La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Aïcha Ndiaye Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017 |
2- Des critères anciens à peine respectés :C'est le Conseil des Ministres de l'U.E.M.O.A qui, chaque année, déterminait les critères de convergence conformément aux exigences du traité constitutif. Et ces critères ne valaient que pour l'année suivant celle pendant laquelle ils ont été fixés. Le 08 Décembre 1999, a été finalement adopté l'Acte Additionnel portant P.C.S.C.S entre les Etats membres de l'U.E.M.O.A33(*). Pour la C.E.M.A.C, c'est la B.E.A.C qui se chargeait de mettre en oeuvre la S.M. C'est en 2001 que cette mission a été confiée à la Commission. Et la directive n°01/01/UEAC-094-CM-06 du 03 Août 2001 avait fixé les critères et indicateurs macro-économiques de la S.M. Les critères de la C.E.M.A.C étaient identiques à ceux de premier rang de l'UEMOA. Parmi les quatre critères, trois se rapportaient à la dette : - Le ratio du solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal qui doit être supérieur ou égal à 0 - Le ratio de l'encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal qui ne doit pas excéder 70% - Les arriérés de paiement : · Arriérés de paiement intérieurs : nonaccumulation d'arriérés sur la gestion de la période courante ; · Arriérés de paiement extérieurs : nonaccumulation d'arriérés sur la gestion de la période courante. Un quatrième critère se rapportant à l'inflation a été posé : le taux d'inflation ne doit pas dépasser 3%. Rappelons que les critères de la C.E.M.A.C étaient prévus aux articles 2 à 5 de la directive du 03 Août 2001 et ceux de premier rang de l'U.E.M.O.A étaient énumérés à l'article 18 du P.C.S.C.S de 1999. De multiples critiques ont été formulées vis-à-vis de ces critères34(*). Pour le solde de base, il a été reproché son mode de calcul. En effet, il est calculé en faisant la différence entre les recettes hors dons et les dépenses totales hors investissements financés par des ressources extérieures. L'effet produit par une telle exigence est l'encouragement à la recherche de ressources extérieures vu qu'elles ne sont pas comptabilisées dans le calcul du solde budgétaire. Il ne prend donc pas en compte les dimensions de l'inflation. En même temps, il n'englobe pas les risques de diminution des ressources nationales des Etats. Enfin, le fait qu'il doive être nul ou positif ne laisse pas de marge de manoeuvre aux Etats d'exercer une politique contra cyclique lorsque la conjoncture l'exige. Concernant l'endettement, le problème de son respect ne s'est pas réellement posé vu que les Etats ont pu bénéficier des initiatives d'allègement de leurs dettes. Ce qui leur a permis, rappelons-le, de recouvrer la soutenabilité de leurs finances publiques. Mais, il manque un indicateur capable de renseigner sur le rythme de l'endettement. Quant aux arriérés de paiement, ils sont peu respectés dans la mesure où les Etats, ayant bénéficié d'allègements de leurs dettes, ne se soucient pas trop de leur situation d'endettement. Cette critique concerne surtout les Etats de la C.E.M.A.C. Les dettes sont cumulées d'année en année sans tenir compte des exigences de la convergence. En plus, ce critère n'informe pas sur les conditions financières d'emprunt encore moins sur les affectations qui sont faites de ces emprunts. Enfin, le fait que l'U.E.M.O.A et la C.E.M.A.C utilisent les mêmes indicateurs ne pouvaient être valablement justifiées dans la mesure où les Etats membres des deux unions n'ont pas les mêmes spécificités macroéconomiques. Dès lors, les critères étaient en déphasage avec les réalités étatiques. Ce qui accentue encore plus la difficulté de leur respect et remet en cause leur pertinence. Des critères qui ne prennent pas en compte l'hétérogénéité des situations des Etats sont voués à l'inapplicabilité. Faute de solution, le concept même de « respect du pacte » a été revu. Il a été assoupli et dès lors qu' « une masse critique des Etats membres » (quatre au minimum) 35(*) respectent les critères de premier rang et que la somme de leurs PIB est au moins égale à 65% de celui de l'UEMOA, alors on considère que le pacte a été respecté De même, depuis que la convergence a été fixée en 2002, l'U.E.M.O.A l'a repoussée en 2005, puis en 2008, enfin en 2013 avant d'adopter finalement un nouveau P.C.S.C.S en 2015. Pour la C.E.M.A.C l'horizon de convergence qui était fixé à 2004 a été repoussé parce que la Centrafrique, l'unique pays non pétrolifère, n'a pas su respecter les critères relatifs à l'endettement. Une telle situation ne pouvait perdurer. C'est pourquoi, des réunions et des séances de travaux ont été organisées successivement par l'U.E.M.O.A et la C.E.M.A.C. Ce qui a abouti à la révision des critères de S.M. B- A l'application de nouveaux critères désormais distincts : A partir de 2015, beaucoup de choses ont changé. L'U.E.M.O.A a révisé son P.C.S.C.S et la C.E.M.A.C a revu son dispositif de S.M. « Préserver le niveau du plafond d'endettement en veillant à la qualité et à la soutenabilité de la dette publique (...)»36(*) a été une préoccupation majeure durant les séances de refonte des critères. Dès lors, avec l'appui d'institutions sur le développement, les deux organisations ont pu réfléchir sur la pertinence des anciens critères de convergence et en adopter de nouveaux. Désormais, les Etats de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C ne sont plus soumis aux mêmes critères de convergence. De même, certaines exigences et méthodes de calcul ont changé. Comparaison des nouveaux critères de surveillance multilatérale de la C.E.M.A.C et de l'U.E.M.O.A
Source : Auteur à partir des données de la C.E.M.A.C et de l'.U.E.M.O.A Trois remarques ressortent de ce tableau : La première c'est que maintenant c'est le solde budgétaire global qui est utilisé pour l'U.E.M.OA. Il a remplacé le solde budgétaire de base qui présentait des inconvénients. Le solde budgétaire de base est le résultat de la différence entre les recettes totales hors dons extérieurs et la somme des dépenses courantes et des dépenses d'investissement sur des ressources intérieures. Les investissements sur ressources extérieures n'étaient donc pas pris en compte. L'idée était de pousser les Etats à avoir un excédent primaire pouvant leur permettre de prendre en charge les intérêts de la dette sans recourir à un nouvel emprunt. Mais, il a produit un effet revers car comme les investissements sur ressources externes n'étaient pas pris en compte dans le calcul du solde, les Etats y recouraient sans restriction. D'ailleurs, il n'encourageait même pas le développement d'un marché régional. Et puis, mieux vaut que les Etats empruntent pour financer des investissements que des dépenses courantes. Pour la C.E.M.A.C, c'est le solde de référence qui sera utilisé. Il permet de prévoir une règle d'épargne. En effet, cinq des Etats membres sont producteurs de pétrole. Le pétrole représente 81% des exportations de la région et 54% des recettes budgétaires37(*). Cette forte dépendance expose les Etats à des risques du fait de la volatilité des ressources provenant du pétrole. L'épargne permettra de faire face aux difficultés financières lorsque le prix du pétrole baisse. La deuxième porte sur le fait que les deux Unions ont revu la norme relative au solde budgétaire. Celui-ci devait être positif ou nul. Mais il se trouve que ce critère était contraignant. Il ne permettait pas aux Etats d'avoir une marge de manoeuvre en matière de politique budgétaire. La C.E.M.A.C fixe maintenant le taux du critère du solde budgétaire à -1,5%. L'objectif est de tenir compte de la situation particulière de la République Centrafricaine. Celle-ci constitue le seul Etat membre qui n'est pas pétrolifère. Donc, on ne peut lui permettre de connaitre des déficits importants. De même, comme les ressources pétrolières sont volatiles, la prudence voudrait qu'une marge moindre de déficit soit accordée aux Etats. Pour l'U.E.M.O.A, le résultat du solde peut aller jusqu'à -3%. Les Etats sont certes exposés aux chocs extérieurs, mais pas dans les mêmes proportions que ceux de la C.E.M.A.C. La troisième remarque est relative à l'absence d'arriérés intérieurs et extérieurs. Ce critère a été supprimé par l'U.E.M.O.A. Il est, en effet, largement respecté par les Etats et ne constitue donc pas pour l'U.E.M.O.A un problème ponctuel. Le rythme de l'endettement doit être bridé au risque de se retrouver à la situation d'avant I.P.P.T.E et I.A.D.M. L'attention est peu portée sur ce paramètre car les Etats ne se sentent pas exposés. Dans le rapport sur le dispositif de S.M de la C.E.M.A.C, la FERDI avait proposé de poser une exigence d'apurement les arriérés. Mais visiblement, la proposition n'a pas été retenue. Le souci de prendre en considération les particularités de la zone a été à la source de ce décalage qu'il y a maintenant entre les critères utilisés au sein des deux unions. Les critères définis, les organes chargés de la S.M doivent être connus. * 33 Acte additionnel N° 04/99 portant Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité entre les États membres de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (PCSCS). * 34Samuel GUERINEAU, Sylviane Guillaumont JEANNENEY et Florian LEON, Viabilité budgétaire et renforcement du dispositif de surveillance multilatérale au sein de la CEMAC, FERDI, 15 Juillet 2015, p.8 et s. * 35 C'est le règlement N°10/2007/CM/UEMOA qui a déterminé ce qu'il faut entendre par « masse critique ». * 36 18ème session ordinaire de la CCEG, « Déclaration de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement », Cotonou, 19 Janvier 2015 * 37 Rapport du Fonds Monétaire International (FMI), « Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale », juillet 2015, p.10 |
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