B. Ubérisation et économies, des enjeux de
taille pour les marchés financiers
En introduction de ce mémoire, je vous ai parlé
de mon expérience au sein de Société
Générale Sécurities Services et de la conférence
qui m'avais incité à écrire ce mémoire.
Après avoir assisté à cette
conférence, j'avais été impressionné par
l'envergure du processus d'évangélisation entamé par la
banque, et cela m'avait laissé songeur.
J'avais donc profité de mon retour à
l'Université pour demander à mes collègues qui
travaillaient pour de grands groupes bancaires et dans des secteurs très
variés s'ils avaient entendu parlé en interne de cette
technologie. La réponse était négative.
Pourquoi un tel déploiement et pourquoi plus
particulièrement au sein de SGSS ? Pour répondre à cette
question, je me dois de vous expliquer brièvement ce qu'est le
post-marché.
Des centaines de milliers d'opérations
financières sont initiées sur les marchés financiers
quotidiennement. L'offre et la demande se confrontent, certains
achètent, d'autres vendent. Le rôle des entités
post-marché est de matérialiser ces échanges et d'assurer
la bonne fin de toutes les opérations.
Première étape : La compensation, un organisme
comme LCH ou Clearstream va définir les soldes nets de titres à
livrer pour ce faire, la chambre va se substituer au vendeur et à
l'acheteur en procédant à des appels de marges et à des
dépôts de garantie afin de se prémunir d'un éventuel
risque de défaillance des deux côtés. Elle transmettra ce
solde net au conservateur.
Seconde étape : Le règlement-livraison, cette
fois les dépositaires et les dépositaires centraux sont à
l'oeuvre. Il s'agit là, de la matérialisation d'un échange
titres versus cash. Les dépositaires ont pratiquement un rôle de
notaire. Ils sont le lien entre les émetteurs de titres financiers et
les conservateurs qui gardent les titres pour le compte d'investisseurs.
Les conservateurs et les sous-conservateurs vont quant
à eux se charger de conserver les titres et des opérations
impactant les portefeuilles tel que les versements de dividendes,
intérêts ou toutes autres opérations sur titres.
Les activités post-marchés sont régis par
des directives, des règlements internationaux et/ou européens et
de nombreux acteurs sont à l'oeuvre, cela concerne des centaines de
milliers d'emplois à travers le monde, des centaines de milliards
d'euros d'actifs sous conservation en Europe.
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Les acteurs sont :
· Les chambres de compensations
· Les dépositaires centraux
· Les teneurs de comptes-conservateurs
· Les services aux émetteurs
· Les services à la gestion d'actifs
· Les support aux salles des marchés
Tous ces intervenants sont aujourd'hui menacés. Nous
l'avons vue ensemble, la Blockchain permet d'une part le transfert de
propriété de manière instantané et elle permet en
plus la sécurisation des transactions, garantissant de fait, la bonne
fin des opérations supprimant au passage, tout risque de contrepartie.
Le recours à une chambre de compensation pourrait donc être
évité.
Concernant l'étape de règlement-livraison, idem,
la Blockchain apporte une solution avec la possibilité d'effectuer des
transactions de manière bien plus rapide. Le rôle des
dépositaires pourrait également être remis en question
puisque la Blockchain permet la tenue d'un registre partagé. Nous avons
donc une nouvelle alternative à portée de mains.
La Blockchain permettrait donc aux titres financiers de
circuler à travers le monde de manière sécurisé,
rapide, tout en assurant leur traçabilité, réduisant au
passage les risques de fraudes. Implicitement, nous pensons aux
réductions du reporting réglementaire inhérent à la
profession, lequel représente un poste majeur de dépense dans les
métiers titres.
Pour ce qui est des banques d'investissement, le cabinet
d'audit Accenture évalue que la Blockchain pourrait faire
économiser 12.5 milliards d'euros par an aux banques à l'horizon
2025. Soit une économie des coûts d'infrastructures de l'ordre de
30%.
Toutefois David Treat, responsable blockchain
d'Accenture16, nuance ces chiffres arguant que ces économies
ne seront réalisables qu'avec un cadre réglementaire propice. Il
ajoute : "Après la crise du crédit de 2008, les
régulateurs hésiteront sans doute à réduire
sensiblement le rôle d'infrastructures de compensation et de
règlement nouvellement créé et renforcées (...)
sans être tout à fait certains que les réseaux blockchain
représentent une alternative sûre et solide".
La blockchain peut-elle créer un climat de confiance
suffisant qui inciterait les régulateurs à voter des lois, alors
même que cette technologie ne s'appuie sur autorité centrale ?
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https://www.challenges.fr/high-tech/blockchain-source-de-12-milliards-de-dollars-d-economies-par-an-pour-les-bfi_448521
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