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Les affrontements et le transport maritime.


par Said Abdourahim
Université Nelson Mandela de Dakar - Master II en droit des activités maritimes et portuaires 2017
  

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B- Etendue du contrat de transport maritime

Déterminer l'étendue du contrat de transport est juridiquement important dans la mesure où elle détermine le domaine d'application d'un régime particulier. Derrière une question apparemment anodine se tient un intérêt capital : savoir quels sont les obligations et les droits des parties contractantes. Pour cette raison les mots retenus méritent d'être connus avec un soin particulier. L'étendue du contrat de transport maritime est délimitée par quatre mots qui vont deux par deux : prise en charge et chargement des marchandises d'une part, livraison et déchargement des marchandises d'autre part. Ils ont soulevé de nombreux débats. Toute difficulté n'en est pas pour autant écartée et cinq situations font problème :

Première situation : clause de prise en charge ou de livraison sous palan et représentation. La difficulté tient au fait que le transporteur n'agit pas lui-même dans le port. Il est représenté soit par le capitaine du navire transporteur, soit par le responsable de son agence ou de sa succursale établie dans ce port, soit par un consignataire de navire, professionnel dont la mission est précisément d'accomplir dans tel port les obligations que le transporteur absent n'est pas en mesure d'exécuter directement ou physiquement. Aussi peut-on légitimement se demander s'il a pris la marchandise en charge par le seul fait qu'elle a été remise par l'expéditeur à l'une ou l'autre de ces personnes ou, au contraire, s'il peut être stipulé que ladite personne ( consignataire ou gérant succursaliste ) n'agit encore, à ce moment de la ladite remise, que pour le compte du chargeur, la prise en charge étant alors différée au début du chargement de celle-ci dans le navire ? La question se pose-t-elle exactement dans les mêmes termes s'agissant de la livraison ? La réponse reste assez délicate pour deux raisons.

Certes, la clause du contrat de transport retardant le moment de la prise en charge au chargement ou, au contraire, avançant celui de la livraison au déchargement est licite et semble devoir produire effet. Une telle clause ne se heurte pas aux dispositions de la convention de Bruxelles de 1924 parce qu'elle a pour objet les obligations des contractants et non leur responsabilité. Il n'en demeure pas moins que son effectivité est sujette à caution. Deux objections importantes se présentent. La première tient au fait qu'il n'est pas certain qu'elle ait été connue par le chargeur qui, la plupart du temps, n'entre en possession du connaissement qui la contient qu'après le départ du navire. Il y a donc fort à parier que son opposabilité, sinon s'agissant de la livraison, car on peut estimer que son effectivité soit subordonnée au fait que le transporteur a pris soin de faire connaître à son consignataire39(*) ou au gérant succursaliste à la fois la qualité de représentant de l'intérêt-marchandise qui est la leur et l'obligation qui en découle d'effectuer les réserves en tant que de besoin..

Deuxième situation : remise obligatoire entre les mains d'un autre que le destinataire. La deuxième difficulté se rapporte à l'organisation de la manutention dans les ports et à l'existence, dans certains d'entre eux, d'entreprises titulaires d'un monopole d'Etat, dont il résulte que la marchandise ne peut pas être physiquement appréhendé par le destinataire avant que tout un circuit n'ait été accompli. Pour autant, la marchandise ne peut-elle pas être considérée comme livrée avant même que le destinataire ait pu en prendre possession effective ? Ici, la réponse est affirmative dès lors que le connaissement prévoit expressément que la remise à une telle entreprise emporte livraison. De surcroît, les Règles de Hambourg présentent sur celles de la Haye-Visby un avantage non négligeable en faveur du transporteur : prévoir expressément le sort à réserver à cette situation ; en effet, là où celles-ci sont muettes, celles-là disent clairement que « les marchandises sont réputées être sous la garde du transporteur [...] jusqu'au moment où il en effectue la livraison [...] en remettant les marchandises à une autorité ou autre tiers auquel elles doivent être remises conformément aux lois et règlement applicables au port de déchargement ».

Troisième situation : organisation des terminaux portuaires. La troisième situation a trait à la marge de manoeuvre qui subsiste. Il est acquis que le destinataire peut être tenu par une clause du connaissement de prendre livraison « dans des conditions de temps stipulées par rapport à l'arrivée du navire et au déchargement des marchandises ». L'exemple en est donné par un arrêt qui a dû trancher une difficulté née de l'impossibilité temporaire de prendre livraison. C'est en se retranchant derrière l'interprétation souveraine de la portée des clauses par les juges du fond que la Cour de cassation n'a pas censuré l'affirmation selon laquelle la stipulation ne s'appliquait pas aux circonstances de l'espèce, signifiant, a contrario, que la clause était licite. Il y aura beaucoup à dire sur cet arrêt, dont l'essentiel demeure que les dispositions du contrat de transport permettent de fixer l'instant de la livraison au moment où le destinataire est à même, par lui-même ou par un représentant, de recevoir effectivement les marchandises. L'organisation du terminal portuaire peut donc faire échec, par exemple, à une clause de livraison sous palan qui est incompatible avec une clause FCL/FCL (Full Container Load) ou avec une clause « le Havre CY & CFS » (Le Havre Container Yard et Container Freigt Station). La clause FCL/FCL, signifiant que le transporteur a pris en charge un conteneur complet qu'il doit livrer complet à destination impose que la livraison soit subordonnée à la possibilité du destinataire de vérifier son contenu, laquelle est retardée à l'instant où il est lui-même mis en mesure d'accomplir le dépotage40(*)du conteneur qui lui incombe. Il en va de même dès lors que la livraison est prévue dans la station d'entreposage, d'empotage et de dépotage des conteneurs, lieu fermé et gardé où le destinataire peut effectivement prendre possession de ceux-ci.

Quatrième situation : marchandise en souffrance. La quatrième difficulté relève du désaccord qui peut subvenir à l'occasion de la livraison. Cette difficulté est, du point de vue théorique, mineure car la livraison ne peut pas être considérée comme accomplie si le destinataire refuse les marchandises. Mais elle crée d'importantes difficultés concrètes car il appartient alors au transporteur de remédier au refus. L'arrêt cité indique la marche à suivre : placer la marchandise en entrepôt en attente d règlement du contentieux et, dans le cadre de celui-ci, récupérer les débours qui en ont résulté.

Cinquième situation : mandat accessoire à la livraison de la marchandise. La dernière difficulté se produit lorsque le transporteur a reçu mandat d'accomplir un acte particulier à l'occasion de la livraison, par exemple celui de recevoir paiement avant de livrer. La question est la suivante : le contre-remboursement est-il une modalité de la livraison ou un mandat accessoire ? Dans le premier cas, l'absence de paiement invite à considérer que les marchandises n'ont pas été livrées et que le transporteur est encore débiteur de celles-ci ; dans le second cas, le non-paiement ne doit être considéré que comme l'inexécution d'une obligation conventionnelle et donner lieu à la sanction de cette faute.

A vrai dire, il semble difficile de retenir purement et simplement la première analyse car, si la livraison est acceptation de la tradition matérielle des marchandises, la faute du transporteur n'empêche pas que le destinataire ait effectivement pris possession de son bien. En réalité, c'est une question de procédure qui se cache derrière l'interrogation : savoir quel est le délai pour agir en responsabilité contre le transporteur fautif. Trois solutions sont possibles : ou bien estimer que la livraison étant d'une année ; ou bien admettre que le délai qui court n'est pas le délai pour agir contre le transporteur mais le délai de droit commun de la responsabilité contractuelle. Si l'on écarte l'idée que la livraison n'a pas été accomplie, la solution dépend de la nature juridique du mandat en cause : s'il est intégré au transport le délai pour agir emprunte au contrat de transport sa durée ; s'il est extérieur, le délai pour agir est celui du droit commun dérivant du contrat de mandat. Sans prendre parti sur le droit positif, nous noterons que la jurisprudence de la Cour d'appel d'Aix en fait un mandat intégré au transport alors même que la Cour de cassation avait auparavant statué en sens contraire.

* 39 Mandaté par l'armateur, effectue l'ensemble des opérations administratives, techniques et commerciales du navire lors de son escale au port. Sa mission va consister à :

· négocier le chargement et le déchargement avec les manutentionnaires

· superviser les opérations de réception et de livraison de marchandises

* 40Action de décharger un conteneur, une caisse mobile ou un véhicule transportant des matières liquides, gazeuses ou poudreuses.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe