Conclusion
Ce travail m'a permis de mettre en exergue le rôle qu'a
joué le pouvoir royal du Danxomè dans le développement des
arts. Les faits politico-militaires de ce royaume sont si grandioses qu'ils
font de l'ombre à ses arts. Et pourtant, ces derniers ont connu une
grande ampleur, et sans eux, l'histoire du Danxomè ne pourrait
être écrite efficacement. Le Danxomè qui a existé
d'environ 1645 à 1900 au Sud du Bénin actuel, fait partie des
royaumes africains dans lesquels l'art a occupé, à
côté de la royauté et de la religion, une place très
importante. Ayant très vite compris le rôle que peut jouer l'art
dans l'aboutissement de son mot d'ordre qu'est : « Le Danxomè
toujours plus grand », le roi fondateur Houégbadja a tôt fait
de poser les jalons de la relation entre la royauté, la religion et
l'art.
Ainsi, pendant près de trois siècles, tous ses
successeurs lui ont emboîté les pas en s'appuyant sur la religion
et l'art pour accroître l'ampleur de leur royaume. Ils ont pu importer de
nombreux vodoun, de différentes formes d'art, ils ont même fait
venir de gré ou de force des artistes d'autres régions. Leur
intérêt pour l'art était si fort qu'ils ont ouvert au fil
des règnes ce domaine d'activité à toutes les couches
sociales. Pouvaient donc être artistes les esclaves, les captifs de
guerre pour peu qu'ils aient du talent. Ils s'occupaient eux-mêmes du
recrutement des artistes qu'ils mettaient dans les meilleures conditions de vie
et de travail. Ceux-ci devaient en contrepartie produire les oeuvres telles que
demandées par le souverain. Cette intervention directe des rois dans la
production artistique a permis la subsistance jusqu'à nous de certaines
familles d'artistes, parce qu'ils veillaient à la transmission du
savoir-faire.
Suite à la prise du Danxomè après une
résistance farouche de Gbèhanzin, et la fin officielle de la
royauté en 1900 avec l'exil au Gabon d'Agoli-Agbo, l'art de cour a
cessé d'exister. Les destructions aussi bien humaines
qu'environnementales ajoutées aux pillages subis par les palais
d'Agbomè depuis 1900 ont effacé les traces de beaucoup d'oeuvres
plastiques. Mais les différentes restaurations des palais, notamment
ceux de Ghézo, de Glèlè et de Gbèhanzin, qui ont
été réalisées, ont permis de révéler
des bas-reliefs qui prouvent un tant soit peu la maîtrise et le
goût pour l'esthétique de leurs exécutants ainsi que de
leurs commanditaires. Des objets présentés aujourd'hui au
musée historique d'Abomey, très peu sont authentiques. C'est un
musée assez pauvre quand on s'imagine toute la production d'objets d'art
qu'a connu cette capitale royale.
En revanche, une foultitude d'oeuvres d'artistes de cour du
Danxomè garnit les musées français et collections
privées. Des trônes aux récades en passant par des
tentures
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et des sculptures en bois et en métal, il y a toute une
variété d'objets de l'art du Danxomè qui sont aujourd'hui
présentés lors de grandes expositions à travers le monde.
La qualité esthétique de ces objets n'est donc point à
démontrer, ce qui vient confirmer le talent des artistes du
Danxomè. Ces oeuvres sont désormais de renommée
internationale, et nul ne pourra plus les confondre à des objets
artisanaux comme cela a été le cas pendant longtemps.
Cette qualité des oeuvres d'art du Danxomè qui
est aujourd'hui établie n'aura été possible sans le
vodoun. En effet, le vodoun a été une grande source d'inspiration
pour les artistes qui, dans l'optique de lui rendre grâce, fabriquaient
des merveilles d'oeuvres de cultes. C'est à partir de ces objets-ci que
le roi faisait parfois sa commande tout en tenant à les adapter à
sa personnalité propre. Ainsi perçoit-on clairement
l'étroite relation entre la royauté, la religion et l'art.
Au-delà des arts visuels, s'est développé également
au Danxomè un art de cour immatériel qui garde encore
jusqu'à nos jours le souvenir des rois et de leurs hauts faits. Les
chants, les danses, les récits du kpanligan et autres
étaient mis à contribution pour rendre gloire aux rois.
Les rois du Danxomè en mettant l'art au service du
pouvoir, lui ont impulsé un essor prodigieux. Les artistes avaient tous
les moyens nécessaires pour produire les meilleures oeuvres qu'ils
pussent réaliser. Amenés d'un peu partout, et installés
non loin du palais dans de bonnes conditions, les artistes n'avaient que leurs
instruments d'art pour remercier leur seigneur pour sa bienfaisance. Ils
s'appliquaient donc pour être à la hauteur afin de ne jamais
perdre la confiance et les faveurs du roi. Ce dernier étant tout le
temps à la quête de nouvelles et belles choses, incitait à
la création de nouvelles techniques d'art.
En clair, la cour royale, en tant qu'ensemble des personnes
directement liées au pouvoir, a permis le rayonnement des arts, et on
peut le constater encore aujourd'hui avec cette floraison d'activités
artistiques qu'on observe à Abomey. De Houégbadja à
Agoli-Agbo, tous les monarques qui se sont succédé sur le
trône du Danxomè ont oeuvré à
l'épanouissement des arts, parce qu'ils savaient que l'agrandissement de
leur royaume passait par là. Pendant près de trois siècles
donc, la cour royale a fait de l'art un levier important de grandeur du
Danxomè, ce qui a permis un développement réciproque des
arts. Malheureusement jusqu'à maintenant au Bénin, l'art n'a
jamais été une préoccupation importante dans les
politiques des différents gouvernements qui se sont
succédé depuis l'indépendance en 1960. Il est temps de
changer la donne si tant est que le développement est le but
visé.
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