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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

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3.2. Les limites de l'auteur

L'analyse critique de la crise de l'éducation scolaire faite par Illich est si radicale qu'elle est trop controversée et offre autant des contradictions. Ainsi nous développons trois aspects importants montrant les limites de l'auteur de la société sans école, il s'agit de l'illichisme comme théorie utopique, les limites de la pédagogie illichienne et le caractère obligatoire de l'école.

3.2.1. L'illichisme comme théorie utopique

L'interprétation du phénomène Illich n'est pas facile, son esquive non plus. Ce phénomène est de taille et s'impose de lui-même. Illich est devenu le symbole d'une pensée et presque d'une école : l'illichisme. Il est peu de débats en éducation où ses thèses ne soient pas présentes.159(*) Yao Assogba se lance à une critique sévère contre l'illichisme en montrant que le discours d'Illich sur l'école est non seulement une utopie, mais c'est précisément une utopie monastique. Pour lui, le parallèle qu'Illich fait entre les rituels de l'Église et la scolarisation justifie de plus l'hypothèse utopiste, car sur le plan politique, c'est l'école seule qui peut garantir la qualification des individus à des postes de travail ; Ce qui, selon Illich, fausse la réalité, en considérant l'école comme une piètre instructrice en matière de qualifications parce qu'elle enseigne selon un programme encyclopédique, liant entre eux des enseignements qui sont sans rapport aucun. L'utopie illichienne remet radicalement en question la relation individu-institution. Il faut désinstitutionnaliser l'école i.e. lui enlever son aspect administratif, social, supra-individuel. Illich refuse donc le maintien de l'école institutionnalisée.160(*)

En plus, Yao Assogba affirme que dans la deschooling society les individus auront accès aux choses éducatives ; ils produiront seulement ce qui répond à leurs besoins et par conséquent ils consommeront les choses dont ils décideront eux-mêmes. Ici le rapport de production s'établit entre « l'homme-individu et l'homme-individu » sans l'intermédiaire d'une institution. Mais cette relation inter-individuelle ne constitue-t-elle pas déjà une autre institution ? N'est-ce pas utopique de penser que « les individus » se mettront d'accord facilement sur leurs besoins sans heurts ni compétition ? Dans la deschooling society les individus mèneront une vie semblable, auront accès aux mêmes choses manuelles ou intellectuelles, tout comme dans la société monastique ou cénobitique. Cette société-autre d'Illich possède une conception particulière du temps et surtout du temps de scolarisation, Yao Assogba pense que: « La signification utopique de ce réseau de possibilités d'accès aux choses éducatives réside dans le fait qu'Illich oublie les enseignements ou les théories de la philosophie, la psychologie et la sociologie sur le désir de dominer, la volonté de puissance, l'agressivité, les antagonismes entre les intérêts sociaux »161(*) .

Comparant l'illichisme au monachisme, il atteste que dans le monachisme ou le cénobitisme, les moines se donnent un abbé élu et révocable ou un prieur temporaire, pour signifier que dans l'illichisme, au professeur statué par l'institution politique des sociétés actuelles, Illich oppose un guide de son choix, mais selon les expériences déjà acquises et accumulées par l'individu dans la communauté. Illich veut libérer l'individu de l'obligation de modeler ses attentes d'après les services que lui offrent les professions établies en lui fournissant la chance de profiter de l'expérience de ses jours et de se confier au professeur ou au guide de son choix. La question de diplôme ne se pose plus dans la deschooling society et pour ainsi dire toute relation hiérarchique est absente. Jusqu'ici, constate Yao Assogba, l'individu-étudiant obéit au Professeur reconnu par l'État et non à un guide reconnu pour son expérience de vie. De toute façon, Illich est contraint de reconnaître la nécessité d'un professeur i.e. d'une personne ressource qui possède de la compétence, qui connaît la spécialité, car la première transmission d'une compétence implique de rassembler une personne qui connaît la spécialité et une personne qui ne la possède pas et désire l'acquérir.

C'est dans les pays sous-développés qu'Illich retrouve l'existence de la convivialité. Tout comme le monachisme fuit la ville vers la campagne, la théorie illichienne fuit les sociétés développées vers les sociétés sous - développées.162(*) Illich pense résoudre les contradictions des sociétés contemporaines en inversant les institutions, en particulier l'institution scolaire. Mais Illich ne nous dit pas comment inverser les institutions. La solution illichienne paraît ainsi difficile à se traduirepolitiquement dans la réalité. Les sociétés humaines ne peuvent pas échapper à l'institution. L'affirmer est une vérité historique, le poser sous forme de question est un pseudo problème. Nous touchons dès lors à l'utopie.163(*)

Yao pense que l'illichisme n'est porteur de la solution aux problèmes de l'école, « ni dans le Tiers-Monde où Illich croit retrouver des relations sociales conviviales, ni dans les pays hautement industrialisés où Illich ne voit que hyperproductivité et hyperconsommation. L'attitude illichienne est une réaction d'un intellectuel utopiste qui rêve d'une société-autre qu'il appelle lui-même la société conviviale. À bien y voir, l'illichisme répond plus à un besoin intellectuel utopique des pays développés qu'à un besoin intellectuel utopique des pays sous-développés ».164(*)

Gajardo estime que l'erreur d'Illich est celle de condamner l'école sans appel. Le caractère radical de sa dénonciation l'a empêché de construire une stratégie réaliste qui aurait permis aux éducateurs et aux chercheurs de se joindre à sa protestation. Par ailleurs, dans ses écrits, Illich a travaillé essentiellement de manière intuitive, sans références majeures à l'expérience accumulée dans le domaine des théories socio-éducatives ou de l'apprentissage. Sa critique surgit et se développe dans un vide théorique, ce qui explique le peu de crédit accordé aujourd'hui à ses théories éducatives. Nombreux sont ceux qui accusent Illich d'être un penseur utopique et qui lui reprochent en outre son retrait prématuré du débat général sur l'éducation. Une insertion plus réelle dans le monde, l'élaboration de stratégies viables pour mettre ses idées en pratique et des références théoriques solides auraient pu modifier l'itinéraire de notre auteur.165(*)

Un professeur de sociologie écrit à ce propos en disant : «Ivan Illich se défend d'être un néo-luddiste qui inviterait à briser les machines comme les ouvriers révoltés du début de la révolution industrielle. Néanmoins, quelque chose dans sa manière de penser rappelle les rêveries fumeuses de mutuellisme proudhonien et les mythes de l'anarcho-syndicalisme, qui était au moins, lui, un mouvement social réel et actif ».166(*)

* 159Cf. G. PINEAU« ILLICH ou les paradoxes de la créativité » inProspectives, Vol 11, n°1 (1975), 82.

* 160 Cf. Y. ASSOGBA, « Deschooling Society ou L'illichisme : une utopie monastique » in Revue des sciences de l'éducation, Vol 4, n° 2, (printemps 1978) ,181-203.

* 161Ibid., 198.

* 162 Cf. Ibid., 199-200.

* 163 Cf. Y. ASSOGBA,  Art. Cit., 201.

* 164Ibid., 201-203.

* 165Cf. M. GAJARDO, Art. Cit., 738.

* 166 J.-W. LAPIERRE, « Illich en débat », in Esprit, n° 3, (mars 1972), 388.

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