I.4.4.1.2.4 Facteurs
sociodémographiques des mères et des enfants
La quantité d'aliments disponibles par personne dans
une famille, dans un district ou dans un pays est la quantité de
nourriture produite ou achetée divisée par le nombre de personnes
qui y ont accès. Une famille de huit personnes, qui produit et
achète la même quantité de nourriture qu'une famille de
quatre personnes, dispose de moins de nourriture par personne. Toutefois, dans
les familles de producteurs, plus la famille est nombreuse, plus la
productivité familiale peut être importante.
Dans certains pays, le problème démographique
est généralement perçu comme un problème majeur. La
surpopulation, la taille des familles et l'espacement des naissances sont
considérés comme des facteurs déterminants de
malnutrition. Pour de nombreux pays en développement, l'espacement des
naissances est une priorité au sein des structures gouvernementales
responsables de la planification familiale. Mais tout comme en production, il
serait naïf de croire qu'un contrôle des naissances ou une
planification familiale réussie résoudront à eux seuls les
problèmes de faim et de malnutrition.Les principaux facteurs mis en
exergue dans cette approche et qui peuvent influencer le statut nutritionnel
des enfants sont : l'âge et le sexe de l'enfant, l'âge à la
maternité et la parité de la mère, le statut matrimonial
et l'indicateur d'IMC de cette dernière, l'intervalle
inter-génésique, les infections et maladies contractées
par l'enfant et enfin les soins préventifs (L. Sangare, 2008).
1. Age de l'enfant
L'âge de l'enfant est dans l'ensemble parmi les
variables les plus discriminantes, car plus l'âge augmente, plus la
malnutrition prévaut (INSAH, 2008). L'alimentation du nourrisson et du
jeune enfant varie au fur et à mesure qu'il prend de l'âge : le
nourrisson de moins de six mois nourri au lait maternel bénéficie
de la protection des anticorps de sa mère. Au-delà de six mois,
le sevrage l'expose aux agents pathogènes et à la malnutrition
lorsque les aliments de sevrage ne sont pas assez riches pour couvrir les
besoins de sa croissance.
Il est généralement observé que la
santé de l'enfant telle que mesurée par l'état
nutritionnel se détériore surtout durant la première
année de vie et ce jusqu'à l'âge de deux ans, pour se
stabiliser plus au moins par la suite. Cette tendance a été
constatée dans les pays en voie de développement dont le
Guatemala (Handa, 1999).
Quel que soit l'indice anthropométrique choisi, le taux
de malnutrition augmente avec l'âge de l'enfant de la naissance à
24 mois au Mali (EDS-2001), au Burkina Faso (EDS-2003), au Cameroun (EDS-2004)
et au Tchad (EDS-2004). Cette tendance s'inverse très rapidement et de
façon significative après 24 mois pour le poids/âge et le
poids/ taille. La tendance est mitigée pour la taille/âge
après 24 mois. Il apparaît clairement que la nutrition de l'enfant
est fonction de son âge. Le nourrisson de moins de six mois ne devra pas
être alimenté comme l'enfant de 6 à 11 mois et ce dernier
ne doit pas être alimenté comme celui de 12-23 mois (INSAH, 2008).
Au Gabon, un grand nombre de décès surviennent entre 1 et 3 ans
des suites de rougeole et de malnutrition : maladies qui frappent rapidement
après le sevrage de l'enfant (Bakenda, 2004).
L'incidence de l'âge sur l'état nutritionnel des
enfants peut être prise en compte de plusieurs manières. Soit
qu'on utilise des tranches d'âge (Strauss, 1990 ; Stifel et al, 1999),
soit qu'on préfère une forme quadratique : solution que Morrisson
et Linskens ont retenue en 2000 lors de la recherche des facteurs explicatifs
de la malnutrition en Afrique Subsaharienne.
Dans presque tous les pays explorés, ils ont obtenu des
coefficients très significatifs, celui de l'âge (en mois)
étant négatif et celui de l'âge au carré
étant positif. D'après ces coefficients, le mois à partir
duquel l'âge exerce un effet positif au lieu de négatif est en
moyenne à partir de 35 mois (point d'inflexion). Jusqu'à cet
âge, la situation se détériore avec le temps. Ce
schéma concorde avec les résultats de Stifel et al. (1999) qui
considèrent seulement trois tranches d'âge de 3 à 35 mois
comme avec ceux de Strauss (1990) pour la Côte d'Ivoire qui met en
évidence un handicap croissant qui atteint son maximum vers 40-48 mois.
Ainsi, quelle que soit la forme choisie, les épisodes temporaires de
malnutrition s'accumulent pendant les trois ou quatre premières
années de telle sorte que le retard de poids par rapport aux enfants du
pays de référence, les États-Unis, croît
d'année en année pour s'inverser avec le changement de
régime alimentaire permis par l'âge (INSAH, 2008).
2. Sexe de l'enfant
Dans certaines sociétés où l'on a une
préférence pour les enfants de sexe masculin, le sexe de l'enfant
joue un rôle important sur son état nutritionnel (Dackam, 1990).
En Afrique subsaharienne, des auteurs comme Gbenyon et Locoh (1989), ont
montré l'existence d'une discrimination alimentaire selon le sexe, mais
cette différence n'était pas toujours significative. Au Mali,
aucune différence significative dans l'état nutritionnel n'a
été observée, ni en milieu urbain, ni en milieu rural
(Mbacké et Legrand, 1992).
Pour étudier l'incidence du sexe, le centre de
développement de l'OCDE en 2000, grâce aux données de 20
pays d'Afrique subsaharienne, fait recours à une diversité de
l'échantillon (du point de vue revenu, mentalités, religion...).
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les filles sont presque
toujours privilégiées. Dans deux cas sur trois, on obtient des
coefficients négatifs pour un garçon, dans les autres cas, le
coefficient est non significatif et il existe seulement deux coefficients
positifs pour les garçons (en zone urbaine au Ghana et au Cameroun). Ces
résultats confirment les conclusions de Svedberg (1998) et des tests
antérieurs (un coefficient négatif pour les garçons au
Brésil, en Côte d'Ivoire, aux Philippines, mais positif au Maroc).
Le cas du Maroc pourrait laisser croire qu'on accorde plus d'attention aux
garçons dans les pays musulmans. Pourtant, on a observé une
prévalence de la malnutrition plus élevée chez les
garçons dans des pays de confession musulmane.
Au Niger par exemple, il ressort des données relatives
à la malnutrition que les petites filles ne souffraient pas de
discrimination en matière de soins en général et
d'alimentation en particulier. La proportion des enfants touchés par la
malnutrition chronique y est légèrement plus élevée
pour le sexe masculin (43%) que pour le sexe féminin (40%) (EDS Niger,
1998 : 154). L'attention accordée aux filles pourrait s'expliquer par
des spécificités des sociétés rurales. Les filles y
sont beaucoup moins scolarisées qu'en ville et aident leurs mères
pour les tâches domestiques dès leur plus jeune âge. Mais on
observe une prévalence plus élevée chez les garçons
aussi souvent en ville qu'à la campagne. De plus, pour des raisons
physiologiques, les filles supportent mieux que les garçons une
alimentation pauvre et/ou insuffisante (Ntsame, 2001). Cependant, la
persistance de cette dernière laisse observer le désavantage chez
les filles au profit des garçons. A ce propos, l'EDS Togo (1998) a
enregistré 23% de cas de bonne nutrition chez les garçons contre
20% seulement chez les filles.
L'hypothèse qu'on puisse avancer est que ce biais en
faveur des filles diminue avec le développement même s'il
n'apparaît pas dans des pays moins pauvres comme le Zimbabwe (Morrisson
et Linskens, 2000). De façon générale, là où
il n'existe pas de discrimination à l'égard des filles, la
malnutrition touche de manière identique les filles comme les
garçons (Ntsame, 2001).
3. Indicateur d'IMC de la mère
L'état de santé de la mère n'est pas
moins important que l'éducation. Ainsi, l'indice de Masse Corporelle
(IMC) de la mère permet de mesurer cet état et est défini
comme étant le rapport du poids (en kilogrammes) à la taille (en
mètres) élevée au carré. Celles dont l'IMC est
inférieur au seuil (le seuil de 18,5) sont considérées
comme malnutries. Les enfants de ces mères sont théoriquement
à risque eu regard à la théorie dite du « cycle de
vie » à laquelle il a été fait allusion
précédemment. La répartition des indicateurs de
malnutrition suivant le niveau d'IMC des mères confirme la relation
positive entre la malnutrition de l'enfant et celle de la mère dans
plusieurs études menées en Afrique subsaharienne. Les niveaux de
malnutrition sont élevés pour les mères dont l'IMC est
inférieur au seuil. En outre, les écarts entre les deux groupes
de mères sont particulièrement importants pour la malnutrition
poids pour taille : de 12 points d'indice au Tchad (EDST-2004) à
près de 6 points au Burkina Faso (EDSB-2003). Pour les autres
indicateurs, les écarts sont plus importants au Burkina Faso sauf pour
la malnutrition taille pour âge au Mali (INSAH, 2008).
4. Statut matrimonial de la mère
En Afrique subsaharienne, le mariage continue d'assurer aux
femmes un sentiment de sécurité et de soutien de la part du
groupe social, fait susceptible d'être associé à une
meilleure santé de l'enfant (KuateDefo, 1996). L'idée
généralement avancée ici est que les enfants de femmes non
mariées sont plus susceptibles de souffrir d'une malnutrition plus
élevée du fait qu'ils appartiennent à une famille
jouissant d'une stabilité sociale plus faible.
Néanmoins, cette influence peut être inverse. Les
enquêtes DHS permettent de distinguer les trois cas : la famille
monogame, la famille polygame et la famille monoparentale (la mère vit
seule). A propos de l'impact des structures familiales : dans 12 pays d'Afrique
subsaharienne (OCDE, 2000), les enfants des mères qui vivent en union
polygame ont un retard de croissance. Un seul cas, est spécifié
dans la zone urbaine du Ghana, où l'on note l'effet opposé de la
polygamie. En effet, les pères polygames ont, en moyenne, beaucoup plus
d'enfants et d'adultes à nourrir, et même s'ils disposent de plus
de ressources que les autres, ces ressources ne croissent pas en proportion des
charges familiales. Cela explique aussi cette différence notée
par Strauss (1990) en Côte d'Ivoire où les enfants de
l'épouse la plus âgée (seule épouse au début)
sont plus grands que ceux de l'épouse la plus jeune. On peut supposer
que les femmes seules disposent également de moins de ressources. De
fait, on a obtenu un coefficient négatif dans 8 pays. Mais dans 4 pays
(Ghana, Mali, Niger et Togo), le coefficient est positif en zone urbaine. Il
faut toutefois rappeler que dans la plupart des pays, les mères qui
vivent seules sont peu nombreuses et dans certains cas, elles se distinguent
des autres mères par un niveau d'éducation plus
élevé ou la possession de biens durables. Si elles sont ainsi
plus « favorisées » matériellement que les autres
femmes, leur condition monoparentale n'entraîne pas
systématiquement une incidence négative sur les enfants.
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