Les émoticônes : une nouvelle forme de ponctuation numérique ?( Télécharger le fichier original )par Chloé LEONARDON Université Paris X - Nanterre La Défense - Master professionnel ECRIFORE (Sciences du Langage) 2017 |
INTRODUCTIONFacebook, Twitter, Instagram, MSN, Skype, Discord, Google Plus, Skyblog, Tumblr, LinkedIn, Viadeo, Pinterest... Ces sites et réseaux sociaux ont beau être récents (ils n'ont, pour les plus vieux d'entre eux, pas plus de 20 ans), ils forgent et façonnent la façon de communiquer en ligne, et par conséquent les codes linguistiques, qui évoluent et s'adaptent à ces nouvelles formes de littératie1 et de partage. C'est ainsi qu'il est possible de retrouver parfois, dans les conversations en ligne, des utilisations d'éléments linguistiques totalement nouvelles, notamment de la ponctuation, comme l'utilisation des astérisques pour encadrer les onomatopées (exemple : *Slurp*) ou encore pour signifier une action produite par le locuteur. Exemple d'utilisation des astérisques dans
une Aujourd'hui, ces écrits numériques occupent une
place importante dans les activités des scripteurs Contrairement aux idées reçues et véhiculées dans la presse et dans les milieux de l'éducation, nous partons de l'hypothèse que l'utilisation des nouveaux médias chez les classes d'âge de plus en plus jeunes ne mène pas à une incompétence linguistique (baisse du niveau de l'orthographe, méconnaissance des règles grammaticales...), mais plutôt à une "pluricompétence" qui amènerait chaque locuteur à jongler avec son code à chaque 1 La littératie est l'aptitude à comprendre et à utiliser l'information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d'atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités. (source : rapport de l'OCDE http://www.oecd.org/fr/edu/innovation-education/39438013.pdf ) 2 changement de situation, d'interlocuteur et de médium de communication. (source : site vospouces.org) Ces chercheurs, qui sont sociolinguistes, psychologues et experts en traitement automatique des langues, ont créé un site participatif, vospouces.org, sur lequel n'importe quel internaute peut apporter ses données, déposer ses messages numériques, et ainsi attester de sa façon de communiquer sur le web. Ils ont en effet décidé de prouver au grand public grâce à cette collecte et à cette étude que l'écriture numérique, que l'on retrouve par exemple sur les réseaux sociaux, n'est pas une perte de repères syntaxiques, lexicaux ou encore linguistiques, mais bien le développement d'un nouveau code langagier, adapté à cette nouvelle forme d'écriture. Nous n'avons jamais autant eu besoin d'écrire, et ce de façon quotidienne. La société, par le biais d'internet et de la présence de plus en plus obligatoire des individus et des entreprises sur les multiples réseaux sociaux, connaît une expansion de sa littératie. Une littératie numérique, toute particulière, qui implique de savoir lire et écrire sur de nouveaux supports. Aujourd'hui, les scripteurs doivent être compétents pour lire, écrire et participer au web. Ainsi, selon Marie-José BERGER et Alain DESROCHERS (2011 : 250) : « il est capital que les littératies numériques se développent chez tout citoyen parce qu'elles sont intimement liées à l'écrit et qu'elles incarnent l'écrit de demain ». De plus, les conversations synchrones comme les chats et même les conversations moins instantanées sur les réseaux sociaux brouillent de plus en plus la frontière entre l'écrit et l'oral, ce que FERRARA, BRUNNER et WHITTEMORE (1990) définissent comme « l'écrit interactif ». Certains linguistes, comme HALTE (2016), COLAS-BLAISE (2011), MARCOCCIA (2004 et 2016) ou encore MARTIN (2007) se sont attelés à la lourde tâche de se pencher sur ces nouveaux écrits numériques et donc « interactifs », de plus en plus présents dans nos vies. Les experts se penchent sur les nouvelles règles linguistiques qui se démarquent et s'imposent dans ces chats, ces messages et ces tweets. Parmi elles, des syntaxes particulières, de nouveaux éléments lexicaux, des nouvelles ponctuations (les termes de « tweets », les emprunts « like » ou « DM » pour « Direct Message », ou encore l'utilisation du retour à la ligne pour marquer l'hésitation) et la présence d'éléments nouveaux, apparus avec l'émergence de cette nouvelle littératie et surtout celle de cette écriture interactive, aux besoins oscillants entre les codes de l'oralité et ceux de l'écrit : les « émoticônes ». 3 Ces émoticônes, mot-valise constitué par « émotion » et « icône », sont de plus en plus incontournables dans les conversations numériques. Selon HALTE (2016 : 235) elles permettent de combler le besoin d'information non-verbale manquant aux textes écrits et l'absence d'indices paralinguistiques que nous avons à l'oral à travers les gestes, les expressions faciales, les réactions corporelles ou encore la prosodie ; en quelque sorte, les émoticônes servent à reproduire un « face à face à l'écrit » (MARCOCCIA, 2004). On les retrouve partout : dans les SMS, dans les messages privés, sur les réseaux sociaux, dans les mails personnels et parfois même professionnels. Maintenant, ces émoticônes, qui sont également appelées smileys ou émojis par leurs utilisateurs (les trois termes portent très souvent à confusion pour les internautes), illustrent même les écrits professionnels des community managers qui, embauchés par des sociétés, des marques ou encore des institutions, sont chargés d'animer et de fédérer la communauté de ces entreprises sur internet en utilisant notamment leurs réseaux sociaux. Il n'est pas étonnant de retrouver ces « petites images » dans les textes numériques. Ces émoticônes nous semblent un phénomène linguistique nouveau, cependant le modèle pictographique d'écriture est utilisé depuis sa naissance. En effet, selon la conférence de J.-J. GLASSNER (2006), la pictographie fut l'une des premières formes d'écriture, utilisée en Mésopotamie pour désigner de nombreux concepts et de nombreuses pensées à l'aide de signes concrets représentant les objets de leur quotidien. Une sorte d'écriture en « rébus » que l'on peut retrouver également en Egypte ancienne. On peut donc se poser la question du rôle de l'émoticône dans le discours : serait-elle un retour aux sources ? Serait-elle à la base d'un nouvel alphabet, comme celui des premières civilisations, ou a-t-elle un tout nouveau rôle lié au développement de la littératie digitale ? On peut observer une utilisation des émoticônes qui semble réglementée, et qui semble surtout respecter la linéarité des phrases et la composition des propositions phrastiques. Malgré l'existence marquée d'ouvrages d'analyse communicationnelle et/ou pragmatique des émoticônes, il reste rare de trouver des textes qui expliciteraient leur rôle syntaxique. Nous pouvons donc poser la problématique suivante : et si les émoticônes étaient une nouvelle forme de ponctuation ? Si nous arrivons à prouver que ces éléments, aux rôles « expressif, d'ironie, d'humour, relationnels ou encore de politesse » comme les définit MARCOCCIA (2016 : 96), sont véritablement de nouveaux signes de ponctuation, ils ne seront pas sans rappeler la proposition de Hervé BAZIN : six nouveaux « points d'intonation » (Plumons l'oiseau, Grasset, 1966 : 142) 4 Les six points d'intonation proposés par Hervé BAZIN Avant de commencer l'étude qui nous permettra de répondre à notre question, nous nous intéresserons au préalable aux écrits linguistiques traitant de l'émergence de la communication numérique écrite (appelée également « écriture numérique »), notamment ceux de MARCOCCIA (2016) et ceux de MARTIN (2007). Nous nous pencherons ensuite sur le cas des émoticônes, éléments nouveaux issus de cette même communication numérique avec les textes de GAUDUCHEAU et MARCOCCIA (2007) et de HALTE (2016). Pour débuter une analyse du rôle et du sens des émoticônes dans les écrits numériques, nous nous attarderons sur leur définition sémantique selon les théories de PEIRCE expliquées par DELEDALLE (1979) et reprise par HALTE (2016). Enfin, nous terminerons notre présentation théorique en présentant les différents rôles de la ponctuation dans nos écrits avec les oeuvres de CATACH (1994) et de DÜRRENMATT (2015). Après ces approches, nous passerons à la présentation et à l'analyse de notre corpus. Ce mémoire s'appuiera sur un corpus de 120 captures d'écran de messages datant de moins d'un an et venant des deux réseaux sociaux les plus utilisés en France selon l'institut d'études Harris Interactive : Facebook et Twitter. Ces captures d'écran, sur lesquelles seront visibles diverses utilisations des émoticônes, cibleront à la fois l'usage privé et personnel des réseaux sociaux et l'usage professionnel qu'en font les community managers de grandes entreprises comme Leclerc, Carrefour ou encore Castorama. Avec ce corpus, nous analyserons les émoticônes selon leur placement dans la phrase (qu'elles soient à son début, son milieu ou sa fin), selon qu'elles sont en répétition (plusieurs fois la même émoticône) ou en accumulation (plusieurs émoticônes différentes à la suite), et selon qu'elles remplacent ou se cumulent à la ponctuation générique (présence ou non de points, virgules, points d'exclamation ou encore de points d'interrogation). Cette analyse permettra une vision globale de l'utilisation et du rôle des émoticônes dans les phrases des scripteurs, et surtout mettra en relief leurs liens, existants ou non, avec la ponctuation telle que nous la définissons et la connaissons. 5 I - CADRE THEORIQUE Avant de passer à la présentation et à l'analyse de notre corpus, il est nécessaire d'exposer les bases théoriques de la pensée linguistique autour des domaines utiles à notre étude. Nous nous attarderons en premier lieu sur l'émergence de la communication numérique écrite afin de situer le contexte du type de littératie de notre corpus. Nous nous intéresserons ensuite à la naissance et aux spécificités des nouveaux signes que représentent les émoticônes, qui font l'objet de notre étude. Après cela, nous tenterons d'établir une définition sémiotique de ces émoticônes et de leur attribuer un sens linguistique en tant que signes composant notre écriture. Enfin, nous nous concentrerons sur les divers rôles de la ponctuation et leurs liens avec ceux des émoticônes, qui nous ont amené à penser ce mémoire. 1) La communication numérique écrite : l'émergence de codes complexes L'utilisation d'internet et des nouvelles technologies numériques se répand dans les foyers, les métiers et dans la vie de nombreuses personnes à travers le monde. Ce développement et cette diffusion à très large échelle d'un nouveau mode de communication entre les individus a créé, de façon naturelle et attendue, une nouvelle façon de communiquer : nous appelons cela la communication numérique écrite. Sa définition selon MARCOCCIA (2016 : 7) est la suivante : Cette dénomination [la communication numérique écrite] renvoie aux nombreuses productions écrites réalisées par le moyen de l'internet ou de la téléphonie mobile. Les dispositifs de communication numérique écrite les plus connus sont le courrier électronique, le forum de discussion, la liste de diffusion, le tchat, la messagerie instantanée, le SMS (ou texto), le blog, les plateformes de réseaux sociaux. Le plus souvent, l'expression « communication numérique écriture » (ou « communication écrite en ligne ») réfère à des situations de communication interpersonnelle et n'intègrent pas les médias numériques de masse, comme le Web (dans sa version 1.0), qui relève plus d'une problématique de publication que de communication. Cette communication numérique écrite dépend donc de plusieurs plateformes, toutes plus différentes les unes que les autres, et toutes très utilisées par les usagers. Cependant, cette nouvelle forme de communication est exposée, elle aussi, à des habitudes et à des codes sociaux. Les SMS sont souvent plus représentatifs du « jeune » usager, le mail est attribué à un usage plus adulte, voire professionnel, et les réseaux sociaux sont considérés comme des usages « populaires ». Cependant, tous ces modes de communication font écho à ce que représente internet aujourd'hui pour dialoguer et partager sa parole : une méthode rapide, facile et de plus en plus accessible pour tous. Lorsqu'un mode de communication se crée, des règles et des codes viennent le régir, afin d'y apporter de la stabilité et afin de lui permettre de se répandre plus rapidement. Selon MARTIN (2007 : 12) : Le micro-ordinateur, en tant que support matériel, a modifié notre rapport à l'écrit. E...] A cette particularité s'ajoute la création de néologismes, d'acronymes ainsi que la traduction écrite des émotions à travers un système iconographique. Ainsi, la communication numérique écrite (ou écriture numérique) connaît ses propres codes lexicaux, syntaxiques ou encore pragmatiques et proxémiques (l'utilisation du tutoiement et du vouvoiement n'est pas régie par les mêmes codes qu'à l'oral ou que dans des écrits non numériques). Par exemple, dans l'analyse de son corpus, MARTIN (2007 : 71) relève 38,57 % de termes d'origine anglo-américaine et 20 % de structures linguistiques transcrites phonétiquement. Ces chiffres dénotent une nouvelle façon de communiquer et un nouveau lexique propre à cette communication numérique écrite. La particularité de cette communication réside dans son rapport complexe et partagé entre les codes du langage oral et ceux du langage écrit. Toujours selon MARTIN (2007 : 76), le code linguistique sur l'Internet est un « langage hybride », qui « n'a pas de l'oral la redéfinition permanente du discours, mais n'a pas non plus de l'écrit la précision, la construction par avance, de l'objet scriptural ». Les discours et messages numériques n'obéissent donc pas aux mêmes règles linguistiques que nous connaissons et qui opposent l'oral et l'écrit : l'écriture numérique est le résultat d'un mélange entre l'immédiateté du discours oral et la construction du discours écrit. Tweet comportant une hésitation représentée par un bégaiement et le retour à la ligne Tweet comportant les marqueurs d'hésitation tels que "heu", "ben" et tels que les points de suspension Cette absence de « face à face », de « réel » et d'un contexte oral classique amène l'écriture numérique à se créer de nouveaux codes qui tentent de combler ce manque : ainsi nous pourrons retrouver des énoncés comme ci-dessous. Tweet comportant l'interjection de rire "hihi" 7 Tweet comportant l'interjection de soulagement "aaah" Dans ces quatre tweets, nous pouvons soulever un grand nombre de marqueurs d'oralité que nous n'avons pas l'habitude de retrouver dans les écrits non numériques. Nous remarquons alors l'utilisation de certaines interjections émotionnelles (le rire avec « hihi », le soulagement avec « aaah ») ainsi que l'utilisation de marques d'hésitation transcrites directement de l'oralité, comme le bégaiement (« je... je », « heu ben heu ») ou encore l'utilisation des points de suspension (qui symbolisent ici un temps de silence) et du retour à la ligne (qui semble symboliser le même temps de silence). La transcription de cette hésitation peut paraître paradoxale une fois écrite ; puisque les différences entre l'oral et le scriptural sont, selon COÏANIZ (1981 : 522) :
C'est là toute la complexité de cette nouvelle communication numérique écrite : bien qu'elle reste une communication scripturale par définition (il est possible de la prévoir et de la construire, puisqu'on n'y utilise pas le temps de façon linéaire), elle est marquée par des dispositifs que l'on croyait jusqu'alors réservés à l'oralité (cf les marqueurs d'hésitations vus ci-dessus). 8 Tout cela nous prouve en effet, comme le dit MONDADA (1999), que « les discours médiatisés par ordinateur [...] obligent à repenser le continuum existant entre oral et écrit, au lieu d'opposer ces deux pôles ». C'est cette émergence d'une écriture numérique hybride, ainsi que l'émergence inhérente de ses codes, qui contribue à celle de l'utilisation des émoticônes. 2) Un nouvel objet d'étude dans la communication numérique écrite : l'émoticône Afin de brouiller cette frontière entre oralité et écriture, il est donc possible de rencontrer dans un message numérique un mélange de textuel et d'iconique : cette iconicité est représentée en grande partie par la présence des émoticônes. ANIS (2001 : 40) revient sur les débuts de l'usage des émoticônes dans la communication numérique écrite : Les fameux « smileys » [...] remontent aux débuts des réseaux. Quand les débats ont commencé dans les « newsgroups » (forums), une phrase mal comprise pouvait provoquer des « flame wars », en bon français des engueulades, alors on pouvait ajouter un commentaire [...] Alors on fera comme ça :-) . Il suffit d'avoir le cou souple, de tourner la tête un quart à gauche, et un peu d'imagination pour y voir . L'apparition des émoticônes permet alors aux usagers des forums, et plus généralement d'internet, de préciser leur discours et permettre à leurs discussions d'être plus complètes et permettre aux informations qu'ils y donnent d'être plus explicites. Leurs formes et leurs appellations sont diverses. En effet, si HALTE (2016) parle « d'émoticônes », nous remarquons dans la citation précédente d'ANIS (2001) que le terme utilisé est celui du « smileys ». Nous choisirons dans ce mémoire d'utiliser le terme d' « émoticônes », car il est selon nous le terme le plus « englobant » : il peut ainsi désigner toutes les sortes d'émoticônes, celles expressives comme celles non expressives, contrairement à l'appellation « smileys » qui ne semble désigner que les émoticônes expressives (de par sa traduction, smile voulant dire « sourire » en anglais). Pour ce qui est de leurs formes, qui ont grandement évolué jusqu'à aujourd'hui, HALTE (2016 : 232) précise : Notons enfin que si, à l'origine, les émoticônes sont constituées des caractères ASCII, aujourd'hui, dans les réseaux sociaux et même dans les traitements de texte, taper la suite de 9 caractères « :) », par exemple, transforme automatiquement cette suite en pictogramme, comme suit : « ». [...] Dans l'univers de la téléphonie mobile et de la communication par SMS, il n'existe aujourd'hui plus que des pictogrammes. Les émoticônes faites de signes de ponctuation n'y ont quasiment plus cours, même si, curieusement, certaines marques de téléphones portables proposent encore des banques d'émoticônes constituées de signes de ponctuation. D'un assemblage de signes de ponctuation (dénués par ailleurs de tout leur sens et but premiers) à une image à part entière, les émoticônes ont donc connu l'évolution logique vers ce qu'elles cherchaient à représenter : souvent des visages, mais aussi des animaux, des objets ou encore des symboles. L'intérêt de l'utilisation des émoticônes dans les conversations et messages en ligne réside dans sa compensation de l'absence d'indices non-verbaux dans la communication écrite. Selon GAUDUCHEAU et MARCOCCIA (2007 : 43), l'émoticône peut avoir « une fonction expressive, [être un] marqueur d'ironie et d'humour, [avoir une] fonction relationnelle et [être un] procédé de politesse ». Exemple d'ironie marquée par une émoticône Exemple d'ironie marquée par une émoticône "visage "paire d'yeux" souriant" Nous voyons dans les deux exemples ci-dessus que l'ironie est bel et bien appuyée par l'utilisation des émoticônes, qui donnent alors le ton au message et explicite l'intention du scripteur. Il est effectivement toujours compliqué, dans une conversation écrite n'impliquant pas le face à face et tous ses indices paralinguistiques (comme le ton de la voix, la position du corps, les gestes du locuteur ou encore ses expressions du visage) de faire passer de façon entière le message (et donc ses intentions) juste par la mise en place de ses propres mots. Les émoticônes, selon HALTE (2016 : 229), « rentrent donc dans le cadre de la modalisation et plus généralement des marques de subjectivité dans le discours ». Il serait donc important d'en définir les caractéristiques linguistiques et d'analyser leur rôle sémiotique dans la communication numérique écrite, tout comme l'a fait au préalable HALTE (2016). 10 3) Les émoticônes et leur rôle sémiotique : des indices, des symboles ou des icônes ? Pour analyser le rôle sémiotique des émoticônes, nous nous penchons sur l'oeuvre de PEIRCE (1931-1935), et plus précisément sur l'explication des propos de PEIRCE par DELEDALLE (1979). Cette sémiotique permet de déterminer le sens des émoticônes dans le discours, puisqu'elle donne une définition concrète de la catégorisation des différents signes du langage selon qu'ils sont des icones, des indices ou encore des symboles. Selon DELEDALLE (1979 : 24), la production de sens dans le discours est un « processus triadique de trois sous-signes appartenant respectivement aux trois dimensions du representamen [qui est le signe], de l'objet et de l'interprétant ». Modèle sémiotique de PEIRCE (DELEDALLE 1979 :24) Le signe et sa signification sont donc entièrement dépendants de leur interprétant (celui qui l'entend/le lit) et de l'objet qu'ils représentent. On peut donc en conclure qu'un « signe n'est signe que s'il comporte les trois éléments suivants : un representamen premier, un objet second et un interprétant troisième » (DELEDALLE 1979 : 65). Ces trois composants connaissent des relations qui s'effectuent de trois manières différentes. Ainsi, il y a en tout neuf « sous-signes » (trois pour le representamen, trois pour l'objet et trois pour l'interprétant)
Les trois trichotomies fondamentales et les neuf types de sous-signes (DELEDALLE 1979 : 25) 11 Il existe donc trois types de signes : le qualisigne, le sinsigne et le légisigne. En voici les définitions selon DELEDALLE (1979) : Qualisigne : sous-signe premier de la dimension du representamen. Le qualisigne est une qualité qui est un signe. Il ne peut agir que réalisé dans un sinsigne. Sinsigne : sous-signe second de la dimension du representamen. Le sinsigne est une occurrence individuelle, l' « incarnation » ou la « réalisation » d'un qualisigne. Légisigne : sous-signe troisième de la dimension du representamen. Le légisigne est une loi, une règle qui est un signe. Tout signe conventionnel est un légisigne. Le qualisigne est donc la représentation directe et immédiate d'une réalité, de la qualité d'un objet. Le sinsigne, lui, est la représentation du qualisigne dans un espace-temps donné, et qui n'est donc pas infini. Le légisigne étant un signe conventionnel, il est judicieux de dire que tous les signes appartenant à une langue sont des légisignes, puisqu'ils suivent la conventionnalité et les règles de ladite langue. Nous pouvons alors dire, comme le démontre HALTE (2016 : 237), que les émoticônes sont des légisignes (puisqu'ils sont des signes conventionnels et suivant certains codes) « qui se manifestent en sinsignes » (puisqu'ils sont représentatifs d'un objet limité dans le temps). Pour définir le sens des émoticônes en tant qu'objet, penchons-nous à présent sur la relation signe-objet établie par PEIRCE. Comme nous pouvons le voir dans le tableau ci-dessus, cette relation s'articule autour de trois façon de représenter l'objet : l'icône, l'indice et le symbolique. Selon DELEDALLE (1979), en voici les définitions : Icone : sous-signe premier de la dimension de l'objet. Ressemble à l'objet qu'il représente. Un portrait est une icône. Indice : sous-signe second de la dimension de l'objet. Renvoie à l'objet qu'il représente parce qu'il entretient une relation directe avec lui. Le symptôme d'une maladie est l'indice de cette maladie parce que c'est la maladie qui en est la cause. Symbole : sous-signe troisième de la dimension de l'objet. Renvoie à l'objet qu'il dénote en vertu d'une loi, d'ordinaire une association d'idées générales. L'objet du symbole est, comme ce dernier, général. Il doit donc y avoir des cas « existants » de ce que le symbole dénote, fussent-ils imaginaires. Le symbole implique donc un indice d'une certaine sorte. Pour illustrer le principe de l'icône, nous pouvons prendre pour exemple les pictogrammes. Un pictogramme représentant un avion, un feu ou encore un chat représente directement l'objet du 12 monde qu'il imite. Les émoticônes, certaines pouvant d'ailleurs être assimilées à des pictogrammes, sont des icônes (les émoticônes « animaux », « nourriture » ou encore « moyens de transport » par exemple, mais aussi celles représentant des imitations, des mimiques faciales du visage). Pour illustrer le principe de l'indice, qui représente un objet qui n'est pas directement saisissable ou perceptible, nous pouvons prendre pour exemple les émoticônes représentant une émotion (comme l'émoticône « qui sourit », l'émoticône « triste », l'émoticône « qui tire la langue »). Cette émotion est contenue dans le sens de l'émoticône (et donc de l'objet) mais n'est pas explicite pour autant. Enfin, pour illustrer le principe du symbole, nous pouvons prendre l'exemple de n'importe quel mot d'une langue puisque ce mot renvoie à un référent connu et associé à ce même mot. Le mot « avion » dans une phrase représente l'avion en tant qu'objet du monde, et ce de façon arbitraire. Il en va cependant de même pour les liens plus « imaginaires » des objets, comme la colombe blanche qui est le symbole de la paix (selon une loi, une association d'idées). HALTE (2016 : 239) conclue donc : « Les émoticônes sont donc [...] des légisignes, qui sont des icônes de mimiques faciales ou d'autres éléments, et qui, de par ce statut d'icône, peuvent facilement devenir des indices d'émotions. Le nom est donc bien trompeur : l'émoticône n'est pas l'icône d'une émotion, elle en est l'indice. ». Si l'on s'en tient à toutes ces définitions, l'émoticône pourrait à la fois être une icône (ce qu'il est de façon générale), un indice (lorsqu'il implique, par exemple, la compréhension d'une émotion), mais pourrait également être lié à un symbole (lorsqu'un scripteur utilise par exemple l'émoticône coeur « <3 », puisque, toujours selon HALTE (2016 : 239), cette émoticône est l'icône d'un coeur et, le coeur étant lui-même le symbole de l'amour, <3 devient alors indice du concept d'amour). Il est fréquent de lire, dans la littérature linguistique, des auteurs comme HALTE (2013 et 2016), MARCOCCIA (2004 et 2016), MARCOCCIA et GAUDUCHEAU (2007) ou encore MARTIN (2007) discuter du sens, de l'intentionnalité des émoticônes et de leurs rôles sémantiques, sémiotiques ou encore pragmatiques. Cependant, il semble plus rare de trouver des études sur leur utilisation et leur rôle dans la phrase, en tant qu'objet linguistique syntaxique. C'est pourquoi notre étude s'intéressera ici à cette utilisation syntaxique, plus particulièrement à son lien avec la ponctuation. 13 4) Les rôles linguistiques de la ponctuation et son lien avec les émoticônes Avant de commencer notre analyse du corpus et notre étude sur le lien entre émoticône et ponctuation traditionnelle, il est nécessaire de revenir sur la définition et le rôle de cette ponctuation. Ils sont notamment décrits dans les textes linguistiques de CATACH (1994) et de DÜRRENMATT (2015). La ponctuation est un fait linguistique qui, selon CATACH (1994 : 48), est « essentiellement syntaxique », puisqu'elle est intrinsèquement liée à la phrase et à ses différents composants (et surtout, ses différentes parties syntaxiques), mais également au texte en général (où les phrases « s'imbriquent les unes aux autres par une série d'enchâssements et de présupposés » (CATACH 1994 : 49)). Il existe selon elle trois « ordres de signe » : ceux qui sont utilisés pour ponctuer le texte (appelés « de premier ordre »), ceux qui sont utilisés pour ponctuer la phrase (appelés « de second ordre ») et enfin ceux qui sont utilisés pour ponctuer les parties du discours et les mots (appelés « de troisième ordre ») (CATACH 1994: 50). Nous ne ponctuons donc pas nos textes au hasard : la position des signes de ponctuation dépend du contenu informationnel du texte et de ses parties syntaxiques, que nous devons toujours respecter. Par exemple, il serait difficilement acceptable d'écrire une phrase du type : « *Ma, mère a les plus beaux cheveux du monde » ou encore « *Ce cadeau est ! Génial ». Dans les deux cas, un segment syntaxique a été découpé en deux par un signe de ponctuation, ce qui rend son apport sémantique à la phrase très compliqué à analyser ou comprendre. Séparer le déterminant du nom ou encore le verbe de son attribut constitue une erreur linguistique qui nous semble, à tous, impensable et dérangeante. Outre le fait que la ponctuation se positionne souvent sur des informations données par l'oralité (comme par exemple les pauses de la voix dans la phrase et la prosodie), elle est également régie par des règles graphiques entièrement liées aux codes du langage écrit. CATACH (1994 : 53) écrit d'ailleurs à ce sujet que « [la ponctuation] est à la fois la plus orale et la plus visuelle des parties de l'écrit ». DÜRRENMATT (2015 : 12) ajoute : De fait, il est évident aujourd'hui que, s'il est vrai que certains usages des signes de ponctuation correspondent bien à des faits intonatifs spécifiques en cas d'oralisation du texte, les usages non intonatifs sont si nombreux qu'il vaut mieux renoncer à envisager, comme certains, que ponctuer a toujours à voir avec une sorte d'oralité interne permanente et considérer que la ponctuation est un système propre au langage écrit et qu'il s'agit donc de le comprendre et de le décrire dans ce cadre seul ». 14 Ce point de vue linguistique est d'ailleurs appuyé par l'utilisation des émoticônes qui font l'objet de notre étude : outre le fait qu'elles soient des indices des émotions des scripteurs, elles sont surtout un véritable produit de la communication numérique écrite et, s'il s'avère qu'elles peuvent être comparés à des signes de ponctuation, alors elles se distinguent d'une utilisation et d'une production aux origines exclusivement orales. La ponctuation, bien qu'ayant des fonctions précises telles qu' « agencer » le texte, « distinguer » les éléments du texte ou encore « hiérarchiser » les informations (DÜRRENMATT 2015 : 24), est avant tout également le marqueur d'une certaine intensité dans le texte et permet d'en modaliser son contenu informationnel. Cette modalisation permet d'illustrer le degré d'adhésion et d'intensité du locuteur (et donc ici, du scripteur) par rapport à son énoncé.
Certains signes de ponctuation et leurs rôles. Source : DÜRRENMATT (2015 : 25) Cette notion de modalisation par les signes de ponctuation est importante à retenir puisqu'elle nous permet de commencer à faire le lien avec notre objet d'étude. Les émoticônes, dont on connaît déjà la grande valeur émotionnelle, pourraient alors se rapprocher syntaxiquement des signes de ponctuation dits « modaux » (comme le point d'exclamation, le point d'interrogation ou encore les points de suspensions). DÜRRENMATT (2015 : 100) propose même de voir les signes de ponctuation modaux comme des icônes : « [ils sont] autant linguistiques qu'extralinguistiques ». 15 Notre hypothèse de travail sera donc la suivante : les émoticônes sont une nouvelle forme de ponctuation numérique, essentiellement modale et suivant des règles qui se rapportent à celles de la ponctuation traditionnelle telle que la décrivent CATACH et DÜRRENMATT. 16 II - LE CORPUS Afin de répondre à la question que nous avons soulevée sur le possible lien entre l'utilisation des émoticônes et une hypothétique nouvelle marque de ponctuation actuellement à l'oeuvre dans le domaine des écrits numériques, nous proposons un corpus composé d'une sélection de messages d'internautes contenant une ou plusieurs émoticônes. Dans cette partie, il sera question d'exposer et d'expliciter les choix qui ont été fait pour la constitution du corpus : nous présenterons notre volonté de travailler avec des captures d'écran, nous parlerons du choix des plateformes numériques (Twitter et Facebook) et de la sélection des scripteurs (60 tweets professionnels et 60 tweets personnels rédigés par un large panel de personnes), puis nous verrons quels types de signes, et donc d'émoticônes, ont été choisi pour composer le corpus d'étude. A la suite de cette présentation détaillée, nous introduirons notre travail en présentant les trois catégories d'études que nous avons mises en place pour vérifier notre hypothèse. 1) La constitution du corpus
Au début de notre travail, il était question de rechercher un grand nombre de messages numériques de nature professionnelle mais également de nature personnelle, afin de les comparer tout au long de l'analyse du corpus. Il s'est avéré illogique, en relisant notre problématique, de vouloir à tout 17 prix présenter une comparaison pour répondre à notre question principale : celle du rapport qu'entretient l'utilisation des émoticônes avec la ponctuation traditionnelle. Afin de répondre à cette question d'ordre général sur l'un des rôles de ces émoticônes, il nous fallait, avant même de penser à débuter des comparaisons, analyser notre corpus et en tirer les conclusions nécessaires à une possible et future comparaison de quelque nature qu'elle soit. Ce corpus sera donc composé de tweets trouvés sur le réseau social Twitter et de posts trouvés sur le réseaux social Facebook. Les tweets sont des messages très courts limités à 140 caractères que l'on peut poster sur le réseau Twitter, tandis que les posts sont les messages (eux non limités en caractères) que l'on peut poster sur le réseau Facebook. Nous avons décidé de cibler notre étude sur des éléments postés sur des réseaux sociaux, puisqu'ils sont d'une grande accessibilité et que, selon les chiffres Médiamétrie de 2017, il y aurait plus de deux milliards de personnes qui utilisent les réseaux sociaux dans le monde. Cela représente 31 % de la population mondiale, sur un ensemble de près de 3,5 milliards de personnes qui utilisent internet (soit 46 % de la population mondiale). Les réseaux sociaux sont donc un lieu de prédilection pour l'écriture numérique, surtout en France, où plus d'un français sur deux est membre d'au moins un réseau social. Ensuite, le choix des deux plateformes n'est pas aléatoire : ce sont, en France, les deux réseaux sociaux les plus utilisés par les internautes (en excluant ceux qui ciblent les vidéos et les photos comme Youtube et Pinterest), avec 8,4 millions de visiteurs par jour sur Facebook et 600 000 visiteurs par jour sur Twitter. Ces réseaux sont donc les plus propices à nous donner une idée très générale de l'utilisation des émoticônes ; ils sont les plus représentatifs des messages numériques que peut rédiger n'importe quel internaute. Notre corpus est donc constitué de 120 captures d'écran. Sur ces 120 captures, 60 sont d'origine professionnelle et 60 sont d'origine personnelle. Nous appellerons « message professionnel » tout message numérique rédigé au nom d'une entreprise (souvent par son community manager). Quant aux messages dits « personnels », nous nous intéresserons aux messages Facebook et Twitter rédigés par six internautes bien définis, qui ont entre 19 et 45 ans et dont font partie trois hommes et trois femmes. Cette sélection variée en terme d'âge et de sexe nous permettra une étude et une analyse la plus étendue possible du corpus, en lien avec notre problématique qui cherche à identifier les grandes régularités d'utilisation des émoticônes dans l'écrit numérique d'aujourd'hui. Tous les messages personnels resteront anonymes pour préserver l'identité des personnes ayant accepté de collaborer à ce mémoire. 18 c) Quelles émoticônes comme objet d'étude ? Pour élaborer ce corpus, il m'a fallu me poser un grand nombre de questions au sujet de ces émoticônes, qui sont présentes dans les écrits numériques sous plusieurs formes. Ainsi ai-je décidé de ne pas faire de différence entre les émoticônes représentées par une suite de signes de ponctuation (les :-), ;-) et autre <3) et les émoticônes représentées par les images communément appelées « émojis », puisque les deux jouent, selon nous, le même rôle et ont la même utilisation, l'un étant l'ancêtre de l'autre (comme vu précédemment dans notre cadre théorique). Afin d'avoir conscience de l'entièreté des émoticônes existantes, j'ai également consulté un grand nombre de « dictionnaires » et claviers d'émoticônes en ligne. En général, ces sites classent les émoticônes par « thème », comme « personnes/visages », « nature/animaux », « nourriture », « loisirs », « paysages », « objets », « symboles »... En voici donc des exemples : Exemples de claviers d'émoticônes rangées par thèmes (source : http://www.iemoji.com/) 19 Il existe également une liste de « définitions » des émoticônes sous forme de signes de ponctuation, sur laquelle nous nous sommes basés pour pouvoir les repérer et les identifier en tant que telles. Cette page internet liste les différentes émoticônes rédigées « manuellement » et les significations sémantiques et émotionnelles auxquelles elles correspondent (selon l'auteur de la page http://chezbluejo.chez.com/trucs/smiley.html). Liste des émoticônes et leurs
définitions (source : Tous ces éléments seront donc considérés comme des « émoticônes » et les messages dans lesquels ils apparaîtront seront ainsi relevés comme éléments du corpus. Nous ferons également parfois la distinction entre les émoticônes à indices émotionnels (notamment les émoticônes représentant un visage) et les émoticônes uniquement iconiques (n'impliquant pas d'indice) pouvant être comparées aux pictogrammes. 2) Les trois catégories d'étude du corpus Pour débuter notre analyse et amorcer une réflexion sur le lien hypothétique entre la ponctuation et l'utilisation des émoticônes dans les écrits numériques, nous classerons les données du corpus selon trois catégories d'études, catégories qui peuvent être dites « classiques » quant à l'étude des signes de ponctuation (voir CATACH, 1994). Nous analyserons donc les émoticônes selon leur position dans la phrase, puisque l'utilisation de la ponctuation traditionnelle implique de connaître les 20 différents placements (et donc les différents rôles syntaxiques) des signes de ponctuation dans la phrase. Nous étudierons ensuite les accumulations et les répétitions d'émoticônes dans les phrases, puisque ce sont deux utilisations que l'on peut retrouver dans le cas de la ponctuation traditionnelle, notamment avec les signes de ponctuation à modalité importante. Enfin, nous nous intéresserons à la substitution des émoticônes à la ponctuation « classique » : il sera alors déterminant de déceler une volonté du scripteur de remplacer la ponctuation traditionnelle par l'usage même d'une émoticône. Ces catégories d'étude sont traditionnellement étudiées pour les signes de ponctuation traditionnels ; si les émoticônes rassemblent ces propriétés considérées comme celles intrinsèques aux signes de ponctuation dits « traditionnels », alors elles peuvent être considérées comme des signes de ponctuation de façon linguistique.
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