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Déterminants de la malnutrition chronique chez les enfants de moins de cinq ans en république démocratique du Congo. Modélisation d’une réponse polytomique (régression logistique multinomiale).


par Antoine DIKOKE
INSTITUT SUPERIEUR DES TECHNIQUES MEDICALES DE KINSHASA (ISTM) Kinshasa - Master en Bio-statistique 2019
  

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1.6 Les premières observations

La malnutrition a vraisemblablement existé sous toutes les latitudes depuis des décennies. Une des premières descriptions complètes d'un tableau clinique correspondant à ce qu'on appelle le "kwashiorkor" remonte à 1865. Elle est divulguée par deux médecins (les DrsHinojosaet Coindet, 1865) qui travaillaient dans un village au Mexique (Briend, 1997).

Ces auteurs avaient observé la présence fréquente d'oedèmes chez des enfants dénutris à la période du sevrage. Ils avaient aussi remarqué la présence fréquemment associée de diarrhées et le rôle déclenchant de la rougeole. Ces médecins avaient encore noté que ce tableau clinique différait nettement de celui de la pellagre déjà bien connu à l'époque, même si les enfants oedémateux suivaient un régime à base de maïs. Le diagnostic de pellagre avait été catégoriquement rejeté.

Au début du XXe siècle, la malnutrition de l'enfant devint plus rare en Europe et ce sont surtout des médecins travaillant dans des colonies qui décrivirent en détail des cas de malnutrition grave. Une des plus anciennes observations vient de l'Annam12. On la doit à un médecin militaire français, Normet (1926), qui avait constaté des oedèmes chez des enfants dénutris et ayant une alimentation à base de riz. Il appela cette maladie qui correspond au kwashiorkor dans la terminologie moderne, «la bouffissure d'Annam». Il publie en 1926 la première photo connue. Il soupçonna d'emblée qu'une origine nutritionnelle en était la cause, ayant remarqué qu'elle ne survenait pas le long des rivières poissonneuses. Ce qui est remarquable est que le niveau sanguin et l'excrétion urinaire d'urée étaient abaissés chez ces enfants bouffis et attira ainsi l'attention sur le rôle des protéines dans le développement de cette affection.

Entre 1933 et 1935, les premières observations d'oedèmes associés à la malnutrition tombèrent dans l'oubli. Entre les deux guerres mondiales, les communications entre les différentes parties du monde étaient extrêmement limitées et les techniques de recherche bibliographique rudimentaires. Williams ignorait les publications de Normet relatives à la "malnutrition oedémateuse" quand elle débuta sa carrière de pédiatre en Côte d'Or (actuel Ghana) dans les années 30. Elle aussi vit des cas d'oedèmes associés à une malnutrition et elle les décrivit dans les "Archives of Diseases in Childhood", dans un article publié en 1933 et intitulé : "A nutritionaldisease of childhoodassociatedwith a maizediet". Cette première publication insiste sur les lésions cutanées observées et la description clinique met tout aussi bien en relief les différences entre cette "maladie nutritionnelle" et la pellagre.Peu de temps après sa création, juste après la fin de la seconde guerre mondiale, la FAO envoya deux experts, les DrsBrocket Autret, faire le tour de l'Afrique pour faire le point de la situation alimentaire de ce continent. Leur expédition dura deux mois et ils rédigèrent, à leur retour, un rapport intitulé «Le kwashiorkor en Afrique» (Brock et Autret, 1952). Cette publication eut un grand retentissement dans le monde scientifique. Le rapport tendait à démontrer d'une part que le kwashiorkor était très répandu en Afrique, surtout si l'on tenait compte de ses formes mineures, et d'autre part que la maladie était essentiellement imputable à un régime pauvre en protéines. Ce rapport concluait que les carences en protéines représentaient le problème nutritionnel le plus préoccupant en Afrique. Le terme de "malnutrition protéique" devint alors un terme général appliqué très largement à tous les états de malnutrition observés dans les pays pauvres (P. TanangTchouala, 2009).

.1.2 Des carences en protéines aux carences en énergie

Les années passant, un certain scepticisme s'installa quant au rôle véritable des carences en protéines comme cause de malnutrition infantile dans les pays pauvres. On comprit dès lors que les programmes d'aide visant à augmenter les apports alimentaires protéiques avaient un impact faible, voire négligeable. Cette conviction devait se renforcer quelques années plus tard à la suite d'une étude portant sur plus de deux cents programmes de supplémentation à l'aide d'aliments riches en protéines et montrant que leur effet était généralement faible, s'il n'était inexistant (Beaton et Ghassemi, 1982). Aussi une remise en cause de ces programmes s'imposait.

En 1968, l'équipe d'Hyderabad travaillant en Inde avait démontré qu'il n'existait pas de différence de régime entre les enfants qui allaient développer ultérieurement un kwashiorkor et ceux évoluant vers une malnutrition de type marasme (Gopalan, 1968). Cette même équipe avait également constaté qu'une augmentation de la ration alimentaire des enfants vivant dans des villages, pouvait permettre d'améliorer leur croissance. Cette modification diététique de nature purement quantitative serait en même d'exercer ses effets sans toucher à la composition du régime (Gopalan et al, 1973).

Tous ces éléments ont fait que soit progressivement tombé en désuétude, le terme malnutrition protéiqueau profit de "malnutrition protéino-calorique" puis de "malnutrition protéino-énergétique". En 1974, Mc Laren publia un article dans le Lancet, intitulé «The Great Protein Fiasco», dans lequel il retrace l'évolution des idées sur le sujet. Cet article répandit l'idée selon laquelle le problème nutritionnel le plus commun à travers le monde n'est pas une carence en protéines mais un déficit d'apports en énergie.

2. De la malnutrition pluri-carentielle

L'approche pluri-carencielle appréhende la malnutrition comme une maladie qui apparaît lorsque la nourriture disponible n'a pas la qualité nécessaire pour assurer le développement du corps humain. Elle est donc liée à un manque d'éléments nutritifs essentiels comme les vitamines et les sels minéraux. Elle affecte particulièrement les enfants en bas âge et se rencontre même dans des régions où l'on connaît une sécurité alimentaire. La malnutrition est principalement causée par cette absence d'éléments nutritifs essentiels au développement de l'organisme (MSF, 2007).

Un enfant qui ne reçoit pas suffisamment de nutriments dans son alimentation quotidienne est exposé aux différentes formes de malnutrition. Si le déficit porte principalement sur les apports en énergie et en protéines, on parle de "malnutrition protéinoenergétique" (MPE) ou protéino-calorifique. Si le déficit porte surtout sur le fer, on parle d' "anémie nutritionnelle". Par contre, si ce déficit constaté porte principalement sur la vitamine A, les manifestations de la carence portent le nom de xérophtalmie (J. C. Dillon, 2000). Il n'est, cependant pas rare que l'enfant porte à la fois et à des degrés divers les traces de ces trois formes de malnutrition.

I.4.2.2 Malnutrition dans le monde

La malnutrition cause la mort de plus de 2,5 millions d'enfants chaque année dans le monde. Elle est la cause sous-jacente de plus d'un tiers de tous les décès d'enfants de moins de cinq ans au niveau mondial (Unicef, 2017). En outre, dans 53 pays du monde, 113 millions de personnes ont été en situation d'insécurité alimentaire aiguë en 2018, dans 53 pays (Yadav et al, 2016).

Les facteurs liés à la malnutrition dans le monde sont les suivants : le niveau d'études bas de la mère est associé à une prévalence plus élevée du retard de croissance de l'enfant. L'absence d'un robinet d'eau potable fonctionnel à domicile et une prévalence plus élevée de la malnutrition, la durée de la maladie et de la diminution d'appétit, l'âge de l'enfant est associé significativement au retard de croissance avec un risque accru chez les enfants de 12 mois et plus, l'introduction d'une alimentation de complément inappropriée ou contaminée, à partir de 6 mois, l'anorexie de l'enfant constitue un prédicteur significatif de l'émaciation, (Yadav et al, 2016).

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand