WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les personnages burlesques dans les productions Pixar

( Télécharger le fichier original )
par Laurent Baudry
Université Paris 1 - Master 1 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE I : D É CLINAISONS DU CORPS BURLESQUE

Avant de devenir ce géant de l'animation, Pixar n'était, à l'origine, qu'un petit groupe de chercheurs en infographie ne disposant que de peu de moyens et d'une technologie encore rudimentaire. Pour comprendre comment le studio a pu s'épanouir, il faut revenir sur ses premières années, en saisir les conditions de travail, cerner ce vers quoi tendaient les personnes qui y évoluaient à l'époque. Il ne faut pas l'oublier, Pixar est avant tout la contraction des termes pixel (surface élémentaire constituant l'image numérique) et art. Déjà, cette dénomination marque un grand paradoxe : l'association, pour ne pas dire la fusion, d'une technologie pour le moins impersonnelle et de la création artistique dans sa plus pure expression. Comment ce jeune studio est-il parvenu à concilier la tradition du coup de crayon à la modernité de l'ordinateur, pour donner forme à ses personnages ? C'est d'abord par une appréhension progressive de l'outil informatique que se sont forgés les premiers corps en image de synthèse. Par cette progression, le studio a donné naissance à tout un éventail d'objets animés, dont le moyen d'expression principal était celui du corps. C'est notamment par le recours à un langage comique exclusivement physique que les studios ont pu exploiter le potentiel burlesque des protagonistes de leurs films, au point d'appliquer ce langage aux personnages humains, jusqu'à les transformer littéralement en objets.

I.1/ Genèse des premiers corps Pixar

Au cours d'un entretien avec Paul Grimault1, en 1985, Jean-Pierre Pagliano questionna le cinéaste sur sa vision de l'animation par ordinateur. Ce dernier en avait déjà une idée bien arrêtée :

« L'ordinateur est une très belle invention, un outil extraordinaire pour certaines choses. Ça m'amuserait de jouer avec mais ça ne me servirait à rien pour ce que j'ai choisi de faire. Si je faisais des films scientifiques ou techniques, je m'en servirais : il y a des spécialistes et vous, vous êtes à leur disposition. Il faut leur dire : « Je voudrais bien avoir ça » et le gars vous dit « c'est possible » ou « c'est pas possible ». On commence à être dépendant de quelqu'un d'autre [É] et à ce moment-là, on s'efface fatalement devant le moyen. Le moyen, pour moi, c'est bien si je le contrôle. »2

1 Paul Grimault (1905-1994) est un cinéaste d'animation français. Il est l'auteur de dessins animés poétiques, comme Le Petit Soldat (1947) ou encore Le Roi et l'Oiseau (1980) tous deux co-écrits par Jacques Prévert. Son oeuvre a marqué la scène internationale, au point d'influencer des cinéastes japonais comme Hayao Miyazaki.

2 Jean-Pierre PAGLIANO, Paul Grimault, Dreamland, 1998, p.141.

5

Il faut dire qu'à l'époque, l'animation par ordinateur n'en n'est qu'à ses balbutiements. Mais un petit groupe de chercheurs de la division informatique de Lucasfilm Ltd., défriche un terrain méconnu : celui de l'imagerie numérique. Edwin Catmull1 et Alvy Ray Smith2 sont à la tête de cette équipe, bientôt rejoints par John Lasseter au début des années 80. Ce dernier est recruté pour mettre en forme les avancées technologiques des chercheurs. Car, jusqu'alors, les images de démonstration des nouveaux logiciels étaient réalisées par les inventeurs eux-mêmes. « C'est comme aller dans un musée où les tableaux auraient été peints par les fabricants des toiles et des pinceaux »3 s'étonne John Lasseter.

L'arrivée de ce dernier marque donc le lancement d'un projet voué à promouvoir les travaux du groupe : un court métrage d'animation.

« Ed Catmull et Alvy Ray Smith m'ont demandé de réfléchir à un personnage composé de formes géométriques simples [É]. Je me suis alors intéressé à Ub Iwerks, à la simplicité de ses premiers dessins animés de Mickey Mouse. J'ai donc commencé à dessiner André, un personnage composé de formes simples. »4

Certes, les premières aventures de Mickey se caractérisent par la simplicité des traits, mais la fluidité et le rythme impulsés aux corps des personnages sont très soignés. Walt Disney et Ub Iwerks s'étaient d'ailleurs inspirés des corps de Buster Keaton et de Charlie Chaplin pour concevoir ces personnages. Car comme le souligne Dick Tomasovic, « le corps du toon et le corps burlesque sont des corps mobiles, malléables, ils sont les premiers objets de l'action du cinéma d'animation. »5 Le cadre rigide des formes géométriques imposées par l'outil informatique à Lasseter posent donc problème à l'ancien animateur des studios Disney : « Je me souviens avoir dit à Ed [Catmull] : « Bon sang, j'adorerais avoir une forme flexible », c'est grâce à son corps qu'un personnage de dessin animé devient expressif. »6

1 Né en 1945, Edwin Earl Catmull est un docteur en informatique spécialiste de l'image de synthèse. Il entre chez LucasFilm en 1979, où il travaille sur les premières images générées par ordinateur. En 1986, il fonde Pixar avec Steve Jobs, et développe des logiciels importants dans le domaine de l'animation par ordinateur.

2 Ingénieur américain né en 1943, Alvy Ray Smith est, au même titre que son confrère Ed Catmull, un pionnier de l'infographie.

3 Extrait du documentaire de Tony KAPLAN et Erica MILSOM, Pixar Shorts, a Short Story, 2007.

4 ibid.

5 Dick TOMASOVIC, Le corps en abîme, Sur la figurine et le cinéma d'animation, Rouge Profond, 2006, p.53.

6 John Lasseter in, Tony KAPLAN et Erica MILSOM, op. cit, 2007.

6

Ces débuts hésitants appuient la thèse de Paul Grimault selon laquelle les limites technologiques de l'ordinateur constituent une barrière à la créativité. Edwin Catmull va justement repousser ces limites en mettant au point le procédé de la goutte d'eau (annexe 1). S'appuyant sur les fameuses formes géométriques imposées par les logiciels, cette goutte d'eau se compose de deux hémisphères : le plus grand constituant la base de l'objet à animer, et le plus petit faisant office de sommet. L'ordinateur remplit alors automatiquement la section qui sépare ces deux hémisphères indépendants l'un de l'autre. L'objet final devient malléable, et se rapproche de la flexibilité d'un personnage animé à la main. John Lasseter résume ainsi la façon dont il s'est affranchi des ces contraintes : « L'art met la technologie au défi et celle-ci inspire l'art. »1 Un second personnage est donc développé autour de ce nouveau procédé : Wally B., un bourdon doté de pattes en formes de bonbons de gélatine.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote