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La cour royale du Danxomè: un vecteur d'éclosion des arts

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par Hyppolite Togo
Université d'Abomey-Calavi - Licence en histoire de l'art 2016
  

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Chapitre Ier- Intégration des artistes dans les arcanes du pouvoir royal

A- Origines sociogéographiques des artistes

L'intérêt des souverains qui se sont succédé sur le trône du Danxomè pour l'art les a amenés à faire recours aux services des artistes indépendamment de leurs origines sociales et géographiques. Ils plaçaient le génie artistique au-dessus de toute considération sociopolitique. Cependant, il faut reconnaitre qu'avant l'agrandissement considérable du royaume, les artistes étaient choisis parmi l'élite sociale. Ainsi, ne pouvaient travailler aux alentours du palais que les artistes issus de lignées royales ou de familles liées aux vodoun. Ce privilège leur était accordé parce qu'on les trouvait plus dignes d'être proches du monarque, et plus à même de traduire en langage artistique la suprématie aladaxonou (fon)8.

Mais après de grandes conquêtes notamment celles d'Alada, de Savi et de Djèkin dont Agadja fut l'instigateur entre 1724 et 1732, occasionnant la déportation sur le plateau d'Agbomè de nombreux captifs parmi lesquels se trouvaient des artistes de grand talent, les rigides principes d'antan finiront par s'assouplir. Ainsi, les artistes provenaient désormais de toutes les couches sociales ; ils pouvaient être princes, maîtres de culte, hommes libres, esclaves et même captifs de guerre. Ironie du sort, nombre de ces derniers finiront par hisser haut la renommée du Danxomè dans le domaine des arts.

Un grand forgeron-sculpteur du nom d'Ékplékendo Akati, était originaire d'Anago-Doumè, une région située à environ 100 km d'Agbomè, à la frontière entre le Bénin et le Togo actuels. La première version de la tradition orale sur les origines de cet artiste dit qu'il était yoruba et que la qualité de ses oeuvres avait atteint une telle ampleur dans sa région d'origine que le roi Glèlè en fut informé9. Par un concours de circonstances, celui-ci fit la guerre à Anago-Doumè, dont les habitants, les Djaloku ou Fennu l'auraient nargué alors qu'il venait de perdre sa mère, bafouant ainsi le pacte de l'amitié jurée scellé par leur

8 BALLT T. (dir.) et alï, Passé, présent et futur des palais et sites royaux d'Abomey, Actes de conférence, 1999, 167 p.

9 Cette information m'a été fournie à Abomey, le 23-12-2015, par Bachalou NONDICHAO, historien traditionnaliste et guide du musée d'Abomey à la retraite.

11

ancêtre Nukumoké et Houégbadja. On se demande si la vraie raison de cette guerre n'était pas l'enlèvement de l'artiste avec ses oeuvres, quand on sait que le Danxomè faisait également des conquêtes d'ordres religieux et culturel. Quant à la seconde version10, il aurait été emmené comme captif de guerre, à l'issue d'une bataille que le roi Ghézo, père de Glèlè, livra contre les habitants d'Anago-Doumè. Et c'est bien après que le roi se rendra compte que les talents de cet artiste surpassaient ceux des autres forgerons. Il lui confiait tous ses travaux liés à la forge et le nomma Gounon11.

Quoi qu'il en fût, le fait essentiel à retenir de ces deux versions est que Ékplékendo Akati était d'Anago-Doumè, et était venu à Agbomè comme captif de guerre, mais a très tôt, grâce à son art, intégré le cercle fermé des privilégiés du royaume. Et aujourd'hui encore, ses oeuvres continuent de faire la fierté des Aboméens et de tous les béninois par extension.

B- Le recrutement et l'insertion des artistes dans le paysage royal

Dans un système de royauté, il est difficile que ceux qui n'appartiennent pas à l'élite sociale aient des prérogatives. Et donc pour être recruté comme artiste de cour, il fallait avoir des aptitudes supérieures à celles des autres, qu'on peut considérer comme des artisans. Ce privilège n'était ainsi offert qu'aux excellents dans leurs domaines respectifs. Lorsque parmi les prisonniers de guerre, il y avait quelque artisan dont le métier était inconnu dans le royaume et dont les oeuvres eussent pu fasciner le roi, ce dernier le faisait quitter son statut de captif et le traitait dès lors comme son protégé. On l'installait non loin du palais, et on lui offrait tout ce dont il avait besoin pour s'épanouir dans son travail. On lui trouvait une femme qu'on dotait à sa place, lui déléguait des personnes commises à ses services, et on s'assurait qu'il ne manque jamais de matière première. Son atelier se situait dans l'arrière-cour de la maison à lui donnée.

En revanche, si le captif de guerre pratiquait un métier qui existait déjà à la cour, alors on le mettait sous la coupe de la personne la plus douée dans le métier. Il pouvait ainsi user de ses connaissances pour améliorer la qualité des oeuvres. Cette personne dont on parle était le responsable de tous les artisans exerçant le même métier. Ainsi, il est le

10 Cette version est dite par Dodji ABIALA et Marcelin HOUNTONDJI, deux artisans, membres de familles d'artistes.

11 Prêtre du culte de Gou.

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seul qu'on peut qualifier d'artiste, celui à qui Aziza12 accorde des révélations sur l'art qu'il pratique ; et les autres n'étaient que de simples artisans, car ne faisant que reproduire l'ouvrage de leur maître en employant sa technique.

Il est à noter des mariages particuliers qui se faisaient entre le roi et les artistes très cotés. En exemple, le roi Agonglo (1789-1797), ayant été informé de la renommée du tenturier Yèmandjè, fit tout le nécessaire pour bénéficier de sa compétence. Il le « dota et l'épousa » donc, faisant de lui une Ahossi (reine, femme du roi). Ce pseudo-mariage n'était qu'un acte symbolique, et est une preuve flagrante de la présence permanente du symbolisme dans les faits et récits au Danxomè. Yèmandjè bénéficiera ainsi d'énormes avantages. Il avait accès à toutes les parties de la cour, y compris celle réservée au roi et à ses épouses. Il devint très tôt l'exécuteur des grands travaux de tenture et l'habilleur spécial du roi, puisqu'il était très proche de lui. D'autres artistes ont été aussi approchés et installés comme ce dernier, même s'ils n'ont pas été tous « dotés et épousés ».

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