La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Aïcha Ndiaye Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017 |
Section 2 : Des cadres communautaires dépourvus de modèles propres :Dépourvues de modèles, l'UEMOA et la CEMAC ont tendance à axer leurs interventions sur le mimétisme (paragraphe 1). En même temps, il est légitime que les bailleurs de fonds puissent être en mesure d'exiger une assurance dans la gestion des prêts qu'ils octroient aux Etats. Et dans ce cas de figures, ils prennent des mesures et en exigent l'application (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Des dispositifs communautaires axés sur le mimétisme :A défaut de modèles authentiques, l'U.E.M.O.A et la C.E.M.A.C reproduisent d'une manière mécanique les pratiques extérieures (A). De même, la coordination entre les instances communautaires et les Etats devrait être renforcée (B). A- La reproduction mécanique de modèles importés :L'U.E.M.O.A et la C.E.M.A.C sont dépourvues d'un modèle propre à chacune.Les organisations portent en elles-mêmes les difficultés d'internalisation de leurs règles par les Etats membres. C'est pourquoi les règles communautaires sont incessamment révisées et cela ne manque pas de se répercuter sur les Etats. Nous avions souligné tantôt l'exemple du Togo qui n'a commencé à appliquer les premières directives budgétaires et comptables de l'UEMOA qu'en 2008. Un an plus tard, l'UEMOA adopte de nouvelles directives qui comportent des changements radicaux (passage de la logique de moyens à la logique de résultats). Le pays sera donc obligé, une fois de plus, de modifier son cadre juridique et institutionnel. Et cela nécessite du temps, des fonds et une formation adéquate. C'est le manque de modèles qui fait que les Unions modifient sans cesse leurs dispositifs. Elles valsent et l'absence d'une stabilité institutionnelle se répercute sur les Etats. Déjà, dans un article, un auteur113(*) a constaté que les directives peuvent même être en contradiction avec les pratiques des Etats, non pas parce que ceux-ci violent les dispositifs communautaires mais tout simplement du fait que les organisations communautaires ne prennent pas les bonnes décisions de réformes. Il a donné l'exemple de la première directive de l'U.E.M.O.A sur les lois de finances114(*). Celle-ci s'était fortement inspirée de l'ordonnance du 02 janvier 1959 de la France portant loi organique relative aux lois de finances. Avant même la naissance de l'U.E.M.O.A, nombre d'Etats s'étaient inspirés de cette ordonnance. Mais cela pouvait se comprendre parce que les instruments nationaux qui existaient dans les Etats avant l'Union économique étaient très anciens. Les Etats venaient d'accéder à l'indépendance et il leur fallait combler le vide juridique auquel ils faisaient face. Par contre, ce qui ne peut pas être expliqué c'est le fait que l'U.E.M.O.A ait « harmonisé le mimétisme » au sein des Etats membres au moment où en France des études et travaux sont menés pour abroger l'ordonnance et mettre en place un dispositif moderne, plus compatible avec la nouvelle gestion publique. L'U.E.M.O.A a donc introduit la logique de gestion axée sur les moyens alors que depuis les années 90, on est en train de réfléchir sur comment évaluer les résultats de l'action publique. La directive est devenue doncune contrainte importante pour certains Etats de l'UEMOA qui avaient commencé à expérimenter la gestion axée sur les résultats. Les 26 et 27 septembre 2006 à Ouagadougou, des experts du Burkina Faso, du Bénin et du Mali, avec l'appui de la coopération allemande pour le développement, se sont regroupés dans le cadre d'un atelier sous régional dans le but d'évaluer l'ensemble des contraintes que pouvaient présenter les instruments communautaires. Quant à la C.E.M.A.C, elle se réfère à l'U.E.M.O.A. C'est pourquoi, les premières directives qu'elle a adoptées en 2008 n'ont pas été viables. Elles ont reproduit les mêmes erreurs. Elles n'ont même pas connu un début d'application. Elles ont donc été rapidement modifiées en 2011. Si l'U.E.M.O.A et la C.E.M.A.Cs'attachent autant au modèle français c'est parce que « dans la plupart des analyses, la recherche des adaptations et améliorations possibles se trouve sous-tendue (...) par la référence implicite et l'adhésion au modèle français, avec la conviction que les dysfonctionnements constatés dans les pays de la zone trouvent leur cause dans les écarts ou déviations par rapport à ce modèle non pas dans l'inadaptation de ce dernier à la réalité africaine. »115(*) Il n'est pas prohibé de s'inspirer des pratiques extérieures. Mais un modèle importé ne peut être greffé tel quel dans un système. Il faut qu'il soit remodelé et façonné en fonction des réalités des Etats. Au cas contraire, il est voué à l'inapplicabilité. Ce décalage entre les dispositifs communautaires et les réalités culturelles des Etats encouragent la naissance de pratiques qui dérogent aux règles générales. * 113 DA Dakor, op.cit., p.8 * 114Directive 05/97/CM-UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux lois de finances * 115 « La gestion de la dépense publique dans les pays de l'Afrique subsaharienne », op.cit., p.202 |
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