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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

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1.3.3. Les méfaits de l'école

Comme l'affirme mieux OKOLO OKONDA, L'école, le lieu de l'entrée de l'enfant dans l'univers de la rationalité moderne, au lieu d'être un lieu de formation, est plutôt le lieu de déformation. Elle a tendance à créer un homme artificiel détaché de la vie et de l'existence.51(*) La démocratisation de l'enseignement, objectif annoncé par la plupart des gouvernements depuis plus de cinquante ans, est un mythe, et que l'école, malgré les bonnes intentions des hommes politiques, des responsables du ministère et des enseignants ne peut pas tenir ce gage. L'école n'est pas non plus méritocratique même si elle permet, par l'intermédiaire des bourses, la promotion de certains élèves méritants des classes défavorisées. Elle favorise outrageusement les héritiers car elle reproduit voire amplifie les différences sociales, provoque l'échec scolaire des plus défavorisés par l'intermédiaire de la violence symbolique, et surtout, crée des gagnants et des perdants, or un des effets dévastateurs de l'échec scolaire est de convaincre les perdants de leur indignité. L'école fonctionne en donnant bonne conscience au vainqueur52(*) et mauvaise conscience au vaincu,53(*) pour cela, nous disons que le premier méfait de l'école est qu'elle est injuste alors qu'elle se prétend être juste. Denis Kambouchner aborde également la thématique de l'école juste. Sa thèse est que l'école juste est celle qui remplit au mieux les quatre fonctions suivantes : accueillir les élèves ; les nourrir d'un enseignement substantiel ; exiger d'eux des conduites propres à assurer la vie en commun et l'étude ; décider au vu des résultats : orienter, certifier.54(*)

Une école juste serait une école qui n'humilierait pas les vaincus, une école qui doterait chaque élève des connaissances et compétences nécessaires pour vivre sereinement de son travail dans notre type de société. Curieusement, certaines personnes qui n'ont pas fait les grandes écoles, ni l'université, et qui n'ont obtenu que des diplômes peu valorisés sur le marché du travail, créent leur entreprise, la développent et vivent de manière tout à fait satisfaisante. Cela signifie qu'elles développent des compétences que l'école n'a jamais reconnues, mais que la vie valide fort heureusement.55(*)

Il semble bien que, malgré ses tentatives d'ouverture, d'emblée l'école constitue un monde à part, séparé du monde de la production. Depuis que le travail des enfants est interdit, elle est devenue le seul lieu de travail licite des enfants. La vie quotidienne, les divers moyens de communication viennent se situer en complémentarité ou en concurrence avec l'école. La concurrence peut se marquer paradoxalement par un emprunt du vocable, lors que la vie devient à son tour une école. Et si cette école de la vie, qui fonctionne comme une école parallèle, est parfois pensée comme plus efficace que l'école, c'est parce que l'école est souvent ressentie comme ennuyeuse au point que l'adjectif scolaire prenne le sens péjoratif de ce qui est laborieux, fastidieux, coupé de la vie et si cet adjectif est souvent neutre, il n'est jamais positif ou laudatif :

« L'école en arrive même à être pensée comme repoussoir, lorsqu'elle devient école-caserne où l'on dresse plus qu'on n'éduque, où l'on conditionne plus qu'on ne libère, où l'on apprend à obéir plus qu'à agir, où l'on demeure soumis et révolté, au lieu d'être maître de soi et respectueux des autres. D'où le rêve de certains, de voir se profiler une société sans école, mais où paradoxalement tout serait école, où tout pourrait être l'occasion d'échanges de savoir ».56(*)

Il est difficile maintenant de dénoncer l'école en tant que système parce que nous y sommes trop habitués. L'enseignement classe et par là déclasse, en même temps il se charge de convaincre les déclassés qu'il leur faut se soumettre, car c'est par l'intermédiaire de l'école que l'on parvient au rang d'adulte dans la société. Ce que l'école enseigne aux citoyens, c'est de rester à leur place assignée. Les écoles permettent à ceux qui ont pris un bon départ de justifier rationnellement leur réussite.57(*) Elle apprend à confondre enseigner et apprendre, à croire que l'éducation consiste à s'élever de classe en classe, que le diplôme est synonyme de compétence.58(*) Selon l'analyse de John Holt, l'une des raisons pour lesquelles l'école est rarement bénéfique aux enfants mais leur est par contre presque toujours nocive, c'est qu'ils n'expérimentent aucune rencontre réelle avec leurs professeurs. Les professeurs ne sont pas eux-mêmes, ils jouent un rôle. Ils ne parlent pas de leur réalité, ce qu'ils savent, de ce qui les intéresse, de ce qu'ils aiment, mais seulement de ce que prévoient les programmes et les livres du maître, Ils ne réagissent pas naturellement, avec franchise, ni aux actions ni aux besoins des enfants, mais en fonction des réactions dictées par des règles.59(*)

Conclusion

En conclusion, le premier point de ce chapitre a abordé l'aspect historique en cherchant à déterminer la philosophie de l'école conçue par les différentes époques. Ainsi pour l'antiquité grecque, l'éducation est passée d'une entreprise familiale et du milieu social quotidien en une éducation organisée et consciente, poursuivant un but et ayant comme professeurs les sophistes qui enseignent une culture générale, avec comme finalités de savoir comment penser, comment vivre, comment parler. L'époque médiévale quant à elle a établi l'école comme un milieu moral organisé. Sa philosophie était la conversion religieuse. L'éducation de la Renaissance vise la libération de l'homme, la réalisation d'un idéal d'action combiné à un idéal de connaissance et stimuler les apprenants aux découvertes et aux inventions.

Le deuxième point qui a traité de l'inventaire des manifestations de la crise scolaire, a commencé tout d'abord par analyser la problématique de la mission et des finalités de l'école qui nous amène à constater que l'école en Afrique n'a pas encore atteint son but de clé du progrès communautaire. Ensuite, nous y avons présenté le dysfonctionnement du système éducatif qui garde un décalage entre celui-ci et les exigences réelles de la vie de la société africaine et enfin la baisse du niveau de l'enseignement moderne ayant comme base la corruption et le mauvais fonctionnement des institutions scolaires africaines suite aux moyens insuffisants.

Le troisième point qui a étalé les différents constats illichiens de la crise scolaire s'est d'abord penché sur la crise de l'ère scolaire prônée par Illich, ensuite sur l'anti-enseignement obligatoire qui n'est qu'une imposition qui divise l'existence humaine en deux périodes distinctes et enfin les méfaits que relève Illich engendrés par l'école qui au lieu d'être un lieu de formation est devenue le lieu de déformation. Ces analyses nous permettent d'amorcer le deuxième chapitre qui examine en détails la conception éducative illichienne.

* 51 Cf. O. OKONDA, « Enjeux du post-modernisme en Afrique » in Philosophie et Politique en Afrique, Actes des journées philosophiques de 1996 à Canisius, Kinshasa, 20.

* 52 « J'ai réussi grâce à mes seuls mérites »

* 53 « J'ai reçu les mêmes chances que l'autre et pourtant, moi j'ai échoué »

* 54 Cf. D. KAMBOUCHNER, L'école, question philosophique, Paris, Éditions Fayard, 2013, 178.

* 55 Cf. F. RAYNAL - A. RIEUNIER,Op. Cit., 153-154.

* 56A.-M. DROUIN,Op. Cit., 45-46.

* 57Cf. I. ILLICH, Libérer l'avenir, 109-114.

* 58Cf. ID., Une société sans école, 11.

* 59Cf. www.descolarisation.org, consulté le 15 mars 2020, à 17h12.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote