existence. Elles réclament des services publics, une administration qui fonctionne, et des dirigeants exemplaires. BrefÉvitez ce genre de terme dans ce travail, elles ont besoin d'une administration véritable. Pourtant, malgré diverses initiatives à toutes les échelles, et de tous les acteurs, la pauvreté en Afrique subsaharienne, est devenue endémique et continue de saper la légitimité de l'État. Paradoxalement, l'engagement par tous et partout est sans précédent, pour assurer une vie décente à chaque être humain. C'est que dans le fond, les modes de régulation de la délivrance de services publics sont inadaptés.

A- Insuffisance du contenu de l'enveloppe budgétaire des communes

Au Cameroun les règles régissant l'administration publique sont consacrées par la Constitution en tant que loi fondamentale de l'État, et définissent la République du Cameroun comme « un État unitaire décentralisé »145(*).La décentralisation suppose l'autonomie administrative et financière, et par là le transfert non seulement de compétences, mais aussi de moyens dans la vue de permettre aux administrations locales de pouvoir subvenir au développement local et à l'amélioration des conditions de vie des populations. La décentralisation donne donc naissance aux collectivités locales ou collectivités territoriales décentralisées qui ont la lourde tâche de réaliser le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de la collectivité territoriale146(*).Pour mieux fonctionner, ces collectivités locales ont besoin des ressources pour pouvoir financer le développement sus visé. L'autonomie proclamée leur donne le droit d'avoir un budget. Celui-ci regroupe l'ensemble des ressources et des charges de la collectivité en question, équilibré en recettes et en dépenses pour un exercice donné.

Cependant dans le cadre de l'autonomie financière, les collectivités territoriales décentralisées du Département du Mbéré ont un budget ne leur permettant pas de pouvoir subvenir à leur besoin de développement et d'assurer leurs prégnances dans les territoires administrativement enclavés. Ce budget comme celui de l'État est équilibré en recettes et en dépenses147(*). La gestion des ressources pour ce qui concerne cette étude ne nécessite pas des moyens pour les rendre optimales pour une plus grande rentabilité dans le financement du budget. En effet, la structure de la fiscalité locale se caractérise par la dualité : impôts d'État affectés et impôts locaux148(*). L'économie de l'ensemble de ces communes est principalement agricole mais surtout informelle, d'où un système fiscal peu performant ; les industries sont rares et les autres activités (le tourisme, l'artisanat, les services, etc.) ne sont pas développées. Cette structure implique que l'État détienne seul le pouvoir de légiférer en matière fiscale. La fiscalité locale est caractérisée par sa faible productivité, les impôts d'État transférés constituant l'essentiel des ressources fiscales locales. Le produit de la TVA connaît un rythme de progression plus rapide que celui de la croissance du rendement de la fiscalité locale149(*). Ce déficit de performances provient d'une insuffisante optimisation du potentiel fiscal géré directement par l'État. Les ressources nécessaires à l'exercice par les collectivités territoriales de leurs compétences, leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotations, soit par les deux à la fois150(*). Mais de façon générale, ces communes comme toute CTD, a pour mission de promouvoir le développement économique, social, sanitaire, éducatif, culturel et sportif de ces collectivités. À ce titre, son champ de compétence est relativement vaste, enchevêtré et couvre des domaines variés tels que : l'équipement et les infrastructures d'intérêt communautaire, l'approvisionnement en eau potable, le transport, les places et édifices publics, l'hygiène et la salubrité au sein de la commune151(*).

Il convient de noter que les budgets alloués aux CTD du Département du Mbéré fixées par la loi ne leur permettent pas d'intervenir de façon significative dans le développement économique, car les missions sus évoquées ne présentent qu'un impact indirect sur le développement économique. Aussi le plan stratégique de développement de ces communes ne présente pas les conditions nécessaires pour améliorer la compétitivité en vue de relancer la dynamique des activités formelles. Car l'on note aussi la prégnance du problème de civisme fiscal. On entend par civisme fiscal l'accomplissement volontaire de ses obligations fiscales (déclaratives et de paiement) par le contribuable. Il est reconnu que l'administration exerce, par son comportement, son accessibilité, sa performance, un effet déterminant sur le civisme fiscal. Or, rigidité et manque de communication sont souvent reprochés à l'administration fiscale. Le sentiment d'injustice, la complexité et le manque de lisibilité du système fiscal sont les raisons de l'incivisme les plus fréquemment évoquées. Il est difficile pour un contribuable de payer spontanément et à temps ses impôts et taxes sans que n'intervienne les agents de la commune. Ainsi, l'incivisme fiscal des contribuables affecte le rendement des impôts, droit et taxes, et même la logique de la budgétisation par programme ou de la gouvernance des collectivités locales152(*). Car les ressources prévues ne seront recouvrées à temps pour financer les programmes définis selon un chronogramme bien précis. Le fait est que dans la procédure, lorsque le contribuable ne paye pas à temps ou ne paye pas du tout, certains agents sont laxistes quant à la procédure contentieuse, et du coup certaines recettes sont abandonnées entre les mains des contribuables.

La division territoriale du Département du Mbéré représente un obstacle dans le sens où les communes n'ont pas une meilleure connaissance de la plupart de leur population. Cela complique d'une part une aide sociale plus rapide (les situations difficiles ne peuvent rapidement être rapportées aux intéressés et la procédure d'aide ainsi enclenchée), et d'autre part une certaine liberté dans la marge de manoeuvre de l'application de la loi dans la mesure où les allocataires entrent dans un canevas strict, et donc l'aide ne peut être adaptée de manière singulière. Cela ne permet pas une identification aisée, une prise de contact rapide et la mise en place d'un partenariat plus efficace.Il est important que chaque commune connaisse la composition et les besoins de sa population afin de pouvoir y répondre de la manière la plus adéquate.

En bref, cette partie a mis en exergue l'inefficacité de la politique de financement de collectivités territoriales décentralisées, car elle s'appuie sur des ressources fiscales difficilement recouvrables dans certaines communes du fait de leur faible niveau économique et sur la faible rentabilité des ressources propres locales.

B- Exigences budgétaires de l'administration des contrées enclavées

Les moyens financiers sont très importants pour garantir la structuration du pays puisqu'ils permettent aux divisions territoriales de manifester l'omniprésence du pouvoir central. D'ailleurs, c'est grâce à cela, qu'incombe à l'administration le rôle délicat de la mise en place et du fonctionnement des mécanismes de participation de la population à la vie de l'État ainsi que dans la communication entre gouvernants et gouvernés153(*). Il convient même de souligner le rôle décisif du budget sans lequel les attributions des chefs des circonscriptions administratives, ne seront que des slogans creux. À ce titre, celui-ci garanti les conditions nécessaires au chef de circonscription administrative, qui sert d'intermédiaire entre le pouvoir central et les administrés, plus particulièrement les élus.

Cependant, les budgets standards alloués au fonctionnement des unités administratives laissent matière à réflexion dans le Département du Mbéré. En effet dans ce département aux divisions territoriales dont les zones d'influences s'entremêlent exige une forte dotation budgétaire aux différentes administrations locales pour assurer convenablement la couverture des ressorts territoriaux respectifs. Or dans le contexte actuel où le fonctionnement du Département du Mbéré est considéré comme celui d'une administration aux contours normaux, ne peut permettre de suivre permanemment la gestion des localités victimes d'un mauvais découpage territorial. Par conséquent, l'administration devient inefficace dû à l'insuffisance des moyens ; qui bafoue son rôle de principal agent d'information du gouvernement qu'il tient au courant de tout ce qui se passe dans sa circonscription, spécialement les mouvements d'opinion154(*).Cette référence n'est pas bien citée

Dans le même ordre d'idées, les administrateurs ont des difficultés à communiquer aux différentes autorités locales (en particulier les chefs traditionnels des zones administrativement isolées) des intentions du gouvernement. Aussi les autorités de l'administration hôte par défaut de moyen conséquent, n'interviennent pas de façon décisive dans l'encadrement politique et administratif des citoyens isolés ; à travers le rôle régalien de maintien de l'ordre public, de protéger les populations, de répondre à leurs besoins matériels et culturels, de les faire participer au développement du pays en leur fournissant une aide technique adaptée. C'est au regard de ce désagrément que l'État concours plus ou moins à l'exclusion de ces camerounais de leur commandement territorial.

C- Lourdes dépenses pour la couverture sécuritaire des espaces de vie humaine extra-communaux

Les services de maintien de l'ordre ont pour mission générale de favoriser ou de renforcer le « bien vivre ensemble »155(*). Or, la politique de prévention locale intégrale n'oeuvre pas de façon systématique, cohérente et durable à augmenter la sécurité, la qualité de vie et le bien-être au niveau local, et ne prend également pas compte des besoins ou des nécessités des villages éloignés. Les forces de maintien de l'ordre visent uniquement les incidents visibles, et certainement pas des problèmes des contrées éloignées, à savoir les multiples causalités et expressions de la criminalité et de l'insécurité. On parle de Prévention partielle, car elle ne vise pas tous les aspects sociaux complexes en relation causale avec la criminalité. Cela résulte d'une insuffisance de moyens afin de mettre en place des partenariats constructifs avec tous les acteurs de la chaîne de sécurité.

Cependant, l'implémentation d'une politique raisonnable pour mieux assurer la couverture sécuritaire exige une forte investigation budgétaire afin de combiner l'expertise des différentes forces de sécurité. Les communes doivent répondre présents en prêtant main forte aux forces de police et de gendarmerie afin de donner satisfaction aux préoccupations des citoyens. Pour s'y prendre véritablement, une approche orientée vers les problèmes d'insécurité ou d'incivilité, implique de ne pas réagir uniquement aux incidents et aux symptômes d'en face mais surtout tenter de déterminer les origines de ces problèmes, les aborder dans des villages isolés afin de les prévenir, les résoudre ou en contrôler les conséquences, à court, moyen et long terme.

Bien que la description mentionnée ci-dessus comprend tous les éléments d'une approche orientée vers la résolution de problèmes, il est cependant indiqué de l'étudier plus en profondeur parce que dans la pratique, il s'avère qu'une approche axée sur le concours de la police, de la gendarmerie et d'une force municipale constitué des agents locaux qui maitrisent mieux ce découpage au contours flou, n'est pas garantie. De ce fait, la réalisation de cette investigation demande énormément de moyens financiers que matériels, car chaque organe a un rôle bien spécifique mais complémentaire.

1- Policeet périmètre d'action réduit

La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique. Cette force publique est représentée d'une part par la police156(*). De ce fait, ce cadre d'emploi de la fonction publique territoriale, sont constamment présents sur le terrain afin d'assurer leur mission tant d'ordre administratif que judiciaire, autrement dit d'ordre préventif et répressif157(*). En ce qui concerne cette étude, l'accent est mis sur l'inaccessibilité de la police dans des campagnes administrativement « isolées » du Département du Mbéré. Il s'agit dans ces territoires d'une police de « seconde ligne » par excellence. Cette police, présente au coeur des collectivités locales a toujours été au service des citoyens depuis toujours, mais encore moins dans ces zones enchevêtrées, elle ne peut se soucier de remplir une fonction de première ligne. Le déficit de proximité entrave des multiples tâches quotidiennes qu'elle assumerait au profit de la collectivité.

En effet, les commissariats de police se situent dans les villes de plus de 5 000 habitants et leur compétence s'exerce sur l'agglomération et la banlieue158(*). Alors la configuration de ces divisions territoriales qui ignore la question de proximité entre les centres administratifs et leurs zones d'influences, réduit considérablement le périmètre de compétence de la police. Par conséquent, cela limite l'action de la police investie d'une mission préventive et de maintien de l'ordre c'est-à-dire de surveillance et de contrôle. Mission qu'elle est spécialement à même de remplir grâce à sa présence quasi constante sur le territoire placé sous sa compétence. Malheureusement, ces villages sinistrés sont de ce fait privés par la présence policière ; ce qui les rendre encore plus vulnérable.Sources ?

2- Gendarmerieet difficulté de déploiement

La Gendarmerie Nationale exécute les missions de police administrative et de police judiciaire, dans les conditions fixées par les textes en vigueur. Ses missions particulières portent sur : la défense nationale, le maintien de la Sûreté intérieure de l'État et les missions de police militaire et de police judiciaire159(*). C'est dans ce sens que Monsieur Meloupou Jean-Pierre souligne que la Gendarmerie camerounaise reste essentiellement une force de police judiciaire et militaire160(*).

Le décret N° 60/280 du 31 Décembre 1960 qui l'institut précise que la Gendarmerie nationale est une force militaire chargée, sous la direction des autorités administratives et judiciaires de veiller à la Sûreté publique, d'assurer le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. Il n'est pas vain de faire intervenir à ce niveau la distinction faite par Meloupou, entre « l'acte de défense Nationale » de celui « du maintien de l'ordre public ». En effet, il précise que dans le concept de défense nationale, on peut relever qu'il y a un patrimoine, au moins un territoire et des valeurs collectives communs à défendre. C'est ce patrimoine qui fait l'adhésion de l'ensemble de la collectivité à l'effort de défense. C'est ici qu'intervient la démarcation entre la défense nationale et le maintien de l'ordre. L'ingérence étrangère directe ou indirecte sépare la défense nationale des moyens policiers et pénaux répressifs dans un pays pour faire régner l'ordre et la paix sociale menacée de l'intérieur. Dans cette mesure, les officiers de la Gendarmerie nationale sont donc appelés : « officiers de police judiciaire militaire ».En effet, la Gendarmerie suit le découpage administratif. Une brigade par arrondissement, une compagnie par département et une légion par région. La brigade territoriale est un élément clé dans l'organisation de la gendarmerie. Elle fait le lien entre la population et les élus en milieu rural. Le maillage des brigades territoriales montre que leur activité se situe à 80 % en milieu rural.Attention au plagiat. Indiquez les sources

Cependant, dans le Département du Mbéré aux divisions territoriales irrégulières, il est bien entendu que le véhicule de service sera utilisé pour le déplacement pour optimiser le temps d'emploi,ce qui privilégiera le contact avec les administrés. En effet, lorsque la sécurité est menacée dans ces villages administrativement sinistrés, l'unité de gendarmerie la plus proche ne peut intervenir de manière décisive, mais ne peut que réagir de façon préventive. Car la pleine intervention revient à l'unité de gendarmerie de la division territoriale administrativement compétente. De ce fait, le paramètre de distance laisse largement de temps aux malfrats d'y opérer et prendre le large. Aussi, la plupart des unités de gendarmerie de ces entités territoriales (arrondissements), ne dispose chacune que d'un véhicule pour la couverture de leurs territoires respectifs. Avec ces conditions, les éléments de la gendarmerie ne peuvent impérativement prendre connaissance, et ce de façon journalière, des événements survenus sur leur territoire de commandement mais surtout ils ne peuvent être au parfum de tout ce qui se passe dans leur zone.Par ailleurs, le quadrillage de la zone par des patrouilles pourrait suffire car la simple présence quotidienne permet aussi de dissuader certains malfaiteurs. De plus,le temps de présence dans l'affectation, la connaissance de la circonscription et de la population, le contact avec les habitants sont des critères très importants pour le gendarme dans son travail au quotidien161(*). Cela représente un gain de temps pour limiter le temps d'intervention, une sécurité dans l'approche d'un délinquant local et dans sa recherche du renseignement sur le terrain. Il y'a une difficulté dans l'abordage de la circonscription, de la population. Un gendarme doit nécessairement comprendre l'environnement dans lequel il travaille (situation culturelle, économique, sociale, historique, politique) afin d'interpréter au plus juste le comportement des usagers162(*).C'est érronée Il doit s'adapter pour intervenir de manière efficiente.

 Sans contact avec la population, c'est-à-dire sans disponibilité permanente et intérêt porté aux habitants des territoires dont les gendarmes ont la responsabilité, la réussite du métier de gendarme ne serait possible. Cette proximité est le socle sur lequel tout se construit. La raison en est simple. On protège mieux une population que l'on connaît. On sert mieux une population qui nous connaît. C'est le sens même de son engagement.

Cependant, la brigade de gendarmerie doit prendre en compte la réalité du maillage administratif et social du territoire tout en favorisant une relation de proximité avec les usagers163(*). Outil de l'instauration d'une confiance entre le citoyen et la gendarmerie, il doit s'adapter à la nécessité de concentrer les efforts sur les points de vulnérabilité du territoire, pour répondre efficacement aux enjeux de sécurité et aux légitimes attentes de la population, sans renier un droit inaliénable à la sécurité de zones de moindre pression.

3- Police municipale

Selon la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes et qui, en son article 87, concède aux mairies et aux délégués du gouvernement la possibilité de création de la police municipale164(*). À travers ce texte, « les magistrats municipaux sont autorisés à créer par voie de délibération du conseil municipal, des polices municipales au sein de leur collectivité ». Comme dans le Département du Mbéré, la plupart des mairies et autres communautés urbaines ont créé ces unités dans l'optique plus globale d'assurer le bon ordre, la sûreté, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publique dans la commune. L'alinéa 1 de l'article ci-dessus cité précise que «la police municipale a pour objet, sous réserve des dispositions de l'article 92, d'assurer le bon ordre, la sûreté, la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques »165(*).

La Police municipale veille à l'exécution des mesures relevant du pouvoir de police du maire en matière de sûreté, de salubrité et de tranquillité publiques. En cas de crime ou de flagrant délit, le personnel de la Police municipale est tenu d'appréhender l'auteur et de le conduire devant l'officier de police judiciaire territorialement compétent. Sauf que la réalité sur le terrain est tout autre, nous confie Oumarou Issama, le Maire de la Commune de Djohong. À Djohong par exemple, et dans bien de collectivités locales décentralisées dans le Département du Mbéré, on observe l'absence criarde des « policiers municipaux » dans le déploiement communal ; absents dans l'orientation des commerçants dans les marchés ou pour réguler le problème de divagation des bêtes domestiques166(*). Ceci provient du fait que non seulement d'un manque de moyen pour une couverture efficace mais aussi et surtout de l'enchevêtrement des zones d'influences entre plusieurs communes. Car il est inconcevable que le maire n'ait pas autorité sur le village d'à côté, mais doit malencontreusement traverser et parcourir nombre de kilomètres et villages pour exercer son autorité167(*). L'un des points de l'alinéa 2 de l'article 87 précise que la police municipale doit « assurer les mesures nécessaires contre les aliénés, dont l'État pourrait compromettre la sécurité des personnes ».

Or cette investigation demande assez de moyens, mais reste incontournable afin de prêter main forte aux forces de police et de gendarmerie surtout grâce à leur maitrise de terrain. La police municipale balbutie pour le moment et cherche toujours son point d'ancrage dans l'appareil sécuritaire de ce département. Sa place y est indéniable en raison des nombreux défis que les forces de sécurité classiques ont à relever. Son implantation dans ces périmètres ruraux peut permettre aux autres forces de police et de gendarmerie de se consacrer davantage à la lutte contre les nombreux fléaux que sont notamment : le grand banditisme, la criminalité transfrontalière168(*). Cependant, l'État doit encourager non seulement les différentes communes du Département du Mbéré à implanter leurs polices mais encore à les soutenir financièrement et matériellement. En matière de sécurité chacun doit agir selon ses capacités. L'important est d'y veiller et de prendre les mesures qui s'imposent.

III- Signes du malaise social

Depuis l'époque coloniale, plusieurs réformes administratives ont été réalisées au Cameroun. En effet, depuis le premier découpage administratif intervenu, plusieurs décrets, lois et ordonnances sont intervenus pour en modifier l'organisation. Toutes ces réformes ont principalement porté sur le nombre des entités territoriales, sur leur statut juridique, et très souvent, sur leurs appellations respectives mais, elles n'ont presque jamais été motivées par le souci d'en modifier le contenu et de faire des entités territoriales des vrais acteurs de développement. De façon générale, « l'objectif de ces réformes demeure confus, hésitant entre amélioration technique de la production et de la rentabilité administratives, et transformation radicale et globale de l'organisation politique et sociale de l'État »169(*).

Le Département du Mbéré connaît une sous-administration devenue chronique et pathologique. Celle-ci est la conséquence de l'éloignement de l'administration par rapport aux administrés ainsi que d'une mauvaise répartition géographique. En effet, la décentralisation territoriale et administrative demeure une éternelle discussion au Cameroun. Ce débat se trouve exacerbé par l'immensité de son territoire face à l'archaïsme de ses voies de communication entraînant un enclavement qui ne saurait favoriser le développement durable. D'ailleurs plusieurs échecs enregistrés sur le plan de la gestion de l'État ont été souvent justifiés dans l'opinion, par l'éloignement de l'administration par rapport aux administrés170(*). Il convient de reconnaître qu'une administration locale doit se traduire par une proximité vis-à-vis de la population. Mais, dans le Département du Mbéré la situation est loin d'être enviable car, en dépit de plusieurs réformes administratives entreprises, cette entité territoriale reste largement sous-administrée. La structure administrative territoriale issue de la réforme de 1992 est marquée par le souci de mettre sur pied une entité territoriale décentralisée, efficace et dynamique.

On peut aussi regretter la timidité du gouvernement camerounais à organiser une véritable décentralisation octroyant aux collectivités locales une large autonomie organique et financière. De la sorte, « la collectivité aurait pu être dotée de véritables pouvoirs et des ressources réelles pour participer d'une manière responsable au développement »171(*). La sous-administration territoriale « n'est pas seulement fonction de la maîtrise de la gestion de l'espace (une bonne organisation territoriale), mais aussi de la gestion rationnelle et dynamique de la Fonction publique »172(*), c'est-à-dire de l'ensemble des personnes oeuvrant au sein des administrations publiques. C'est ce qui a poussé Ibula à écrire que le niveau d'efficacité de la Fonction publique sur le terrain conditionne les chances de réussite et le bon aboutissement de toute réforme administrative173(*). Comme nous l'avons dit précédemment, une administration dite locale doit se traduire par sa proximité vis-à-vis de la population. Ainsi, en tenant compte de la superficie de ces entités décentralisées, nous pouvons affirmer sans risque d'être contredit que le Département du Mbéré souffre d'un sous-développement administratif qui se manifeste entre autres par l'éloignement de l'administration par rapport aux administrés. Et cet éloignement produit des effets néfastes qui se seront développés dans la suite de ce chapitre.

A- Abus d'autorité des chefs locaux

La prégnance de l'autorité traditionnelle survenue dans les territoires isolés du Département du Mbéré peut s'expliquer par le fait qu'on enregistre un manque d'attention de l'administration hôte qui laisse libre cours à une forte imposition du pouvoir traditionnel. Et donc cela conduit parfois à d'abus divers perpétrés par certains chefsdans la mesure où ces derniers ont eux-mêmes développés, une "norme pratique" en contradiction avec les normes officielles qui régissent le fonctionnement d'un État de droit. Les prébendes, avantages de fonctions excessifs, abus de biens sociaux, usages privatifs de fonds secrets, pratiques corrompues, commissions indues et autres prélèvements illicites.

1- Fixation des prix sur les produits locaux

L'hostilité d'un chef de village peut rendre la vie difficile, et ses administrés ne se permettent guère de l'affronter directement. Les chefs traditionnels sont donc respectés de tous. Leur influence est décisive dans l'organisation de leur territoire174(*). À cet effet, le chef entretient tout un réseau de clientèle, dont il est très difficile d'évaluer les flux économiques et monétaires qu'il engendre175(*). Ils ont souvent d'importantes ressources propres, soit en raison de la constitution d'un patrimoine foncier important (accumulé ou accaparé par la chefferie au fil des années) soit parce que, en général à travers leurs familles, ils sont impliqués dans le commerce, à une échelle parfois importante176(*). De ce fait, avec l'absence des pouvoirs publics, ces chefs se donnent tous les privilèges possibles. Ces gardiens absolus des traditions s'occupent des questions économiques et fixent avec précision au cours de ses séances les prix de tous les produits locaux et du bétail.

Les chefs ont un pouvoir énorme sur les populations qui leurs sont soumises. Il prévoit généralement des peines tellement lourdes, pour le cas où des gens s'aviseraient à se montrer récalcitrants, que finalement toutes ses décisions sont respectées à la lettre. Le cas de Lamou illustre fort bien ces propos où le chef demeure un véritable régulateur des prix sur le marché177(*).

2- Spoliation des terres

La terre fait depuis des décennies l'objet des plusieurs discordes entre les différents membres de la communauté du fait que ces terres sont régies par la coutume et usages locaux. Le chef doit se « débrouiller » pour trouver les ressources qui lui sont nécessaires, et celles?ci lui permettront indissociablement et simultanément d'assurer les charges liées à sa fonction, de maintenir ou d'accroître son prestige, et d'augmenter son patrimoine personnel178(*). La vénalité des Chefs coutumiers, le conduit assez souvent à des spoliations des terres paysannes au profit des bourgeoisies nanties, lesquelles entretiennent des rapports de complicité avec des autorités. De ce fait, se considérant en tant que chef de terre, certainsArdo/Djaoro arrachent souvent des terres aux propriétaires jouisseurs, et les vendent en contrepartie d'une somme d'argent.

En effet,les populations des villages isolés dans le Département du Mbéré, sont parfois indignées face à une vaste campagne d'accaparement des terres dont ils sont victimes. « Nous sommes sous la menace tous les jours des individus qui font irruption sur nos terres en nous disant qu'ils sont des envoyés du Djaoro. Les levées se font nuitamment sans aucune commission. Nous sommes dépossédés de nos terres au profit des nantis »179(*), s'indigne Sodéa. De ce fait, des opérations de déguerpissement sont menées par des individus qui disent être envoyés par le Djaoro. Conséquence directe, nombre de personnes sont dépossédées de leurs terres. « Nous sommes sans voix, nous ne savons pas vers qui nous tourner. Et à chaque fois que nous voulons nous plaindre, l'administration n'est toujours pas là et nul ne peut se prévaloir d'être propriétaire, s'il n'a pas les documents officiels délivrés par les autorités compétentes »180(*). Il faut dire que dans la plupart des cas, les victimes ont hérité ces terres de leurs parents, qui ne possédaient en réalité, aucun document officiel. Mais pour les populations, il s'agit d'une injustice sociale orchestrée par les djaoros. Iya, un cultivateur, souligne :

Nous sommes dépassés par cette situation déplorable. Nos maisons et nos champs sont arrachés et lorsque nous essayons de tenir tête à ses envahisseurs, on est réprimé. Il faut que le Gouvernement intervienne, sinon ça va dégénérer car nous avons tous le droit de jouir de nos biens en tant qu'honnêtes citoyens181(*).

Et donc cette spéculation foncière perpétrée de manière récurrente, laisse transparaître une guerre froide entre souverain et sujet.Cet état de chose, qui est sans doute débordant, provoque le mécontentement social.

B- Mécontentement social

Fort malheureusement, dans le Département du Mbéré, la sous-administration fait que l'État ne soit tout simplement pas présente sur tout le territoire. Et cette situation a des conséquences fâcheuses sur les relations avec les administrés. Ces conséquences sont notamment l'éloignement entre fonctionnaires et usagers, la non implication des administrés à la gestion de leurs entités, la méfiance et les relations souvent conflictuelles.

1- Éloignement entre fonctionnaires et usagers

L'éloignement de la population par rapport à l'administration est un handicap réel pour le développement et la promotion du bien-être dans le milieu paysan. Du fait de la centralisation de la gestion, les fonctionnaires sont affectés, mutés ou permutés dans des territoires souvent autres que leur région d'origine. Le fonctionnaire (instituteurs) considéré comme « étranger » dans une entité locale (surtout dans ces milieux ruraux sinistrés) recourt généralement à la langue officielle182(*). Or, l'utilisation de la langue française dans l'administration locale semble maintenir toujours constante la distance entre l'administration et les usagers non instruits, ce qui risque de compromettre la participation des citoyens de n'importe quel lieu à la gestion des affaires qui les concernent le plus directement. Or,

Dans une administration participative et de proximité, il faut que les administrés et les administrateurs soient, dans l'ensemble, identiques par leur structure mentale. Ils doivent avoir les mêmes intérêts et une tendance à réagir de la même façon à leurs problèmes et à arriver aux mêmes conclusions183(*).

C'est-à-dire qu'une société est mieux dirigée par quelqu'un qui maitrise largement les réalités de celle-ci. Pour cela, les qualités requises sont communion, symbiose et conviction partagée entre gouvernants et gouvernés.

Par ailleurs, les quelques agents mis à la disposition des territoires par le ministère de la fonction publique et de la réforme administrative éprouvent d'énormes difficultés pour servir leurs territoires eu égard à l'immensité de la superficie de ces entités. Aussi assiste-t-on à un vide administratif, l'État étant tout simplement absent dans certains endroits. En effet, l'État à travers l'administration publique, doit être présent et vivant en chaque parcelle de l'étendue du territoire national en y assurant effectivement l'exercice du pouvoir politique, et corollairement, en y établissant et en y assurant ordre, liberté et sécurité, et « en y créant ou en y favorisant les conditions indispensables au développement, et donc à l'épanouissement tant économique et social que culturel et politique, pour tous, nationaux et étrangers »184(*).

2- Non implication des administrés à la gestion de leurs entités

Les administrés doivent parcourir de longues distances pour avoir accès à certains documents administratifs ou services publics. Ainsi, par exemple pour enregistrer un mariage, un couple peut parcourir plus de 70 Km jusqu'au chef-lieu du territoire, et quand on connaît l'état des routes et autres pistes, on ne s'étonne pas que certains administrés se limitent au mariage coutumier et ne s'intéressent pas au mariage civil, en dépit de toutes les garanties et protections juridiques qu'offre le mariage civil185(*).

3- Méfiance et relations souvent conflictuelles

En outre, la sous-administration, mieux l'absence de l'État, pousse les administrés à s'organiser par eux-mêmes. En effet, le vide administratif est comblé par la solidarité de type clanique, coutumier ou religieux186(*). C'est ce qui explique que dans certains coins du département, la coutume fait office de loi. Dans d'autres coins par contre, ce sont des « hommes de Dieu » qui règnent en maîtres, appliquent le règlement de la religion et posent même certains actes administratifs (comme la délivrance de certains documents administratifs ...) en lieu et place des fonctionnaires de l'État absents187(*). L'incapacité de l'État traditionnel de fournir des services de qualité et en quantité suffisante à tous les citoyens a pour conséquence une perte de crédibilité et de légitimité auprès de ces derniers qui, pour satisfaire leurs besoins essentiels, ont recours à d'autres acteurs du système social (ONG, associations communautaires)188(*).

Cette incapacité se manifeste non seulement dans la fourniture des services essentiels, mais aussi dans l'exercice de ses fonctions régaliennes de puissance publique. Faute de moyens, l'État est incapable de faire respecter les lois et les règlements qu'il édicte et n'est pas en mesure d'assurer la protection des biens et des personnes. Il est incapable de réguler l'action de certains groupes sur le territoire qui se comportent comme de petits États dans l'État.

C- Insécurité dans des zones isolées

Si l'on devait chercher une convergence entre les événements de natures bien différentes qui secouent permanemment les zones isolées du Département du Mbéré, la question de l'insécurité figure sans doute en bonne place. En effet, le Maintien de l'ordre préventif encore appelé « maintien de l'ordre en temps normal », il est essentiellement basé sur la surveillance et le renseignement, qui constituent en effet une mission permanente pour les forces de maintien de l'ordre. Le maintien de l'ordre actif intervient en cas de troubles ou menaces de trouble. Ici, la situation sans constituer une crise sérieuse, peut dégénérer à tout moment et se généraliser.Au cours du terrain effectué dans cette zone d'étude, il nous a été possible d'observer un certain nombre de phénomènes liés à l'insécurité. Aussi, d'après les témoignages recueillis auprès des autorités locales, se tissent un maillage très complexe entre les routes, les pistes carrossables et les pistes piétonnes ou pour motocyclettes à travers les broussailles, et les lits des rivières saisonnières. Ainsi, la topographie de ces régions apparaît globalement propice à des cachettes à partir desquelles des attaques peuvent être déclenchées,

1- Phénomène de coupeur de route de 1983 à 2005

Plusieurs années durant, ces bourgades oubliées ont sombré dans une profonde léthargie devenant ainsi le bastion des coupeurs de routes. Au fil du temps, la situation ne s'est pas considérablement améliorée et la population y est abandonnée à son triste sort. Le nom de certains de ces villages donne froid dans le dos. Le souvenir de ces espaces-là, témoigne l'apogée de la « folie humaine »189(*). Des personnes aveuglées par une idéologie matérialiste, tuent, saccagent, terrorisent. D'autres gens innocents, emmurés dans leur profonde peur, une mort gratuite et absurde leur était réservée190(*).

L'insécurité y règne. Les semeurs de la mort rôdent toujours dans ces zones hautement stratégiques. L'insécurité atteint des propensions intolérables191(*).En gros, voyager sur les routes des villages isolés est devenu une entreprise périlleuse en raison de l'insécurité rampante. Face à l'ampleur du mal, l'action des pouvoirs publics est amorphe. En effet, des unités de gendarmerie n'ont pas été créées dans ces zones criminogènes ; aussi des patrouilles militaires permanentes n'ont pas été instituées sur certains axes dangereux192(*). Par conséquent, il existe dans ces localités une forme de criminalité rurale qui se caractérise par le mode opératoire des malfaiteurs qui, pour avoir les victimes à leur merci, entravent leur libre circulation en érigeant sur leurs passages des barricades à l'aide de troncs d'arbres ou de grosses pierres (d'où le terme couper la route)193(*). Ces assaillants procèdent par une embuscade tendue aux usagers d'une voie de passage qui peut être un axe routier moderne, une piste rurale, une piste pour motocycle ou simplement pour piétons.

Les personnes qui tombent dans cette embuscade sont dépouillées de leurs biens par les malfrats généralement armés et/ou cagoulés qui n'hésitent pas à exercer des violences de toutes sortes sur leurs victimes194(*).Cette forme de banditisme prend pour cible des commerçants en partance ou de retour des marchés, surtout dans les centres administratifs, étant entendu que le transport d'argent en numéraire est fortement ancré dans les habitudes séculaires de ces populations.

2- Phénomène de prise d'otage de 2005 à 2018

Ce phénomène s'apparente à une mini-guérilla où les coupeurs de route ne se sentaient plus en sécurité. Mais plutôt que d'abdiquer, ils ont abandonné les routes pour se replier dans les villages en changeant leur mode opératoire. Désormais, ils enlèvent des personnes et exigent pour leur libération de fortes sommes d'argent. Les victimes enlevées sont choisies dans les familles des éleveurs dont la taille du troupeau peut permettre de réunir facilement d'importantes sommes d'argent195(*). Le non-paiement de la rançon expose les otages au risque d'une exécution sommaire. En effet, il devient hasardeux de prévoir le lieu où l'heure à laquelle les malfaiteurs peuvent frapper alors que naguère les routes constituaient leur unique théâtre d'opérations196(*). S'agissant d'une criminalité qui sévit essentiellement en zone rurale, elle relève de la compétence naturelle de la gendarmerie qui, avec le temps et aussi avec le poids d'un découpage compliqué, s'est révélée incapable de faire, seule, face au phénomène.

À tout prendre, l'offre de services et l'État sont à toutes fins pratiques absents dans les localités administrativement isolées du Département du Mbéré, principal fléau qui assaille la grande majorité de ces populations. Cette défaillancede l'administration se manifeste non seulement dans la fourniture des services essentiels, mais aussi dans l'exercice de ses fonctions régaliennes de puissance publique.L'incapacité de l'administration à fournir des services de qualité et en quantité suffisante à tous les citoyens a pour conséquence une perte de crédibilité et de légitimité auprès de ces derniers qui, pour satisfaire leurs besoins essentiels, se replient sur eux-mêmes. Faute à un mauvais découpage territorial, l'administration est incapable de faire respecter les lois et les règlements qu'elle édicte et n'est pas en mesure d'assurer la protection des biens et des personnes. Face à l'ampleur du mal,ces populations administrativement désavantagées ne tardent pas à manifester leur frustration à travers nombre revendications.

* 129Entretien avec Mvogo Marie Syllac, Meiganga,le 14 août 2018.

* 130Entretien avec Mvogo Marie Syllac, Meiganga,le 14 août 2018.

* 131 Entretien avec Djidéré Gilbert,Ngaoui, le 20 août 2018.

* 132 Entretien avec Djidéré Gilbert,Ngaoui, le 20 août 2018.

* 133Entretien avec Ehadi Léopold, Djohong, le 22 août 2018.

* 134A. Mpessa, 2004, « Le titre foncier devant le juge administratif camerounais », les difficultés d'adaptation du système Torrens au Cameroun, volume 34, numéro 4, p.11.

* 135Revue générale de droit, le décret n° 97-367/PRN/MAG/EL du 2 octobre 1997 déterminant les modalités d'inscription des droits fonciers au Dossier Rural précise la procédure d'instruction des demandes d'inscription des droits au Dossier rural, p.13.

* 136 Entretien avec Mvogo Sylliac, Meiganga, le 14 août 2018.

* 137 G. Bahang, 2014, « Procédure d'acquisition d'un titre foncier au Cameroun », http://georgesbakang.over-blog.com/2014/02/procédure-d-acquisition-d-un-titre-foncier-au-cameroun.html. Consulté le 21 septembre 2018.

* 138Bahang, 2014.

* 139Ibid.

* 140 Ibid.

* 141A. Galba, 2010, « Gouvernance et services publics, Pour ne pas renoncer au rêve du développement »,Cahier de propositions, n°2010-05, p.07.

* 142L. Rouban, 2002,« La réforme de l'État »,Regards sur l'actualité, n°277, p.11.

* 143J. Chevallier et Y. Loshas, 1964,Introduction à la science administrative, Paris, Dalloz, p.49.

* 144Chevallier et Loshas, 1964.

* 145Article 1 alinéa 2 de loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

* 146G. M. Eyei, 2014, « Budget-programme et gestion des ressources locales », Mémoire de Master professionnel, Université de Douala, p.119.

* 147Loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009, portant fiscalité locale.

* 148Code Général des Impôts 2014.

* 149A. Rosenbaum, 1998, « Gouvernance et décentralisation, leçon de l'expérience », Revue française d'administration publique, n° 88, pp. 510 et 511.

* 150 J. B. Auby, 1990, Droit des collectivités locales, Paris, PUF, Thémis ; p. 311.

* 151P.Lauzel, 1994, Contrôle de gestion et budgets, Paris, Sirey, p. 395.

* 152R. Gaschet, 1999, Le management socio-économique des collectivités territoriales, Paris, La lettre du cadre territorial, p.380.

* 153J. Carles, 1990, Les collectivités locales et leur financement, Paris, la revue "Banque", p.374.

* 154AJDA, 1989, La notion de sincérité des évaluations budgétaires, Paris, sirey, p.164.

* 155 A. Bryden et B. N'Diaye, 1997, Gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l'Ouest francophone : bilan et perspectives, Genève, DCAF, p.15.

* 156 F. Denat, 2002, « Prévention... Le rôle de la police », Éthique publique, vol. 4, n° 2, p.15.

* 157 Ibid.

* 158 Ibid.

* 159 O. Yaya, 1998, « L'ordre public : mission principale de la Gendarmerie nationale (Cameroun) », https://livre.fnac.com/a903692/O-Yaya-L-ordre-public-mission-principale-de-la-Gendarmerie-nationale-Cameroun. Consulté le 25 septembre 2018.

* 160 Ibid.

* 161A. Choplin et M. Redon, 1989, Gendarmes, policiers : quelles pratiques spatiales ?, Paris, EchoGéo, p.11.

* 162 Ibid.

* 163 Choplin et Redon, 1989, p.21.

* 164N. H. Kouomegne, 2012, « Décentralisation et centralisation au Cameroun. L'exemple de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales », Thèse, Paris 1, p.29.

* 165 Ibid.

* 166Entretien avec Oumarou Issama, Djohong, le 22 août 2018.

* 167Entretien avec Oumarou Issama, Djohong, le 22 août 2018.

* 168Entretien avec Oumarou Issama, Djohong, le 22 août 2018.

* 169D. Darbon, 2003, « Réformer ou reformer les Administrations projetées des Afriques ? Entre routine anti politique et ingénierie politique contextuelle », Revue française d'Administration publique, n° 105/106, p. 136.

* 170Ibid.

* 171 S. Jaglin et A. Dubresson, 1998,Pouvoirs et cités d'Afrique noire, décentralisation en question, Paris, Karthala, p. 23.

* 172Jaglin et Dubresson, 1998.

* 173M. K. Ibula, 1987, La consolidation du management public au Zaïre, Kinshasa, PUZ, p. 8.

* 174 J. P. O. de Sardan, 1998, Chefs et Projets au Village (Niger), Nyamé, Bulletin de l'APAD, p.15.

* 175 Ibid.

* 176 E. K. Hahonou, 2007, « Autorités traditionnelles et institutions coutumières », http://journals.openedition.org/apad/141. Consulté le 13 septembre 2018.

* 177Entretien avec Hamadou Jean, Lamou, le 18 août 2018.

* 178Entretien avec Koulagna Alain, Yafounou, le 15 août 2018.

* 179Entretien avec Kondja Sodéa, Ngolo, le 16 août 2018.

* 180Entretien avec Kondja Sodéa, Ngolo, le 16 août 2018.

* 181Entretien avec Hamidou Salihou Iya, Gandinang, le 17 août 2018.

* 182 Entretien avec Aba Emmanuel, Gari,le 18 août 2018.

* 183F. Gauthier, 1967, « Centralisation ou décentralisation. Les contraintes de la politique économique », Cahiers de l'Institut Social Populaire, n° 8, p. 13.

* 184C.D. Chirishungu, 1993, Organisation politico-administrative et développement, Bukavu, Bushiru, p. 83.

* 185Entretien avec Aba Emmanuel, Gari, le 18 août 2018.

* 186Entretien avec Bakari Mathieu, Ngaoui, le 20 août 2018.

* 187Entretien avec Bakari Mathieu, Ngaoui, le 20 août 2018.

* 188Entretien avec Bakari Mathieu, Ngaoui, le 20 août 2018.

* 189Entretien avec Abou Marie Joséphine, Fada, le 17 août 2018.

* 190Entretien avec Abou Marie Joséphine, Fada, le 17 août 2018.

* 191Entretien avec Daouda Issa, Fada, le 17 août 2018.

* 192Entretien avec Daouda Issa, Fada, le 17 août 2018.

* 193 M. Tankeu, 2013, Enquête au coeur du phénomène des coupeurs de route, Paris, l'Harmattan, p.11

* 194 Ibid.

* 195Entretien avec Djibrilla Hamissou, Mboula,le 23 août 2018.

* 196Entretien avec Djibrilla Hamissou, Mboula,le 23 août 2018.

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