Stratégie achat basée sur le développement de la consommation locale et les circuits-courts d'approvisionnement. Cas du petit déjeuner dans l'hôtelleriepar Sophie WIDERA ESSEC Business School - Mastère Spécialisé International Purchasing Management 2013 |
RésuméLe questionnement réalisé au début de cette partie met en évidence l'enjeu de la stratégie : augmenter le chiffre d'affaires du PDJ. En effet, le taux de captage de cette prestation n'est pas satisfaisant : 70% en moyenne. Sur un service aussi rentable, il est possible d'accroître le CA d'environ 20% (10% de la clientèle hôtelière ne prenant quasiment jamais de PDJ). A la lumière de l'analyse de marché réalisée dans le chapitre précédent, il apparaît que les attentes des clients sont nombreuses sur cette prestation : produits frais et de qualité, découvertes de produits régionaux, « fait-maison », etc. Le rapport qualité prix du PDJ est jugé comme médiocre voire mauvais. Parallèlement, en observant les tendances de la consommation, une augmentation de la demande pour les produits locaux issus des CC d'approvisionnement est constatée. Aussi, ces éléments vont être pris en compte pour élaborer une stratégie marketing destinée à attirer 20% de clientèle supplémentaire au PDJ hôtelier. Le choix de la stratégie se porte sur la différenciation plutôt que sur une stratégie de domination par les coûts. En effet, dans le contexte d'hôtels 3 et 4*, une stratégie par les coûts n'aurait pas vraiment de sens pour des clients qui attendent une prestation plutôt moyen haut de gamme. Il s'agit donc là de se démarquer en augmentant la valeur perçue. Une offre PDJ intégrant des produits locaux issus des CC d'approvisionnement sera mise en place. Elle répond aux attentes identifiées des clients de cette catégorie d'hôtels et correspond à une tendance émergente détectée chez les consommateurs. La stratégie est élaborée à l'aide d'un marketing mix 4P qui pose les bases de l'offre. Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 72 sur 198 2.4. Contribution des Achats dans la stratégie La politique de mix marketing venant d'être présentée est susceptible d'évoluer en fonction des capacités de la fonction achat à s'approprier cette offre. Même si toutes les directions achats ne le pratiquent pas, le fonctionnement en mode projet permet à la fonction achat de contribuer à l'élaboration des offres clients. Ce travail en mode collaboratif aide les acheteurs à bien cerner les enjeux de la mise en place d'une nouvelle offre. 2.4.1. Analyse et expression des besoins Même si le service marketing a exprimé ses attentes sur le produit qui va constituer son offre, il est indispensable pour le service achat d'obtenir de manière très précise toutes les informations nécessaires avant d'entamer la moindre démarche. L'analyse des besoins est l'une des premières étapes du déroulement d'un projet. La complexité de cette méthode relève de leurs nombreuses facettes. Il existe des besoins exprimés naturellement, des besoins implicites (que le client interne trouvait pourtant « évidents »), des besoins inavoués et tout simplement des besoins dont les utilisateurs n'ont même pas conscience.41 Il arrive également que le client interne soit très directif et précis sur ce qu'il veut : « je veux tel produit fabriqué par tel fournisseur. » Le tableau ci-dessous reprend les éléments du marketing 4P ainsi que des paramètres n'ayant pas été précisés explicitement. Il les classe en fonction de leur importance pour le projet. Les notes vont de 0 à 3, indiquant un degré de flexibilité croissant42 : - 0 : flexibilité nulle, non négociable donc impératif - 1 : flexibilité faible, niveau peu négociable - 2 : flexibilité moyenne, négociable - 3 : flexibilité forte, totalement négociable 41 « Réussir l'analyse des besoins » Paul-Hubert des Mesnards - Eyrolles - 2008 42 « La boîte à outils de l'acheteur » Stéphane Canonne et Philippe Petit - Dunod - 2010 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 73 sur 198 L'objectif de ce tableau est de quantifier et de valoriser précisément les résultats attendus. Il constitue également une aide précieuse dans la mesure où il met en lumière des éléments à préciser de la part du client interne et des parties prenantes au projet.
Ce document qui peut s'assimiler à l'ébauche d'un cahier des charges fonctionnel met en évidence les critères essentiels à prendre en compte lors de l'élaboration de la stratégie achat : Critères impératifs ou peu négociables : - produits locaux, issus des circuits courts de proximité, situés en région parisienne, dont le coût d'achat impactera a minima le prix de vente au client. Exigence forte en termes de traçabilité. Le fournisseur doit être engagé dans une démarche RSE : méthodes de production non intensives. Cependant, certains critères peuvent se négocier dans le temps. Par exemple, la démarche RSE peut-être initiée progressivement par une volonté commune des achats et des fournisseurs: cela peut constituer un axe d'amélioration et s'intégrer dans un plan de progrès. Attention : sur 12 critères, 7 sont impératifs ou peu négociables ce qui laisse une marge de manoeuvre étroite pour la fonction Achat. Critères négociables : - L'emballage, le nombre de références à faire figurer dans l'offre, la certification bio Cette flexibilité permet d'avoir une marge de manoeuvre entre le client interne, la fonction Achat et le fournisseur et sera très utile lors des négociations. Si on prend l'exemple du nombre de références pour le PDJ, on ne connaît pas encore l'offre disponible sur le marché ni les prix de vente. Faire preuve de flexibilité sur ce critère va permettre de faire évoluer le projet en fonction des informations récoltées lors de l'analyse du marché fournisseur. De la même manière, en cas de coûts d'achat élevé pour les produits locaux, il sera possible de faire varier le nombre de référence sans que cela ne constitue un frein pour la mise en place du PDJ local. Critères fortement négociables : Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 74 sur 198 - label AOP ou AOC et présence d'un produit local par type de référence Ce critère peut constituer un atout supplémentaire surtout en termes de communication vis-à-vis de la clientèle sensible au développement durable. La présence d'un produit local par type de référence laisse une marge de manoeuvre importante dans la mesure où des produits précis composant l'offre PDJ n'ont pas été spécifiés par les parties prenantes et que la disponibilité de l'offre n'a pas encore été étudiée. 2.4.2. Analyse du marché fournisseur 2.4.2.1. Connaître l'offre en produits locaux ? Quels produits cultivés/transformés dans la région francilienne peuvent être intégrés dans l'offre PDJ local ? En effet, les contraintes géographiques dont dépend l'offre ne permettent pas, par exemple, de pouvoir qualifier le beurre normand de local ou de proposer des confitures de mirabelles locales car ces produits ne sont ni cultivés ni transformés dans la zone géographique concernée. Sources de documentation : Cervia : Centre Régional de Valorisation et d'Innovation Agricole et Alimentaire de Paris-Ile-de-France. Association loi 1901 créée en 2007. Il regroupe à la fois les missions d'un Comité de Promotion des produits agricoles et alimentaires et celles d'un Centre Régional d'Innovation et de Transfert de Technologies (CRITT). http://www.saveursparisidf.com/site-professionnel/accueil/ www.chambres-agriculture.fr : site national des chambres d'agriculture sur tout le territoire national. De nombreux liens existent pour aller sur les chambres régionales Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 75 sur 198 ? Ainsi, les produits suivants peuvent être intégrés à l'offre produits du PDJ local : Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 76 sur 198 - pain, viennoiseries - fruits de saison : pommes, poires, cerises, fraises, groseille, raisin, prunes, framboises - jus de fruits - oeufs - fromages - yaourts - beurre -charcuterie - confitures - miel - une filière de production de lait est en cours de construction en région Ile de France Ces produits peuvent être classés en 2 catégories:
Ces produits ont fait l'objet d'une opération de transformation à partir de produits bruts et selon des techniques de fabrication précises : jus de fruits, beurre, charcuterie, fromage, yaourts, miel, confiture. Ces produits peuvent encore être classés en 2 sous-catégories selon leur mode et durée de conservation: - Produits transformés frais (faible durée de conservation): beurre, charcuterie, fromage, yaourts, pain, viennoiseries Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 77 sur 198 - Produits transformés d'épicerie (longue durée de conservation) : miel, confiture, jus de fruits 2.4.2.2. Caractéristiques et contraintes du marché fournisseur ? Une offre peu visible Le principal écueil d'une stratégie portant sur une offre de produits dits « émergents » est de parvenir à identifier des fournisseurs potentiels. Concernant les produits locaux, ces fournisseurs ne sont pas très visibles pour les professionnels. En effet, ils sont surtout investis dans la vente directe auprès des consommateurs qui habitent à proximité. Le bouche-a-oreille fait parti des principaux vecteurs d'information sur leur existence. L'identification des fournisseurs potentiels implique donc un travail de « défrichage » fastidieux et relativement coûteux. Pour mener à bien cette tâche, les sources suivantes ont servi de point de départ : Presse spécialisée et généraliste: L'Hôtellerie-Restauration, L'Industrie hôtelière, LSA, Points de Vente, Décision Marketing, Fruits et Légumes Distribution Magazine, Capital, Le Monde Economie, consultation papier et internet Salons spécialisés dans l'hôtellerie : Equip'Hôtel et Sirha Sites professionnels de l'agriculture et de l'alimentation : - Cervia : Centre Régional de Valorisation et d'Innovation Agricole et Alimentaire de Paris-Ile-de-France. Il regroupe à la fois les missions d'un Comité de Promotion des produits agricoles et alimentaires et celles d'un Centre Régional d'Innovation et de Transfert de Technologies (CRITT). http://www.saveursparisidf.com/site-professionnel/accueil/ Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 78 sur 198 - Halles internationales de Rungis : Le "Carreau des producteurs" en est un symbole. Ouvert en 2004, il regroupe, sur 2 200 mètres carrés, 82 producteurs de fruits et légumes d'Ile-de-France qui viennent proposer directement leur offre. http://www.rungisinternational.com - Chambres d'agriculture régionale: http://www.ile-de-france.chambagri.fr/, Site de mise en relation producteur consommateur en France : http://www.reseau-fermier.com/, http://www.delafermealassiette.com ? Une définition légale inexistante pour l'appellation locale A ce jour, comme pour le bio ou comme pour les produits certifiés en AOC ou AOP, aucun cadre légal n'a été donné à la définition d'un produit local. Afin de pouvoir par la suite procéder à l'identification des fournisseurs locaux, il est indispensable d'en donner une définition dans le cadre de cette étude : - produits cultivés et commercialisés en circuits courts d'approvisionnement dans un espace géographique limité (Ile de France) - produits transformés dans la région francilienne et commercialisés en CC. 50% au moins des matières premières de ces produits doivent être issues de la région Ile De France. ? Rappel de la définition d'un circuit court dans le cadre de la vente à des professionnels Mode de commercialisation de produits alimentaires, qui s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur soit par la vente indirecte à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire. Définition actée par le Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Pêche en 2009. Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 79 sur 198 Résultats : Ce premier travail de défrichage permet de remplir avec certitudes 3 des critères peu ou non négociables de la stratégie :
Il a en effet été possible d'identifier des produits et des fournisseurs remplissant les critères d'origine locale, de distance géographique et de circuits courts. Ces critères sont suffisants pour poursuivre la démarche, les autres pourront être vérifiés au cours des RFI ou mis en place lors de plans de progrès avec les fournisseurs par la suite. ? Une offre structurellement limitée et une demande en hausse Une Surface Agricole Utile (SAU) dévolue aux grandes cultures Malgré une forte urbanisation, 48% des terres franciliennes sont agricoles43. La région compte près de 5000 exploitations soit environ 1% des exploitations à l'échelle nationale. Sur ces 48%, seuls 1,5% de la surface agricole utile (SAU) sont consacrés aux fruits et légumes, le reste se répartissant les grandes cultures (céréales et oléo-protéagineux), soit 82% de la SAU, les plantes 43 Agreste, Statistiques agricoles annuelles, Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, 2010 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 80 sur 198 industrielles de transformation (7%), les cultures fourragères (4%) et les terres en jachère (environ 5%).44 La marge de manoeuvre pour le développement de l'agriculture en Ile de France est donc assez restreinte. Ce pourcentage pourrait encore se réduire en raison de la concurrence pour l'occupation des sols qui fait grimper le prix des terres en Ile de France. Actuellement, moins de 900 exploitations d'Île-de-France, commercialisent une partie de leur production alimentaire en circuit court45, soit 16% des exploitations franciliennes (la moyenne en France métropolitaine est de 18.5%). Sur ces 900 exploitations, 16% transforment des produits agricoles à la ferme (jus, confitures, fromages, yaourts)46. Cette commercialisation en circuits courts se répartit entre les ventes directes à la ferme pour 50% des cas, sur les marchés (26%), aux commerçants et détaillants (5%), par le biais des paniers (5%). 47 44 Le nouveau visage de l'agriculture francilienne, La lettre du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris - Dossier - N° 185 45 S'approvisionner local en Ile de France Intérêts et limites 3ème Conférence régionale sur la transition énergétique, Mardi 9 avril 2013, Hémicycle Conseil régional d'Ile de France, Institut d'Aménagement et d'urbanisme 46 Le nouveau visage de l'agriculture francilienne, La lettre du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris - N° 185, 2ème trimestre 2012 47 Agreste, Données Ile de France, n°109, septembre 2011 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 81 sur 198 Une diversification coûteuse pour les producteurs : Malgré le soutien du gouvernement pour valoriser la diversification des filières présentant un intérêt pour le bassin de consommation de la région Ile de France, les producteurs mettent en avant comme principal frein l'importance des investissements à réaliser : - investissements liés à la diversification : nouveau matériel agricole, transformation de locaux pour la vente ou pour l'entreposage, achat d'un véhicule pour les livraisons - coûts induits par la vente en circuits courts au quotidien : carburant pour les déplacements sur les marchés, paiement des emplacements, des parkings, mises aux normes sanitaires pour la vente aux professionnels - coûts de main d'oeuvre plus élevé : commercialiser en circuit court mobilise plus de main-d'oeuvre quelle que soit la taille de l'exploitation et les produits vendus. Il faut produire, vendre et dans certains cas transformer, trois activités chronophages : en moyenne, les exploitations vendant en circuit court mobilisent 2,2 unités de travail annuel, les autres exploitations 1,4. 48 Diminution du nombre d'exploitations vendant en circuits courts en 10 ans Entre 2000 et 2010, 1 exploitation agricole sur 4 a disparu. Sur la même période, les exploitations vendant en circuits courts n'ont pas été épargnées avec une diminution de 37 %. Elles représentaient 19 % des exploitations en 2000 contre 15% en 2011 Les hypothèses concernant cette baisse et non vérifiées à ce jour, mettent en avant des modifications dans les choix de cultures de la part des exploitants ou dans les modes de commercialisation employés avec un recours accru aux circuits longs.49 48 Un producteur sur cinq vend en circuit court, Agreste Primeurs, Numéro 275 - janvier 2012 49 Recensement agricole 2010 : les circuits-courts en Île-de-France, Agreste Ile de France, Numéro 117 février 2012 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 82 sur 198 ? Augmentation de la demande : Comme pour les produits bio il y a quelques années, la demande en produits locaux ne cesse de croître. Il est possible de cultiver ou fabriquer du bio partout dans le monde. Pour faire face à la hausse de la demande, la grande distribution alimentaire a fini par recourir à l'importation : 40% des produits bio présents sur le marché français ne proviennent pas du territoire national, faute de volume suffisant.50 Le produit local issu des circuits courts d'approvisionnement est par essence cultivé et/ou transformé, distribué et consommé dans un espace géographique restreint. Aussi, si cet engouement se poursuit, un scenario de pénurie est tout à fait envisageable. 2 acteurs importants en termes de volumes se lancent sur les approvisionnements de produits locaux en circuits courts : la restauration collective publique et la grande distribution. En restauration collective publique, les approvisionnements locaux sont encouragés par des mesures gouvernementales à destination des producteurs et des acheteurs publics (cf partie 1.3.2. de la thèse) et soutenus par une campagne de communication sur le site du Ministère de l'Agriculture de l'Agroalimentaire et de la Forêt. L'information est relayée par les conseils régionaux : « Il faut structurer des circuits de distribution locaux » http://www.iledefrance.fr/les-dossiers/economie/agriculture-le-soutien-de-la-region/agriculture-les-axes-de-la-politique-regionale -Promotion des producteurs locaux : http://www.iledefrance.fr/les-dossiers/economie/agriculture-le-soutien-de-la-region/yaourts-du-petit-remy-la-creme-de-linnovation/ - Promotion des initiatives en faveur des circuits courts et du bio: http://www.iledefrance.fr/lactualite/environnement/agriculture/lecole-a-la-ferme/ http://www.iledefrance.fr/lactualite/environnement/agriculture/video-un-ex-top-chef-revisite-le-terroir-francilien 50 L'incroyable faillite du bio français, Le Point - le 21/05/2009 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 83 sur 198 La multiplication des initiatives dans la restauration collective publique afin de s'approvisionner en circuits courts va provoquer une augmentation considérable de la demande dans les prochaines années. Si l'on se base uniquement sur les 40 millions de repas servis annuellement dans les lycées franciliens51, on peut facilement évaluer l'importance du phénomène décliné sur l'ensemble des autres établissements publics : crèches, écoles maternelles, élémentaire, collèges, universités, etc... Dans la grande distribution, presque toutes les enseignes sont en cours de réflexion pour le développement de concepts orientés autour d'une offre locale. Certains en sont au stade de la structuration de l'offre et de la logistique à mettre en place tandis que d'autres comme le groupe Casino ont vu ce projet aboutir. Avec son offre Le Meilleur d'ici, Casino est la première enseigne à distribuer des produits locaux issus des circuits courts d'approvisionnement en région parisienne et à Paris intra-muros. La demande est en forte hausse : de l'ordre de 30 à 40 % entre 2011 et 2012. Le volume de ces approvisionnements dépasse rarement 3% des achats ou du chiffre d'affaires alimentaire mais ramené au volume que la grande distribution représente, ces chiffres ne sont pas négligeables.52 ? Taille des fournisseurs ? La taille des exploitations et des producteurs d'Ile de France pratiquant la vente en circuits courts est très variable. Il n'y a pas encore eu d'étude spécifique à ce sujet ou de classement par typologie de producteurs fonctionnant en circuits courts d'approvisionnement en Ile de France. Néanmoins, une étude de 2007 de l'INRA sur les maraîchers en circuits courts (Les Cahiers de l'Observatoire CROC Coxinel, Diversité des producteurs en circuits courts) livre quelques indications de la situation au niveau national : « Les exploitations en circuits courts sont globalement de plus petite taille que celles qui livrent au négoce, aux centrales ou coopératives. La superficie moyenne de 52 La distribution s'active sur les produits locaux, Dominique Amirault, 12 juillet 2012, http://www.lsa-conso.fr Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 84 sur 198 légumes dans les exploitations spécialisées en circuits courts est deux fois plus petite que pour l'ensemble. Ces exploitations se caractérisent par une moindre spécialisation de leur production. La gamme de légumes est en général plus diversifiée même si certaines se spécialisent sur une ou deux espèces. Les producteurs de ces exploitations font dans l'ensemble moins souvent partie de regroupements de producteurs. Seulement 6% disent appartenir à une organisation de producteurs, contre 38% pour l'ensemble des producteurs de légumes ». Selon un avis de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) sur les circuits courts d'approvisionnement publié en avril 2012 « la plupart des exploitations ayant recours aux circuits courts sont de petites tailles et sont souvent inscrites dans des logiques peu intensives, proches de l'agriculture biologique ou labellisées bio ». Existence de fournisseurs susceptible de produire en volumes Toutefois, si la grande distribution et la restauration collective se sont lancées dans les circuits courts d'approvisionnement afin de proposer des produits frais de proximité à leurs clients, nul doute qu'il existe des exploitations ou des producteurs dont les volumes produits et la structure permettent ce genre de projet. D'ailleurs, en croisant les sources d'information, il est possible d'identifier des fournisseurs travaillant déjà soit avec la restauration commerciale ou collective ou encore avec la grande distribution. Dans son enquête afin de lancer l'opération « un fruit pour la récré » dans les établissements scolaires d'IDF, la DRIAAF (Direction régionale et interdépartementale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) Ile De France a détecté en 2010 22 producteurs de pommes, poires et autres fruits en région IDF, capables d'assurer des approvisionnements réguliers en grandes quantités. Un certain nombre de ces producteurs transforment leurs produits sur place en jus, confitures, gelées. Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 85 sur 198 Exemples : Les Vergers de Molien, en Seine et Marne : Gelée de pommes, Gelée de poires, Gelée de poires aux noix, Gelée de coings, Jus de pommes , Jus de poires, Jus de pommes-poires, Jus de pommes-cerises, Jus de cerises, Nectar de cerises, Pommes (25 variétés), Poires ( 7 variétés), Cerises ( 10 variétés) Etablissements Vassout : exploitation de 30 hectares dont 7 ha sur la commune de Gambais (78) et le reste sur celle de Cheptainville (91). Produits : 500 à 600 tonnes de poires par an et trois cent tonnes de pommes. 7 personnes sont employées en permanence, 7 à 8 huit personnes la moitié de l'année, 7 personnes pour une période de 3 mois et entre 30 et 40 personnes en plus pendant un mois pour faire la cueillette. Sa production est commercialisée sur le carreau des producteurs à Rungis en majeure partie. Pour son projet d'intégrer des produits locaux pour ses espaces Le Meilleur d'Ici, le groupe Casino a publié dans son dossier de presse du 6 décembre 2012 la liste des exploitations / producteurs/artisans sélectionnés. Parmi eux, des exploitations agricoles d'assez grande taille comme la Fermes des 30 Arpents ainsi que des sociétés comme les confitures Andresy, ayant une expérience confirmée de la vente en BtoB. La Ferme des 30 Arpents : installée sur 1600 ha, l'exploitation transforme uniquement son lait. Elle fabrique des fromages fermiers : brie de Meaux, brie de Melun, brie de Favières, brillat-savarin et tome fermière, mais aussi du beurre et de la crème fraîche. 70% de cette production est écoulée au marché de Rungis. Le reste se répartit entre la grande distribution et la vente directe sur place. 8 employés fabriquent les fromages et un agent commercial est chargé de la vente de la production. Confitures Andresy, Maurepas (78) : entreprise de moins de 50 salariés, qui a été créée en 1950. Réputée pour ses confitures, Andrésy Confitures est connu et reconnu pour son travail de confiturier sur-mesure. Cet artisan s'efforce de fabriquer le plus souvent possible ses produits avec les fruits des vergers environnants. Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 86 sur 198 Attention néanmoins car ces exemples ont été choisis afin de démontrer l'existence d'exploitations et de producteurs dont la structure et les volumes en font des fournisseurs idéaux en ce qui concerne les capacités de production et l'expérience de la commercialisation. Ils ne représentent pas la majorité des exploitants et des producteurs franciliens concernés par cette étude sur les circuits courts. ? Logistique Lors d'une étude menée sur le terrain en 2012, on s'aperçoit que les exploitants franciliens s'efforcent de limiter au maximum leurs déplacements pour la commercialisation de leur production. 4% seulement de l'échantillon interrogé se déplacent à Paris pour vendre ses produits. Malgré un intérêt confirmé pour les restaurateurs parisiens qui représentent un débouché profitable en termes de prix de vente, le temps de transport dans la capitale et les coûts inhérents (carburant, péages avant d'arriver sur Paris) constituent une véritable perte de rentabilité pour les exploitants et les producteurs. Même la vente sur les marchés connaît une baisse : de 58% des circuits courts en 2000, elle ne représente plus que 28% en 2010. Les livraisons ne sont rentables qu'à partir d'une quantité significative qu'il est difficile d'atteindre, parfois de part et d'autre. 32% de l'échantillon se déplacent régulièrement dans un rayon de 20 à 50 km pour la commercialisation de ses produits tandis que la majorité se limite à 20 km autour de leur exploitation. Actuellement, la demande étant soutenue, les exploitants travaillent sur des circuits courts de très grande proximité. Néanmoins, le pouvoir d'achat des clients de proximité étant variable en région IDF, certains exploitants commencent à se tourner vers Paris et la Petite Couronne53. 53 Rôle des circuits courts de proximité dans le maintien et la valorisation d'une agriculture multifonctionnelle en Ile-de-France, Laurène Jolly, 2012 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 87 sur 198 Problème d'optimisation du transport : Contrairement aux approvisionnements en circuits longs où l'expérience permet aujourd'hui d'optimiser le transport, il n'est pas rare de voir des camionnettes de 3,5 à moitié vides faire de multiples trajets entre les lieux de production et de commercialisation. L'ADEME donne même l'alerte sur les problèmes de pollution et de GES (gaz à effet de serre) créés par les transports mal optimisés comparés aux transports longue distance avec des poids lourds pouvant transporter 32T de produits et dont les km à vide sont quasi-inexistants54. ? Prix, le local, plus ou moins cher ? Il est extrêmement compliqué de définir si ces achats vont être plus coûteux ou non sans effectuer une TCO (Total Cost of Ownership ou coût total de possession). Cette analyse ne pourra être réalisée seulement lorsque ce type d'achat aura été effectué de manière récurrente. Les éléments à prendre en considération pour l'estimation des prix de vente des produits locaux : Les circuits courts d'approvisionnement impliquent la suppression de 3 ou 4 intermédiaires par rapport aux circuits longs, ce qui laisse à première vue supposer un gain pour le producteur. Cela va lui permettre d'être mieux rémunéré mais également plus compétitif en répercutant une partie de ses gains à sa clientèle. La réalité est un peu différente. La plupart des exploitations qui se sont lancées dans la diversification de leur production et la commercialisation en circuits courts ont vu leurs coûts augmenter comme expliqué plus haut (cf : Une offre structurellement limitée et une demande en hausse). De plus, afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs, les méthodes de production intensives sont délaissées au profit d'une logique plus durable. Le nombre de cultures différentes est favorisé afin de limiter les risques en cas de mauvaise récolte sur un produit et répartir les ventes sur l'année. Ainsi, les volumes vendus ne sont pas très importants alors que les coûts fixes sont à la hausse. 54 Les circuits courts alimentaires de proximité, Les Avis de l'ADEME, avril 2012 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 88 sur 198 Enfin, les exploitants ne se déplaçant que peu ou n'étant pas suffisamment formés pour optimiser leurs transports lorsqu'ils assurent eux-mêmes les livraisons, le prix de vente peut-être lourdement impacté par les surcoûts liés à la logistique. Informations disponibles : études et retours d'expérience Il n'existe pas à l'heure actuelle d'études à ce sujet ou plutôt, les données sont très difficiles à obtenir en raison d'un manque de recul et de pratique pour réaliser une étude précise et complète. On suppose que le prix des produits locaux est plus élevé que les produits en circuits longs mais on ne sait pas encore en déterminer toutes les raisons, d'autant que les approvisionnements en circuits courts s'adressent à des secteurs qui ont chacun leurs contraintes. A l'intérieur même de ces secteurs, les établissements ont encore, également, des spécificités en termes d'organisation qui peuvent faire varier le résultat des études. Etude Une étude réalisée en région Rhône Alpes auprès de la restauration collective en 2011 par la Chambre d'agriculture a essayé d'apporter des réponses dans un travail intitulé « Approche économique de l'approvisionnement local de la restauration collective en Rhône-Alpes. » Cette synthèse présente, à travers différentes fiches individuelles, l'analyse économique par produit de l'approvisionnement local de la restauration collective en Rhône-Alpes et essaie de répondre à la question : le prix des produits locaux sont-ils plus élevés ? L'approvisionnement local est-il plus cher ? « Déroulement de cette étude et limites Nous voulions initialement comparer des approvisionnements locaux et non locaux sur une même structure, puisque les tarifs varient beaucoup selon la taille et éventuellement la localisation de la structure. Nous avons eu des difficultés à réaliser cette comparaison, car les exemples d'approvisionnements locaux existant sont limités, en gamme et en fréquence, et car il était parfois difficile d'obtenir deux prix comparables, en local et non local. Nous avons alors souhaité collecter les prix d'achats de la restauration collective, pour ensuite comprendre quels producteurs peuvent être adaptés à ce segment de marché, et comment la commercialisation peut alors avoir lieu. Nous avons donc cherché à connaitre sur chaque structure enquêtée : Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 89 sur 198 La forme du produit acheté (brut ou non, conditionnement, ...) L'utilisation de ce produit Les périodes de l'année auxquelles il est acheté et la fréquence d'achat Les volumes commandés par service Les volumes achetés chaque année Le prix d'achat La donnée prix est très difficile à collecter car confidentielle, fortement variable, et pas toujours archivée. Les prix obtenus n'étaient pas toujours comparables : le produit peut être légèrement différent par son calibre, sa variété, son conditionnement, d'éventuels éléments qualitatifs, et si l'on compare bien le même produit, il faut également le comparer à la même date. [...] Pour les produits laitiers, il faut distinguer les fromages, dont la diversité est très grande, et donc la diversité de prix et de pratiques d'achat aussi, des yaourts et fromages blancs. Ces derniers ont des prix beaucoup moins variables d'une structure à l'autre, mais nous n'avons eu que des exemples d'approvisionnements locaux avec un surcoût considérable. Nous n'avons pas approfondi l'étude sur ces produits. Pour avancer dans nos réflexions sur les fruits et légumes et la viande, nous avons rencontré des fournisseurs de la restauration collective. Nous avons cherché à comprendre le surcoût des produits locaux constaté : s'explique-t-il par un surcoût à la production ou bien par une gestion plus complexe ? Nous avons également travaillé avec les plateformes de groupements de producteurs fournissant la restauration collective, qui nous ont aidés dans notre réflexion. Mais leur faible nombre ne nous permet pas de conclure quant à nos questionnements. » Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 90 sur 198 Retours d'expériences : restauration et grande distribution En 2008, à l'initiative du chef Jean-Luc Reymond, entre autres, l'opération 100% local dans les restaurants parisiens de la chaîne d'Hôtels de luxe Starwood a été lancée. Le principe : un menu ou des plats à base de produits venant d'exploitations situées dans un rayon de 200 km autour de Paris. Lors de plusieurs interviews consacrées à cette démarche, JL Reymond mentionne les surcoûts des matières premières : Une réussite avec Jean-Luc Reymond vers le "100 % local" « Lorsque l'on interroge Jean-Luc Reymond sur les surcoûts éventuels, il apporte une double réponse : le surcoût matières premières de 15 à 20 % est compensé en partie par des coûts de transport moindres et le solde est facilement intégrable dans la gamme de prix pratiqués par l'hôtel. » Source : site professionnel de L'Hôtellerie Restauration, 23 novembre 2010 Le Chef, le local et le maraîcher « Quant au volet financier et les prix d'achat de ces productions locales, Jean-Luc Reymond est catégorique : ils sont plus chers au vue des volumes, qui ne représentent pour l'heure que 2% de notre approvisionnement en fruits et légumes, par exemple. Nous, nous n'avons pas voulu nous battre sur les prix. Le surcoût est de 15 à 20 % sur les prix habituels. » Source : FLD Magazine, Le magazine de la filière Fruits et Légumes, supplément juillet-août 2010 Dans la grande distribution, le groupe Casino mentionne également cet aspect ainsi que sa politique de prix de vente pour les produits locaux issus des circuits courts : Casino mise sur le local « Et même si les prix de vente sont plus élevés que pour des produits équivalent importés ou fabriqués par l'industrie, l'enseigne assure qu'elle a mis les moyens pour que ce décrochage ne soit pas rédhibitoire pour les consommateurs. « Nous avons réduit nos marges pour que ces produits soient proposés à un prix de vente attractif. Mais notre objectif n'est pas de les brader. Nous voulons soutenir ces entreprises et, même si leurs produits demeurent un peu plus chers, le consommateur est prêt à payer davantage pour s'offrir la qualité et la proximité. » Source : FLD Magazine, Le magazine de la filière Fruits et Légumes, 16 janvier 2013 Thèse professionnelle Sophie Widera 2013 Page 91 sur 198 Ces interviews conduites dans deux secteurs très différents donnent des indications clefs pour la mise en place d'une stratégie basée sur les circuits courts d'approvisionnement en produits locaux : - les prix à l'achat sont plus élevés - le surcoût est en partie refacturé au client final - il est indolore dans la restauration d'hôtellerie par rapport au volume d'achat global (2 à 3%) - il implique une réduction des marges dans la grande distribution ?Organisation des structures limitée Attention, certaines exploitations n'ont pas les ressources nécessaires pour assurer toutes les démarches administratives liées à la mise en place d'un courant d'affaires régulier avec des professionnels. « Jusqu'où faut-il contractualiser le partenariat producteur-magasin ? Paperasses à minima, prônent les directeurs du Leclerc toulousain, il n'y a pas meilleur moyen de faire fuir un petit producteur que de lui imposer 10 pages d'avenants I ». Les partenaires s'en tiennent le plus souvent au simple contrat-cadre imposé pour tout courant d'affaires, renouvelable par tacite reconduction tous les ans, sans plus de précisions. Sauf en fruits et légumes exigeant un engagement de volumes. Ce qui n'empêche nullement d'affiner un cahier des charges comme celui du charolais label Rouge pour lequel Leclerc réserve «des vaches de plus de 5 ans ayant vêlé au moins une fois, en carcasses de 430 à 480 kg livrée entières ou par demies, avec une viande maturée entre 5 et 10 jours ». Source : Quand les producteurs s'invitent en magasin, LSA, 20 février 2013 |
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