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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Au terme de cette belle randonnée philosophique portant sur l'analyse critique de la crise de l'éducation scolaire selon Ivan Illich, nous pouvons affirmer, non sans raison, que la philosophie de l'éducation demeure l'une des disciplines indispensables pour le bien de l'humanité, car elle réfléchit sur l'éducation qui est la base fondamentale de tout homme. En parcourant ce travail, subdivisé en trois chapitres, nous avons démontré sur les traces du philosophe autrichien la teneur de la crise que subit l'éducation scolaire moderne.

Dans le premier chapitre, intitulé Lectures de la crise de l'éducation, il s'est agi d'analyser quelques facteurs importants de l'éducation. Nous avons d'abord abordé l'aspect historique en cherchant à déterminer la philosophie de l'école conçue par les différentes époques. Ainsi, dans l'antiquité grecque les sophistes avaient pour finalités de savoir comment penser, comment vivre, comment parler, aux côtés des sophistes, Socrate visait, à travers ses nombreuses discussions à apprendre qu'à enseigner. L'époque médiévale quant à elle a établi l'école comme un milieu moral organisé. Sa philosophie était la conversion religieuse. L'éducation de la Renaissance vise la libération de l'homme, la réalisation d'un idéal d'action combiné à un idéal de connaissance, l'instruction des élèves dans les vérités de la religion. Inspirée de nouvelles pédagogies, l'éducation contemporaine vise la formation de personnes rationnelles, capables de penser par elles-mêmes et dont les idées et actions s'appuient sur des raisonnements et connaissances valides.

L'école africaine traditionnelle formait l'enfant pour son intégration harmonieuse à son groupe, ce but sera détrôné par l'arrivée de colonisateurs qui ont apporté l'école occidentale en Afrique avec comme but de civilisation qui amènerait les indigènes à mieux servir les intérêts de la métropole. Après l'indépendance l'école occidentale était maintenue dans le but de former les ressources humaines de qualité qui auront pour tâche de diriger et promouvoir le développement.

Le deuxième aspect abordé dans ce chapitre est l'inventaire des manifestations de la crise scolaire, cette crise se manifeste par la problématique de la mission et des finalités de l'école qui nous amène à constater que l'école en Afrique n'a pas encore atteint son but de clé du progrès communautaire, ensuite le dysfonctionnement du système éducatif qui garde un décalage entre lui et les exigences réelles de la vie de la société africaine et enfin la baisse du niveau de l'enseignement moderne ayant comme base la pauvreté, la corruption et le mauvais fonctionnement des institutions scolaires africaines. Le troisième point qui a étalé les différents constats illichiens de la crise scolaire s'est d'abord penché sur la crise de l'ère scolaire prônée par Illich, ensuite sur l'anti-enseignement obligatoire qui n'est qu'une imposition qui divise l'existence humaine en deux périodes distinctes et enfin les méfaits que relève Illich engendrés par l'école qui au lieu d'être un lieu de formation est devenue le lieu de déformation en apprenant aux élèves à confondre les méthodes d'acquisition du savoir et la matière de l'enseignement.

Le deuxième chapitre quant à lui s'est lancé à l'analyse critique illichienne de la crise de l'éducation scolaire, en effet, l'école subit une crise interne qu'externe, ainsi Ivan Illich passe en revue les différents aspects qui démontrent la crise scolaire et du coup son inutilité pour la société. Traitant de la politique, la société et le rapport éducation-école, le premier point de ce chapitre, a détaillé des éléments importants qui ternissent l'image de l'école. Du point de vue politique, Illich pense que la séparation de l'école et l'État serait d'un bénéfice considérable pour une éducation conviviale, l'État a échoué d'assumer l'égalité des chances en éducation, créant une absurdité économique, l'État devrait lutter à tout prix la discrimination en protégeant les citoyens contre l'exigence des diplômes pour trouver un emploi.

Traitant du rapport éducation-école, Illich nous met en garde contre la confusion généralisée entre les deux réalités suite au monopole de l'école sur les autres formes d'éducation, or il existe une distinction formelle entre les deux, l'école n'est qu'une composante de l'éducation, elle peut même disparaître, mais l'éducation elle non, c'est le souci même illichien de voir de nouvelles formes éducatives car l'école n'est que manipulation oubliant que l'apprendre requiert le moins l'intervention d'autrui. Quant au rapport école-société, Illich constate que l'école ne prépare pas à la vie, car elle apprend des réalités qui n'ont rien à faire avec la vie réelle de la société, il y a confusion entre l'instruction et le rôle joué dans la société.

Entamant le deuxième point de ce chapitre sur le monopole de l'école sur l'humanité, nous avons montré que ce monopole se situe à deux niveaux, le premier monopole scolaire est que l'école s'est érigée en une nouvelle religion obligeant tout homme à la fréquenter, le deuxième niveau est celui de l'aliénation. L'enseignement fait de l'aliénation la préparation à la vie, séparant ainsi l'éducation de la réalité et le travail de la créativité. Cette situation est pire en Afrique subsaharienne, où l'école héritée du colonialisme a été imposée et implantée dans un contexte dominant-dominé, elle n'est qu'une véritable domestication et aliénation des africains perpétuant le sous-développement.

Le troisième et dernier point de ce chapitre se penche aux détails de la société déscolarisée, d'abord il présente les caractéristiques de la société déscolarisée qui prône plus de liberté que dans une société scolarisée, celle-là est caractérisée par une égalité des chances d'éducation pour tous, la possibilité à chacun de se développer et d'accéder à la situation pour laquelle il est apte, plus de diplômes comme garantie d'un emploi, des rencontres libres de partages des connaissances, pas de programme occulte de l'école, non à la manipulation créant exploiteurs et exploités, bref c'est une société conviviale. Ensuite, la société déscolarisée opte pour une éducation favorisant les réseaux éducatifs, les objets éducatifs doivent être mis à la disposition du public pour l'éducation formelle, l'échange libre des connaissances pour l'éducation mutuelle. Enfin le dernier point de ce chapitre traite de deux autres réseaux illichiens pour l'éducation conviviale, il s'agit de l'appariement des égaux qui est un organisme facilitant les rencontres entre pairs, où chacun choisit l'activité qui lui plaît pour l'intérêt de la société ainsi que l'émergence des éducateurs professionnels, qui rejetant autorité et contrainte, favorisent confiance dans un système d'éducation mutuelle.

Le troisième chapitre de notre travail a porté essentiellement sur l'appréciation critique de la théorie éducative illichienne, comme pour toute oeuvre humaine, la pensée éducative développée a ses limites et ses mérites, c'est ainsi que le premier point de ce chapitre a relevé trois grands mérites : le premier mérite illichien est celui de l'éveil de conscience pour une éducation juste, son oeuvre nous interpelle, remet en question l'organisation de l'éducation afin que l'État et les gestionnaires scolaires prennent conscience d'assurer les chances égales d'enseignement à tous, le deuxième mérite illichien est la valorisation du tiers milieu éducatif, Illich, en bon philosophe de l'éducation nous force de reconnaître que l'éducation ne doit pas être monopolisée par l'école et la famille, il nous faut un troisième milieu beaucoup plus important, question d'une éducation diversifiée et de la promotion des capacités individuelles des jeunes pour le bien de la société.

Le troisième mérite est celui du questionnement sur le rôle de l'école et de l'éducation, tout en distinguant l'école de l'éducation, le rôle de l'école pour la société doit être clairement défini, une occasion de fixer des finalités scolaires dignes en élaborant des programmes suivant une politique scolaire s'inspirant d'une philosophie de l'éducation visant à surmonter la crise des systèmes scolaires tout en prônant une éducation libératrice et conviviale.

Le deuxième point de ce troisième chapitre s'est attelé sur les limites de la pensée éducative illichienne, trois grandes limites ont été également maintenues, la première limite est celle de considérer l'illichisme comme une théorie utopique, Yao Assogba le qualifie même d'une utopie monastique, car pour lui seule l'école peut garantir la qualification des individus à des postes de travail ; la deuxième limite relevée est la conception de sa pédagogie où il prône les réseaux éducatifs comme moyen alternatif de l'école, ces réseaux semblent limités, car ils sont envisagés univoquement dans des applications pragmatiques et immédiates. La troisième limite est celle du caractère obligatoire de l'école, sans elle, estime Olivier Redoul, nous assisterons à la perte de protection des enfants, en plus elle n'est pas seulement une simple garderie, mais surtout elle transmet l'apprentissage, elle assure non seulement le savoir à long terme pour la vie en société, mais aussi la formation morale spécifique.

Après une telle analyse, les réactions du lecteur peuvent être légion et multiformes, nous subodorons que l'effet produit aura peut-être été chez certains réservé, teinté d'un sentiment utopique considérant la théorie illichienne moins réaliste. Nous n'envisageons en aucun cas, l'inspiration d'une telle perception,le but de ce modeste travail philosophique n'a été que celui de susciter par la réflexion illichienne le coeur de toutes les personnes qui ont la responsabilité de l'éducation afin d'arriver à une éducation qui puisse prendre conscience de ses limites pour le bien de la communauté des hommes. Loin de nous la prétention d'avoir exposé toute la pensée éducative illichienne, nous espérons que d'autres chercheurs postérieurs pourront se lancer dans cette aventure et pourront apporter plus d'éclaircissement à l'agape scientifique de la philosophie de l'éducation, non seulement pour l'éducation scolaire mais aussi et surtout pour le tiers milieu éducatif. Deschooling society demeure une oeuvre complexe qui permettra à chaque génération d'y trouver des éléments importants pour une éducation conviviale. C'est tout en laissant cette brèche que nous clôturons nos investigations si perfectibles tout en prônant des recherches continues en ce domaine si important pour la société, pour quiconque désire une société conviviale qui donne préséance à une humanité non-deshumanisante.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius