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La cour royale du Danxomè: un vecteur d'éclosion des arts

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par Hyppolite Togo
Université d'Abomey-Calavi - Licence en histoire de l'art 2016
  

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Chapitre II- Rapports entre la royauté et les artistes

A- Les contraintes du métier d'artiste de cour

Comme nous l'avons vu plus haut, les souverains du Danxomè accordaient assez de prérogatives aux artistes. Mais en contrepartie, l'artiste devait faire preuve de sagesse et de reconnaissance en mettant toute son intelligence et son génie au service du pouvoir royal.

Il devait travailler en toute discrétion ; son atelier était tenu secret. Il devait faire en sorte que personne ne découvre avant le roi la finalité de son oeuvre. Lorsqu'il finissait de réaliser les objets, il les gardait dans sa chambre privée qui n'était pas accessible à tout le monde. Ces objets étaient emballés avant d'être acheminés au palais, afin de n'attirer aucune curiosité. L'une des raisons pour lesquelles les artistes étaient installés à quelques lieues du palais était la quête de confidentialité dont il fallait entourer les oeuvres. On se rend ainsi compte que ceci pouvait susciter la peur chez l'artiste, celle de perdre tous privilèges suite à une absence de discrétion.

12 C'est le génie de l'art, selon une croyance fon. Il a le pouvoir de délivrer aux personnes qu'il choisit le don de produire de magnifiques oeuvres. Ainsi, est-il courant d'entendre dire en fon d'un artiste qui se fait admirer à travers son ouvrage : « Aziza wè nin » signifiant littéralement : « C'est un don d'Aziza ».

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En outre, l'artiste se devait de réaliser minutieusement la commande du roi. Les oeuvres produites ne devaient souffrir d'aucune faille. Lorsque les objets étaient apportés au palais, le souverain les examinait attentivement, puis donnait son verdict : il les acceptait ou les rejetait. La salle de trésor était réservée aux objets qui avaient reçu l'approbation du roi, tandis que les objets rejetés étaient remis aux artistes qui devaient les travailler à nouveau ; mais ces derniers perdaient de leur crédibilité.

Par ailleurs, le titre de Djèhossu (roi des perles) attribué au roi indique clairement qu'il ne peut accepter des artistes que ce qui est beau, luxueux, reflétant toute sa grandeur. Les oeuvres réalisées pour le roi étaient en modèle unique. Il n'était donc pas possible de retrouver chez quelqu'un d'autre, quel que soit son rang social, une oeuvre ressemblant à celle du roi. Ainsi, à chaque commande, l'artiste avait l'obligation de s'appliquer un peu plus afin de contenter le roi. Il était tout le temps dans la création de nouvelles choses.

Les artistes devaient travailler durement et avec soin pour mériter d'être proches du roi. Ce dernier ne faisait entrer dans son environnement immédiat que l'artiste dont le talent supplante de loin celui des autres. En fait, installés dans la salle de trésor après avoir reçu le satisfécit du roi, les objets étaient sortis et exposés dans les espaces publics du palais, lors des festivités royales. Les hôtes de marque du roi étaient amenés dans cette salle pour admirer les richesses artistiques du royaume. Ainsi, pouvait aussi devenir protégé du roi, l'artiste dont les oeuvres avaient été admirées par des étrangers.

B- Le génie artistique au service de l'impérialisme

La devise du royaume était : « Le Danxomè toujours plus grand » ; et plus qu'un simple voeu, elle était un devoir qui s'imposait à tout souverain qui accédait au trône. Celui-ci se sentait dans l'obligation morale de repousser les limites de son royaume, de faire quelque chose de plus grand que ses prédécesseurs. Ainsi, il mettait tout en oeuvre pour y arriver. L'art était d'un grand intérêt dans cette entreprise.

C'étaient en effet les artistes qui, à travers leur savoir-faire, faisaient transparaître la puissance et la grandeur du royaume, notamment du roi. Exclusivement adaptée à ce dernier, la production artistique le célèbre, le magnifie, et valorise son règne. Les artistes ont également participé indirectement aux conquêtes en jouant sur l'esthétique, la

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psychologie et l'histoire . Le kpanligan 13 par exemple présente le roi comme étant le détenteur de tous les trésors, le Djèhossu, le Dokunnon, l' Ayihihonnon 14... Ainsi jouait-il sur la psychologie des sujets et surtout des peuples voisins. De même, l'iconologie des bas - reliefs, a permis de retracer, outre les sources orales et les écrits d'administrateurs coloniaux, l a terreur que voulaient imposer les souverains du Danxomè à leurs ennemis. D'autres artistes comme les tenturiers ne faisaient pas le contraire quand ils laissaient transparaître dans leurs toiles le sort affreux réservé aux ennemis du royaume comme l'illustre l'image 1 ci-dessous.

Image 1- Fragment d'une toile appliquée.

13 Il est employé à la cour à réciter la généalogie du roi, son panégyrique et à faire son éloge.

14 Ce sont trois des nombreux surnoms donnés aux rois du Danxomè. Le premier signifie « Le Roi des perles », le deuxième « Le Richard » et le troisième « L'incarnation du Soleil».

Dans ce fragment de tenture par exemple, on aperçoit une récade et un buffle de couleur rouge ; ce sont les armoiries de Ghézo. Entre autres scènes, nous avons : un homme qui pile la tête d'une victime dans un mortier avec pour pilon une jambe humaine ; une personne est portée, bien qu'étant armée, vers un arbre ; un autre homme est décapité et sa tête est plantée sur une pique ; une femme a sur la tête un panier empli de têtes humaines. Ces scènes laissent voir que des soldats des royaumes rivaux à celui de Danxomè sont décapités sans état d'âme. Elles présentent les Danxomènou à travers leurs soldats comme des conquérants attitrés, et qui éliminent tous ceux qui tentent de s'opposer à l'impérialisme fon. Ainsi, le roi Ghézo se voit glorifié par cette tenture pour sa politique d'expansion. Mais au-delà de leur rôle dans l'impérialisme du Danxomè, ce sont aussi des oeuvres qui ont permis de sauvegarder l'histoire de ce royaume.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus