Chapitre IX- L'art oratoire
A- Le kpanligan ou l'historien-poète
Ayant une culture basée sur l'oralité, les
monarques du Danxomè ont fait tout ce qu'ils pensaient nécessaire
pour ne pas laisser tomber dans l'oubli les hauts faits du royaume. À
cet effet, un homme était investi du devoir de retracer la
généalogie du roi, de relever ses hauts faits ainsi que ceux de
ses prédécesseurs, et lui rappelait l'obligation de faire mieux
que ceux-ci : c'est le kpanligan.
Muni d'un kpan (gong jumelé) d'où son
titre, le kpanligan était un homme qui récitait des vers
pour célébrer les souverains du Danxomè en battant le gong
à l'aide d'un bâtonnet en bois. Vivant non loin du palais comme
les autres artistes, il venait chaque matin dans la cour royale réaliser
sa prestation, de même que lors des différents rassemblements. La
fonction de kpanligan était transmissible de père en
fils. Ce dernier y était préparé depuis son jeune
âge ; son père prenait sur lui la responsabilité de lui
enseigner l'histoire de son royaume.
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34 ADANDÉ Alexandre, Les Récades des
rois du Dahomey, Dakar, IFAN, 1962, p. 26.
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Les récits du kpanligan, rythmés par le
son du gong, commençaient par la présentation du monarque
régnant. Il disait son nom fort avec les allégories qui
l'accompagnent. Il égrenait ensuite sa généalogie. Il
rappelait en détails les victoires que chacun de ses
prédécesseurs avait remportées pour le royaume.
Présent à tous les rendezvous entre le roi et ses sujets, le
kpanligan se faisait écouter attentivement par sa technique de
diction. Entre deux chants de glorification royale, le kpanligan
entrait sur scène, et tout le monde se taisait un instant pour
l'écouter. Sa voix dominait toute l'assemblée. Le kpanligan
était très choyé par le roi qui le comblait de
cadeaux, et lui accordait même des distinctions honorifiques.
Considéré comme la mémoire vivante du royaume, il
était traité au rang de prince. L'image 18 ci-dessous nous en
donne l'exemple.
Image 18 : Bas-relief de l'adjalala de Glèlè
(après la restauration de 1997), présentant un kpanligan
à
l'oeuvre, Photo Susan Middleton
Quand on sait l'importance que revêtent les bas-reliefs
aux yeux des monarques, et qu'on en voit un qui illustre un kpanligan,
un artiste comme tous les autres, on se rend compte de la place de choix
qu'occupait celui-ci dans le royaume. Glèlè, conscient du
rôle de conservateur du passé que jouait son kpanligan,
aurait fait réaliser ce bas-relief pour rendre hommage aux pratiquants
de ce métier qui allie histoire et art.
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