Au cours des deux dernières années, de
nombreuses initiatives ont été prises par les banques. Avec pour
double objectif, de tirer profit de la technologie Blockchain et de prendre
l'ascendant sur leurs concurrents. Elles ont donc multiplié les projets
et les applications, entrainants au passage de nombreuses réactions.
Certains projets couronnés de succès ont
suscité l'admiration du monde financier dans son ensemble, laissant
entrevoir des perspectives d'avenir radieux et ouvrant de nouveaux
marchés aux banques tout en leur permettant de faire de belles
économies. L 'Etat du Vermont à même publié le 15
janvier 2016 une étude recensant les risques et opportunités que
pourrait offrit la Blockchain.
D'autres annonces ont quant à elles soulevés de
nombreuses questions sur diverses problématiques d'ordre
réglementaires ou encore écologiques. Les régulateurs ont
donc été amenés à réfléchir sur la
nécessité d'une adaptation des textes pour tenter de
définir un cadre réglementaire stricte.
33
https://www.ing.com/Newsroom/All-news/Easy-Trading-Connect-on-the-verge-of-digitalising-an-age-old-sector.htm
29
a) Régulation
En juin 2016, suite à la réussite des projets
menés par le Nasdaq, BNP et Smartangels, l'autorité
européenne des valeurs mobilières (ESMA) publie un rapport
révélant qu'un acteur du post-marché qui utiliserait la
Blockchain à l'heure actuelle tomberait sous le coup d'un statut
réglementé34.
Devant l'ampleur du chantier Paris Europlace, organisation en
charge du développement de la place financière de Paris a
décidé de prendre les devants en soutenant Euroclear, Euronext,
la Caisse des Dépôts, BNP Paribas Securities Services, S2iEM et
Société Générale dans la signature d'un nouveau
protocole visant à étudier en groupe des solutions de financement
de PME à l'échelle européenne. Les partenaires ont
déclaré « Nous avons souhaité unir nos forces dans le
cadre d'une démarche collaborative d'innovation pour jouer un rôle
moteur dans la transformation de l'environnement post-marché. Nous
misons sur des solutions nouvelles de nature à faciliter l'accès
au financement pour les petites et moyennes entreprises, acteurs clés
pour la croissance en Europe. Avec ce projet, nous nous donnons les moyens de
saisir les opportunités que la technologie blockchain peut apporter :
rapidité d'exécution, faible coût et sécurité
des transactions. »35
Le cabinet d'avocat Kramer Levin dans son étude «
Gouvernance de la Blockchain » publié en 201636 propose
au gouvernement français de reconnaître la technologie Blockchain
et les transactions boursières négociés sur un
marché de gré à gré comme une preuve
d'authenticité en bonne et due forme. En adoptant une mesure
législative qui serait intégrée dans le code
monétaire et financier, toutes les transactions effectuées via
une blockchain auraient alors les caractéristiques d'un acte authentique
à savoir : une date certaine, un contenu garanti via le registre
décentralisé et distribué, l'acte à force probante
et enfin l'acte à force exécutoire. Cela permettrait comme nous
l'avons également vue de faciliter l'arrivé de nouveaux acteurs
sur le marché des smart contracts.
Pour l'heure, même s'il n'existe aucun standard en ce
qui concerne la tenue de registre des sociétés non-cotées.
Nous pouvons saluer une initiative prise par Bercy. Le ministère a en
effet annoncé par l'ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016
relative aux bons de caisse, la création de « mini-bonds » et
une augmentation du seuil du financement participatif de 1 à 2.5
millions d'euros. L'ordonnance permet aux émetteurs de minibons de
recourir à la technologie Blockchain pour l'émission et la
cession de ces titres37.
34
https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-assesses-usefulness-distributed-ledger-technologies
35
http://www.businesswire.com/news/home/20160621006307/fr/
36
http://www.croissanceplus.com/wp-content/uploads/2016/04/Note-de-position-Blockchain-CroissancePlus-PMEFinance-DEF_28-mars-2016.pdf
37
http://www.revue-banque.fr/banque-investissement-marches-gestion-actifs/chronique/quand-legislateur-interesse-blockchain-pour-l#desc-puce-nbp-5
30
Depuis cette ordonnance, un nouvel article L.223-12 du Code
monétaire et financier dispose que « l'émission et la
cession de minibons peuvent également être inscrites dans un
dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant
l'authentification de ces opérations dans des conditions, notamment de
sécurité, définies par décret en Conseil d'Etat.
».
Le 6 juillet 2016, Manuel Valls alors Premier ministre
déclare lors des rencontres financières Paris Europlace : «
C'est en droit français que, pour la première fois en Europe,
nous allons fixer les conditions juridiques et de sécurité dans
laquelle on pourra réaliser les transactions financières
décentralisées sur Internet, ce qu'on appelle la Blockchain.
»38.
Il existe également un projet d'amendement
gouvernemental dans le cadre de la loi Sapin 2 permettant d'utiliser la
Blockchain dans des opérations sur des titres non cotés. Le 24
mars 2017 Bercy ouvre alors une consultation39, elle comporte vingt
questions avec pour objectif de définir le «
périmètre, les principes et le niveau de réglementation
à retenir dans le cadre de cette réforme. ».
L'Etat Français semble donc avoir pris la pleine
mesure des enjeux auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés et tente
d'apporter des solutions concrètes à de nouvelles
problématiques.
En juin 2016, l'autorité des Marchés Financiers
annonce la création d'une cellule « Fintech », terme englobant
également la technologie Blockchain. Franck Guiader, directeur FinTech,
Innovation et Compétitivité à l'AMF déclare :
« La blockchain pourrait remettre en cause des modèles
économiques, mais aussi des modèles de régulation. (...)
Nous sommes pour une blockchain réglementée : on garde un
modèle ouvert et il faut créer des noeuds d'accès
»40.
Il est important de mentionner que la Banque de France est
aujourd'hui la seule Banque Centrale à avoir un projet en cours sur le
sujet. Celui-ci a pour but sécuriser les places boursières ayant
recours à une blockchain privée ou publique en créant une
clé numérique unique, permettant d'identifier de manière
certaine chaque intervenant. La Banque de France souhaite faire émerger
des standards et se focalise sur l'élaboration d'un cadre
réglementaire et des applications, là où l'AMF
s'intéresse plus particulièrement comme son nom l'indique aux
marchés.
Dernière annonce, en juin 2017, la Banque de France
ouvre son propre lab41, réunissant autour d'elle des acteurs
de l'innovation, start-ups et fintechs, mais aussi des universitaires ou
d'autres acteurs institutionnels en vue de faire émerger de nouvelles
règles communes.
38
https://bitcoin.fr/la-france-veut-etre-la-premiere-a-reglementer-la-blockchain-en-europe-par-michelle-abraham/
39
https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/File/434688
40
http://www.frenchweb.fr/pour-lamf-lavenir-est-dans-la-blockchain-reglementee/254912
41
http://www.usinenouvelle.com/editorial/la-banque-de-france-lance-son-espace-d-open-innovation.N558708
31
Nous venons de le voir, la France ne ménage pas ses
efforts en matière de réglementation et de projets en cours. En
revanche, il est impératif que l'Etat Français poursuive dans
cette voie et ne relâche pas la cadence, nous devons en effet encourager
les initiatives publiques et privées afin de tirer un avantage de cette
avance sur nos voisins.
b) Écologie
La Blockchain soulève des tonnes de questions. Je me
suis documenté pour faire ce mémoire, je n'ai pas
hésité à interroger certains professionnels sur le sujet,
il y en a une question qui ne vient pas spontanément lorsque l'on parle
Blockchain, un sujet fondamental qui n'est pratiquement jamais abordé.
Il s'agit de l'écologie. Quid de l'impact écologique de la
Blockchain et du bitcoin sur la planète ?
Le 22 avril 201642, le monde assiste à la
ratification des accords de Paris en vue de maintenir le réchauffement
climatique sous la barre des 2° à horizon 2100. Cent quarente cinq
Etats responsables de 83.54 % des émissions mondiales s'engagent
à lutter ensemble pour le bien de la planète. Le symbole est
fort. Parmi les partenaires de la COP 21, nous retrouvons de nombreuses
banques, les campagnes de communications se multiplient afin de faire savoir au
monde entier que les banques sont engagées dans cette lutte pour
l'avenir de notre planète.
En 2008 déjà dans son rapport «
Technologies de l'Information et de la Communication et Développement
durable »43 le ministère de l'Écologie, de
l'Énergie, du Développement Durable et de l'Aménagement du
Territoire nous apprend que le numérique absorbe 15 % de la consommation
électrique du pays à l'échelle globale ce qui
équivaut à la consommation de l'aviation.
Oui, mais voilà, en 2008 la Blockchain était
totalement inconnue des pouvoirs publics, et même du grand public.
À l'heure actuelle, nous savons que valider un bloc prend 10 minutes et
coûte 14 euros d'électricité en moyenne. Au 30 juin 2017,
la taille du registre distribué est de 132 gigaoctets44 qu'il
faut copier sur plusieurs millions d'ordinateurs à travers le monde et
comme nous l'avons vu ces chiffres ne cesseront de croître.
Certains considèrent d'ores et déjà la
Blockchain comme un « gouffre énergétique » qualifiant
la technologie de « boulet climatique » au regard d'une étude
publiée par deux chercheurs Irlandais révélant que Bitcoin
consommait à lui seul entre 0.1 et 10 gigawatt de puissance
électrique mettant en perspective le fait que l'Irlande toute
entière ne consommait à elle seule que 3
gigawatt45.
42
http://www.lemonde.fr/cop21/article/2016/04/22/a-new-york-171-pays-reunis-pour-signer-l-accord-de-la-cop21-sur-le-climat_4907201_4527432.html
43
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00813608/document
44
https://bitcointalk.org/index.php?topic=1537552.0
45
https://karlodwyer.github.io/publications/pdf/bitcoin_KJOD_2014.pdf
32
Chaque transaction, chaque acteur regardant le registre ajoute
son poids sur le bilan énergétique de la chaîne. Ce
même bilan dépend comme nous l'avons vue des ressources
employées par les mineurs pour être performants, difficile alors
d'imaginer une diminution des dépenses énergétiques
à l'avenir.
Imaginons à présent le monde de demain, le
Bitcoin est reconnu comme une monnaie à part entière, au
même titre que les dollars, euros, yuans, etc. Les régulateurs du
monde entier légifèrent et les registres distribués sont
considérés comme une preuve authentique, les smart contracts eux
deviennent monnaie courante.
Considérons qu'en 2009, la base monétaire
mondiale émise par les banques centrales était estimée
à environ 11 000 milliards de dollars46. La consommation
énergétique correspondante à ce flux de trésorerie
serait alors de 4 000 gigawatt soit deux fois celle des Etats-Unis,
deuxième pays en termes d'émission de gaz à effet de
serre. Pour ce qui est des objets connectés pouvant utiliser les smarts
contrats, le cabinet de conseil McKinsey avance le chiffre 30 milliards en
202047, bien sûr tous ces objets n'utiliseront pas les
contrats intelligents, mais cela nous permet d'imaginer ce que pourrait
être l'avenir.
Ensemble, nous avons émis des hypothèses et mis
en lumières certains éléments en notre possession pour
tenter d'avoir une vision claire de la situation. Force est des constater que
nous sommes face à un iceberg gigantesque et nous n'avons pas fini
d'explorer sa partie émergée.
Si les Banques, les Institutions et les Etats semblent avoir
pris le taureau par les cornes en matière de réglementation, en
revanche, aucune réflexion n'a été entamée à
ce jour concernant les questions d'ordre écologique. Ce sujet doit donc
être impérativement mis sur le tapis afin de tenir nos engagements
vis-à-vis des générations futures.
46
https://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_mon%C3%A9taire
47
http://archives.lesclesdedemain.lemonde.fr/business/30-milliards-d-objets-connectes-dans-le-monde-en-2020-_a-56-3184.html