Connaissance d'un monde nautique pour un développement touristique territorial: le cas du département du Finistère( Télécharger le fichier original )par Océane DUPAS Université de Bretagne Occidentale - STAPS SSSATI (Sport et Sciences sociales, Administration, Territoires, Intégration) 2016 |
Chapitre 4 : Résultats de l'enquêtesociologique 51 1. Résultats et analyse des entretiens de terrain a. L'entrée sur le terrain : observations qualifiables et quantifiables La « Grounded theory » auquel les chercheurs peuvent et doivent développer de la théorie à partir de données de terrain, nous a rapidement dirigé vers un positionnement théorique du courant interactionniste. Effectivement, notre étude évoluera sous un modèle considérant les individus de la société comme des acteurs conscients de leurs dires et de leurs actes. Notre analyse sera issue essentiellement des communications verbales et reposera alors sur les interactions entre individus, créatrices de sens et composantes même de la vie en société. Selon nous, il s'agit d'une méthode pertinente dans notre cas où nous voulons explorer et théoriser une nouvelle interprétation des activités nautiques en Finistère. Méthodologie défendu par Anne Laperrière - Professeure au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal 31 Pour chacun de nos entretiens de terrain, nous avions comme il était prévu, tout le matériel nécessaire à l'enquête et à la mémorisation optimale de l'ensemble des données empiriques (sonorités, visuels, sensations...). Nous avons tenté, pour chacun d'entre eux, d'exploiter un maximum les matériaux, afin de revenir avec de la matière empirique, nombreuse et exhaustive. Pour notre déplacement à Brest par exemple, voici deux documents qui nous ont servi par la suite, dans la présentation et l'analyse de données. Le premier représente le plan de l'emplacement et notre positionnement stratégique sur celui-ci. Nous nous étions installés entre les vestiaires situés dans les bâtiments nautiques, le quai et les parkings visiteurs pour assurer la rencontre de pratiquants. Le deuxième document représente et suit la trame d'Anne Revillard32. Le journal de terrain sauvegarde et préserve les informations importantes et intéressantes offertes par les enquêtés. 31 « Ce recours systématique à la réalité empirique ne peut qu'en effet augmenter la validité des théories émergentes et leurs pertinences par rapport aux problématiques sociales contemporaines (...) » Laperrière Anne, « Pour une construction empirique de la théorie : la nouvelle école de Chicago » Sociologie et sociétés, vol. 14, n° 1, 1982, p. 31-40. 32 A. Revillard, Ibid., p. 42. Zone de contact Figure 4 Plan d'emplacement, 1ère journée de terrain - Brest, le 06/04/2016 Figure 3 Journal de terrain suivant la trame d'A. Revillard, Brest, le 06/04/2016 En deuxième exemple, notre matinée à Crozon-Morgat qui n'a guère été créatrice de résultats. Quelques jours à l'avance, nous nous étions renseignés pour connaître les chances qu'il y avait de rencontrer des personnes, et des personnes coïncidant avec nos profils recherchés. Les réponses auront été dissuasives. Néanmoins, nous nous étions déplacés pour essayer une nouvelle approche. Finalement, le port aussi bien que la plage étaient vides de monde et seul un tableau d'affichage informait la présence d'un groupe d'enfants l'après-midi. Ne correspondant pas à notre profil d'enquêté, les jeunes adultes, nous avions décidés ce jour, de rentrer avec une photo montrant les faits. Figure 5 Plage de Morgoat, 10h00 08/04/2016 52 53 Pour notre déplacement à la Pointe de la Torche en troisième et dernier exemple, nous nous y sommes rendu un jour où les conditions pour la pratique du surf étaient parfaites. Il était prévu à l'avance, le jour et le lieu pour l'enquête. La veille, par curiosité, nous avons toutefois regardé les estimations météorologiques pour le lendemain. Nous savions donc à l'avance qu'elles étaient très bonnes et qu'il y aurait probablement du monde ce jour-là. Figure 6 Arrivée à la Pointe de la Torche, 9h00 - 12/04/2016 Finalement, l'expérience de terrain nous a montré toutes les précautions qu'il était utile de prendre avant chaque entrée en terrain, notamment la lecture au préalable de la météo, la vérification des horaires d'ouverture de certains sites, l'adaptation du langage selon le genre de personne en face de nous etc. Nous nous étions lancés dans l'expérience avec dès le départ, des contraintes matérielles (le prêt de la voiture de fonction) et des contraintes temporelles (la période indirectement non choisie pour le démarchage et des retours au bureau en heures non modulables). Nous avons malgré cela, réussi à récolter un certain nombre d'informations suffisantes à l'avancé de notre enquête. Nous avons obtenu sur les trois jours de terrain réellement réalisés, cinq entretiens informels33. Quelques échanges plus ou moins longs, non enregistrés, auront parfois montré tout autant d'intérêt pour les bienfaits de l'enquête, comme 33 Présentation d'une retranscription d'un entretien informel en annexe 5 54 par exemple, la discussion sur un emplacement stratégique pour observer un spot et ses passants. b. Le terrain aux multiples révélations Nos déplacements sur le terrain nous ont permis d'aller directement à la rencontre de pratiquants de trois activités nautiques différentes : le surf, le stand-up paddle et la planche à voile. Elles se distinguent par le support utilisé. Ce sont toutes trois des planches mais de configurations différentes. De plus, parmi ces trois supports, il existe des formes, des tailles et des genres différents. Pourtant, nous avons trouvé dans ces trois activités physiques et sportives nautiques, où devrons-nous dire, sur ces pratiquants de sports nautiques, des liens qui les réunissent. A première vue, ils constituent tous trois, un sport de glisse et un sport de glisse sur l'eau. Ils requirent quelques équipement semblables telle que la combinaison, et ils se pratiquent sur des sites semblables appelés «spots ». Mais, en allant plus loin dans la réflexion et l'analyse, nous découvrons qu'il existe des similitudes d'ordre de représentation, de perception et d'ordre émotionnel. Autant de spécificités réunies qui semblent faire des activités nautiques, un monde à part entière. L'activité nautique et le pratiquant trouve un premier rapport dans le lieu de pratique. Cette notion, de par son existence créée des réactions émotionnelles et des représentations diverses. Le lieu de pratique ne semble pas être qu'un terrain de jeu, mais un combiné de plusieurs interprétations et de plusieurs appétences voir de nécessités. La connexion entre l'activité nautique et le pratiquant semble se produire grâce notamment, à l'environnement de pratique. Sous un autre angle, l'environnement de pratique perçu comme « exceptionnel » de la part du pratiquant, déclenche une émotion au moment de la pratique. Ainsi, lorsque nous interrogeons nos enquêtés sur les raisons pour lesquelles ils pratiquent le surf, le stand-up paddle ou la planche à voile, ils déclarent ressentir un « besoin d'être dans un extérieur naturel ». L'engagement dans la pratique d'une de ces activités nautiques dépend d'une nécessité de se mouvoir dans un environnement ou le naturel prend le dessus. Par l'emploi du mot « naturel », nous comprenons que le pratiquant recherche un cadre mais aussi une atmosphère saine. A la fois des paysages authentiques, à la fois des lieux salubres et stimulants dans lesquels pratiquer. Aurélien Niel et Olivier Sirost expliquent ce constat et prétendent que « le sport serait alors l'un des vecteurs privilégiés de cette fusion du corps avec la nature, de ce 55 rapprochement avec le cosmos que les populations urbaines ont progressivement négligé au fur et à mesure des évolutions techniques et industrielles. »34 « La sensation particulière d'être dans l'eau ou sur l'eau » est un autre élément évoqué par nos enquêtés. Tout comme le besoin d'être dans un extérieur naturel, le besoin de se trouver dans l'eau ou sur l'eau renvoie à la recherche d'une relation avec la nature. Plus précisément, il s'agit ici de l'évocation d'un ressenti singulier, que nos pratiquants retrouvent seulement lorsqu'ils sont à l'eau. D'après eux, cette émotion est incomparable, voir supérieurement forte aux autres procurées dans d'autres activités. Le rapport émotionnel unique, qu'il y a entre l'activité et le pratiquant dépend là de l'élément naturel qu'est la mer. La pratique sur l'eau envoie aux pratiquants, une sensation de bien-être et de zénitude. Nos interlocuteurs parlent aussi de proximité avec la mer, de contact avec la mer, une diversité de termes revenant à la même chose : le fait d'être en mer. Nous serions tentés de parler très franchement, « d'incorporation » à la mer. Le privilège ressenti par nos pratiquants va au-delà du fait de voir la mer, de la sentir et de la toucher, mais il correspond vraisemblablement au fait d'être introduit, mêlé, immiscé donc incorporé à l'eau. Une relation qui dépasse la proximité et l'association. Jean Corneloup met en évidence ce rapport particulier avec la nature que l'on retrouve fortement dans les activités nautiques tel que le surf, le stand-up paddle et la planche à voile. L'auteur parle alors d'une société entrée dans une forme « transmoderne » des pratiques récréatives de nature. La particularité de cette forme est rattachée à un art de vivre dit, écologique. Ainsi, pour illustrer l'apparente intégration et incorporation à la nature et ici précisément, la mer, Jean Corneloup explique que « Tout ce qui peut accroître l'immersion de l'individu dans la profondeur de la nature est recherché que ce soit en termes de contact avec les éléments naturels limitant toutes les médiations technologiques superficielles ou en termes de rencontres avec les cultures locales vivant au plus près de la nature et de la terre »35 Les rencontres avec les cultures locales vivants au plus près de la nature et la terre, intègrent notamment, à notre sens, le contact avec la faune locale que sont les animaux. Le contact avec les éléments naturels est sans aucun doute, une mise en relation avec un 34 Niel Aurélien, Sirost Olivier, « Pratiques sportives et mises en paysage (Alpes, Calanques marseillaises). », Etudes rurales 1/2008 (n° 181), p. 181-202 35Corneloup Jean, « La forme transmoderne des pratiques récréatives de nature », Développement durable et Territoires [En ligne], Vol. 2, n° 3 | Décembre 2011, mis en ligne le 04 décembre 2011, consulté le 26 avril 2016. URL : http://developpementdurable.revues.org/9107 56 environnement vivant par ses mouvements mais aussi par la réelle existence d'êtres-vivants. Etre entouré d'animaux marins est un exemple supplémentaire inimitable dans les pratiques qui ne sont pas nautiques. Quand certains de nos enquêtés disent avoir vu des phoques pendant qu'ils glissaient sur l'eau, d'autres ont exprimé leurs joies d'avoir aperçu des sternes au-dessus de leurs têtes, pendant qu'ils pratiquaient. La notion de lieu pratique inclut une représentation et une dimension particulière donnée à l'environnement. La plupart de nos interviewés apportent un élément supplémentaire à l'expression naturelle de la pratique. Outre la perception de la mer, ils s'attachent à la confrontation avec la puissance et la supériorité des éléments naturels. L'impression d'être tout petit et en même temps fort est ressenti par nos pratiquants qui s'aventurent et se confrontent à la mer, aux vagues et aux vents, aux pluies lorsqu'il y en a. «C'est que tu vas à l'eau même si elle est froide machin, bah t'arrives bah ça te réveil, tu es obligé d'être à fond, la mer elle est toujours en forme tu vois. Si tu n'es pas trop motivé au final bah tu es obligé. » La difficulté de l'activité ne se trouve pas uniquement dans l'enchainement de gestes et de techniques propres au sport mais également dans la résistance aux multiples perturbations naturelles, rencontrées seulement en mer. Ceci met en évidence l'aspect probablement incomparable des pratiques nautiques. Dans cette catégorie, nous pouvons enfin mentionner l'expression de nos enquêtés sur de la beauté des sites et des vagues sans même la présence de surfeurs ou planchistes. Nous pouvons considérer ici, l'activité nautique dans sa plus large définition et temporalité. Effectivement, si la préparation physique et mentale et l'échauffement en amont de la pratique font partie intégrante de l'activité, l'observation au même moment du spot et du plan d'eau ne constitue pas seulement un besoin pour accéder à la pratique mais aussi un réel plaisir éprouvé par nos enquêtés. Pour les premiers arrivés, ce moment est déjà une forte émotion procurée par l'activité qui se représente déjà dans les esprits. Dans un même sens, l'un d'eux ajoute la beauté du geste et la beauté des pratiquants sur les vagues. L'une des nombreuses raisons pour lesquelles ils se sont adonnés à ces activités c'est comme souvent, l'observation d'autres pratiquants. « Voir des gens sur une vague c'est beau, voir une vague toute seule sans personne dessus, c'est super jolie aussi ». Ici par exemple, ce jeune surfer de stand-up paddle ancien skateur a laissé de côté sa planche à roulette et l'a troqué par une planche de surf paddle. En ayant observé les pratiquants sur les vagues, il eut l'envie de faire la même chose. Notre échange prolongé après l'épisode enregistré nous a fourni d'autres informations plus précises. Ses propos s'apparentaient ainsi : « voir les mecs trouver ses appuis, debout, sur une 57 surface molle et puis mouvante, j'ai trouvé ça incroyable et j'ai eu envie de tenter ma chance ! » Cet aveu ressemble clairement à une nouvelle preuve de la singularité des activités nautiques. Autant de spécificités créaient probablement ce que nous pourrions appeler « une communauté du nautisme ». En plus de ces spécificités s'ajoutent des effets trouvables dans des activités sortant du champ nautique. Finalement, ceci alimente d'autant plus le côté atypique d'un monde spécial. Les interrogés s'accordent à dire que les sports de glisses nautiques constituent une activité complète qui répond à un besoin de dépense physique parmi d'autres. L'un d'entre eux précise que la planche à voile est une activité effectivement complète : « bah déjà c'est physique, c'est assez complet parce que tu as le côté un peu cardio, le côté un peu d'équilibre, euh ça travail le haut et le bas du corps, et un peu tout... » Nous avons dit précédemment que le rapport avec la mer donnait un sentiment de bien-être. Nous pouvons ajouter dans cette partie que la pratique d'activité nautique en elle-même semblerait offrir ce même résultat. Une planchiste affirme se sentir bien dans son corps et dans sa tête après une séance nommée « session » dans le jargon. Un surfeur poussé dans sa réflexion, illustre son état intérieur par le terme « plénitude ». Il s'agit d'un état de ce qui est à son plus haut degré de développement, qui est dans toute sa force, son intensité et son intégralité. Nous pouvons comprendre ici que le surfeur questionné ressent un sentiment d'entière satisfaction physique et morale lorsqu'il surf. Cela rejoint en tous points les propos retenus par Anne-Sophie Sayeux dans sa thèse sur les surfeurs où elle affirme que, « les enquêtés nous parlent donc d'adresse, de travail physique qui entraînent du plaisir. »36 Enfin les activités nautiques se diffèrent des autres activités sur les sensations et les procurations émises au moment de la pratique. Un mot cité de manière récurrente lors de ces entretiens est « adrénaline ». Nos répondants indiquent ce terme pour décrire la sensation agréable obtenue au moment de la pratique. L'adrénaline est une hormone (substance) sécrétée dans le sang. Elle est libérée essentiellement en cas d'émotions intense, pendant un exercice physique et sportif par exemple. Sa sécrétion entraîne une accélération du rythme cardiaque, une augmentation de la force des battements du coeur, une hausse de la pression 36 Bodin Dominique (dir.), Sayeux Anne-Sophie, 2005, Surfeur, l'être au monde, Analyse socio-anthropologique de la culture de surfeurs, entre accords et déviance, Rennes, Staps - Université Rennes 2 Haute-Bretagne, thèse présentée pour le doctorat, p.79 58 artérielle, une dilatation des bronches, une augmentation de l'oxygénation des muscle et du cerveau etc. Ces réactions corporelles sont une réponse à un accroissement d'un état de stress, de peur et en même temps d'excitation qui, dans notre cas est le résultat d'une accélération sur la prise de vague, la prise de vitesse (cité 3 fois), la glisse (cité 2 fois). La montée d'adrénaline semble être un élément, une émotion très recherchée par nos répondants. Elle est générée à différents niveaux selon l'exercice physique. Certaines activité physiques demandent et libèrent plus d'adrénaline que dans d'autres. À écouter nos enquêtés, la pratique du surf et de la planche à voile sont-elles génératrices de cette substance et sont également, l'une des explications à leurs implications et leurs amours pour ces activités. L'un de nos enquêtés a réellement retenu notre attention par l'emploi d'un terme surprenant, non attendu dans l'interaction sur les sensations et émotions ressenties au moment de la pratique du surf : « : c'est difficile à décrire, c'est quand tu es sur la vague, bah c'est royal quoi ! » Cette personne explique son ressenti du fait d'une situation qu'il décrit de « royal », du fait d'un sentiment qu'il considère « royal ». Par royal, nous distinguons une appartenance à un roi. La métaphore utilisée se réfère à une situation où seul le roi peu se retrouver. Notre surfer présente sa pratique et l'adrénaline qu'elle libère comme une situation et un sentiment n'appartenant qu'au roi. Par ce mot, il fait de sa pratique une activité magnifique et majestueuse qui lui est desservie, lui qui ne se reconnait pas comme un roi. Il y a donc ici un sentiment de « chance », un sentiment de recevoir beaucoup, peut-être même plus que ce qu'il aurait besoin et demandé. L'adrénaline est dans ce sens peut-être même, une infime partie du cadeau offert par la pratique. « Royal » revient à dire que la situation et le sentiment suprême, éprouvé lors de la glisse et la prise de vitesse atteint un haut degré de supériorité (par rapport à tous autres sentiments, dans tous autres sports) dans sa suprématie. Par royal, nous entendons aussi un rapport avec la notion d'initiation royale « par l'épreuve », y compris face aux éléments que nous avons cité précédemment. Effectivement Bernard jeu explique que « l'épreuve », existante par un lieu austère et un milieu à risque et difficile, se représente parfaitement bien dans les sports où il y a confrontation avec des éléments naturels.37 L'eau serait l'élément signifiant la puissance. L'auteur propose des exemples de mythes et mythologies auxquels se rattache l'épreuve sportive, l'aventure initiatique. Un pratiquant de sport nautique serait un peu comme un héros qui affronte l'eau, l'élément naturel perçu comme un enfer, une limite à franchir, un défi, où s'en sortir et s'en sortir vivant 37 Jeu Bernard, « Le sport, l'émotion, l'espace : essai sur la classification des sports et ses rapports avec la pensée mythique », Paris, éditions Vigot, 1977 59 desservirait puissance, régénérescence et vertus. Un imaginaire d'une épreuve surmontée menant au statut de roi, l'être le plus puissant.38 Plus réaliste aujourd'hui, l'initiation royale par l'épreuve comme l'explique Bernard Jeu suivrait un objectif de retour aux sources. Retrouver sa vraie nature en surmontant la puissance et le risque de la mer, fuir les objets sociaux pour reconsidérer le réel : « Ce que l'homme cherche, au fond dans la nature, c'est sa nature. Dominer les éléments, c'est se retrouver soi. »39 Les pratiquants d'activités nautiques ne pratiquent rarement qu'une seule activité. Le plus souvent ils pratiquent plusieurs activités nautiques ou, une activité nautique et de la course à pied avec ses dérivés comme le footing ou le trail. Également, les pratiquants d'activités nautiques ont en général, des envies et des projets de pratiquer d'autres activités nautiques. Soit pour essayer, soit dans la continuité ou la poursuite de faire une activité nautique, quand la précédente n'est ou ne sera guère plus possible. Ainsi, ce peut-être en remplacement d'une activité précédente ou en ajout momentané ou continuelle d'une activité déjà en pratique. Nos entretiens informels révèlent par exemple qu'un planchiste a pratiqué de la chasse sous-marine, pratique donc actuellement de la planche à voile en principale activité, du surf en activité secondaire, fait du footing lorsque celles-ci ne sont pas possibles à cause de l'absence de conditions adéquates et enfin, projette de s'essayer au kitesurf et à la voile. En deuxième exemple, prenons nos deux autres planchistes, un couple. Il pratique aussi de la plongée et du surf-paddle. Il pratique également du trail, de la course à pied et du crossfit dans une autre catégorie de sport. Autrefois, lorsque le couple était à Paris, il faisait de la natation. Il était probablement déjà, dans la recherche de contact avec l'eau et tentait de se rapprocher d'activités nautiques, dans un lieu comme la capitale où ce n'est pas possible au quotidien. A l'avenir lorsque leur vie de couple deviendra une vie de famille, il voudrait faire du catamaran. Nous observons ici que la transformation matrimoniale, au cours d'une vie de pratiquants d'activités nautiques, n'empêche pas la poursuite de sport dans cette catégorie. Effectivement, il semblerait que lorsqu'une personne entre dans ce que nous pouvons appeler le « monde nautique » ou bien lorsque ce monde entre dans la vie d'un individu, il s'avèrerait que les deux êtres ne soit plus séparables. Le monde du nautisme apparait comme indispensable voir « addictif » aux personnes y ayant goûté. 38 Ibid., p. 41. 39 B. Jeu, Ibid., p. 38. 60 Précédemment, nous avons parlé des conditions de l'exceptionnalité du sentiment éprouvé lorsque nos pratiquants se retrouvaient dans l'eau. Désormais, nous souhaitons évoquer le côté exceptionnel des conditions de pratique que demandent les activités nautiques, inexistantes et non importantes dans les activités autres, comme le ski souvent cité comme élément de comparaison. Tout d'abord, tous s'accordent à dire que les conditions draconiennes propres aux activités nautiques tel que le surf et la planche à voile, n'altèrent absolument pas, les possibilités et les joies de la pratique. Que ce soit des pratiquants très réguliers ou des pratiquants moins réguliers (grenoblois ne venant que pour les vacances «: bah non mais ouais depuis que je m'y suis mis, à toutes les vacances je surf ouais.»), dans les deux cas, la fraiche température de l'eau et la rude météo ne constituent vraiment pas un frein quelconque. Lorsque l'un affirme «Ouais mais après quand tu es dans l'eau tu es dans l'eau quoi, tu n'as pas froid t'es bien, avec la bonne combi et les bons chaussons t'es bien quoi » l'autre se persuade : « Ouais j'aime bien l'eau ! Puis quand il ne fait pas beau comme ça, ça ne change rien ! ». Bien que certains reconnaissent que parfois les drastiques conditions rendent l'activité plus difficile, cela n'empêche en rien la pratique et paraît ne jamais altérer leurs volontés de pratiquer. Nos répondants de Grenoble racontent : « je vous avais dit qu'il avait des c******* les bretons ! (rire), c'est vrai hein ! Non mais c'est vrai, nous ce matin, on est arrivé, on se grattait, on essayait de se préparer psychologiquement, nous pour rentrer ça nous a pris dix bonnes minutes tous les deux-là, mais tu vois des mecs qui ne réfléchissent pas qui y vont bim. Mais voilà le plus dure c'est de rentrer, les cinq premières minutes et puis après ça tourne quoi. Puis là il y a le soleil ! » Ces circonstances de pratique et cet entêtement semble moins visible dans d'autres activités physiques et sportives. Le ski de loisir souvent cité en exemple se montre peut-être moins difficile et cumule rarement autant de difficultés en même temps. En imaginant les pires conditions pour un skieur confirmé: ? il se trouve sur un dénivelé très important, ? une piste verglacée avec des alternances de poudreuses ? une très faible visibilité, orientation compromise ? un vent fort et glacial, ? une tempête de neige ? une température à moins de zéro. 61 - un risque élevé d'avalanche En imaginant maintenant les pires conditions pour un surfeur confirmé par exemple : > il se trouve en plein mer, avec un plan d'eau très agité, > des vagues de plus de 2m50 voir 3 mètres > une vue troublée, la tête souvent submergée > un vent fort et glacial, de la pluie ou de la grêle > une eau très froide > une température extérieure à moins de zéro > un risque élevé de noyade Nous nous apercevons ici que la pratique du surf semble être la plus difficile. Les pratiquants de surf rencontrés nous ont toujours affirmé ce point de vue. Ces sportifs connaissent un plus grand nombre de contraintes liées à l'environnement de pratique qui semble être le plus dangereux. Effectivement les conditions météorologiques peuvent être tous aussi difficiles pour le skieur et le surfeur. Cependant, la surface de pratique sur laquelle le surfeur évolue apparaît comme la plus risquée et dangereuse. L'espace support du surfeur (les vagues elles-mêmes et le plan d'eau où déferlent les vagues) parait un peu plus incertain et incontrôlable que l'espace support du skieur (pistes ou hors-pistes). Les pistes de ski ou de snowboard sont certes parfois dangereuses voire très dangereuses mais elles constituent un support "relativement" figé qu'il est possible de voir et d'analyser un minimum avant de se lancer. Le plan d'eau sur lequel va pratiquer un surfeur est dépendant des conditions météorologiques locales mais également des conditions au large (parfois très lointaines). Un plan d'eau est en mouvement constant et peut changer de manière radicale en très peu de temps. Les vagues qui constitueront le support de glisse des surfeurs viennent de très loin au large et ne sont perçues par les surfeurs que quelques secondes avant qu'ils ne les chevauchent. Pour stopper l'activité le skieur peut descendre à pied même si cela demande plus de temps, ou emprunter des remontées mécaniques. Le surfeur n'a pas d'autres choix que de rentrer à la nage ou sur sa planche. L'affrontement avec l'environnement de pratique est plus long au rapport temps et distance parcourue. Celui-ci ne permet pas non plus de s'arrêter tant qu'il n'est pas quitté. La difficulté apparait dès le début en surf, lorsqu'il faut se mettre à l'eau et passer ce que l'on appelle la « barre », la limite où se lèvent les vagues. Une fois à l'eau, il faut s'apprêter à affronter toutes les difficultés qu'il n'est pas possible de contrôler et de 62 commander. En ski la difficulté arrive plus lentement et progressivement. Elles sont gérables et modulables selon ses envies (piste bleu, noire, rouge...) et les pauses sont possibles. Nous en arrivons à développer la partie « apprentissage » de la pratique. Bien plus long en surf qu'en ski. Cela s'explique par le fait que « le surfeur débutant, sur une session d'une durée totale de deux heures, va surfer (glisser sur la vague) qu'environ deux trois minutes. Le reste du temps, il va ramer pour passer la barre ou pour attraper les vagues ». C'est pourquoi il faut parfois attendre longtemps avant d'avoir ses premières véritables sensations. Il faut un très grand nombre de sessions pour acquérir un bon niveau. En ski, il ne faut pas ramer pour pouvoir glisser et le skieur acquière très vite des sensations de glisses agréables dès les premiers cours d'apprentissage. Tout compte fait, le surfeur doit faire face à tellement de difficultés pour pouvoir jouir du plaisir de la glisse à raison de quelques petites minutes pour plusieurs heures de session, qu'il fait de ces rares moments de glisse des instants exceptionnels. Ensuite, il apparait comme incomparable l'étape qui précède la pratique, celle de la lecture des conditions. Les activités nautiques exigent avant tout de bien choisir ces temps de pratique. Effectivement, contrairement à la course à pied ou au vtt par exemple, les activités nautiques dépendent complètement de leur environnement de pratique et ne peuvent se pratiquer au moment voulu. Propre à chacune il faut des vents particuliers, des vagues particulières ou des coefficients de marée particuliers etc., que nous ne retrouvons pas tous les jours, à tout moment de la journée. D'un jour à l'autre, d'une heure à une autre, les conditions changent. Également, selon la pratique le spot peut changer. Les activités nautiques ne peuvent se pratiquer n'importe où et réclament des conditions spécifiques aussi en termes de formation de côte et de géologie de l'espace. Les pratiquants de sports de natures nautiques dépendent alors entièrement des tournures que prennent les conditions météorologiques et celles spécifique à la mer. La pratique du surf est selon nous la plus représentative car elle réunit et conjugue énormément d'exigences pour pouvoir en faire. Effectivement elle demande une prise en compte des vents, leurs forces et leurs directions, une prise en compte de la houle et des vagues, leurs hauteurs estimées, leurs périodicités, leurs directions également ; la marée, l'heure de la montante et de la descendante ; le spot, si c'est une bais ou une crique, un fond marin rocheux ou sableux etc. Autant d'exigences qui concernent une seule activité nautique que l'on ne retrouve, semblerait-il, nulle part ailleurs dans d'autres sports de nature. Anne- 63 Sophie Sayeux explique alors dans sa thèse que le surf fonctionne grâce à un système de contraintes : « celui-ci est créé par les particularismes de l'onde maritime, devenant alors la règle du jeu, qui régule culturellement la pratique sous les couverts d'une nature plus ou moins propice à l'action surfique »40 .Ces nombreuses contraintes nourrissent nos suppositions sur l'existence d'une singularité des activités nautiques et du monde qui les concernent. La non régularité des sessions, le fait de ne pas pouvoir prévoir à l'avance les plages horaires de pratique, de ne pas savoir quand sera la prochaine session et les contraintes naturelles, cultivent l'envie de pratiquer et la passion pour ces activités. La dépendance aux caprices de la nature semblerait alimenter l'exceptionnalité d'une session et l'impression donnée aux pratiquants d'être chanceux. De plus, il ne suffit pas de prendre connaissance de ces nécessités de pratique, mais il faut savoir les lires et les analyser pour choisir les meilleures tranches horaires. Un surfeur qui a longtemps vécu en montagne et pratiqué le ski déclare que c'est une aptitude indispensable qui semble être unique au surf : «( ...) même à la montagne, même à la montagne tu n'es pas obligé de..., tu ne regardes pas forcément, tu regardes quand est ce qu'il va y avoir une fenêtre météo, si la semaine, il neige à fonds et euh il va y avoir deux jours de beau temps, tu vas regarder quand même mais, en général bah tu fais avec quoi. Tu vois. Alors qu'ici, bah si vraiment c'est pourri, tu n'y vas pas quoi. » Le surfeur skieur de Grenoble parle d'une « communauté de la mer, de l'océan » et admet que le jargon en montagne est moins complexe que celui du nautisme. Ceci nous encourage dans notre hypothèse concevant qu'il existe un monde du nautisme dû notamment à un langage spécifique lié aux conditions strictes indispensables pour pouvoir pratiquer. Ce langage est d'une part spécifique mais, se présente d'autre part comme moins connu que celui des sports de montagne (pour garder le même exemple que vu précédemment). Ainsi, l'éventuel monde du nautisme se montre peut-être plus fermé par une accessibilité difficile et un tourisme autour moins développé. S'il existe un monde du nautisme, il est également le résultat d'une familiarisation et/ou d'une imprégnation à la mer avant même l'engagement dans une pratique nautique. Nos 40 Bodin Dominique (dir.), Sayeux Anne-Sophie, 2005, Surfeur, l'être au monde, Analyse socio-anthropologique de la culture de surfeurs, entre accords et déviance, Rennes, Staps - Université Rennes 2 Haute-Bretagne, thèse présentée pour le doctorat, p.90 64 interviews ont montré que pour la majorité des pratiquants, le lieu de vie durant l'enfance se trouvait près de la mer : Quimper, Penmach, Brest, Loctudy... Pour les Grenoblois, enfants, ils passaient leurs vacances au bord de mer. Nous constatons ici qu'il y a, comme point de départ d'un monde du nautisme, pour reprendre les mots d'Anne-Sophie Sayeux, « une imprégnation par le milieu naturel et familiale »41. Cela n'est pas l'unique point commun. Tous semblent rejeter les pratiques dites fédérales, celles parfaitement organisées, encadrées selon une méthode prédéfinie, avec un entraineur. Nos interrogés semblent préférer les activités nautiques également pour la liberté de pratique que celles-ci peuvent offrir. La plupart ne font partie d'aucun club sportif. Leurs pratiques sont des sports individuels. D'ailleurs, en général, ils se déplacent sur le lieu de pratique seul. Notre dernier enquêté affirme ceci : « bah c'est un sport de partage quand même. On peut venir seul, d'ailleurs c'est plus souvent le cas mais au final, tu vois et revois des gens qui viennent aussi surfer et tu commences à connaître du monde et puis tu sympathises donc en fait, tu viens seul, tu repars seul, mais tu fais ta session à plusieurs. » Il se déplace seul mais affirme que le surf est un sport de partage. Nous devinons à travers ces mots que les surfeurs se sont créés finalement un petit groupe d'appartenance, basé sur une pratique commune et évoluant sur des habitudes communes. Ceci rejoint parfaitement l'analyse de Jean-Pierre Augustin disant que « l'explication des nouvelles formes de pratiques est aussi ramenée à la recherche d'autonomie individuelle conduisant les sportifs à se libérer des emprises sociétales et à choisir des activités alternatives qui privilégient la sensation, le contrôle, l'appartenance à de petits groupes restreints plutôt que les affiliations fédérales »42 Théorie inspirée de l'auteur Christian Pociello.43 41A.S Sayeyx,,Ibid., p.91. 42 Jean-Pierre Augustin, « La diversification territoriale des activités sportives », l'Année sociologique, 2002/2 (Vol.52), p.422 43 « La quatrième tendance réside dans la recherche de modes d'organisation à plus faibles contraintes, plus nette encore chez les citadins, sinon la quête d'activités auto-organisées. Il coexistait alors, malgré une apparente contradiction, une bonne vitalité des petits groupements associatifs composés de pairs culturels et une certaine crise des affiliations fédérales » Pociello Christian, « « Nouvelles pratiques, nouvelles valeurs » : essai sur la transformation de quelques « milieux de culture » sportifs après les années 1980 », Staps 2015/1 (n° 107), p.28 65 c. Des pratiques nautiques aux trois dimensions spécifiques Il convient à présent de décomposer les éléments bruts du terrain pour en éclaircir leurs significations. Il existe véritablement un rapport spécial entre les jeunes pratiquants finistériens d'activités nautiques et leurs activités même, quotidiennement ou en vacances. De premiers éléments de réponses valident les hypothèses avancées sur la réelle présence d'un monde du nautisme spécifique et singulier s'éloignant des autres milieux sportifs. Une dimension écologique regroupe de marquantes spécificités au monde du nautisme. Elles se manifestent par les relations entre le pratiquant et son milieu de pratique et les interactions entre le pratiquant et les êtres vivants de ces sites de pratique. Christian Pociello parle lui « d'écologisation des pratiques » survenu par l'agrandissement de territoires urbains notamment. Les pratiquants d'activités nautiques connaissent une approche écologique des pratiques non pas parce qu'ils s'y sont éloignés un moment donné dans leur vie personnelle, mais parce qu'ils ont toujours été proche de la nature et n'ont jamais quitté ce milieu en tous points « naturels ». L'activité nautique représente alors le moyen privilégié pour entrer en communication et en harmonie avec la nature. Aurélien Niel et Olivier Sirost avancent qu'« en faisant l'expérience corporelle poussée d'un environnement, le sportif rompt avec l'image dominante du paysage archétypal et redéfinit ce dernier par le biais du mouvement »44 Les pratiquants d'activités nautiques considèrent leur rapport avec la mer « unique ». La mer bien sûr mais tous les éléments naturels qui la constitue ou l'entour : le vent, l'eau, les vagues, le froid etc. Ils croient en une interaction et un rapprochement non identifiable et non atteignable par tous autres individus, qu'ils créent et éprouvent seulement par une « immersion » à la mer. Jean Corneloup emploie les termes « naturalités récréatives », « recherche de sauvagerie » et « habitat écologique » pour expliquer ce phénomène et cette démarche développée ici, par les pratiquants d'activités nautiques.45 44 Niel Aurélien, Sirost Olivier, « Pratiques sportives et mises en paysage (Alpes, Calanques marseillaises) », Etudes rurales 2008/1 (n° 181), p. 181-202. 45 Jean Corneloup, « La forme transmoderne des pratiques récréatives de nature », Développement durable et Territoires [En ligne], Vol. 2, n° 3 | Décembre 2011, mis en ligne le 04 décembre 2011, consulté le 26 avril 2016. URL : http://developpementdurable.revues.org/9107 66 Une dimension anthropologique ressort de nos nombreuses données empiriques car si l'aspect environnemental est profondément important dans la pratique et pour le pratiquant de l'activité nautique, celui relevant de la dimension symbolique de l'activité nautique est tout aussi primordiale. Effectivement, le pratiquant ne pratique pas une activité nautique par hasard et sans aucunes raisons. Comme toutes autres activités, les activités nautiques englobent une culture, des valeurs et des croyances spécifiques. Certains individus viennent à pratiquer ces activités par l'influence de nombreux fonctionnements culturels.46 La dimension anthropologique se révèle par la recherche de « sensations » et « procurations » directement liées au déroulement de la pratique. Elle est sensiblement évoquée et dévoile beaucoup de particularités. La recherche d'adrénaline est le premier objectif poursuivi par les pratiquants d'activités nautiques. « La prise de vitesse », « la prise de vague » sont les moteurs et les générateurs d'adrénaline. Christophe Bruno porte une analyse sur la réflexion et l'écriture cailloisienne à propos des comportements ludiques47. Il est approprié de définir celui des pratiquants d'activités nautiques comme un comportement qui se rapproche de celui de « l'ilinx ». Effectivement, c'est l'immédiateté de l'instant qui prime et non la recherche d'un résultat futur. L'état d'ivresse et la recherche de vertige par la prise de vitesse et la prise de vague sont l'aboutissement ressenti au moment même de la pratique par la libération du corps d'adrénaline. Nous pouvons retrouver ici la symbolique de l'eau, c'est-à-dire la signification que prend l'élément naturel qu'est l'eau, qu'est la mer. Les pratiquants d'activités nautiques ne considèrent pas la mer seulement comme une jolie chose à regarder. Le fait de s'en servir comme terrain de jeu, le rapport avec elle est plus développé, il ne s'agit plus alors d'une contemplation mais de ce que nous pouvons décrire comme une immersion et une incorporation48. L'eau porte également une symbolique exclusive aux pratiquants de sports nautiques. Partant de pensées mythiques, c'est le lieu où se mêle « épreuve » difficile et 46 Loudcher Jean-François, « Limites et perspectives de la notion de Technique du Corps de Marcel Mauss dans le domaine du sport. », Staps 1/2011 (n°91), p. 9-27 47 Bruno Christophe, « Quelle place pour l'homme sur l'échiquier de Callois ? », Littératures, 68 | 2013, 127140. 48 « Tout ce qui peut accroître l'immersion de l'individu dans la profondeur de la nature est recherché que ce soit en termes de contact avec les éléments naturels limitant toutes les médiations technologiques superficielles ou en termes de rencontres avec les cultures locales vivant au plus près de la nature et de la terre » Jean Corneloup, « La forme transmoderne des pratiques récréatives de nature », Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 2, n° 3 | Décembre 2011, mis en ligne le 04 décembre 2011, consulté le 26 avril 2016 67 instant de « détente ».49 Nous y trouvons certainement un lien avec les théories avancées sur les jeunes et la prise de risque. Un comportement qui peut s'expliquer par un ancrage du goût du risque dans les sociétés passés et qui résiste dans la société moderne.50 Un lien aussi avec la recherche de construction de soi, la troisième et dernière dimension révélé par notre recherche. La pratique nautique est une activité récréative représentative des temps de loisirs. C'est également parfois, une manière des pratiquants de se représenter et de se distinguer des autres. Une troisième dimension apparaît et se rapporte à la notion « d'identité » ou devrons-nous dire, à la notion « d'appartenance » si l'on se rapporte à la fine analyse défendue par Martina Avanza et Gilles Laferté dans leur écrit sur la construction des identités51. Sur cette dernière dimension, nous voulons évoquer la représentation qu'un pratiquant de sport nautique a de lui-même, celle qu'il souhaite s'approprier et celle qu'il représente au regard des autres individus, en dehors de cette communauté nautique. Finalement, nous abordons la manière dont un pratiquant de surf ou de planche à voile par exemple, s'auto-définit et la manière dont il est reconnu et perçu de l'extérieur. Tout d'abord, il apparaît qu'une personne qui intègre le monde du nautisme, souhaite et pense sincèrement y rester pour toujours. Une dimension « groupe d'appartenance » est en marche à travers la construction de petits groupes sociaux. L'avenir et le changement de situation matrimoniale ne contrarie pas la pratique nautique et la place dans un groupe d'individus pratiquants des activités nautiques. Enfin, un groupe d'appartenance de surfeur par exemple se distingue notamment par l'utilisation d'un langage spécifique indispensable pour pouvoir pratiquer une activité nautique et pour pouvoir la pratiquer sur des sites précis. 49 « (...) une aspiration au repos, à la confiance, à la sécurité, à la régénération, et une aspiration à l'épreuve, à la difficulté, à la souffrance. La mère est fascinante et envoûtante. Mais la mer est sévère, cruelle » B. Jeu, Ibid., p.41. 50 « Pratiques sociales à risque » ou la « société du risque » est en réalité enraciné profondément dans les imaginaires et les usages, et ne demande qu'à resurgir dans les moments de saturation de la vie. » Siros Olivier t, « Se mettre à l'abri ou jouer sa vie ? Éléments d'une culture sociale du risque », Sociétés 2002/3 (no 77), p. 5-15. 51 « L'appartenance n'est pas une prescription externe à l'individu, comme le sont l'identification et l'image, mais correspond à sa socialisation. Il s'agit d'une autodéfinition de soi ou encore d'un travail d'appropriation des identifications et images diffusées au sein d'institutions sociales auxquelles l'individu participe. » « Avanza Martina et Laferté Gilles, « Dépasser la « construction des identités » ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses, 2005/4 no 61, p. 134-152. 68 2. Résultats et analyse des entretiens-semi directifs : le principe de l'entonnoir a. Expérience des entretiens semi-directifs : des obstacles manoeuvrés et constructifs Dans le cadre de ces entretiens semi-directifs notre premier objectif était d'interroger des pratiquants de différents sports nautiques. Pour cela et dans un premier temps, nous avions contacté différentes personnes nous ayant adressé leurs adresses e-mails dans les retours au questionnaire. Parmi toutes les réponses reçues, nous avions sélectionné des profils qui nous semblaient intéressants d'interroger. Cette démarche nous avait cependant posé problème puisque l'ensemble des personnes retenues, ne nous répondaient pas ou ne pouvaient se rendre disponible pour un rendez-vous en face à face. Suite à cela et dans un deuxième temps, nous avons nous nous sommes tout de suite mis en relation avec le réseau professionnel et personnel que nous détenons. Nos débuts dans la pratique du surf nous ont permis d'aller à la rencontre de surfeurs que nous ne connaissions pas mais que nous avions pour certains, déjà aperçu auparavant. D'un côté, nous avons pris contact avec un ami surfeur qui nous a mis en relation avec d'autres surfeurs que nous n'avions jamais vu. D'un autre côté, nous avons approché une personne membre d'un centre nautique dans le nord Finistère, pour tenter d'amorcer une rencontre avec des inscrits au club, pratiquants de voile ou de planche à voile. Nous avons aussi contacté par téléphone un kitesurfeur que nous avons rencontré lors d'une mission de stage. Pour des raisons qui lui semblaient valables, celui-ci a refusé un entretien. Notre dernière tentative (limitée temporairement) était l'envoi d'un courrier électronique à un membre de la fédération française de vol libre dont nous possédions l'adresse e-mail. Malgré une relance, nous n'avons eu aucune réponse. En suivant les objectifs d'entretien détaillés dans la partie « Méthodologie de l'enquête », nous avons finalement rencontré quatre personnes en surplus des entretiens de terrain. Parmi ces enquêtés, il y avait deux surfeurs, un surfeur et body-surfeur et une personne à la fois surfeur, planchiste et pratiquant de speed-sail. En dépit d'une surreprésentation de la pratique de surf, nous étions heureux d'avoir pu toucher la pratique du body, de la planche à voile et du speed-sail qui avant notre rencontre, nous était totalement inconnue. Ces entretiens se sont parfaitement bien déroulés. Les échanges ont été sincères, joyeux et une très bonne entente s'est à chaque fois installée. Très vite, entre et après chaque entretien, nous nous lancions dans la transcription afin d'optimiser le temps restant. Nous avons pris le soin d'annoter plusieurs éléments factuels mais relativement nécessaires dans l'analyse de ces entretiens. La 69 première retranscription avec Yannick par exemple, était précédée de ces différents points relatifs aux conditions d'entretien : Entretien semi-directif - Yannick surfeur de 28 ans - Plounérin - le 10/05/2016
Ce sont effectivement des informations qui peuvent nous sembler anodines à première vue. Mais en réalité, elles pouvaient être oubliées alors que les conditions dans un entretien jouent un rôle particulièrement important lors de son développement. L'étape de la retranscription est longue et fastidieuse. C'est la raison pour laquelle certains interviews ont été traité sous un système de trie, afin de conserver les informations qui nous semblaient importantes et de retirer celles s'écartant de notre sujet d'entretien. Les lecteurs en seront évidemment informés puisqu'en entête de la retranscription des entretiens concernés, nous avons signalé la manoeuvre par l'écrit d'un petit message d'avertissement : « Toutes les informations de cet entretien ne seront pas retranscrites ici, afin d'exploiter au mieux le temps restant pour l'analyse. Aussi, beaucoup d'informations peuvent-être considérées comme parasites puisqu'elles n'apportent selon nous, rien de particulier à notre recherche. Nous avons fait plusieurs écoutes de ces entretiens afin d'en extraire ce qui nous semblait-être important et intéressant à retenir. Finalement, cette manière de procéder à donc pour but également d'offrir une lecture plus agréable et efficace au lecteur. » L'écoute et la lecture des entretiens nous ont rapidement fait admettre une chose impactant directement la suite de l'analyse dans le cadre de notre recherche. En effet, bien qu'il y ait différentes pratiques représentées, celle du surf a été centrale dans nos entretiens. D'une part, 70 nos deux pratiquants l'un de body surf, l'autre de planche à voile et de speed-sail pratiquent également le surf. C'est aujourd'hui pour eux, l'activité qu'ils préfèrent et cela s'est grandement ressenti dans les échanges. D'autre part, à l'instant où nous avons amorcé la présentation des résultats et les premières analyses, nous avons compris que le temps restant ne suffirait pas à mettre en oeuvre une analyse supplémentaire appliquée aux autres pratiques nautiques, tout de même abordées dans ces entretiens. Partant de ces observations, nous avons décidé de réduire et condenser notre analyse principalement sur la pratique du surf. En tout état de cause, nous avons relevé lors de nos entretiens de terrain, que les pratiquants de surf nous ont soumis en sus, davantage d'informations. La présentation de nos résultats dans cette partie de notre étude montre de nombreux passages et détails concernant la pratique du surf. (Malgré une focalisation prononcée sur le surf, différentes analyses porterons tout de même sur les autres pratiques déjà abordées). La poursuite de nos analyses de données empiriques aura pour but de confirmer ou non nos hypothèses. b. La réelle existence d'un monde nautique : une théorie assise mais nuancée Les retranscriptions52 faites, nous avons établi un tableau mettant en avant les ressemblances (en bleu) et les divergences (en violet) dans les propos de nos enquêtés. D'une part, cette méthode permet de distinguer les opinions, les faits et les choix revenant souvent dans les propos de l'ensemble de nos enquêtés. D'autre part, elle met en avant toutes les disparités de ces différents points, montrant de petites nuances quant à la tendance et quant à nos analyses obtenues de nos entretiens de terrain. Notre présentation tente de catégoriser les propos émis par nos enquêtés. Rappelons que nous avons rencontré deux surfeurs, un body surfeur et un planchiste, voileux et surfeur. L'objet de nos entretiens se sera naturellement tourné vers l'activité de surf principalement, la pratique la plus représentative de nos échanges. Véritablement, nos deux derniers entretiens visaient un body-surfeur et un planchiste. Mais tout au long de nos conversations, nous nous sommes rendu-compte qu'eux deux pratiquaient également le surf depuis peu de temps et que, cette activité était devenue celle qu'ils préféraient. 52 Exemple de retranscription d'un entretien formel en annexe 6, 2ème exemple en annexe 7 71 « Enquêteur : Si tu devais faire un classement d'ordre de préférence de tous ces sports que tu pratiques ... Enquêté : Oulla c'est dure ça ! Le surf c'est vraiment, je mettrais le surf en premier parce que c'est le truc c'est vraiment le truc où mon père ne m'a jamais initié avant quoi. On avait fait deux stages de surf en Australie mais ça venait de nous quoi. En deuxième speed et planche quoi un peu execo vu que c'est un peu la même chose quoi ... » Comme nous pouvons le lire ci-dessus, Antide a développé un attrait pour le surf venant directement de lui, contrairement aux autres activités. Alors pourquoi un tel dévouement vers la pratique du surf, même pour des personnes qui ont pratiqué une autre activité nautique ? L'analyse de nos entretiens de terrain présente trois dimensions frappantes dans les propos de pratiquants de surf, de planche et de stand-up paddle : écologique, anthropologique et indentitaire. Nous retrouvons grandement ces caractéristiques dans nos entretiens semi-directifs. La plupart de nos résultats présentent de nombreux points communs entre les pratiquants. Nous distinguons toutefois quelques légères différences dans les opinions et les comportements que nous allons développer ci-après.
Nos entretiens regroupent deux étudiants et deux travailleurs, l'un à son compte, l'autre en tant qu'intermittent du spectacle. Tout d'abord, nous reconnaissons dans leurs discours un certain plaisir à parler de leurs métiers ou études. Nous considérons même et admettons pour 72 certains d'entre eux, qu'il s'agit de métiers de passion ou d'études qui les passionnent. Tous, très engagés dans leurs travails et parcours scolaires étaient très investi dans la conversation. Nous avons eu l'impression que nous aurions pu en parler pendant des heures. Lorsque l'un trouve sa passion dans les métiers du soin pour avoir lui-même été soigné étant enfant (Quentin), l'autre trouve une place et une professionnalisation dans des valeurs et croyances qui lui tiennent à coeur : l'environnement (Yannick). Malgré les contraintes que ces activités professionnelles imputent à leurs quotidiens, ces individus ont déjà trouvé un équilibre dans le métier auquel ils s'adonnent ou les études qu'ils poursuivent. Ils s'octroient de cette façon une représentation d'eux-mêmes qu'ils aiment à discuter. Ensuite, lorsque nous avons évoqué les avantages et les inconvénients liés à leurs temps de travail, nous y avons retrouvé des propos similaires les uns des autres. Nos deux travailleurs passionnés nous ont parlé du temps libéré par leurs métiers ou du moins, de la possibilité de moduler leurs temps de travail pour se libérer des plages horaires et dans le but de s'investir pleinement dans leurs pratiques de loisir. A peine les premiers mots échangés, trois de nos enquêtés ont amené le sujet à leurs pratiques nautiques. Dès lors, nous comprenons que l'activité de loisir est toute aussi importante pour eux, que celle du travail. Nos travailleurs passionnés ont choisi une voie professionnelle leurs permettant de concevoir, un minimum, leurs emplois du temps selon leurs envies. Par certains côtés, ils ont choisi un métier qui convenait aux exigences qu'imposent leurs pratiques (régularité, variation des temps de pratique, préparation au préalable ...). Pour nos deux étudiants passionnés par leurs études, cela est quelque part différent mais dans une perspective identique. Ils pensent tous deux à leurs avenirs professionnels en considérant la place actuelle de leurs pratiques sportives. Quentin notre étudiant en médecine explique ceci : Enquêteur : Donc ton futur métier ne pourra pas suffire à te rendre heureux ? Enquêté : Actuellement non. Mais notre génération est différente de celle de nos parents. Le travail c'était prioritaire, là le travail c'est pour gagner sa vie, justement pour pouvoir se faire plaisir à côté. Il démontre clairement que le métier est avant tout une source de revenu et permet de s'offrir tous les loisirs possibles. Bien qu'il accorde beaucoup d'importance au choix de son futur métier, il estime ses loisirs presque plus importants que sa future activité professionnelle. Cet enquêté souhaite finalement être épanoui constamment, c'est-à-dire au travail comme sur les temps pour soi. Antide, notre autre étudiant envisage éventuellement de combiner ses compétences pour les mathématiques à sa passion pour les sports nautiques : 73 Enquêteur : Et tu sais ce que tu veux faire plus tard ? Enquêté : Euh j'aimerais bien faire de la recherche dans les maths et du coup il faut être assez bon quoi. Après pourquoi pas faire ingénieur pour les mecs qui développent les bateaux, ça c'est génial. Là encore, le loisir est considéré tout aussi important que le métier. Notre jeune enquêté a donc peut-être trouvé la solution pour accorder autant de temps à l'un qu'à l'autre : la mutualisation des deux.
Tout comme nous l'avons signalé dans les résultats aux entretiens de terrain, la plupart des pratiquants d'activités nautiques ont un rapport temporairement lointain avec la mer. Nous avons observé que le lieu de vie durant l'enfance joue un rôle certain dans l'attirance ou non d'une pratique nautique. Tous nos enquêtés vivent et ont vécu sur une côte près de la mer. Benjamin par exemple est né à Saint-Malo et vit maintenant dans une commune située sur un littoral : Enquêté : Alors je m'appelle Benjamin, j'ai 25 ans, je suis technicien son dans le métier du spectacle. Euh... j'habite pas très loin de Morlaix, au Guerzit une commune de Plougasnou dans la baie de Morlaix. Enquêteur : tu habites là depuis toujours ? Enquêté : Non, non, j'y suis depuis presque deux ans là et sinon à la base je suis malouin. Yannick quant à lui à très tôt déménagé en Guyane puisque son père y a été muté : Enquêté : Donc euh mon père en fait il bossait au conseil général, donc euh il a eu une opportunité de travailler en Guyane, donc il est parti 10 ans là-bas, donc en fait moi j'ai fait toute mon enfance 74 pendant 10 ans là-bas en Guyane quoi. Donc c'était en... je ne sais plus... jusqu'en... autour de 2004 là je suis rentré et après ben, on est revenu sur Plestin, donc ils ont habité Plestin, ils sont toujours sur Plestin d'ailleurs et puis bah euh voilà, l'adolescence dans le secteur de Lannion quoi. Enquêteur : Donc jusqu'à tes 10 ans en Guyane c'est ça ... Enquêté : Ouais ! Antide a beaucoup déménagé d'un endroit à un autre. Né à Lyon, il est très vite arrivé en Bretagne à et est ensuite allé vivre en Nouvelle-Calédonie. Le lieu de vie a clairement une influence sur l'appréhension et la relation à la mer. Habitués dès l'enfance, ces pratiquants n'ont jamais vu la mer comme quelque chose d'effrayant et ne l'ont jamais rejeté. Au contraire, ils ont très tôt apprécié sa présence et été attirés par ce milieu. Le lieu de vie est finalement choisi par l'autorité familiale, les parents. Indirectement, ce sont alors les parents eux-mêmes, en contact avec la mer qui sont à l'origine de cet attrait pour ce milieu Parfois, l'un des parents souvent le père, est lui-même plus qu'attiré par la mer puisqu'il l'a tout bonnement investi d'une pratique sportive. Ce contact du père ou des parents à la mer est ce qui constitue pour l'enfant sa première insertion à ce milieu. Lorsque l'on a demandé à quand remontait le premier rapport non pas avec la mer mais avec le monde nautique, plus précisément, trois enquêtés ont évoqué un souvenir se rapportant à un ou deux de leurs parents. Quentin à un père plongeur. Il a expliqué que lorsqu'il était enfant il eut beaucoup de problèmes d'oreille suite à des otites à répétitions. Malgré tout, il accompagnait son père à la plongée avec ses deux frères. Le père a vraisemblablement transmis sa passion à ses fils puisque les deux frères de Quentin pratiquent également la plongée : Enquêteur : C'est ça ! Ton père est passionné par la plongée ? Enquêté : Ouais, ouais, il adore ça ! Quand mon père allait à l'eau, j'y allais avec lui mais... Enquêteur : Et ta mère elle fait un sport ? Enquêté : Non ! Enquêteur : Tu as des frères et soeurs en fait ? Enquêté : Ouais, j'ai deux frères ! Enquêteur : Et alors euh ? Enquêté : Euh ils plongent tous les deux, donc ils ont choppé le virus du père ! 75 Benjamin a des parents retraités mais autrefois ils étaient conchyliculteurs. Le rapport avec la mer n'est pas le même puisqu'il s'agissait là d'une activité économique maritime. Toutefois, il faut certainement être captivé par ce milieu pour l'élire comme son lieu de travail. N'importe quel travailleur de la mer vous dira qu'il adore ce milieu et qu'il est heureux d'y être la plus grande partie de son temps. Baigné dans ce milieu, Benjamin nous a expliqué également qu'il a toujours été entouré d'amis pratiquants d'activités nautiques. Son père même pratiquait la planche à voile à chaque fois qu'il partait en vacances : Enquêteur : Est-ce que tu penses que tes parents t'on transmit un peu quelque chose ... ? Enquêté : Bah oui, parce que tout petit j'étais avec eux, j'allais à la marée avec mon père, j'allais en mer enfin oui j'ai été habitué très tôt à être dans ce milieu... Enquêteur : La mer ça toujours été ton milieu ? Enquêté : Ouais voilà, j'ai fait aussi de la voile un peu, enfin je suis passée par plusieurs, la mer ça a toujours été un truc où mes parents m'ont mis là dans aussi quoi...euh mes parents n'étaient pas surfeurs du tout, enfin mon père a fait un peu de planche à voile, mais euh, il en faisait pas en France, c'est quand ils partaient en vacances en fait, tous les ans ils partaient en vacances dans les îles et du coup mon père faisait beaucoup de planche à voile en fait là-bas. Parce que mon père ne se baignait pas en Bretagne déjà, trop froid ! Donc il en a fait comme ça pendant une dizaine d'années en fait à chaque fois qu'il partait en vacances. Yannick a toujours vécu près de la mer mais a tardivement introduit le monde du nautisme. Ses parents et son entourage en général, ne viennent pas de ce milieu. C'est lorsqu'il était étudiant qu'il a côtoyé des personnes pratiquantes d'activités nautiques. Mais de lui-même, il a découvert le body surf avec un ami après avoir passé quelque temps à contempler les plages et les spots de pratique. Dans ce cas, nous nous apercevons que parfois, le lieu de vie peut suffire à s'intéresser et se lancer dans une pratique nautique : Enquêteur : Donc des potes voileux t'ont un peu mis la puce à l'oreille et ensuite comment tu en es arrivé là maintenant ? Enquêté : Bah après comment s'est venu ... euh, un été on a été aux sables blancs à Locquirec pour aller à la plage quoi, je devais ouais avoir 20 ans. Et coup de bol cette fois il y avait des vagues, il y avait des bons rouleaux, donc on s'est dit tiens il y a des vagues là, on s'est vu acheter des bodys pour s'amuser puis ça a commencé comme ça ! 76
Nous avons fait le constat durant nos entretiens que nos enquêtés, pour trois cas sur quatre ont pratiqué des activités sportives autres que nautiques. Il est vrai que tous se sont imprégnés de la mer. Mais ils ont été influencés par d'autres tendances ou ont développé d'autres passions. Benjamin a par exemple été très passionné de moto. Il a arrêté cette pratique suite à une grosse blessure au tibia péroné. Tout comme Yannick qui pratiquait de la course à pied et qui a dû y mettre fin à cause de douleurs trop importantes. Ces deux enquêtés on en fait découvert leurs activités actuelles bien après avoir arrêté la précédente. Quentin lui se prétend avoir été un petit garçon comme les autres pour avoir suivi la vogue et le succès de l'activité football en Bretagne. Il s'est ensuite laissé tenter par l'escrime qu'il a pratiqué pendant cinq ans, avant d'abandonner complètement et de se mettre au body surf. Enfin Antide a toujours pratiqué des sports nautiques. Il a commencé par la voile pour ensuite se diriger vers la planche à voile et le speed-sail et continuer par le surf. Actuellement, il pratique toutes ces activités en accrochant davantage la planche à voile, le speed-sail puis le surf. Le point commun qui réside entre ces quatre rencontres est le changement d'activité sportive arrivé en même temps qu'un changement de vie (nouveau lieu d'habitat, nouveau travail, nouvelle 77 étude, à la suite de problèmes de santé...). Aussi, ce que nous pouvons retenir de ces quatre enquêtés et que tous ont pratiqué une activité nautique autre que celle pratiqué aujourd'hui. L'autre cas de figure est que certains pratiquent plusieurs activités nautiques actuellement et d'autres envisagent d'en essayer une autre. Une pratique nautique au moins est, a été et sera toujours pratiqué probablement dans leurs vies. Proprement au lancement dans l'activité surf et au regard des informations obtenues, aucun n'a sollicité l'usage de cours réguliers pour l'apprentissage de la pratique. Par apprentissage, nous voulons parler des débuts sur une planche de surf mais aussi, des débuts dans la lecture des vagues et des conditions météorologiques. Cela se vérifie également sur le choix de la planche pour débuter qui, pour chacun d'entre eux n'était pas adaptée. Le surf est en fait une activité qui se pratique davantage librement qu'en club. En Bretagne, les écoles existent d'ailleurs depuis peu de temps. C'est certainement la principale raison pour ne pas avoir pris de cours, c'est aussi ce qui fait du surf une activité très spéciale. Nombreuses activités nautiques peuvent s'apprendre seul. Sinon, elles suggèrent des cours mais par la suite, sont davantage appréciées dans une pratique libre plutôt qu'encadrée. Nous l'avons souligné durant nos entretiens de terrain et le remarquons à présent dans les résultats des entretiens semi-directifs. Tous pratiquent librement à l'exception d'Antide. Mais ce dernier emprunte seulement du matériel et pratique sans encadrant pour certaines pratiques. Pour les autres, il détient son propre équipement.
Dès le commencement de leur activité, dès les premières sessions effectuées, l'ensemble de nos enquêtés révèlent une forme d'addiction au surf, au bodysurf et à la planche à voile à vague (car comme nous l'explique Antide, l'un de nos interlocuteurs, il y a différents types de planche à voile : pour les ballades, pour la vitesse, pour les figures, pour les vagues etc.). Interprétée et nommée de façons différentes, ils parlent d'un fort attrait conscient et parfois inconscient qu'ils ont en commun. Si certains d'entre eux sont, selon nous, des individus au tempérament calmes et d'autres au tempérament agités, tous démontrent cette addiction à 78 l'activité nautique. Antide, notre plus jeune enquêté a éprouvé des difficultés à expliquer le sens de l'adoration non maitrisée pour son activité surf : Enquêté : Tu n'as jamais eu envie de faire du foot par exemple ? Enquêté : Bah non, on en fait pour s'amusé comme ça de temps à autre mais ce n'est pas ... pour s'amuser entre copains mais jamais... bah de façon intense mais ce n'est pas un vrai besoin, si je n'en fais pas je ne me dis pas à punaise je dois louper quelque chose, c'est vraiment, oh je vais louper une vague, il y a une vague là, il y a de bonnes conditions au spot, il faut que j'y aille et truc comme ça quoi. C'est vraiment, les vagues, les vagues, les vagues ! (rires). Plusieurs fois, il a répété le mot « vague ». Nous considérons alors dans son cas qu'il existe une addiction à la vague. Par ce terme, il faut comprendre une envie démesurée d'être « sur la vague » et être sur la vague, c'est de sentir sa poussée, son déferlement, son énergie. C'est ressentir la vitesse et l'élévation sur la vague. Il explique dans son langage que c'est également de la voir en arrivant sur le spot et déjà, ressentir son attraction. Yannick se dit hyperactif, en réalité il se décrit comme une personne très agitée. Pour être calme et apaisé, il doit absolument se dépenser et cela passe par une session de surf. Il explique même que son corps lui demande d'être fatigué : «Il faut qu'il y ait toujours, en gros j'ai toujours mon cardio qui est à fond, il faut que je fatigue mon coeur, il est toujours en demande de faire du sport.» Nous avions noté lors de l'analyse de nos entretiens de terrain, que les activités nautiques constituaient en générale, des activités complètes. Ce sont des activités sportives travaillant aussi bien le haut que le bas du corps, l'équilibre, le rythme cardiaque et le mental. Le surf pour Yannick constitue une addiction dans le sens où seule cette activité l'aide à se sentir bien. Nous avons reconnu Quentin de nos quatre enquêtés, comme étant le plus calme intérieurement et extérieurement. Nous mesurons souvent une addiction à un sport à un comportement agité continuellement ou juste avant le démarrage de la pratique. Pourtant, nous n'avons vu en Quentin, qu'un être calme et serein. Cela n'empêche toutefois pas notre pratiquant de surf et de body surf de contenir en lui cette forme d'addiction. Dans un échange calme, paisible et pacifique, un premier mot a retenu notre attention : Enquêteur : Qu'est-ce que ça te fais, quand tu sais que dans 1h il y a une session, que tu es chez toi en train de te préparer pour y aller, tu vas prendre ta voiture et aller à tel spot, tu es dans quel état ? 79 Enquêté : Bah euh, bah ouais tu es bien quoi, presque euphorique, bah c'est top quoi, c'est une des meilleures sensations qu'on peut avoir. Tu es impatient, tu es content, tu as le sourire aux lèvres, tu as hâte d'y être quoi. « Euphotique », ce terme dénote un soupçon de contradiction avec son intérieur calme et serein. Il est vrai qu'il se distingue de la simple joie, par un trait d'extravagance et d'exaltation à l'origine d'une addiction profonde, dans ce contexte d'un départ pour une session de surf. « Impatience » et « hâte » ajoutent également la preuve d'une addiction puisque ce sentiment se déclencherait difficilement chez un être complètement zen. De plus Quentin semble fortement apprécier la vitesse et la prise de risque, il nous délivre plus tard très simplement qu'il aime ressentir ce qu'il appelle « les pics d'adré » : Enquêteur : Bah dis donc ! Tu aimes conduire les choses en fait ? Enquêté : Ouais, enfin tout ce qui file un peu d'adrénaline quoi ! Je préfère conduire la moto et le bateau que la voiture quoi. Bon mais la voiture c'est plus pratique. Enquêteur : Aaahh, donc tu es attiré par la vitesse ? Enquêté : Ouais, essentiellement... Enquêteur : Tu as besoin de te faire peur ? Enquêté : Ouais j'aime bien, j'aime bien... Enquêteur : Et tu sais pourquoi ? Enquêté : Bah ça fait des pics d'adré un peu, ça fait du bien ! Enfin Benjamin présente lui aussi, une forme d'addiction à sa pratique du surf. Clairement, il explique qu'elle représente bien au-delà d'une simple envie, « un besoin » c'est-à-dire une exigence née d'un sentiment de manque, de privation de quelque chose qui est nécessaire à sa vie : Enquêteur : Pour toi le surf c'est une véritable passion mais à quel point, tu pourrais arrêter là d'un coup ? Enquêté : Bah ça serait compliqué en fait, ça changerait beaucoup, euh j'en ai besoin en fait. 80
Si nos enquêtés accordent autant d'importance à leurs pratiques nautiques et s'ils les rendent si indispensables à leurs vies, c'est parce qu'elles revêtent un rôle compensatoire aux difficultés du quotidien. C'est néanmoins ce qu'il ressort énormément de nos entretiens. Yannick et Antide citent la pratique nautique comme le remède pour décompresser des difficultés au travail. Voici comment Yannick explique cela : Enquêteur : Et alors l'activité en elle-même qu'est-ce qu'elle te procure ? Enquêté : Bah moi c'est euh, il faut qu'il y ait toujours, en gros j'ai toujours mon cardio qui est à fond, il faut que je fatigue mon coeur, il est toujours en demande de faire du sport. Donc euh, souvent avant d'aller à l'eau c'est, j'ai le coeur qui bat un peu plus fort, parce que je sais que j'ai besoin de ma dose quoi ! Et puis quand je suis bien crevé que je n'arrive plus à ramer et que je suis mort, là ça va quoi, là je suis bien, là je commence à me dire qu'il faut que je sorte de l'eau (rires). Donc là ouais, c'est un apaisement, je pense aussi c'est une échappatoire par rapport au stress de mon entreprise. Parce que je suis quelqu'un d'assez stressé à la base, c'est pour ça que j'ai appelé mon entreprise JardiZen Paysage, et c'est vrai que c'est vraiment le sport, en particulier le surf, un moyen de décompresser quoi (...) Benjamin voit les choses de la même façon, à la différence près qu'il ne parle pas forcément que des contrariétés relevant de la vie professionnelle mais désigne plus généralement, « les tracas dans la vie » Nous devinons que pour Antide, s'offrir une session de surf ou de planche à voile est un peu comme une récompense bien méritée à la quantité de travail donné dans le cadre de ses études : Enquêteur : Et lorsqu'il y a aucune condition possible comment tu te sens ? 81 Enquêté : Oh limite même pas quoi en fait... Enfin ça dépend si un peu... en fait quand tu viens de bosser bien les deux semaines avant et tout et que tu as vraiment envie d'aller dans l'eau, d'avoir des vagues ... Après si c'est vraiment une semaine ou tu es peinard, tu t'en fou un peu. Enfin, Quentin voit l'objectif de la pratique sous un autre angle. Nous avons dit précédemment que malgré la forme d'addiction présente en lui, c'était une personne plutôt calme et zen. C'est manifestement la raison pour laquelle, il n'évoque pas un besoin compensatoire au stress et aux désagréments de la vie quotidienne. Il nous confit d'ailleurs avoir arrêté toutes activités pendant un an et demi lorsqu'il était à Paris pour les études. Lui, n'explique pas instinctivement son investissement dans la pratique du surf et du body comme remède anti-stress, anti-nervosité. En premier lieu, il le détermine comme un besoin de voir la mer et d'être dans l'eau tout simplement. Il le voit peut-être même comme un remède « anti-paresse » : Enquêteur : Et ça représente quoi pour toi ces loisirs en dehors de l'activité elle-même ? Enquêté : Bah c'est même un mode de vie, c'est... bah c'est tout ce qu'il y a autour quoi. Enquêteur : Et c'est quoi autour ? Enquêté : Bah c'est aussi être dans la nature, être en extérieur, profiter du beau temps, ou du mauvais temps d'ailleurs. C'est genre être presque content qu'il y ait une tempête parce que bah plutôt que de se dire ah bah il y a une tempête je vais rester toute la journée devant la télé. Et ça veut dire bah il y a une tempête je vais pouvoir me faire plaisir quand même. C'est un peu une communion avec la nature par tous les temps, c'est un peu hippy mais c'est un peu ça. Nous avons décelé dans les échanges entres chacune des personnes rencontrées un point commun sur le choix de surfer, que nous pouvons qualifier d'« avantage » qu'offre la pratique. Les uns et les autres m'ont avoué trouver l'activité plus abordable que d'autres activités nautiques en termes financiers et en besoins en matériels. C'est réellement la première chose que nous avons entendu de Benjamin lorsque nous avons demandé ce qui était particulier au surf : Enquêteur : Et si tu compares la moto au surf, qu'est-ce qu'il y a de différent au surf ? Tu ne penses pas que tu pourrais découvrir un autre sport et le remplacer du surf ? Pourquoi spécialement le surf ? Enquêté : Parce que c'est quelque chose d'abordable aussi, ce n'est pas compliqué, tu achètes une planche et une combinaison et tu vas dans l'eau et puis voilà quoi(...) 82 Par exemple, Antide nous a raconté que lorsqu'une session accessible en surf comme en planche à voile se présentait à lui, il préférait faire du surf pour la simple raison que c'est l'activité la moins contraignante en termes de matériel. Il nous l'a expliqué toujours sur le ton de l'humour mais a semblé être vraiment sincère : Enquêteur : Donc pour les vagues tu préfères le surf ? Enquêté : Ouais le surf. Enquêteur : Et saurais-tu me dire pourquoi ? Enquêté : Alors euh, si un peu parce que déjà comme la mer à Plestin elle se retire vachement loin, la flemme de préparer le matos, de l'amener au bord de l'eau, alors que tu peux avoir un spot, choper ta planche de surf et hop tu parts ta planche sous le bras c'est beaucoup moins de préparation !
Nous avons veillé lors de nos rencontres à ne pas omettre de poser quelques questions que nous trouvions importantes dans le cadre de notre enquête. Celles concernant les sensations ressenties vis-à-vis de la pratique en faisaient partie. Nous cherchions à savoir ce que nos pratiquants ressentaient avant de pratiquer, pendant la pratique et après avoir pratiqué. Nous voulions avoir des précisions aussi bien sur le ressenti psychologique que sur le ressenti physiologique. Ceci, toujours dans l'objectif de vérifier notre hypothèse qu'il s'agit véritablement de pratiques spéciales, du fait notamment qu'elles procurent des sensations spéciales. Globalement, les sensations avant la pratique sont les mêmes pour les uns que pour les autres. Dites de manières différentes et révélées sous des termes plus ou moins forts en 83 sens, nos enquêtés évoquent en fin de compte les mêmes sensations. « L'impatience consciente » représente le sentiment commun de nos interrogés avant de pratiquer leurs activités nautiques, le surf en particulier. Yannick cite un ressenti physiologique avant de pratiquer : Enquêteur : Et alors l'activité en elle-même qu'est-ce qu'elle te procure ? Enquêté : Bah moi c'est euh, il faut qu'il y ait toujours, en gros j'ai toujours mon cardio qui est à fond, il faut que je fatigue mon coeur, il est toujours en demande de faire du sport. Donc euh, souvent avant d'aller à l'eau c'est, j'ai le coeur qui bat un peu plus fort, parce que je sais que j'ai besoin de ma dose quoi ! L'accélération du rythme cardiaque serait ici, le résultat d'une impatience éprouvée par Yannick. Benjamin exprime son impatience par un empressement vers le spot de surf. Il présente cette précipitation vécue par un exemple concret : Enquêteur : Tu me parles des sensations, tu peux m'en parler un peu plus ? Qu'est-ce que tu ressens avant d'aller à l'eau déjà, pendant que tu surfes et après ? Enquêté : Bah avant d'aller à l'eau déjà, quand je sais qu'il y a les conditions j'ai une sorte de, d'impatience, je serais capable de rouler plus vite avec ma voiture pour arriver plus vite au spot. Déjà ! Donc c'est une précision déjà qui montre que tu es motivé, super excité (...) L'impatience, la motivation et l'excitation sont les causes du comportement de Benjamin sur le trajet vers le spot. Antide expose son impatience par des expressions marquantes pouvant paraître exagérées mais auxquelles il croit réellement : Enquêteur : Et alors que ressent tu avant tes pratiques, je veux dire quand tu t'apprêtes et te rends sur ton lieu de pratique ? Pour chacune de tes pratiques hein... Enquêté : Alors pour le surf, tu sais qu'il y a une bonne session bah alors là tu fais tout pour y aller là ! Ta l'envie d'y aller un truc de malade ! Et physiquement en fait, ça dépend à quelle heure c'est quoi, le matin, tu as envie d'y aller mais tu as la tête complètement dans les vapes, si c'est l'aprem tu es au taquet, tu arrives là tu regardes où sont les vagues et tout, je suis quand même un peu endormi avant d'aller dans l'eau mais une fois que tu arrives au bord bah là tu oublis tout. A l'extérieur je peux paraître tranquille mais à l'intérieur je suis comme un dingue (rires) Il y en a qui arrive à attendre le meilleur moment et tout mais une fois que moi je suis au bord de la flotte ... 84 « Tu fais tout pour y aller » : Par ces mots, nous avons l'impression que la pratique du surf est une activité importante, déterminante dans sa vie, qui a un enjeu considérable. Antide place donc le surf comme une activité indispensable et presque obligatoire. « Tu as l'envie d'y aller un truc de malade ! » : Derrière le mot « envie » et par le ton employé, nous devinons encore qu'il s'agit davantage d'un besoin, d'une nécessité, d'une obligation et d'une essentialité à son bien-être. « Un truc de malade », ce terme met en avance l'empressement et l'irrésistibilité consciente à la pratique. Un sentiment non maitrisé par le pratiquant qu'il compare à un besoin maladif, à une vraie maladie. « Une fois que tu arrives au bord bah là tu oublis tout » : Nous nous apercevons ici, que le manque ne se situe pas franchement dans le fait de pratiquer mais précisément dans le besoin de se rassurer de pouvoir pratiquer. La vue de l'eau, l'exposition des sens à la mer suffisent à rassurer notre pratiquant et à effacer quelque part, ce que nous pouvons identifier comme des « pulsions ». « A l'extérieur je peux paraître tranquille mais à l'intérieur je suis comme un dingue » : Là encore, Antide compare son état avant d'aller à l'eau comme un état maladif. Un état tout à fait conscient, non maîtrisé dans son intérieur, c'est-à-dire que l'excitation et là et il ne peut la faire disparaître mais, parfaitement domptée et contrôlée donnant l'apparence de quelqu'un de reposé et tranquille. Par ces références, nous pouvons admettre que nos enquêtés ressentent effectivement tous la même émotion. Cependant, elle est ressentie d'intensités différentes. Ceci dû certainement aux différents caractères et tempéraments des personnes questionnées. Nous avons vu plus tôt dans l'exposition des résultats, que Quentin lui était quelqu'un de calme et serein. Lui traduit son impatience de cette manière : Enquêteur : Qu'est-ce que ça te fais, quand tu sais que dans 1h il y a une session, que tu es chez toi en train de te préparer pour y aller, tu vas prendre ta voiture et aller à tel spot, tu es dans quel état ? Enquêté : Bah euh, bah ouais tu es bien quoi, presque euphorique, bah c'est top quoi, c'est une des meilleures sensations qu'on peut avoir. Tu es impatient, tu es content, tu as le sourire aux lèvres, tu as hâte d'y être quoi. Quentin utilise de nombreux termes pour expliquer son état avant d'aller surfer. Des termes forts comme la hâte et l'euphorie sont modérés par d'autres mots et discours comme « tu es bien », « c'est top », « tu es content », « tu as le sourire aux lèvres ». Ils présentent un état de joie et de bien-être n'atteignant pas celui de l'excitation, de l'exultation ou de la précipitation. 85 L'échange nous a montré que le tempérament calme de Quentin ne l'empêchait gère de ressentir l'impatience. Cette émotion est présente mais tout simplement plus modéré chez une personne comme Quentin. Il est vrai que tous désignent « la vague » tout au long des entretiens, l'élément qui fait la spécificité de la pratique du surf. Nous l'avons explicité lors de l'analyse des entretiens de terrain et pouvons à présent confirmer son importance dans la procuration d'émotions pendant la pratique. Nous avons toutefois décelé quelques disparités dans les sensations perçues pendant la pratique. Globalement, toutes les sensations citées sont perçues par tous les enquêtés. La différence appartient à la priorité donnée plutôt à l'une qu'à l'autre, en fonction des pratiquants. Nous avons saisi cet écart parfois, selon le nombre de fois citée et parfois, selon les premières choses évoquées en sus de nos impressions sur chacun d'entre eux. Quand nous avons demandé à Benjamin ce qu'il ressentait pendant qu'il surfait, il nous a essentiellement spécifié les sensations en rapport direct avec la glisse et la vague : Enquêteur : Mais quand ça se passe bien ? Enquêté : Quand ça se passe bien, bah là c'est que du bonheur quoi ! Quand il y a grand soleil et qu'il y a on va dire une taille de vague très ludique, on va dire parce que je pense que dans le surf il y a un côté ludique et il y a un côté technique. Ca dépend où tu surfes, ça dépend ce que tu surfes comme planche, ça dépend de pleins de choses en fait, de ta condition physique aussi ... mais il y a des moments ou tes sessions c'est très ludique quoi, avec des vagues très longues euh, avec des vagues d'école quoi. Tu vas à la Torche, la première session de ma vie que j'ai fait à la Torche, c'était il n'y a pas si longtemps que ça, je me suis retrouvé dans des conditions pas très grosses, il y avait un petit, ouais 1mètre et ben j'ai pris beaucoup de plaisir parce que, voilà il y avait de la période, j'avais le temps de surfer une vague, de la surfer jusqu'au bout, de revenir tranquillement, revenir au pic me replacer de reprendre une vague... Donc ouais sinon je ne sais pas je suis content, bah déjà le drop c'est, le take-off c'est déjà pleins de sensations et après une fois qu'on est parti sur une vague et qu'on ... qu'on est en rythme avec la vague, en fait on se sent bien, on calcul et on, voilà on sait qu'on peut faire des manoeuvres voilà, c'est du bonheur quoi. Il a expliqué d'abord qu'il existait un côté ludique du surf et un côté technique. Ces descriptions nous ont montré que par certains côtés, Benjamin enviait et désirait développer son côté technique. Il apprécie dans le sport et le surf en particulier, la performance. L'améliorer et la voir s'améliorer. Pour l'instant, Benjamin débute et prend du plaisir sur les sessions ludiques en envisagent l'avenir sur des sessions où le plaisir est de faire des 86 performances. Très vite, il est en effet passé sur les sensations provenant justement de l'aspect technique de la pratique : Le plaisir lié à la période des vagues (longue donc offrant une pratique plus facile), lié à la longueur des vagues (un déferlement long et lent permettant une glisse plus facile), il cite d'ailleurs « les vagues d'écoles », lié au pic de la vague (être placer au bon endroit, au bon moment, c'est-à-dire l'endroit de la vague où elle va commencer à casser, lié au drop, au take-off (se mettre debout sur la planche), aux manoeuvres. Il cite rythme, calcul, deux termes exprimant des technicités sur une vague. Benjamin priorise son plaisir pendant la pratique sur les émotions procurées par les technicités du surf. De la même manière, lorsque nous avons demandé à Antide ce qu'il ressentait pendant la pratique, il a remémoré en premier lieu, l'aspect technique de la pratique. Il explique que les sensations de glisse viennent très vite dès les premières vagues prisent lorsque le pratiquant est débutant : Enquêté : Le surf ce n'est pas, ce n'est même pas forcément un truc pour eux, la performance tu vois, (...) Mais il le soumet. (...) c'est être dans les vagues et avoir la sensation sur les vagues quoi. C'est ça qui est dingue, pour les sports comme ça en fait, un peu de glisse et au bout d'un moment, juste le fait de savoir en faire, tu es content parce que tu as des sensations très vite. Tu ressens très vite de petites sensations que tu veux ressentir plus fort. Bon on cherche forcément à progresser, à se mettre en compétition avec les autres, mais tu te dis que bah finalement ce n'est pas l'essentiel du sport quoi, ce n'est pas la course à pied le marathon et tout et c'est finalement pour ça que les gens arrêtent... Les surfeurs surfent généralement beaucoup plus vieux parce que même si tu ne sens pas que tu peux gérer beaucoup mieux bah c'est juste le fait de faire du surf. Nous avons évidemment interrogé Yannick et Quentin sur les mêmes questions. Le rapport avec la performance et l'aspect technique de l'activité sportive du surf n'ont pas été les premières choses abordées par nos deux autres enquêtés. Yannick a d'abord formulé l'aspect humain et environnemental de la pratique : Enquêteur : (...) Tu vas me dire ah oui on en était là ! Donc on était parti sur la question qu'est-ce que tu ressens physiquement et mentalement avant la pratique et maintenant on va faire, pendant la pratique ! Dis-moi tout ? Enquêté : euh... c'est dur ! Je ne sais pas ...Pendant le surf alors c'est euh, qu'est-ce que je ressens vraiment par rapport à la pratique quoi ? Enquêteur : Ouais ! 87 Enquêté : Par exemple une session du matin quand le jour se lève, tu as toujours ce sentiment de liberté, d'avoir vraiment une chance, de profiter avec les copains... Puis ouais tu penses aux gens qui sont en train de prendre le métro à Paris par exemple, tu te dis, bin ouais je suis quand même bien chez moi quoi. Donc voilà c'est toute la positive attitude quoi ... Enquêteur : Tu as l'impression d'être privilégié ? Enquêté : Ouais d'être privilégié de pouvoir faire ça quoi, quand tu te dis, quel pourcentage de la population peut faire ça, à mon avis on n'est pas si nombreux que ça au final... Yannick évoque la lumière du jour, le sentiment de liberté lié à son site de pratique. Ensuite il nous a parlé du partage qui existait avec ses copains, c'est-à-dire d'autres pratiquants de surf. Nous admettons par ces mots qu'il existe chez Yannick une priorité consacrée au contact avec les autres et l'environnement dans la pratique du surf. Il compare Paris et son « chez moi ». Il se représente la capitale par le métro et son « chez moi » par sa pratique de surf. Il se sent privilégié d'être ailleurs qu'à Paris et par conséquent, de pouvoir pratiquer le surf plutôt que de prendre le métro. Tout un imaginaire environnemental est présenté par Yannick, un environnement qu'il considère idéal et unique. Nous retrouvons chez Quentin ce même point de vue. Plus pondéré, la dimension humaine et la dimension environnementale sont là encore formulées en premier lieu : Enquêteur : Et pendant la session, on en a un peu parlé mais essaie d'expliciter ce que tu ressens lorsque tu es à l'eau et lorsque tu surfes... Enquêté : Bah déjà souvent tu es avec des copains, enfin moi j'aime mieux aller avec des collègues parce que c'est toujours plus sympa de partager ces moments et puis euh, sinon euh, bah profiter du soleil ou même j'aime bien la pluie qui tombe sur moi quand je suis à l'eau, ça ne me dérange pas. La glisse et puis euh, savoir lire les vagues, savoir bien se positionner. Et quand tu vois la vague qui arrive et que tu es pile poil au bonne endroit, c'est une sensation complète, c'est une sensation absolument géniale ! Quentin parle d'abord du partage entre surfeurs de la pratique lors d'une session. Il poursuit en présentant l'exposition au soleil et à la pluie. Vient seulement après la dimension technique de la pratique. Il est important de préciser qu'avant ce présent échange, nous avions déjà évoqué le sujet dans le but de comparer le body et le surf. Quentin avait alors mis en avant l'aspect environnemental des pratiques auquel il accorde, nous l'avons compris, énormément d'importance : 88 Enquêteur : Bon ça m'intéresse bien de parler de tout ce qui est sensation émotions procurées par la pratique ! Pour toi ce sont les mêmes en body et en surf ? Enquêté : Bah en fait ouais ce sont les mêmes parce que... l'émotion générale c'est d'être dans la nature, dans l'eau, d'être bien. (...) Nous voulons ajouter l'effet de l'expérience sur l'émotion ressentie avant et pendant la pratique. Nous nous somme aperçu que le degré de certaines émotions variait en fonction du niveau du pratiquant. Non en rapport à l'âge mais, plus selon si le pratiquant est débutant ou confirmé. Un pratiquant semble ne plus être débutant au-delà de trois années de pratique. Yannick qui pratique maintenant depuis huit ans environ, nous a partagé son expérience dans ses débuts. Il a raconté qu'il était auparavant quand même plus impatient d'aller pratiquer que maintenant : Enquêteur : Donc dis-moi, que ressens-tu avant d'aller surfer, pendant et après ? Alors, avant pour commencer ? Enquêté : Alors quand j'ai démarré ce n'est pas pareil que maintenant déjà, quand j'ai démarré le surf c'était vraiment une excitation, aller surfer c'était vraiment avoir une belle vague déjà, euh vraiment même énervé quoi d'aller dans l'eau, limite courir parce que tu vois une vague dérouler t'en a déjà raté une quoi. Nous voyons bien ici que Yannick sépare ses sensations d'avant en tant que débutant, à ses sensations de maintenant en tant que confirmé. Aussi plus tard dans l'échange, il expliquera davantage son rapport à l'environnement et la connotation « sport de partage » plutôt que l'aspect technique de la pratique. Nous comprenons ici que lorsqu'un pratiquant débute, il est davantage concentré sur son amélioration et la performance technique de sa pratique. Avec l'expérience, le pratiquant se sent plus à l'aise et apporte beaucoup plus d'attention à l'environnement qui l'entoure (nature, autres pratiquants, animaux marins...). Quentin lui, bien qu'il soit débutant en surf, par son expérience et son niveau confirmé en body, il apporte déjà beaucoup plus d'attention à la naturalité de la pratique que les débutants n'ayant jamais utilisé une planche. Qu'importe le niveau de pratique, la sensation après une session est la même pour tous les pratiquants. Une sensation de bien-être et d'apaisement. Benjamin nous l'a en effet expliqué avec ces mots : 89 Enquêteur : Et après la session ? Enquêté : Après la session j'aime beaucoup parce qu'en fait, j'ai une sensation d'apaisement, de bien-être en fait. Même des fois ça m'arrive, j'ai beaucoup bossé, euh, je fais super attention à mes gestes dans le travail mais il arrive que des fois tu as des petites douleurs dans le dos, tu as forcé, tu as porté plein de trucs, et bah le fait d'aller dans l'eau tu ressorts tu es léger tu es bien, bon après il faut bien penser aussi à s'étirer parce que des fois tu peux être aussi hyper tendu en sortant de l'eau parce que tu as fait forcer tout tes muscles du dos, tu t'es crispé donc voilà... Antide quant à lui nous a simplement admis qu'il était détendu après une session. Il a mis en avant le rituel de la douche chaude qui duplique cette sensation : Enquêteur : Pendant ou après la pratique ? Enquêté : Ouais après, tu es détendu un truc de malade puis tu as la douche chaude très agréable ! Comme dernier exemple, Quentin lui a davantage développé les propos de Benjamin et Antide, il a même poussé un peu plus loin la réflexion axée sur la dimension écologique toujours : Enquêteur : Ok. On a parlé de tes sensations pendant la session, comment tu en ressors après ? Enquêté : Bah déjà je suis rincé déjà parce que c'est compliqué ! (rires) je dors super bien derrière ! Tu es détendu, tu t'es fait plaisir, tu es bien dans ta tête tu es bien dans ton corps, tu es fatigué donc tu te reposes après ouais, tu te fais un jacuzzi ! (rires) Non mais ouais tu es bien, tu es apaisé, tu es content d'avoir fait ta séance de sport ... je ne sais pas ça te remet dans le contexte aussi ! Tu n'es pas juste en train d'essayer de monter des vagues, c'est quand même la mer qui te le permet. On se rend compte que la force de la nature est réellement supérieure à la tienne. On a tendance à oublier des fois... Non seulement Quentin se sent apaisé après sa pratique mais il réfléchit aussi à sa place dans la nature. Ses sensations après une session l'amène à réfléchir à ce sujet où il place la mer comme la plus puissante. 90
Tous s'accordent à dire que le surf est spécial dans le sens où l'apprentissage est extrêmement long comparé à d'autres activités sportives et nautiques. Plus le pratiquant améliore sa performance dans la pratique, plus il prend du plaisir. C'est la raison pour laquelle, Yannick ressentait et Quentin ressent parfois de la frustration dans les débuts de la pratique. Yannick nous a clairement démontré comment il a pu être frustré mais être tout de même facilement satisfait en ne prenant qu'une vague lors d'une session car, c'était déjà un pas vers l'amélioration de son surf : Enquêteur : tu n'avais aucune appréhension en tant que débutant ? Enquêté : Oh j'ai pris quelques boites hein ! Mais aller dans l'eau même quand limite la mer ça ne marche pas encore quoi, pour arriver avant tout le monde et avoir les premières vagues (rires) Mais vraiment, après de la frustration à l'époque parce que quand tu te prends une bonne vague et ben, ça a duré 10 secondes mais ta session est sauvé tu ressors avec le smile. Alors soit tu sors tu es super 91 content tu as envie d'y retourner, soit tu es un peu dégoûté tu dis « j'irais plus » et puis deux jours après tu y retournes quoi ! En fait ce qu'il faut c'est réussir à avoirs les premiers belles vagues qui te reste dans la mémoire après tu veux toujours plus en fait. Quentin nous a expliqué qu'il pouvait être parfois frustré mais par quel moyen il surmontait ses épreuves dans les débuts de sa pratique de surf : Enquêteur : Bon ça m'intéresse bien de parler de tout ce qui est sensation émotions procuré par la pratique ! Pour toi ce sont les mêmes en body et en surf ? Enquêté : Bah en fait ouais ce sont les mêmes parce que... l'émotion générale c'est d'être dans la nature, l'eau, d'être bien. Après body et surf, les sensations de glisse sont vraiment, bah c'est grisant quoi, mais c'est, ça rend addictif je pense. Et après comme je débute en surf, il y a pour l'instant encore une, une frustration. Parce qu'en body, enfin je n'avais pas un niveau de malade mais j'avais quand même un niveau correct et de passer au surf, bah clairement la sensation de glisse debout par rapport à allongé, elle est, enfin c'est... Je préfère après c'est, ça dépend des gens il y en a qui préfère le body. Après il m'arrive quand il y a une grosse session de reprendre le body histoire de bien profiter, caler deux trois figures pour ensuite mieux repartir sur le surf. A sa manière, Antide a cherché à nous faire comprendre précisément ce caractère exceptionnel que l'on retrouve dans la pratique du surf dans cette présente phrase : « Tu ressens très vite de petites sensations que tu veux ressentir plus fort.» Antide est un surfeur qui aime beaucoup s'améliorer et être bon partout. C'est effectivement dans son caractère. Cependant, il explique par cette phrase que tous les pratiquants en général, recherchent toujours une amélioration dans sa pratique parce c'est une manière de se procurer plus de sensations. Qu'un surfeur soit extrêmement tourné vers la recherche de performance ou un autre extrêmement tourné vers la recherche de plaisir, dans les deux cas l'amélioration dans la pratique est fortement poursuivie. Benjamin aussi a cherché à expliquer ce phénomène : Enquêteur : De voir que tu t'améliores, ça te donne plus envie d'en faire encore ? Enquêté : Bah oui, carrément, en fait c'est la progression aussi qui est motivante. Dans ma tête c'est j'y vais j'ai envie de me faire plaisir, j'ai envie de tenter des choses. Il y a un moment quand tu arrives à un très bon niveau de surf tu te fais vraiment plaisir, même si quand tu débutes tu te fais déjà plaisir, et plus tu avances, plus c'est additif en fait parce que tu te rends compte de tes capacités, de ce que tu peux faire, et voilà. 92 Finalement, ce que l'on distingue de nouveau entre d'un côté Yannick et Quentin puis de l'autre Benjamin et Antide, c'est l'esprit compétiteur présent ou non. Benjamin et Antide présentent des attraits pour la compétition en surf. Benjamin l'a exactement explicité : Enquêteur : C'est un peu ton objectif ça d'améliorer ta performance pour surfer du plus gros, du plus difficile ? Enquêté : Ouais, ouais. Oui et non en fait. En fait je pars du principe que le surf comme n'importe quel sport en fait il y a un moment donné quand tu veux vraiment arriver à un grand niveau et surfer des grosses vagues et bah il faut aussi euh, voilà il faut avoir un entrainement spécifique enfin voilà il y a pleins de choses qui vont avec il y a, un mec qui veut surfer du gros c'est comme les pros quoi, il faut un physique, de la muscu, du cardio, une hygiène de vie hyper clean, il ne mange pas n'importe quoi, et euh, voilà, je pars du principe là que moi je veux rester en mode euh, c'est un loisir, peut-être un jour de la compet mais au niveau Bretagne enfin tu vois pas... Et toute façon, avant d'aller loin il faut déjà être bon tu vois et, même les petites compétitions plus ou moins amicales où il n'y a pas enfin tu vois se serait plus pour me tester un peu, prendre le côté sympathique et puis ... Enquêteur : Tu es assez compétiteur alors quand même ? Enquêté : Ouais je suis assez compétiteur, ouais le côté compet, se retrouver par exemple avec un pote à l'eau, je ne sais pas ça permet de tenter plus de chose. Antide n'a pas forcément voulu exposé son attrait pour la compétition. Malgré tout, nous l'avons distingué par son attrait pour de nombreux sports nautiques qu'il pratique ou a pratiqué sous forme de compétitions. Également par l'emploi de l'humour, qui détourne le sens des phrases mais que nous comprenons tout de même. Voici un exemple montrant le profil compétiteur d'Antide : Enquêteur : Et alors pendant le surf que ressent-tu alors ? Enquêté : Tu as envie de flinguer tous les autres mecs qui sont autour, et tu es vachement détendu ! Enquêteur : Pendant ou après la pratique ? Enquêté : Ouais après, tu es détendu un truc de malade puis tu as la douche chaude très agréable (rires) Le sens donné à « flinguer » est selon nous celui de « éliminer ». Antide sait très bien que lorsqu'il pratique le surf, il le pratique de façon ludique, entouré d'autres surfeurs dans cette même vision de la pratique. En nord Finistère, nous avons observé que tous nos pratiquants rencontrés ne font pas de compétitions. Nous savons également que cette activité sportive à la 93 particularité d'être très peu organisée dans des clubs. Malgré cela, tout en gardant un rôle ludique Antide cherche un peu le format compétitif et l'affrontement dans cette pratique. A contrario, Yannick et Quentin ne possèdent pas ce profil compétitif dans la pratique du surf. Yannick n'a même jamais eu ce profil. Lorsqu'il faisait de la course à pied, il n'était pas compétiteur et aujourd'hui malgré son bon niveau dans la pratique du surf, il ne participe à aucune compétition : Enquêteur : Tu pratiquais vraiment en loisir ou tu participais un des compétitions de trail par exemple ? Enquêté : Je n'étais pas du tout compet moi. C'était pour moi, c'était compet dans mon intérieur on va dire quoi. Quentin a pratiqué des sports en compétition (football et escrime) mais n'a jamais parlé d'un attrait pour ce format de pratique pour ses sports pratiqués avant, dans le surf et le body surf. Ces activités sont pour lui le moyen simplement de profiter de la mer et de la nature comme nous l'avions mentionné précédemment. D'après lui, cela s'expliquerait par le fait que le surf n'est pas seulement un sport mais aussi un art de vivre et qui véhicule des valeurs qui ne se rapprochent aucunement de la compétition : Enquêteur : Et ça représente quoi pour toi ces loisirs en dehors de l'activité elle-même ? Enquêté : Bah c'est même un mode de vie, c'est... bah c'est tout ce qu'il y a autour quoi. Enquêteur : Et c'est quoi autour ? Enquêté : Bah c'est aussi être dans la nature, être en extérieur, profiter du beau temps, ou du mauvais temps d'ailleurs. C'est genre être presque content qu'il y ait une tempête parce que bah plutôt que de se dire ah bah il y a une tempête je vais rester toute la journée devant la télé. Et ça veut dire bah il y a une tempête je vais pouvoir me faire plaisir quand même. C'est un peu une communion avec la nature par tous les temps, c'est un peu hippie mais c'est un peu ça. Quentin définit l'activité surf par une communion avec la nature et compare avec humour l'activité à une pratique « hippie ». Les hippies étaient des personnes qui prônaient la paix, l'harmonie et la liberté puis rejetaient le mode de vie traditionnel de leurs parents (mode de vie alimentaire, la société de consommation, les règles d'hygiènes etc.)53 53 Barthes Roland. Un cas de critique culturelle. In: Communications, 14, 1969. La politique culturelle. pp. 97- 99. 94 En parlant de ses vacances, Yannick, en fait également la référence : Enquêteur : Et donc à côté du surf vous avez fait quoi ? Enquêté : Plutôt style hippy barbecue (rires) au bord du fourgon et puis profiter du coucher de soleil, un bon apéro, l'apéro c'est important quand même ! (rires) Finalement le surfeur est souvent comparé à des personnes comme les hippies parce que leurs modes vestimentaires, leurs comportements et l'activité identifiée à une forme de liberté se rapprochent de ces groupes. Quentin a ajouté des informations relevant finalement d'un rejet des contraintes et des effets négatifs d'une vie en société telle que la surconsommation, l'individualisme54, les impacts sur l'environnement : Enquêté : Je ne sais pas, c'est un état d'esprit, une façon de vivre c'est, c'est certes prendre du plaisir à glisser mais euh, c'est aussi un partage avec les autres gens, c'est aussi un partage avec l'environnement, la nature et respecter, enfin ce n'est pas jeter des déchets dans la nature, ce n'est pas engueuler quelqu'un parce qu'il pique ta vague... Le surfeur n'est pas un hippie même s'il en donne l'impression. Quelques éléments les rapprochent comme le retour à une vie simple et un rapport plus proche de la nature mais, le surfeur ne va pas à l'encontre de la société. Au contraire, il prend en compte ses contraintes et les adaptes à ses envies et besoins. Yannick et Benjamin ont trouvé un métier qui leur permette de faire du surf assez régulièrement mais, ont un métier « normal » et reconnu par la société. Nous pouvons dire qu'ils ne sont pas hippies car converger avec les comportements et opinions des hippies momentanément, ne suffit pas à les rendre comme tel. La vision du surf est la même pour tous les surfeurs. Pas un surfeur ne parlera pas de cette dépendance à la mer et des contraintes naturelles auxquelles ils doivent s'accommoder. Quand benjamin nous confiait être tributaire de la nature pour sa pratique et aimait l'être... : 54 Si la société moderne offre aux individus la possibilité de s'autodéfinir sur le plan identitaire, elle leur procure aussi la possibilité de s'individuer et de se «tribaliser», c'est-à-dire de se couper de l'agir en commun, ce que révèle la fragmentation sociale et politique de nos sociétés tout autant que l'individualisme qui y domine. » Beauchemin Jacques, «Que reste-t-il du bien commun? Entre la loi du marché et l'individualisme», Les classiques des sciences sociales, 2004, pp.1-8 95 Enquêteur : Pourquoi tu en as besoin ? Enquêté : Parce que c'est un sport que j'aime beaucoup dans le sens j'aime bien être dans l'eau euh, je suis assez euh comment... le fait d'être tributaire d'une force de la nature en fait, parce que là une vague c'est une véritable force de la nature qui est déclenché par des dépressions par pleins de phénomènes météorologiques et en fait ça euh, bah je trouve ça cool de pouvoir bénéficier d'une énergie comme ça complètement gratuite et naturelle . ...Yannick nous livrait apprécier s'ajuster aux éléments naturels. Il a pris en comparaison le football et le handball pour évoquer cette singularité propre aux activités nautiques et au surf notamment. Celle de se jouer sur un terrain mouvant, à cause de facteurs naturels : Enquêteur : toi comment tu vois le surfeur ? Enquêté : Bah ce qui... moi je... c'est surtout de me rapprocher de la nature, être bien dans mon élément, puis profiter vraiment d'un instant simple, avec voilà un élément naturel. Et puis chaque session est différente parce que c'est la nature qui façonne les vagues donc euh, c'est toujours différent comparé à un match de foot, ou de hand où, où tu as bien sûr des éléments qui changent, le... le jeu par rapport au hasard, les joueurs, mais tu n'as pas bah voilà, le terrain il ne bouge pas quoi. Que là bah voilà ton terrain de jeu il est toujours différent, tu as la surprise quoi Lorsque nous avions interrogé Quentin sur les sensations pendant une session, il nous avait même démontré qu'il lui plaisait de se rendre compte de la force de la nature : Enquêté : (...) Tu n'es pas juste en train d'essayer de monter des vagues, c'est quand même la mer qui te le permet. On se rend compte que la force de la nature est réellement supérieure à la tienne. On a tendance à oublier des fois...
96 En référence à tous les entretiens passés au cours de cette enquête avec des surfeurs, nous admettons deux premiers rapport avec la communauté et les groupes de surfeurs qui existent : Soit le contact a été simplifié et facilité par des proches ou amis communs entre l'enquêté et le groupe, soit il a été lent et timide pour ceux n'ayant aucune attache quelconque initiale à cette communauté ou groupes. Benjamin, Antide et Quentin se retrouvent dans le premier cas. Antide appartient même à différents groupes puisque d'un côté, il pratique le surf librement et de l'autre, il est membre d'un centre nautique pour la pratique de la planche voile notamment. Prenons l'exemple de Quentin pour le premier cas, celui d'une introduction et intégration facilité par des connaissances du milieu : Enquêteur : Certes ! Et on en paye les frais ! (rires) Tu m'as dit que tu préférais aller à l'eau avec des potes tant qu'à faire, ces amis-là tu les vois en dehors des sessions ? Enquêté : Ouais bah oui, la plupart des potes qui font du surf, je les connaissais avant aussi. Sinon ceux que j'ai rencontrés après sur les spots, euh, ouais ça m'arrive d'aller de temps en temps boire une mousse avec eux. Contrairement aux autres, Yannick ne connaissait personne à son arrivée dans le milieu, son intégration a donc été longue. Nous avons remarqué selon ses propos, qu'il fallait qu'il passe une sorte d'étape dans la pratique du surf pour enfin être abordé par les autres. Comme si les autres surfeurs avaient observé pendant une longue période le nouveau et, avaient attendu de voir s'il allait résister à la succession d'échecs et ne pas abandonner, avant de faire la démarche de venir le rencontrer. Yannick nous a raconté cela comme si ces autres surfeurs qui sont maintenant ses amis, avaient eu un comportement normal : Enquêté : Ouais bah après, c'est Erwan, un des plus vieux à l'eau avec qui j'ai parlé en premier, avec qui je me suis rapproché, Erwan et Philippe aussi dans les mêmes âges, et puis du coup voilà on a commencé à délirer ensemble quoi, à créer des liens d'amitiés... Donc au bout d'un moment ils m'ont dit « vient surfer avec nous » mais bon pendant 3 ans j'ai dû faire marrer certain ça c'est sûr ! A surfer comme une kiche et après au bout de 3 ans, ils se sont dit, celui-là il en veut quand même donc euh... Enquêteur : ils sont venus te voir ! Tu as trouvé que c'était un peu fermé comme euh ... Enquêté : Fermé euh, après non parce que moi aussi j'étais un peu fermé, de nature réservé donc je n'allais pas forcément, enfin... après c'est de la timidité hein, c'est pour ça que je n'allais pas trop vers eux... 97 Enquêteur : Mais tu penses quand même que même si tu n'aurais pas été comme ça, tu te serais intégré facilement où... Enquêté : Ah oui j'aurais fait l'effort je pense euh ouais je me serais intégré plus vite oui. Il nous a également expliqué que sa timidité a joué sur sa lente intégration mais son discours nous montre qu'il existe vraisemblablement un rituel d'intégration que les personnes qui viennent avec des amis surfeurs déjà intégrés aux groupes ne connaissent pas. Il est vérifiable ici qu'une personne non pratiquante et débutante, venant avec un membre d'un groupe de surfeur, s'intègre plus facilement. Celui qui accompagne le débutant voit son choix respecté par les autres. Yannick semble avoir approuvé le mode d'intégration qu'il a vécu dans ses débuts. Cela cultive d'autant plus ce rituel. En discutant de l'image du surfeur à la télévision, Yannick a totalement réfuté ce qu'elle véhiculait. Il nous a expliqué son agacement vis-à-vis des actions des médiats, qui entrainaient la venue de nombreux touristes. Nous retrouvons l'attachement à ce rituel lorsqu'il parle de ces touristes venus surfer mais ne sachant pas ce qu'est le surf véritablement. Cette révulsion est certainement le résultat d'une comparaison de son expérience à celle des touristes et, l'un des facteurs de la création et l'existence de groupes : Enquêteur : tu es vraiment gêné par cette image qui se dégage du surf ? Enquêté : bah c'est surtout que... Je pense à ma gueule aussi mais c'est que ça ramène beaucoup de monde l'été, bon après c'est, c'est surtout ce n'est pas qu'ils sont gênant au pique, ce n'est pas ce côté prioritaire tout le temps, c'est plutôt dangereux quoi parce que ta plein de monde quoi. Et peut-être il y a quelque chose à travailler sur la sécurité l'été, quand tu as du monde partout, surtout en Bretagne ce n'est pas encore très développé l'école quoi. Encore dans les Landes c'est rangé quoi, peut-être un peu plus. Quand tu as tout le monde mélangé euh, bah c'est bien ça te fais des exercices quand il y a des plots à éviter mais (rires). Mais bon c'est un sport difficile, il faut persévérer ... Je sais très bien que l'hiver on ne sera jamais plus quoi. Après l'été quand t'en a chié l'hivers et que tu te retrouves avec plein de monde que tu ne peux pas vraiment en profiter... tu as le parisien, faut le dire, bon c'est pareil c'est un cliché hein mais le parisien qui tout lui appartient, il a le fric il arrive avec toutes ses planches toutes neuves et puis il vient surfer là deux semaines, le sport est à lui, c'est cliché, ils ne sont pas tous comme ça, mais il y en a ! Où après ta tous les gens qui veulent s'amuser, et qui ne se rendent pas compte que ça peut être dangereux aussi parce que plutôt qu'il y ait une zone pour les débutants, bah ils essaient d'aller au pic et puis, ils se prennent la mousse, ils sont dans la mousse et puis bam on ne les voit même pas nous quand on sort et donc ça, ça c'est un peu dangereux. 98 Antide quant à lui, nous a expliqué que lorsqu'il n'y avait aucune condition avantageuse pour la pratique d'une de ses nombreuses activités, il se rendait quand même au centre nautique pour retrouver les personnes de son groupe social. Une démarche qui cultive là aussi, l'existence de la communauté de pratiquant de sports nautiques : Enquêteur : En fait c'est un peu une échappatoire quoi ? Enquêté : Ouais quand tu as bien travaillé, ça te défoule et t'aime bien quoi. Bah en fait c'est un truc de fou parce que c'est juste tu as envie en fait, tu vois qu'il y a de bonnes conditions tu as envie donc tu y vas et limite quand il n'y a même pas les conditions tu vas au centre nautique juste pour être avec les copains, voir les gens et tout quoi. La réplique précédente de Yannick nous livre des informations liées à l'entrée dans des groupes d'appartenances de surfeurs mais également, de l'acceptation à l'eau de populations non locales. Nous avons vu qu'elles étaient difficilement acceptées par Yannick qui a expliqué craindre le danger, et être un peu contrarié lorsqu'elles arrivaient l'été. Antide ne nous a pas délibérément signifié cela, mais « l'envie de flinguer tous les autres mecs qui sont autour » restitue selon nous un peu de vérités cachées. Malgré la bonne humeur d'Antide et sa sociabilité, on découvre un esprit compétiteur et/ou l'envie d'être parfois moins nombreux à l'eau pour profiter pleinement de la pratique. Benjamin lui, reçoit parfaitement bien la présence d'une population nombreuse à l'eau. Il le prend explicitement comme un jeu : Enquêté : (...)Mais une fois je me suis retrouvé avec beaucoup de monde à l'eau et en fait je l'ai bien pris parce que je me suis retrouvé à faire du slalom et ça m'a fait faire des choses que je n'aurais pas fait forcément, dans le sens où bah tu as des gens qui remontent donc faut les éviter, tu fais de plus grosses manoeuvres en fait, alors que des fois sur la vague tu vas avoir tendance à accélérer vachement, parce que moi je suis quand même un fanatique de vitesse à la base, et en fait tu te rends-compte que quand il y a des gens bah tu te retrouves à, à faire des grands virages et des fois tu te retrouves en parfait synchronisation avec le déferlement de la vague, et en fait j'ai pris énormément de plaisir. Il y avait des gens mais en fait j'ai vu que j'avais un super feeling, j'ai géré la vague comme jamais (...). 99
Deux profils s'offrent à nous en termes d'attachement au territoire. D'un côté, il y a ceux qui restent et préfèrent rester aux alentours de leurs lieux d'habitat pour pratiquer leurs activités sportives. De l'autre côté, il y a ceux qui ne restent pas forcément sur les mêmes lieux pour pratiquer et apprécient de se déplacer vers différents spots en Bretagne. Les surfeurs les moins attachés à leurs territoires d'habitat semblent être ceux ayant relativement moins d'accroche à la dimension naturelle de leurs pratiques. Benjamin aime aller d'un spot à un autre et Antide s'il avait le permis, irait également sur des sports plus éloignés de chez lui. Quentin et Yannick à l'opposé préfèrent nettement rester chez eux et correspondent au profil des surfeurs appréciant autant les sensations de la pratique que les sensations émanent de l'environnement de pratique. D'un côté il y a ceux qui vont se déplacer en fonction de là où se trouvent les meilleures conditions, de l'autre ceux qui préfèrent encore rester sur leurs spots habituels, quitte à avoir de moins bonnes conditions. Sur les périodes de vacances, le constat est différent. Nous avons interrogé nos enquêtés à ce sujet pour savoir si leurs pratiques jouaient un rôle minime ou essentiel dans la sélection de leurs destinations de vacances. En règle générale, nous retrouvons effectivement l'activité sportive additive au quotidien, aussi dans le cadre des vacances. Quentin par exemple est parti récemment en Afrique du Sud avec un ami proche qui ne pratique aucune activité nautique. Leur principale activité lors de ce voyage était de visiter le pays cependant, Quentin a consacré deux jours à sa pratique de surf. Deux jours où, même accompagné de son ami, il a rejoint la côte pour s'offrir des sessions de surf. Quentin est passionné par l'Afrique du Sud, mais nous constatons que sa passion pour le surf est très grande également. L'objet de son voyage n'était tourné prioritairement vers ses pratiques de glisse, toutefois elles étaient véritablement prévues au programme : 100 Enquêteur : On va parler de tes vacances : Parts tu en vacances, si oui ou aimes-tu aller, où es-tu allé la dernière fois ? Et pratiques-tu du surf ou une autre activité sportive durant tes vacances ? Enquêté : Bah là je reviens d'une semaine à Milan ou je n'ai pas surfé mais je me baignais il faisait chaud. J'ai été au ski une semaine en fait, donc j'ai pratiqué le ski. Enquêteur : Tu as un bon niveau ? Enquêté : Euh ouais, j'en fais depuis longtemps en fait. Et j'ai essayé le Snow aussi c'est top. J'ai été en Afrique du sud en janvier aussi, j'ai toujours été attiré par ce pays c'est magnifique puis en plus il y a de pures vagues ! Mais en vrai j'ai surfé que deux jours parce qu'on a passé plus de temps à l'intérieur du pays mais c'était bien cool ! Benjamin en deuxième exemple a visé moins loin sa destination mais s'est pris des vacances dans le département des Landes, spécialement pour pratiquer son sport de passion. Sa pratique a donc complètement joué sur le choix de la destination pour ses vacances : Enquêteur : A quel fréquence tu surfs par semaine on va dire ? Enquêté : Bah en fait ça dépend vraiment des conditions, ça dépend de mon boulot... Je pense que si on fait une moyenne euh, ouais je pense que ça fait presque comme si j'y allais une fois par semaine, je pense. Deux fois par semaine des fois, je ne sais pas, il y a 52 semaines dans une année donc ouais je dois faire une cinquantaine de sessions dans une année. Après ça dépend des périodes, euh voilà peut-être qu'en septembre je vais repartir je vais faire comme l'année dernière, je vais repartir dans le sud-ouest et là bah je vais faire deux sessions ou trois sessions par jour et puis euh ça va durer 1 semaine et puis peut-être qu'après pendant 1 mois, je vais que trois sessions ou quatre sessions enfin, ça dépend vraiment en fait mais ouais c'est au moins 1 session par semaine. Si je moyennais sur l'année ouais. Enfin, tout comme Benjamin, Yannick s'est rendu en Espagne, particulièrement pour pratiquer le surf, il a déclaré avoir été jusqu'à faire 40h de surf pendant 10 jours : Enquêteur : Intéressant tout ça je ne savais pas ! Euh sinon durant les vacances, à quoi ressemble-t-elle déjà si tu en as pris ? Enquêté : euh bah l'été dernier c'est la première fois que je bougeais, euh on a bougé en fourgon en Espagne. Parce que c'est mon fourgon du boulot mais il est aménageable pour l'été. Et donc on a fait pas mal de surf, surtout d'ailleurs mais en même temps profiter. Donc euh toujours fidèle à moi-même j'ai fait du surf à bloque euh, en 10 jours j'ai dû faire 40 heures de sport, et dixième jour, la belle session qu'il y avait, la plus belle, et ben je me suis bloqué le dos. 101
Pendant la pratique, nous avons vu précédemment que l'intérêt premier de nos enquêtés ne portait pas sur les mêmes sensations en lien avec la pratique. Durant nos échanges avec chacun d'entre eux, nous avions perçu une petite différence d'intérêt porté vers la pratique et ce qui l'entoure. Yannick et Quentin ont commencé par parler de la dimension écologique de la pratique, tandis que Benjamin et Antide étaient plus portés sur la dimension anthropologique, celle liée aux sensations éprouvées directement par la glisse et la prise de vague. Nos échanges se sont très vite dirigées vers des questions d'ordres environnementales, car le surf, le body surf et les quelques autres sports nautiques pratiqués par nos interrogés se pratiquent en nature. Les réponses auront montré que tous ont un fort attachement à la nature et à son respect. La différence est que certains attachent énormément d'importance à l'environnement et seraient alors plutôt contre l'arrivée d'une piscine à vague près de chez eux. Yannick et Quentin parlent de valeurs environnementales à transmettre et à respecter : Enquêteur : Et si tu fondes une famille, tu envisagerais une activité en famille, genre retour au catamaran ? Enquêté : Ah si en famille oui plus oui. Bah j'orienterais mon gamin vers les sports nautiques quand même après voilà, s'il n'aime pas il n'aime pas, s'il veut faire du foot, il fera du foot, ça me fais chier mais bon (rires), on verra bien, mais si, si et puis euh, lui donner les mêmes valeurs qu'on a, après si, quelque part tu as envie de lui, pas lui bourrer le crâne et limite qu'il fasse l'inverse quoi. J'espère qu'il aura la fibre, euh les valeurs quoi Enquêteur : C'est quoi l'esprit de surf ? Enquêté : Je ne sais pas, c'est un état d'esprit, une façon de vivre c'est, c'est certes prendre du plaisir à glisser mais euh, c'est aussi un partage avec les autres gens, c'est aussi un partage avec 102 l'environnement, la nature et respecter, enfin ce n'est pas jeter des déchets dans la nature, ce n'est pas engueuler quelqu'un parce qu'il pique ta vague... En ce qui concerne la piscine à vague, l'un est plutôt contre et n'y irait pas forcément. Il prône même ce qu'offre la nature tout simplement : Enquêté : Voilà bon, moi je suis plutôt pour ce que nous apporte la nature et puis ne pas créer des choses dans notre intérêt seulement. Il y a déjà pas mal de possibilités quoi. L'autre ne voit pas ça comme une bonne chose mais s'y rendrait en complément de sa pratique en milieu naturel. Il imagine déjà les aspects négatifs de la piscine à vague : Enquêté : Je n'irais pas jusque-là, mais enfin oui, oui, ce n'est pas dans l'état d'esprit que j'ai du surf mais s'il n'y a pas de conditions, ça ne t'empêche pas d'y aller quand même. Mais par contre, il y a des conditions moyens sur le spot et des conditions parfaites dans la piscine à vague parce qu'elles le seront toujours, et ben je préfère aller quand même à la mer. Et même, enfin, je trouve que tu perds dans le plaisir à avoir toujours la vague parfaite parce que tu sais qu'elle va l'être, que tu n'auras aucun effort à faire. Que tu vas te mettre à tel endroit, la vague elle va se dérouler pour toi... En plus pour moi dans mon imaginaire, la piscine à vague c'est blindé de monde, et puis tu fais la queue... Quand certains attachent beaucoup d'importance à l'environnement de pratique, d'autre le voit comme un plus, quelque chose de jolie à regarder ou pour s'y sentir bien. L'écart d'intéressement est assez faible mais il existe tout de même. Ainsi pour ces autres personnes, la piscine à vague est regardée comme un moyen intéressant d'être plus performant dans sa pratique et, n'imaginent pas l'impact que son installation puisse avoir sur l'environnement. C'est aussi le lieu de bons moments à passer entre amis : Enquêteur : Ah oui, oui c'est clair ! Euh sinon, on n'en a pas parlé du tout mais les sites de pratiques, ça a une importance pour toi ? L'environnement de pratique il est important pour toi ? Enquêté : Euh ouais, il y a des endroits où c'est hyper joli en fait euh, en fait c'est marrant, moi je réagi assez comme ça, c'est qu'il y a des spots où ça me donne envie d'y aller, et il y en a d'autre où ça ne me donne pas du tout envie d'y aller, le minou par exemple, ça ne me donne pas du tout envie d'y aller, ce spot là je ne sais il est, il est... je ne sais pas, je le trouve froid en fait, il n'est pas avenant, comparé aux blancs sablon qui n'est pas loin, un truc super beau tu vois, avec du sable fin partout, donc ça je trouve ça beaucoup plus avenant quoi. La Torche aussi c'est agréable d'y aller 103 aussi je trouve, St-Malo aussi est un super spot, ou tu as une vue imprenable sur les remparts, donc ouais c'est assez important, après le jour où il y a une piscine à vague dans le coin ça ne m'empêchera pas d'y aller, au contraire quoi. Pour essayer, quand il n'y a pas les conditions, pour bosser ma technique. Mais ça ne me fera pas arrêter d'aller dans la mer parce que c'est différent mais Enquêteur : Pour toi l'endroit où tu te trouves à de l'importance aussi ? Le site, le style du paysage etc ? Par exemple si là il y a une piscine à vagues qui se construit, genre tu préfèrerais aller genre euh ... Enquêté : ça dépend aussi de la piscine. Mais si il y a ça tout le monde va vouloir y allé du coup il n'y aura plus personne à l'eau et se sera impeccable (rires) Non mais clairement s'il y a une piscine à vague moi je ne dis pas non hein... en fait la nature c'est comme un plus quoi. Cette dernière question de la piscine à vague nous a réconforté dans notre analyse sur le rapport avec l'environnement de pratique.
L'une des hypothèses de notre enquête était que les pratiquants d'activités nautiques ont tendances à se laisser tenter par d'autres activités nautiques à un moment donné de leurs vies. Ceci s'est vérifié dans nos entretiens de terrain et se vérifie plutôt bien dans nos entretiens semi-directifs. Benjamin nous a confirmé qu'avant le surf, il avait déjà pratiqué du catamaran et qu'à l'avenir, il aimerait essayer le kitesurf : Enquêteur : Tu m'as dit que c'était la voile par contre que tu as déjà fait ? Enquêté : Oui j'ai fait de la voile, du catamaran, j'ai accroché ça par contre, mais après bah ouais j'ai fait de la moto, ça me prenais le week-end la moto, des fois le mercredi donc du coup la voile, je n'avais pas forcément le temps d'en faire... Et voilà ouais c'est uniquement pour des questions de temps. (...) Enquêteur : Tu ne pourrais vraiment pas t'en passer ? Où tu ferais autre chose, un autre sport pour te dépenser si ... En fait quel est ton niveau d'addiction pour reprendre tes mots ? Enquêté : Ouais j'aurais vachement de mal à m'en passer, retrouver un autre sport qui me procure les mêmes sensations, je pense en fait ce n'est pas vraiment facile après je pense que... après c'est un autre sport, c'est beaucoup plus onéreux, ce n'est pas tout à fait la même chose mais faire du kite à 104 mon avis tu peux retrouver un peu la même chose parce que tu peux faire de la vague en kite aussi quoi. J'ai des potes d'enfance qui font du kite depuis quelques années maintenant, qui font aussi un peu de surf et eux ils surfent des vagues mais en kite en fait. Certains font du paddle aussi parce que physiquement ils n'ont pas les conditions physiques pour faire du surf et puis, ils n'ont pas envie de ramer ça leur fait chier enfin bref... Yannick nous a expliqué que lui avait déjà fait également un peu de catamaran et qu'il avait débuté par le body surf. A l'avenir cependant, il aimerait compléter son activité nautique par une autre plutôt terrestre car son attachement à l'environnement équivaut assurément celui à la mer. Nous le savons par son métier notamment. Il explique que de toutes manières, le surf est l'activité qu'il lui convient entièrement : Enquêteur : Tu ne serais pas trop foot, hand ? Enquêté : Foot non, handball à la rigueur j'aimais bien mais euh, je ne suis pas trop sport collectif, je suis plutôt sport où tu es tout seul et où tu peux partager avec 1 ou 2 potes quoi. Sport nature aussi tu vois, vtt tu vas dans les Monts d'Arrés, donc c'est plus sur le vtt que je partirais. Enquêteur : D'accord, donc pas forcément du nautisme encore quoi... Enquêté : Bah non, non, je ne pense pas que je trouverais mieux... Enquêteur : Planche à voile, kite, non... Quentin lui, est en cours de changement, nous avons beaucoup conversé sur son glissement de la pratique du body surf vers la pratique du surf. Désormais, il se met au skate-board. Quentin est très axé vers les sports de glisses qui lui procurent de l'adrénaline. Il est curieux et en recherche constante de sensations, il imagine que le skate pourrait lui en ajouter de nouvelles : Enquêteur : Euh on va y revenir mais avant ça j'ai une autre question, est-ce que tu as une autre pratique régulière, qu'elle soit sportive ou pas hein, mais est-ce que tu as une autre activité de loisir ? Enquêté : Je commence la musique, je commence la basse. Je me mets à la basse et je commence aussi le skate-board. Enquêteur : Le skate parce que c'est un sport de glisse ? Enquêté : Bah ouais ! C'est les sensations aussi quoi. Quand il y a pas de vague je me suis dit que je pouvais me rattraper là-dessus quoi ! 105 Antide pratique plusieurs sports nautiques à la fois. En découvrant au fil des années des nouveaux sports, il a gardé les plus anciennes et continue aujourd'hui de cumuler tous les sports nautiques : Enquêté : (...) Et en fait ce qui est bien le combo planches, speed-sail et surf, c'est que le surf tu fais ça quand c'est vent de sud avec des grosses vagues, la planche tu fais ça quand il y à plus de 15 noeuds de vent de nord pour la planche de vitesse, et du coup quand j'ai le choix entre surfer en surf et surfer en planche, généralement c'est le surf qui l'emporte quoi. Je fais quand même maintenant moins de planche dans les vagues, j'en fais aussi mais moins. c. Lumière sur les particularités d'un monde nautique dans une future démarche touristique Après la présentation de nos résultats, nous allons désormais en tirer une analyse générale dans le but de répondre à nos hypothèses formulées dans notre problématisation de l'enquête. Certaines matières ont été analysées dans la partie 4.1 et nous verrons qu'elles seront définitivement confirmées ici dans cette dernière partie. Tout d'abord, voici sous forme de schéma ce que nous avons déterminé comme étant des dimensions fondatrices d'un monde ou plutôt d'une communauté nautique, au-delà de l'aspect économique du terme : Dimension Communauté Nautique Dimension Ecologique Dimension identitaire Figure 7 Représentation des 3 dimensions d'ordre sociologique de la communauté nautique 106 Il faut noter que ces trois dimensions ne sont pas toujours distinctes l'une de l'autre, au contraire, elles se complètent ou se mélangent souvent. D'autres matières à réflexion ont été élucidées et apportent non pas des contradictions mais de petites nuances à nos théories. Nous y reviendrons en dernier point de notre analyse. La dimension identitaire est très marquée dans la communauté nautique. Nous le savons de par l'observation du partage du temps de travail au temps de loisir. L'activité nautique pour le pratiquant a assurément autant d'importance que l'activité professionnelle qu'il détient. C'est un temps de son quotidien véritablement indispensable et un pilier pour son équilibre vital. Tellement essentiel et dominant que, d'une manière ou d'une autre, l'adepte de ces activités arrive à pratiquer de façon régulière et, admet que sa vie tourne énormément autour de sa pratique. Elle en constitue incontestablement une apparence de son identité et le restera pour toujours. Nous avons dit que par quelques moyens que ce soit, le pratiquant intègre dans sa vie ce qui fait de lui parti intégrante d'un groupe social et sa représentation aux yeux de tous. Trois cas de figure s'offre alors à nous, toujours dans le but de pouvoir pratiquer son sport nautique : ? Exercer un métier libérant du temps pour le loisir/ Exercer un métier offrant la possibilité d'aménager son emploi du temps ? Exercer un métier bien voire très bien rémunéré pour s'offrir le temps et les moyens de pratiquer ? Exercer un métier pouvant lier son expertise à sa passion Nous voyons bien ici que les pratiquants de sports nautiques ont su s'adapter et adapter l'emprise de leurs passions aux contraintes sociétales notamment de posséder et d'exercer une activité professionnelle. Ceci nous amène à parler spécifiquement des surfeurs, pour qui, nous l'avons vu, la pratique est extrêmement prenante dans la vie quotidienne. L'image véhiculée par les médias présente le surfeur comme un être drogué, marginal, reniant la société et vantant la liberté. Un individu blond, bronzé et toujours en maillot de bain. « Pourtant, dans l'imaginaire collectif, l'archétype du surfeur existe, avec ses cheveux longs et blonds, délavés par le soleil et l'iode, ne vivant que pour les vagues, en marge de la société. Un « beach bum », rebelle et marginal, rejetant la société de consommation pour se 107 consacrer à son art. »55 Les surfeurs eux aurait tendance à se comparer un peu comme des « hippies » puisque d'après eux, leur style de vie se rapproche (mais ne correspond pas complètement) de ces communautés. Des individus aux cheveux longs, vivant proche voire très proche de la nature et tournant le dos aux cultures et valeurs de la société. Toutefois, les surfeurs ne se retrouvent absolument pas dans cette configuration. Evidemment, faire du surf et le style de vie qu'ils créent autour invente et forme un groupe social singulier. Mais ils sont l'exemple même des pratiquants de sports nautiques qui ont su faire avec les contraintes et les habitudes de la société car en sus, ils résistent à l'image que la population et les médias leurs attribuent. Nous avons ciblé les pratiques nautiques dans la vie quotidienne mais ne devons pas omettre d'aborder celles durant les temps de vacances. Là où la communauté nautique existe et est particulière, c'est qu'à n'importe quelles périodes de l'année (hiver comme été), ou le week-end et les vacances, les pratiquants suspendent jamais leurs activités sportives. Leurs profils sur leurs territoires d'habitat et celui en vacances et perçu comme identique puisqu'ils ne peuvent se passer de leur activité nautique, celle qui les représente. Indispensable au quotidien, elle est bien entendu indispensable en vacances. Dans les faits, nous voyons bien que la communauté, en particulier en Finistère Nord existe par des opinions et des comportements conscients et approuvés. Parmi cette communauté nautique, les groupes d'appartenances de surfeurs connaissent un rituel bien à eux. Un rituel qui se passe au moment de l'insertion dans le groupe et qui est admis par l'ensemble des pratiquants. Une personne qui commence le surf seul, va devoir patienter et faire ses preuves, avant d'être acceptée des autres. Si elle commence accompagnée d'un pratiquant reconnu du groupe, son intégration est pratiquement déjà faite. Au contraire, si elle débute seule, elle passera un certain nombre d'étapes avant d'être acceptée : ? Une première phase d'observation sur les débuts du nouveau et sur son attitude vis-à-vis des autres (poli ou arrogant par exemple) ? Une deuxième phase d'observation sur la persévérance, l'obstination et la ténacité (ou non) du nouveau. Des échanges de regards : Etape essentielle au rituel d'intégration ? Une troisième et dernière phase : La première approche et le premier échange verbal par de petits conseils de pratique en général 55 Guiltat Sébastien, « Du surfeur rebelle au « waterman » : reflet d'une époque où nouveau type de pratique », researchgate, 2014, p. 3 108 Cette convention informelle qui subsiste dans le monde des surfeurs, cultive l'existence de groupes d'appartenance et de pensées identitaires. Une fois le nouveau intégré au groupe, l'activité devient véritablement un sport de partage comme le montre une parole émise par Garth Murphy un surfeur très averti, lors d'une interview, apparaissant dans le magazine « Sufer's Journal » : « Il y a de l'apprentissage et de l'enseignement. Il y a de l'effort individuel extrême et la reconnaissance des pairs. Il y a de la surveillance et du sauvetage en mer. »56 Dès lors où ces petits groupes de surfeurs se sont formés, l'arrivée de population à l'eau est parfois difficilement accueillie. Les débutants ou les touristes sont par certains surfeurs, repoussés, ce qui renferme d'autant plus sur lui-même, le groupe. Effectivement, nous décelons une opposition et un écart de représentation de l'activité. D'une manière générale, les débutants et touristes se lancent dans la pratique en ayant une image complètement faussée par toutes catégories de médiation (énormément télévisée à l'heure actuelle). Un homme ou une femme bien sculptée, bronzé et qui présente des facilités ou de l'aisance à surfer les premières fois, sous un ciel bleu dans les tropiques. En Bretagne (comme dans d'autres endroits au monde), il n'y a pas de tropique, la pratique du surf c'est toute l'année donc sous la pluie et la tempête parfois, l'apprentissage du surf est long et difficile. Il faut un certain nombre de temps et de session pour commencer à se mettre debout et être à l'aise sur la planche. Nous observons bien un fort décalage entre la réalité de la pratique et l'image que les médiats véhiculent. C'est ce décalage qui entraine certains surfeurs à repousser les touristes et débutants qui se font une fausse image du surf. Le véritable surfeur perçoit sa pratique comme une « épreuve » difficile pour reprendre les mots de l'auteur Bernard Jeu. Nous y reviendrons et développerons le sujet par la suite. Mais, à proprement parlé des pratiquants d'activités nautiques plus globalement, on observe et confirme qu'ils sont entrains à pratiquer plusieurs activités de cette catégorie. Là encore, trois cas de figure sont attestés : ? Une personne pratique une activité nautique et prévoit d'en essayer une ou plusieurs autres ? Une personne a pratiqué une ou plusieurs activités nautiques auparavant et en pratique une particulière à présent ? Une personne pratique actuellement plusieurs activités nautiques à la fois. 56 Récit autobiographique et réflexions par Garth Murphy (août/septembre 2005) « Le surf et le principe de plaisir », Surfer's Journal, Guéthary, p.83 109 Les individus inscrits dans cette communauté nautique sont, et c'est vérifié, depuis l'enfance proche de la mer voir complètement immergés. Ces pratiquants forment leurs groupes par un passé relativement commun, celui d'avoir habité près de la mer, d'avoir eu une rapide appréhension de la mer dès l'enfance et/ou, avoir des parents attachés à ce milieu. Nombreuses symbolisations, croyances et habitudes animent la communauté nautique. Elles entrent toutes dans la dimension anthropologique du monde nautique. Nous l'avons explicité précédemment, la mer pour ces pratiquants de sports nautiques n'est pas un milieu inconnu et sombre. Ils portent une symbolique de l'eau bien à eux. Pour bien comprendre leurs cas, il faut tout d'abord savoir et retenir qu'ils contiennent en eux, une grande addiction à l'eau, à la vague et à leurs pratiques. Nous allons alors partir des résultats et des effets positifs des pratiques, pour remonter aux origines de ces effets. ? L'addition à l'eau, c'est-à-dire, le besoin de la voir, de la sentir puis d'être immergé dans l'eau. Nous l'avons déjà développé dans la partie résultat et analyse des entretiens de terrain. ? L'addiction à la vague, révélée par les surfeurs, c'est-à-dire, le besoin ressentir régulièrement la glisse, la prise de vague, toutes les sensations liées à la vague, sa puissance, son déferlement, sa vitesse etc. Ces deux formes d'addictions partent de la découverte des pratiquants d'un sentiment parfaitement enfoui en eux, qu'ils ont libéré et qu'ils libèrent uniquement lorsqu'ils pratiquent leur activité. Ce sentiment, ce plaisir intériorisé mais exprimé provient en réalité d'une symbolique très ancienne, que prend la mer plus particulièrement. Elle renvoie effectivement à notre naissance puisqu'elle est l'élément primitif, la première au monde. Elle incarne donc la dominance, la reine toute-puissance, la plus grande. Pour les pratiquants affronter la mer et les vagues, se mesurer à sa puissance, se servir d'elle pour son activité physique, c'est un peu comme surmonter la peur génétique de se noyer et prendre le pouvoir. « Donc, elle est puissance des origines et c'est vers elle qu'on va pour se régénérer. Donc elle est origine de la puissance, et c'est vers elle qu'on va acquérir des vertus, des pouvoirs »57 57 Jeu Bernard, « Le sport, l'émotion, l'espace : essai sur la classification des sports et ses rapports avec la pensée mythique », Paris, éditions Vigot, 1977, p.40 110 Améliorer sa pratique, c'est augmenter le plaisir de la pratique. Contrairement à des activités physiques telles que la course à pied, le football et l'escrime, où l'amélioration permet d'augmenter le même plaisir, d'intensifier une même sensation, les pratiquants d'activités physiques nautiques, libèrent davantage de sensations. L'amélioration dans ces pratiques est la découverte de toutes nouvelles sensations. Le perfectionnement c'est l'atteinte de plus en plus près au pouvoir bien gardé par la mer. C'est ce que nous aimons nommer, « l'initiation royale » A l'addiction et l'impatience de se fondre dans l'eau, s'ajoute l'envie et le besoin de se heurter aux vagues. La symbolique « vague » c'est le rapport à ce que Bernard Jeu entend par « épreuve ». De la même façon qu'un surfeur s'aventure dans les vagues, des héros de la mythologie devaient franchir des obstacles dangereux et difficiles en mer, pour rester en vie. Dans ces deux cas, c'est une prise de risque, une volontaire addiction, une épreuve ne recherchant qu'une seule envie, celui de retrouver une liberté, un retour aux sources. Ce n'est pas pour rien que bien souvent, les activités nautiques se pratiquent librement sans aucun encadrement ou intermédiaire. Le surf par exemple se pratique depuis des siècles et des siècles mais connait que depuis peu l'ouverture de club et d'association. La planche à voile en deuxième exemple est, il est vrai organisée par une fédération, toutefois, il n'est pas rare que ses pratiquants prennent des cours dans l'objectif de pratiquer librement et individuellement plus tard. La mer, les sensations éprouvées sur une vague, les sentiments ressentis tout au long d'une pratique nautique sont en fait l'objet d'une recherche de liberté. Nous citons une nouvelle fois Bernard Jeu qui résume très bien nos propos : « Mais il ne s'agit pas seulement de se fondre dans la nature. Retour aux origines, fuite d'une civilisation pesante, (...) le besoin de s'affirmer de façon immédiate au contact réel, la volonté d'instaurer un affrontement direct avec les choses, donc plus qu'un retour à la nature, un retour possessif sur la nature. »58 Nous retrouvons dans cette citation la notion de « l'ilinx » dans le sens où, le pratiquant, et nous l'avons amplement compris et vérifier chez les surfeurs, ne pratique pas pour atteindre quelque chose mais pour ressentir à l'instant présent, le plaisir et les bonnes sensations liés à l'environnement et la pratique. Vivre à la fois l'émotion et l'espace. La prise de risque, les sensations de vertige, d'élévation et d'engloutissement dans l'eau, tout est vécu par le surfeur entièrement dans le présent, « dans l'immédiateté de l'instant »59 58 S. Guiltat, Ibid., p37. 59 Bruno Christophe « Quelle place pour l'homme sur l'échiquier de Callois ? », Littératures, 68 | 2013, 127-140. 111 Durant la pratique, finalement, la symbolique du temps n'est absolument pas la même que celle constatée dans la société. Raymond Bénévent écrit dans son article de « l'Idéologie de l'immédiateté » : « Et quand la pression du temps de travail engendrera la demande sociale du loisir, c'est à la fois le temps dédié et le temps libre qui se retrouveront à l'ombre du « plus tôt » et du « plus vite » de l'immédiateté.»60 L'auteur démontre qu'en fait, notre civilisation cherche depuis des millénaires à combattre le temps puisqu'il est perçu comme celui qui fait disparaitre la vie. La vie des citoyens tourne autour du fait de faire les choses toujours plus vite, pour pouvoir vivre plus de choses, et cela concernerait même le temps destiné aux loisirs. L'idéologie de l'immédiateté ne semble pas être la même pour les surfeurs pendant toute la durée où il pratique. Pour eux, une fois rendu à l'eau, le temps vécu est réellement et exclusivement le présent. C'est presque même une intemporalité, une suspension du temps. Bernard Jeu, nous l'avons dit, cite « la fuite de la civilisation pesante ». Cette recherche de faire tout et tout plus vite semble être complètement éloigné des surfeurs qui, arrivés à l'eau sur leurs planches, ne pensent plus qu'à vivre le moment présent et sans intermédiaire sociaux. Ajoutons également que, ce fantasme d'instantanéité est absolument non envisageable chez les pratiquants d'activités nautiques qui ne peuvent commander la nature pour se permettre l'ouverture d'une séance de sport. La nature est plus que présente, elle est dominatrice des sports nautiques. Toute la dimension anthropologique, que nous avons exposé est indissociable d'une dimension écologique que nous allons vous divulguer. Rappelons-nous que par écologique, nous cherchons à mettre en avant tous les aspects d'écologisation des pratiques nautiques. Dans les années 80, Christian Pociello perçoit déjà l'arrivée de ce modèle de pratique sportive et propose un classement pour le distinguer des autres déjà existants61. D'après l'auteur, trois modèles différents existent : 60 Bénévent Raymond, « L'idéologie de l'immédiateté », La lettre de l'enfance et de l'adolescence 2003/3 (no 53), p. 13 61Pociello Christian, « Les tendances d'évolution des pratiques de loisirs sportifs. Essai de construction d'un modèle d'analyse prospective », Revue Mappemonde, Espaces du sport Monptellier, éd. Reclus, 1989 112 ? le modèle compétitif (très structuré autour de fédération, très « spectacularisé ») ? le modèle qualifié « d'aventureux » ou de » catastrophique (il s'agit d'une accumulation d'exploits individuels sportifs risqués et médiatisés) ? le modèle « participatif » et « hédoniste ». Ce dernier se caractérise par des pratiques libres et autonomes, ludiques et récréatives. Ce sont des pratiques « anticompétitives » et conviviales s'organisant sur des structures à faibles contraintes. »62 Parmi ces trois formes de pratique, nous retrouvons plus les pratiques nautiques et le surf dans la dernière catégorie. Expliquant que l'émergence dans les trente dernières années de compétitions sportives plus accessibles pour tous, a apporté un nouveau regard sur les pratiques sportives: « Ces compétitions d'un nouveau genre contribuent à faire des activités physiques et sportives non plus seulement des activités apolliniennes régies par l'effort et l'exploit, partage d'agôn (Caillois, 1958 : 50) et d'aléa (Caillois, op. cit. : 55), mais des activités dionysiaques dans lesquelles, le plaisir domine tout (...) Ci-après, une figure issu également de l'article précédemment référencé de Christian Pociello, présente et délimite bien les trois modèles précédemment cités. Nous pouvons apercevoir que le surf et la planche à voile par exemple, se situe dans le modèle de pratiques sportives participatif et hédoniste. Elles se montrent être des activités écologiques, où sont légitimées leurs significations symboliques. 62 Bodin D, Javerlhiac S, Héas S, et Robène L, « De l'émergence des stations balnéaires au tourisme sportif : Le mélange des genres à la lueur de l'exemple de la région Bretagne en France » In Téoros , Presse Universitaire du Québec, 2009, p. 30 113 Figure 8 Le système des sports - Revue Mappemonde 1989 La signification symbolique écologique prime effectivement dans les pratiques sportives nautiques et notamment le surf. D'un point de vue anthropologique, nous avons présenté le rapport à l'eau et la mer de ces pratiquants comme tel : Un élément puissant et difficile où ils se rendent volontiers pour se renforcer et se revitaliser. D'un point de vue écologique, la mer se symbolise ainsi : un élément indiscutablement et intégralement naturel où ils se rendent fréquemment et de bon coeur pour se « naturaliser » si nous pouvons nous permettre de dire. Un milieu naturel où ils se plongent pour retrouver la vraie nature de l'homme, composée et entourée de matières naturelles. « L'activité libre de plein air permettrait de se retrouver face à face avec la matière, sans intermédiaires sociaux trop apparents, donc de se retrouver avec 114 soi-même »63 Cette forme de pratique, c'est d'une certaine manière, un éloignement des intermédiaires sociaux, de tout ce qui pourrait faire oublier à l'homme ce qu'il est par ses origines. Elle représente une solution pour oublier en l'espace de quelques heures, le stress du quotidien, le stress du travail, la poursuite de la performance, de l'efficacité, la poursuite du temps, le « tout en temps réel », l'innovation, la « technologisation » etc. Non un rejet de la civilisation et des évolutions concernant la société mais une mise à l'écart, un abandon momentané de ces oppressions sociales pour renouer avec la matière naturelle. Les pratiquants de sport de nature nautique investissent activement la mer, ce qui créé une relation intrinsèque, à part et dénué de toutes pensées quotidiennes entre la personne et le milieu, le temps d'une session. C'est sous ce regard et sous ses aspirations que précisément, les surfeurs pratiquent cette activité qui ne demande que très peu de moyens financiers et matériels. L'objectif de leur pratique est d'évoluer dans un environnement naturel et profiter de son énergie naturelle. Ceci avec le moins possible d'intermédiaires techniques (planche de surf et combinaison) pour mieux ressentir la nature de leur site de pratique. Les pratiques nautiques utilisent énormément les éléments naturels pour évoluer, le surf a toutefois l'avantage supplémentaire de demander moins d'équipement. Les surfeurs admettent clairement que c'est pour cette raison notamment qu'ils ont choisi ce sport. Pour les surfeurs finistériens, la combinaison et les chaussons sont indispensables l'hiver comme l'été. C'est une contrainte qu'ils seraient heureux de faire disparaître pour davantage sentir l'eau glisser sur et sous eux. Le rapport entre la nature et les pratiquants d'activités nautiques, l'écologisation de ses activités se situe de façons différentes, aussi bien avant, pendant et après la pratique. Avant le son déploiement il y a déjà une connexion avec la nature et la mer. Avant de se rendre sur le spot, les pratiquants se remémorent des souvenirs qui les rattachent déjà à l'espace naturel habité durant l'activité. Ce sont les sensations d'être dans la mer ou sur la mer, les sensations du vent, de la pluie ou du soleil, les sensations de la mise en relation des éléments naturels et de l'activité sportive, toutes ses mémorisations sensitives qui les rattachent à la nature. Pendant la pratique, nous l'avons dit, ce ne sont plus les souvenirs mais le présent même, où l'intemporalité provoqué par l'activité, par l'immersion dans le milieu, que le rapport et la 63 Jeu Bernard, « Le sport, l'émotion, l'espace : essai sur la classification des sports et ses rapports avec la pensée mythique », Paris, éditions Vigot, 1977, p.37 115 relation se créée. Juste après la pratique, ce sont les sensibilités corporelles, c'est-à-dire les douleurs de l'effort comme le bien-être et l'apaisement, qui rappellent aux pratiquants le lien avec l'élément brut du monde, et qui leurs font encore oublier le superflu, les intermédiaires sociaux que la société a inventé. Les surfeurs le disent, ce qui est appréciable dans leurs activités de loisir, ce sont les contraintes naturelles que la nature elle-même leurs imposent. Etre tributaire de la nature, devoir s'y ajuster ajoute une naturalité certaine dans le loisir. C'est effectivement la même constatation pour tous les sports nautiques de nature. Faire avec les vents, les marées, les bancs de sable, la houle, nous retrouvons cette dépendance uniquement dans les pratiques nautiques. Le footballeur en bonne comparaison, ne voit que très rarement un entrainement s'interrompre ou s'annuler pour des causes naturelles. Il a cours régulièrement toutes les semaines sans interruption. Pour un planchiste ou voileux par exemple l'annulation et le report d'une séance est réellement courante puisqu'aucun sport ne dépend autant d'une combinaison d'aspect naturel que les activités nautiques pour s'appliquer. Pour terminer sur toute la représentation de la pratique à titre écologique, voici une citation de Garth Murphy de nouveau, expliquant joliment ce que nous avons cherché à expliquer : « (...) Il y a de la pureté : immersion dans l'eau minérale d'une des plus belles sources chaudes du monde. Il y a des périodes de calme et d'échauffement, de bains de soleil, d'absorption de vitamine D et de séduction. (...) Il y a la compréhension et l'utilisation de la géologie, la géographie, l'astronomie, et la météorologie pour prédire, trouver et surfer des vagues en toute sécurité. Il y a le contact avec les poissons, la reconnaissance de toutes les créatures marines. »64 Les observations dans le milieu du surf et des pratiques nautiques représentent parfaitement la théorie que défend Jean Corneloup sur l'émergence d'une société trans-moderne avec une spiritualité écologique entre autres. Il y maintenant, une « envie de « fusionner » avec les choses via la production d'un écoumène (Berque, 2000) qui lit fortement l'individu avec ses milieux de vie. »65 L'écoumène désigne la relation de l'humain à son milieu ici, sensible et concrète, symbolique et technique. 64 Récit autobiographique et réflexions par Garth Murphy (août/septembre 2005) « Le surf et le principe de plaisir », Surfer's Journal, Guéthary, p.83 65 Corneloup Jean, « La forme transmoderne des pratiques récréatives de nature », Développement durable et territoires, Vol. 2, n° 3, Décembre 2011, mis en ligne le 04 décembre 2011, consulté le 26 avril 2016. URL : http://developpementdurable.revue.org/9107 116 Pour finir, nous souhaitons évoqué un dernier point ne contredisant pas nos hypothèses et le fait réel qu'il existe, au-delà de l'aspect organisationnel et économique, un monde et une communauté nautique, mais révélant des nuances d'ordres comportementalistes et d'opinions des surfeurs en particuliers. Nos rencontres, nos réflexions à leurs sujets et la mise en commun de nos données empiriques, nous a dessiné deux profils de surfeurs : ? Il y a le surfeur porté exclusivement sur les sensations de glisse et de prise de vague. On le reconnait par différents critères : il est porté par un esprit compétitif, il trouve intéressant l'idée de la piscine à vague, changer souvent de spot ne le dérange que très peu, et l'espace de pratique d'un point de vue environnemental et naturel est seulement un plus pour bonifier sa session. ? Il y a le surfeur porté sur les sensations de glisse et de prise de vague mais également sur les sensations procurées du fait d'être dans un environnement naturel. Il ne s'agit pas là d'une chose accessoire mais véritablement une fusion avec l'espace de pratique. On le reconnait par différents critères : Il n'a pas un esprit compétitif, l'idée de la piscine ne l'intéresse pas ou vraiment très peu, il préfère rester sur ses spots habituels près de chez lui car il possède un attachement particulier à son territoire de pratique. Dans les deux cas présenté, il y a tout de même toutes les dimensions écologique, anthropologique et de représentation mais que nous retrouvons plus ou moins fort dans un cas que dans l'autre. L'ensemble de notre recherche sociologique sur les pratiques et les pratiquants de sports nautiques nous montre bien à quel point le monde sportif du nautisme présente des caractéristiques bien à lui. Son introduction dans le monde du tourisme en a été tout aussi spéciale, d'un territoire à un autre. Ainsi, rappelons notre dernier questionnement de notre objet d'enquête, rapprochant le nautisme et le tourisme : Comment le nautisme peut-il faire émerger une nouvelle forme de tourisme jeune ? Notre chapitre 5 traitera ce sujet en s'inspirant naturellement, de tous les résultats obtenus durant nos cinq mois d'investissement. 117 |
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