I.4.4.1.2.2 Facteurs
socioculturels de la malnutrition
Depuis de nombreuses années, la notion de «
négligence sociale » est évoquée par des chercheurs
en sciences sociales (anthropologues, démographes) comme pouvant exercer
une influence sur la malnutrition. Une première thèse
sociodémographique (Scrimshaw, 1978) suggérait que certains
enfants des pays en voie de développement seraient moins investis que
d'autres au sein de familles à descendance élevée.
3. Niveau d'instruction des parents
On observe, selon l'INSAH, dans plusieurs pays d'Afrique
subsaharienne (Mali,Tchad, Burkina Faso, Niger, Sénégal, Cap
Vert, Gambie et RD Congo) une relation inverse entre chaque indicateur de
malnutrition des enfants et le niveau d'instruction de la mère. Les
enfants des mères de niveau supérieur ont les niveaux de
malnutrition les moins élevés. Les écarts sont
particulièrement importants entre les niveaux de malnutrition des
enfants des mères de niveau supérieur et les enfants de leurs
congénères non instruites, avec des indicateurs passant du simple
au double et parfois davantage. Entre les pays, il faut noter qu'à
niveau d'instruction égal, les enfants de mères maliennes ont le
plus souvent des niveaux de malnutrition plus faibles, suivis par les
enfants.
Tout comme pour la mère, le niveau d'instruction du
partenaire est négativement lié à la malnutrition de
l'enfant. Les niveaux de malnutrition des enfants sont d'autant plus bas que le
niveau d'instruction du partenaire est élevé. Il joue
également un grand rôle dans l'état nutritionnel des
enfants. Notons que, les hommes disposant d'un haut niveau d'instruction se
marient généralement avec des femmes assez instruites et, dans de
tels cas, l'effet de l'instruction de l'homme passe par celui de la
mère.
Généralement, le niveau d'instruction de la
mère a plus d'influence sur la morbidité, la malnutrition et la
mortalité des enfants que celui du père. Pour Akoto (op. cit)
:« l'instruction de la mère apparaît toujours discriminante
(notamment entre 0-3 années et 4années et plus d'école),
tandis que celle du père intervient surtout aux deux
situationsextrêmes (mère illettrée ou très
instruite) ».
I.4.4.1.2.3 Facteurs
socioéconomiques de la malnutrition
La pauvreté est généralement
considérée comme la cause profonde de la malnutrition tant il est
vrai que, dans la majorité des pays, c'est surtout chez les pauvres que
l'on trouve des enfants souffrant de MPE grave ou modérée, ou
présentant des signes évidents de carence en vitamine A (INSAH,
2008).
Cette approche justifie la malnutrition des enfants par le
niveau de vie des ménages, lequel est lui-même
corrélé à la qualité de l'habitat, au type
d'activité économique des parents, à l'accès
à l'électricité, à l'eau potable et à
l'assainissement. L'individu est dénutri, voire mal nourri parce que le
ménage n'a pas les moyens de lui procurer assez de nourriture de bonne
qualité : c'est la thèse défendue par Sen (1998). Quant
à Murdoch (1985), il associe la malnutrition et pauvreté, car les
ménages pauvres n'ont pas suffisamment de nourriture à cause du
manque des moyens financiers.
Pour les tenants de cette approche, l'explication des
variations de l'état nutritionnel des enfants en Afrique trouve son
fondement dans l'inégalité du niveau de vie des ménages.
Toutefois, cette opinion est relativisée par Delpeuch et al (1996) qui
font remarquer que malgré la crise économique (suivie de la
dévaluation du Franc CFA), certains plats culturellement
sollicités sont cependant restés les mêmes. Akoto (1993) ne
partage pas cette vision, car pour lui, l'état nutritionnel des enfants
ne s'explique qu'à travers les normes et valeurs sociales en
matière d'alimentation. Cet auteur souligne ainsi l'importance de la
culture et de l'organisation sociale, notamment, en ce qui concerne la
compréhension de certaines habitudes alimentaires. A ce propos, il se
pose la question de l'importance pour un ménage de vivre
décemment si la culture, à travers ses interdits sociaux, ne
permet pas à l'enfant de consommer un bien nécessaire à sa
croissance.Dès lors, il est très peu indiqué de se
focaliser uniquement sur les facteurs économiques pour expliquer la
variation de la malnutrition.
La pauvreté se manifeste de plusieurs manières :
ce sont des ménages aux revenus insuffisants, mais aussi des
communautés ou des pays pauvres, qui n'ont pas de quoi construire et
financer des écoles et des programmes de formation, ni améliorer
les systèmes de distribution d'eau et d'assainissement et qui ne
fournissent pas de services sociaux et de santé nécessaires pour
réduire de façon significative la malnutrition. Le rôle
particulier des femmes et des jeunes filles est mis en exergue ici. Elles sont
à la fois victimes et «agents de transmission» de la
malnutrition. Dans les milieux défavorisés, les femmes peuvent
contribuer à la perpétuation d'un cercle vicieux dans la mesure
où les petites filles sous-alimentées sont des futures
mères susceptibles de se retrouver dans un état nutritionnel peu
satisfaisant au commencement de leur vie reproductive. A cette situation de
départ à risque s'ajoutent les mauvaises habitudes alimentaires
et les maladies infantiles infectieuses à répétition pour
générer des conditions défavorables aux processus vitaux
de développement de la personne (P. Tanang, 2009).
|