La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Aïcha Ndiaye Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017 |
B- Une comptabilité moderne assortie d'un contrôle efficace des comptes publics :« La comptabilité, les comptes publics, sont la trace de l'usage des deniers publics. Ils en sont la pièce justificative, que les juridictions financières épluchent sans relâche pour apprécier la performance, c'est-à-dire l'efficacité et l'efficience, de la gestion publique »82(*). Le corollaire de la modernisation de la comptabilité est la certification des comptes. La certification des comptes permet à une institution indépendante de l'administration de s'assurer que les comptes publics sont conformes aux normes comptables et sont sincères. L'importance d'une certification dans les pays de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C est de s'assurer que les crédits ont été utilisés tels qu'ils ont été autorisés par le Parlement. En effet, l'idée de ne plus permettre à la classe politique de maintenir une mauvaise gestion afin de pouvoir utiliser les deniers publics à des fins personnels et en toute impunité a été posée dès 1994 par l'U.E.M.O.A et en 1995 par la C.E.M.A.C. Le contrôle va, donc, au-delà des comptables publics pour certains pays83(*). Une mauvaise gestion grève le budget et pousse à emprunter inutilement. C'est pourquoi certains ordonnateurs peuvent être jugés pour faute de gestion. Cette tâche de contrôle est généralement confiée à ce qu'on appelle une Institution Supérieure de Contrôle (ISC). Dans la plus part des Etats, elle porte le nom de Cour des Comptes (CDC). L'article 68 du Traité constitutif de l'U.E.M.O.A de 1994 prévoit que, pour garantir la transparence, les comptes publics doivent être contrôlés soit par la Cour des Comptes de l'Union soit par une Cour des Comptes nationale. Le but est « d'assurer la fiabilité des données budgétaires nécessaires à l'organisation de la surveillance multilatérale des politiques budgétaires ».Ce moment a été marqué en Afrique par la transition démocratique et le voeu de rendre la gouvernance publique plus conforme aux exigences internationales. Les nécessités de la création d'une CDC ont été rappelées par l'article 58 de la directive n°05/97 relative aux lois de finances ; à défaut c'est la CDC de l'Union qui interviendra sur demande des Etats. Mais beaucoupont préféré créé une CDC (ou élargir les compétences de la chambre des comptes de la Cour Suprême) que de recourir à celle de l'Union. Les velléités de souveraineté ont été plus fortes. Auparavant, beaucoup d'Etats avaient une chambre des comptes au sein de leur cour suprême qui effectuait un contrôle des comptes mais sans rigueur84(*). Ces chambres ne remplissaient pas les conditions d'indépendance prévues par la Déclaration de Lima de 1977.85(*) Dès 2003, le Sénégal, le Burkina Faso et la Guinée Bissau créent et installent une CDC nationale.Le Mali n'a toujours pas encore une CDC. C'est la section des comptes de la Cour Suprême qui effectue le contrôle de gestion. Le Mali a, depuis les premières directives, rencontré des problèmes institutionnels pour créer une CDC.86(*)Malgré cela, la section est en train d'apurer les comptes de 1960 à 2008 pour les mettre à jour. En même temps, elle apure chaque année les comptes de l'Etat.87(*) Les missions de ces institutions ont été élargies à la certification des comptes. Ainsi, la chambre des comptes de la Côte d'Ivoire, bien que devant être transformée en CDC88(*), effectue, à titre transitoire, la certification des comptes de l'Etat. Depuis 2010, le Niger s'est doté d'une CDC. La création de CDC est intervenue plus tard au sein des Etats de la C.E.M.A.C à quelques exceptions près89(*). Le traité instituant la C.E.M.A.C n'avait pas prévu la création d'une CDC communautaire. C'est la Cour de justice qui avait en son sein une chambre des comptes et qui se chargeait du contrôle. Néanmoins, le traité de l'UEAC de 1995 avait prévu la création de CDC nationales par les Etats. Ce qui n'a pas produit un grand effet. La première directive de 2008 sur les lois de finances, bien que non appliquée, l'a rappelé. Et l'article 72 de la Directive n°01/11-UEAC-190-CM-22 relative aux lois des Finances est revenu sur la question90(*). La CDC nationale doit renforcer le contrôle parlementaire. Sa mission d'antan auprès du Parlement se limitait à la rédaction d'une déclaration générale de conformité des comptes et d'un rapport sur l'exécution des lois de finances qui devaient accompagner par le projet de loi de règlement. Avec la dernière génération de directives, elle se voit reconnaître le pouvoir de certifier la régularité, la sincérité et la conformité des états. Elle peut même donner son avis sur la qualité de la gestion des finances publiques.91(*) La constitution camerounaise de 1996 reconnait à la chambre des comptes de la cour suprême la compétence de contrôler les comptes publics. C'est elle qui joue le rôle de CDC. Un décret, n°2013/16 du 15 mai 2013, a été adopté conformément à la directive de la C.E.M.A.C sur la comptabilité publique. Il élargit les compétences de la chambre des comptes camerounaise à la certification des comptes92(*). La chambre des comptes a donc rendu public son premier rapport de certification en 2014. Il portait sur l'exercice 2013 et ce n'était qu'une première expérimentation. La chambre a déduit que « le compte général de l'Etat de l'exercice 2012, tel que produit, ne se prête pas à la certification ».93(*) Ceci est dû au fait que la comptabilité de l'Etat fonctionne toujours sur la base de la comptabilité de caisse et qu'il existe de nombreux écarts entre recettes et dépenses des caisses d'affectation spéciale qui n'étaient pas justifiées. Bref, beaucoup de cours et chambres ont commencé à expérimenterla nouvelle mission de certification. Mais l'exercice est rendu difficile du fait que les Etats n'ont pas encore complétement basculé dans le système de comptabilité générale. La mise en oeuvre des réformes est de grande envergure et nécessite donc du temps, des moyens financiers et humains suffisants. Il est clair que les réformes, si elles sont correctement mises en oeuvre, permettront d'assainir les finances publiques et de baisser le niveau d'endettement avec l'élimination des dépenses inutiles. Toutefois, les Etats de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C peinent à suivre le rythme de la nouvelle gouvernance financière. * 82MIGAUD Didier, Allocution d'ouverture du colloque sur la comptabilité générale de l'Etat 10 ans après, in RFFP n°136, novembre 2016, p.10 * 83 Pour MEDE Nicaise, il s'agit d'une particularité des juridictions financières. L'unicité de juridiction est de mise et les juges financiers contrôlent les comptes des comptables publics mais aussi jugent les ordonnateurs pour faute de gestion. Cf. MEDE Nicaise, « L'UEMOA et le développement des cours des comptes en Afrique de l'Ouest », in RFFP n°90, mai 2005, p.267 * 84Le premier contrôle des comptes n'est intervenu au Bénin qu'en 1994 et il portait sur l'exercice de l'année 1991. * 85 Edictée parl'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI), la déclaration de Lima édicte des lignes directrices concernant l'indépendance des ISC, leurs rapports avec le Parlement et le Gouvernement, leurs pouvoirs et méthodes de contrôle. L'intégralité des lignes directrices de la déclaration est disponible sur http://www.issai.org/fr/site-issai/issai-framework/ * 86Cf Chapitre 2 section 2 paragraphe 2 * 87 Cellule d'Appui à la Réforme des Finances Publiques, « République du Mali, cadre de mesure de la gestion de la performance des finances publiques », octobre 2016, p.11 * 88 La transformation de la chambre des comptes de la cour suprême en CDC est prévue par la loi organique n°2015-494 du 07 juillet 2015 * 89 Le Gabon fait partie des rares pays de la CEMAC qui ont eu très tôt une CDC. Dès 1994, La Cour Suprême est scindée en trois juridictions indépendantes : la Cour de Cassation, le Conseil d'Etat et la Cour des Comptes. C'est la loi organique no 11/94 du 17 septembre 1994 qui fixe l'organisation, la composition, les compétences, le fonctionnement et les règles de procédures de la Cour des Comptes * 90 L'article 72 stipule que « le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations publiques est assuré par une Cour des Comptes qui doit être créée dans chaque Etat Membre. Cette Cour des Comptes est une juridiction, et ses membres ont le statut de magistrat. Elle est indépendante par rapport au gouvernement et au Parlement et autonome par rapport à toute autre juridiction. Elle décide seule de la publication de ses avis, décisions et rapports. Elle est l'Institution Supérieure de Contrôle de chaque Etat ». * 91Guide didactique de la directive n°02/11 -UEAC-190-CM-22 relative au règlement général de la comptabilité publique. Le guide en a conclu que la CDC « tient une fonction de conseiller du pouvoir législatif en matière financière ». p.113-114 * 92 L'alinéa 3 de l'article 125 dispose que « a juridiction des comptes certifie que les états financiers sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle de la situation financière de l'Etat. ». Et l'article 126 dispose que « Le Compte Général de l'Etat est produit par le Ministre chargé des finances au juge des comptes, à l'appui du projet de loi de règlement qui lui est communiqué annuellement. Au vu du projet de loi de règlement et des comptes administratifs des ordonnateurs principaux, le juge des comptes donne son avis et un rapport de certification sur le Compte Général de l'Etat. L'avis et le rapport sont transmis au Parlement » * 93 Chambre des comptes de la Cour Suprême du Cameroun, « Rapport annuel 2013 », 10 décembre 2014, p.189 |
|