Conclusion
Département breton très apprécié
des touristes, le Finistère est un territoire dynamique qui voit sa
population se multiplier l'été, particulièrement sur les
littoraux. Effectivement, il est constaté, vu et revu que le
département est fortement tourné vers la mer et
génère de nombreux emplois directs et indirects qui lui sont
liés. Parmi les emplois indirects, une grande densité se rapporte
à l'activité touristique. Malgré tout, Finistère
Tourisme, l'EPIC en charge du tourisme sur le département,
déplore un manque de connaissances et d'investissement concernant
l'offre des loisirs actifs en Finistère.
Jusqu'ici, aucune préoccupation n'a été
accordée à la valeur des activités physiques
récréatives dans le secteur du tourisme. Les activités
physiques entrant dans le secteur du nautisme sont effectivement tout autant
concernées. Il s'agit pourtant d'une branche économique et
touristique très importante. De plus, elle se présente et entre
dans l'imaginaire du grand public qui associe le Finistère à la
mer et au nautisme. Il est vrai qu'il existe un organisme dédié,
pour l'organisation, la gestion et l'accompagnement des acteurs du nautisme en
activité, mais à destination, uniquement et censément, des
populations locales. Ceci est le premier constat. Le deuxième
révèle une même faiblesse relative à la
clientèle jeune (18 à 29 ans) endossée par l'agence
départementale du tourisme. Globalement, le territoire accueille
davantage une clientèle famille et sénior, qu'une
clientèle jeune. Ceci s'est confirmé par notre premier travail,
qui était la réalisation d'un état des lieux de l'offre
touristique des loisirs actifs en Finistère. Un premier travail qui
s'est traduit par la mise en place notamment, d'un questionnaire envoyé
à 2113 contacts détenus par l'agence. Cette enquête
quantitative nous a également permis d'entrevoir le deuxième
manque attenant à la clientèle jeune. Partant de ces
constatations, nous nous sommes engagés dans une seconde enquête
par questionnaire auprès de jeunes bretons. Des bretons puisqu'il s'agit
entre autres, de l'une des premières clientèles touristique du
Finistère. Les résultats montrent des jeunes recherchant de la
festivité durant leurs vacances, de la convivialité, de
l'expérience en groupe et entre amis, du partage, de la « farniente
» et de l'activité physique. Cette dernière se divise sous
deux formes : le déplacement ludique (en canoë et en vélo
par exemple) et du nautisme par la plongée et le surf en premier
recours. Finalement, ce qu'ils souhaitent avant tout, c'est de se
libérer l'esprit de pensées négatives et ne plus penser
à rien.
137
Nous avons été introduits dans l'organisme
Finistère Tourisme, dans le but de proposer à terme, une nouvelle
forme de « mise en tourisme ». Cela s'interprète par la
suggestion ou le remaniement d'une nouvelle offre touristique. Afin d'atteindre
cet objectif et dans le prolongement de nos travaux, nous avons entrepris une
étude se focalisant sur les activités nautiques, et sur les
jeunes pratiquants finistériens. La raison est telle que, selon nous,
porter une connaissance aiguisée sur la communauté nautique, sur
les pratiques et les pratiquants de sports nautiques en Finistère,
permettait de positionner une nouvelle offre touristique en adéquation
avec la cible jeune bretonne, et dans le respect des valeurs et des cultures
locales. Pour ce faire, nous avons décidé d'aller directement
à la rencontre des pratiquants de sports nautiques en sillonnant les
côtes finistériennes. Nos données empiriques ont
été appuyées et soutenues par quatre entretiens
semi-directifs avec deux surfeurs, un surfeur/bodyboarder, un
surfeur/planchiste/speed-sailer. Nos résultats confirment
qu'au-delà du profil économique et touristique du nautisme, il
existe un véritable monde nautique en Finistère. Il se
caractérise par des comportements, des représentations, des
émotions et des sensations spécifiques, uniques et incomparables
aux autres mondes sportifs. Nous avons perçu et regroupé ces
singularités en trois dimensions, toutes extrêmement
connectées les unes aux autres : Une dimension identitaire, qui se
manifeste par la présence de petits groupes sociaux divisés par
des territorialités et alimentés par des habitudes que nous
qualifions de « rituels ». L'expression d'un langage unique et
technique, la connaissance d'un grand nombre de choses pour lesquelles les
pratiques sont dépendantes (météorologie, matériel,
géologie ...) ajoutent deux autres aspects à la dimension
identitaire du monde nautique. Une dimension anthropologique, qui se
définie par de nombreux symbolismes attribués à la mer,
à l'eau et à l'effort de la pratique nautique notamment. Une
dernière dimension écologique, qui s'explique par une relation
forte, intimiste et intemporelle avec les matières naturelles qui
entoure le pratiquant mais aussi, une écoute puissante de sa propre
nature. Ces trois catégories font des pratiquants de sports nautiques,
en général, des êtres addicts à leurs pratiques.
Tellement addicts que nous pouvons affirmer le fait que, lorsqu'un individu
entre dans cette communauté nautique, bien qu'il connaisse des
changements de vie d'ordre personnels ou professionnels, bien qu'il passe
plausiblement d'une activité nautique à une autre,
(définitivement ou momentanément,) il n'en sort plus.
Toujours dans l'optique de faire une proposition d'offre
à Finistère tourisme, nous avons en dernier lieu établi un
modèle de mise en tourisme de l'activité surf. Le surf puisque
d'une part, l'activité connait depuis trois ans environ un vrai
succès, prouvé par la naissance de
138
nombreuses écoles notamment. C'est une activité
qui plait énormément aux jeunes. D'autre part, le
département présente un profil géologique, et
météorologique propice à cette pratique. Elle
possède un avantage, que d'autres territoires n'ont pas, celui de
pouvoir accueillir la pratique du surf. Enfin nos recherches ont montré
des corrélations évidentes entre la société «
transmoderne » en mouvement défendue par l'auteur Jean Corneloup
entre autres, et tous les symbolismes et l'esprit surf qui se dégagent
de la pratique. Les individus sembleraient rejeter désormais la
société de consommation et repenser à la place qu'occupent
le travail, les loisirs, les activités sportives etc. Les vacances, tout
particulièrement, ne seraient plus l'unique temps du bien-être et
du bonheur. Le quotidien pourrait être repensé et
aménagé selon nos besoins personnels, nos besoins de retrouver
une vie plus proche de la nature et construire des formes d'habiter
partagées. Le surf est une pratique sportive mais c'est également
bien plus que ça. C'est un état d'esprit et un art de vivre
reliant explicitement les formes d'expression ataraxiques de la
société en changement. Car comme le dit Anne-Sophie Sayeux dans
sa thèse le surf, l'être au monde, « Le surf n'est
bien sûr pas une solution aux maux de notre monde actuel. Il offre
toutefois les possibilités de « mieux » vivre notre
époque ».83
Par le regroupement de nos travaux, Finistère Tourisme
devrait-être en mesure de mettre en place concrètement, une offre
touristique ludosportive du surf. Contrairement au département des
Landes qui vend l'activité par l'image cool et fun qu'il lui attribue,
le Finistère pourrait entrer dans ce marché en développant
une stratégie marketing portée sur l'image « naturalisante
» et régénératrice de la pratique. Mais d'un autre
point de vue, tenter de développer et de disperser le rapport
spécifique et exclusif entre le jeune et l'activité nautique,
dans le but de promouvoir touristiquement le surf, ne pourrait-il pas faire
disparaître la « magie » qui opère ? Une recherche
autour de cette question pourrait-être la poursuite de ce mémoire,
avant l'application concrète d'une nouvelle offre. Effectivement notre
étude montre comment rendre touristique une pratique telle que le surf
tout en respectant ses valeurs et l'état d'esprit qui l'a décrit.
Toutefois, il serait intéressant de diagnostiquer et de faire une
étude prospective sur tous les éventuels impacts que pourrait
avoir la mise en place de cette offre avant son application. Un
approfondissement sur le point de vue de ces pratiquants sur les maux de la
société pourrait également apporter de plus amples
informations. Savoir
83 Bodin Dominique (dir.), Sayeux Anne-Sophie,
2005, « Surfeur, l'être au monde », Analyse
socio-anthropologique de la culture de surfeurs, entre accords et
déviance, Rennes, Staps - Université Rennes 2 Haute-Bretagne,
thèse présentée pour le doctorat
139
comment ces pratiquants perçoivent et reçoivent
les défectuosités de la société permettrait de
mieux comprendre, en quoi la pratique peut-être une réponse non
seulement aux problèmes personnels comme nous l'avons expliqué
dans ce mémoire, mais aussi un moyen de palier aux difficultés de
la vie en société. Enfin, nous avons repéré une
différence entre la perception de la pratique du surf des jeunes
finistériens et la manière dont est communiquée cette
activité sportive dans les Landes. Une étude comparative entre
les surfeurs du sud-ouest et les surfeurs de Bretagne pourrait apporter des
éléments étonnants, dans l'hypothèse où le
territoire qui ne présente pas les mêmes caractéristiques
selon la région (des côtes déchiquetées en Bretagne,
des côtes géologiquement stables en Aquitaine) induirait des
différences notables dans la relation du pratiquant à la nature.
Cela jouerait potentiellement sur l'axe de communication des régions
touristiques.
140
Table des matières
Remerciements 1
Sommaires 2
Préalable introductif 3
Chapitre 1 : Travail d'exploration en amont de
l'enquête 9
1. L'offre touristique et l'offre sportive en
Finistère 12
2. Caractéristique de la clientèle touristique
en Finistère 16
3. Le rôle de Finistère Tourisme et orientation
d'une étude approfondie 21
Chapitre 2 : Définition de la
problématique et des hypothèses 27
1. Cheminement vers le sujet d'enquête 28
2. Problématique 29
3. Hypothèses 31
Chapitre 3 : Méthodologie de l'enquête
33
1. Adaptations à l'enquête : professionnalisation
dans une EPIC du milieu du tourisme
34
2. L'approche quantitative : le questionnaire auprès des
jeunes bretons 35
a. La sélection de l'échantillon jeune 35
b. La construction du fond du questionnaire avant la
définition du sujet
d'enquête 36
c. La construction de la forme du questionnaire et son
administration 38
3. Les entretiens informels comme nouveau départ 39
a. Méthodologie adaptée : la théorie
ancrée 39
b. Posture et attitude adoptée sur le terrain 42
c. Les limites rencontrées dans le cadre de la
théorie ancrée 44
4. Deuxième et dernier approche qualitative : les
entretiens semi-directifs 45
a. La sélection de nos interlocuteurs 45
b. Les conditions d'entretien et la place de l'enquêteur
47
c. La construction des entretiens : la grille d'entretien 48
Chapitre 4 : Résultats de l'enquête
sociologique 50
1. Résultats et analyse des entretiens de terrain 51
a.
141
L'entrée sur le terrain : observations qualifiables et
quantifiables 51
b. Le terrain aux multiples révélations 54
c. Des pratiques nautiques aux trois dimensions
spécifiques 65
2. Résultats et analyse des entretiens-semi directifs : le
principe de l'entonnoir 68
a. Expérience des entretiens semi-directifs : des
obstacles manoeuvrés et
constructifs 68
b. La réelle existence d'un monde nautique : une
théorie assise mais nuancée
70
c. Lumière sur les particularités d'un monde
nautique dans une future démarche
touristique 105
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