Immunité diplomatique et justice pénale internationale.par Mohamed OUASSAS Faculté des sciences juridiques , économiques et sociales de Marrakech - Master en Géopolitique et Relations Internationales 2020 |
1er Chapitre : L'éviction des immunités devant la CPILe Statut de Rome fut le premier texte international conventionnel qui reconnait la responsabilité pénale individuelle. « Quiconque commet un crime relevant de la compétence de la Cour est individuellement responsable et peut être puni conformément au présent Statut70(*)». En vue d'accomplir cette mission, la CPI s'est basée sur le principe de complémentarité. Ce principe régit la répartition des rôles entre les États parties au SR et la CPI. Tel est le sens des dispositions du préambule du Statut de Rome : « Il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Plus précisément, les États parties acceptent le principe « que la Cour pénale internationale dont le présent Statut porte création est complémentaire des juridictions pénales nationales ». Cependant, le principe de complémentarité consiste à ce que la Cour ne sera compétente dans une affaire que lorsque les Etats qui sont normalement compétents n'ont pas la volonté et/ou la capacité d'entamer des poursuites. A cet égard, la complémentarité n'exprime pas une primauté. Par l'adoption de ce principe, la communauté internationale a assuré son engagement à intervenir lorsqu'une action nationale semble insuffisante : « En tant que Procureur de la Cour Pénale Internationale, je serai chargé de faire intervenir cette juridiction internationale. J'utiliserai cette faculté avec responsabilité et fermeté, en m'assurant du strict respect du Statut, essentiellement dans les domaines concernés par la preuve des crimes et par l'inaptitude des états à enrayer lesdits crimes71(*) » Le principe de complémentarité tire son fondement de l'article 17§1 du SR, qui dispose qu'une affaire est jugée irrecevable lorsque : « a. L'affaire fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un État ayant compétence en l'espèce, à moins que cet État n'ait pas la volonté ou soit dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites; b. L'affaire a fait l'objet d'une enquête de la part d'un État ayant compétence en l'espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l'effet du manque de volonté ou de l'incapacité de l'État de mener véritablement à bien des poursuites ; c. La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l'objet de la plainte, et qu'elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l'article 20, paragraphe 3 ; d. L'affaire n'est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite » S'ajoute à ces exigences procédurales celles de l'article 13 du SR : « a. Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par un État Partie, comme prévu à l'article 14; b. Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies ; c. Si le Procureur a ouvert une enquête sur un ou plusieurs de ces crimes en vertu de l'article 15 ». A la lecture de ces articles ainsi que l'article 18 dudit statut72(*), on comprend facilement que les Etats sont prioritaires. L'État est maître des poursuites et le Procureur pourrait être dessaisi de l'affaire tant que l'État-partie qui a la primauté ait apte ou décidé à poursuivre l'auteur des crimes. 1ère section : Le principe de non-pertinence de la qualité officielleLe principe de non-pertinence de la qualité officielle a été affirmé à l'article 4 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en 1948, en invoquant explicitement la responsabilité pénale des gouvernants, des fonctionnaires ou des particuliers73(*). Par la suite, la Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité adoptée en 1968, a reconnu la responsabilité des représentants de l'autorité de l'Etat74(*) et enfin l'article 3 de la Convention pour la répression du crime d'apartheid de 1973 engage la responsabilité des représentants de l'Etat75(*). La non-pertinence de la qualité officielle et l'imputation de la responsabilité pénale individuelle ont, par la suite, été consacrées à l'article 7-2 du Statut du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie et à l'article 6-2 du Statut du Tribunal pénal pour le Rwanda. La raison d'être d'une cour pénale internationale est d'exclure les immunités des agents de l'Etats. Après ratification du Statut de Rome, ces immunités, attachées surtout à la qualité officielle de la personne, ne font plus obstacle à la compétence de la CPI pour juger les chefs d'Etat ou de gouvernement ou toute personne bénéficiant de ladite qualité. Comme nous l'avons déjà évoqué, le Statut de Rome, dans son article 27 alinéa 1, pose le principe que la qualité officielle ne peut pas être invoquée afin de s'exonérer de sa responsabilité pénale ou d'en diminuer la peine pour les crimes reconnus par le Statut. Ainsi, il précise au deuxième alinéa qu'aucune immunité ou tout autre privilège ne peut empêcher la Cour d'exercer sa compétence à l'égard d'une personne, que cette immunité soit reconnue au niveau international ou au niveau interne. Cet article touche à la question de l'immunité ratione personae, attachée à la fonction protégée de son bénéficiaire, et de ce fait, elle s'éteint à la fin du mandat auquel elle est attachée. L'article 27 du SR affirme le principe stipulé dans l'article 25 du même Statut, à savoir que toute personne, est pénalement responsable des actes accomplis et qui violent les normes du Statut, que ce soit sa qualité officielle. * 70 Statut de Rome, Article 25-1. * 71 Déclaration De M. Luis Moreno Ocampo, Assemblée des Etats Parties au Statut de Rome de La Cour Pénale Internationale, New York, le 22 avril 2003. * 72 Article 18 du SR portant sur la « Décision préliminaire sur la recevabilité ». * 73Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 260 A (III), 9 décembre 1948. * 74Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 2391 (XXIII), 26 novembre 1968. * 75Assemblée générale des Nations Unies, Résolution 3068 (XXVIII), 30 novembre 1973. |
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