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La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC

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par Aïcha Ndiaye
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017
  

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Paragraphe 2 : la nécessaire sécurisation des données comptables :

La comptabilité permet de faire le lien entre l'autorisation et l'exécution. Grâce à elle, les dépenses et recettes sont retracées d'une manière fiable et les informations du patrimoine de l'Etat sont fidèles à la réalité. Pour ce faire, elle doit être modernisée conformément aux normes internationales (A) et être contrôlée régulièrement (B).

A- La modernisation de la comptabilitépublique conformément aux normes internationales :

La culture africaine est marquée par l'oralité. Elle est présente jusque dans les administrations. Cette situation produit des risques car certaines dépenses ne sont pas retracées. Or toutes les recettes et dépenses de l'Etat doivent pouvoir être répertoriées dans des documents fiables et exhaustifs.

Dans les nouvelles directives sur la comptabilité, il est précisé que les Etatsdoivent désormais disposerd'une comptabilité budgétaire et d'une comptabilité générale. Si la comptabilité budgétaire permet de retracer les recettes et dépenses de l'Etat, la comptabilité générale, elle, renseigne sur le patrimoine de l'Etat en mettant en exergue ses actifs et passifs. La comptabilité budgétaire-ou de caisse-est comme un relevé bancaire. Elle permet de respecter la limite des ressources disponibles : on ne dépense pas plus que le plafond des lois de finances.

Par contre, la comptabilité générale est plus exhaustive. Elleest mue par le souci de transparence et d'efficacité de la dépense publique. Elle s'inspire de la pratique des entreprises privées. La comptabilité générale fiabilise les données financières. Elle permet de rattacher les opérations à l'exercice auxquelles elles se rapportent indépendamment de la date de paiement. On l'appelle aussi comptabilité d'exercice.

Pour les Etats membres de l'U.E.M.O.A, l'existence d'une comptabilité générale était prévue dans la première vague de directives notamment à l'article 3 de la directive n° 05/98/CM/UEMOA portant plan comptable de l'Etat. Et comme les anciennes directives étaient déjà en phase de mise en oeuvre dans les Etats, ceux-ci ont commencé à réformer leurs systèmes comptables afin d'intégrer la comptabilité patrimoniale qui s'inspire du Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA). Cependant des difficultés de mise en place de la comptabilité générale étaient déjà notées au Burkina Faso. En effet, il est reproché à la directive d'être détaillée au point qu'elle ne puisse pas accorder une marge de réflexion aux autorités nationales quant à la façon de réformer la compatibilité de l'Etat. C'est dire que la directive a annihilé les initiatives des autorités nationales car les difficultés d'application peuvent interdire toute mise en oeuvre d'une réforme.

Les anciennes directives de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C prévoyaient donc l'existence d'une comptabilité générale, d'une comptabilité budgétaire. Cependant, la référence à des normes internationalement reconnues n'a été précisée qu'avec les nouvelles directives.

Ainsi, aux termes de l'article 3 de la directive n°03/11-UEAC de la CEMAC sur le plan comptable de l'Etat, « la comptabilité générale de l'Etat s'inspire des normes internationales reconnues notamment le système comptable de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ou système OHADA en abrégé, les normes comptables internationales applicables pour le secteur public ou IPSAS en abrégé et le manuel de statistiques du Fonds Monétaire International ». Pour l'U.E.M.O.A, « la comptabilité générale s'inspire des normes internationales, notamment du système comptable africain (SYSCOA) »75(*). Ceci résulte du code de bonnes pratiques du FMI qui exige, pour l'intégrité et la fiabilité des données, que les Etats utilisent « des normes comptables généralement reconnues ». Bref, les normes comptables de l'Etat s'inspirent de la pratique des entreprises privées.

Un mouvement international d'intégration de normes privées s'est installé. Il s'agit particulièrement des normes IPSAS inspirées des Normes Internationales d'Information Financière IFRS (International Financial Reporting Standards) mais adaptées aux particularités du secteur public. Ce mouvement a été initié par la Nouvelle Zélande et l'Australie puis s'est répandu dans d'autres pays comme la Grande Bretagne, les Etats-Unis et la France. Rapidement, elles sont devenues pour les bailleurs de fonds une condition de la bonne utilisation des prêts octroyés. Les normes IPSAS ont, en effet, l'avantage de prôner la transparence et la pertinence des comptes publics76(*).

Il reste que la mise en oeuvre des normes IPSAS est très difficile car elle induit un changement profond du système comptable du secteur public. Et « rien n'est plus difficile que de modifier les habitudes surtout quand elles sont anciennes et mauvaises »77(*). Avant les premières directives d'harmonisation, les pays de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C disposaient de systèmescomptables anciens. En Côte d'Ivoire, jusqu'en 2000, c'est un décret colonial du 30 décembre 1912 qui était appliqué. Au Burkina Faso, le règlement sur la comptabilité publique datait de 1969. Au Cameroun, l'ordonnance de 1962, qui était le corps du système financier du pays, avait été modifié par la loi de finances de 1966-1967 pour y intégrer des règles de comptabilité publique. La première directive de l'U.E.M.O.A sur la comptabilité a été la réplique du règlement général sur la comptabilité publique de la France qui était déjà ancien et qui n'était plus compatible avec la logique de performance.78(*) Et la CEMAC s'inspirant de l'UEMOA, a suivi le mouvement.Les Etats sont donc encrés dans des pratiques comptables qui ne sont plus en phase avec la logique de la gestion axée sur la performance.

Les actuelles directives de l'U.E.M.O.Aet de la C.E.M.A.C sur le plan comptable de l'Etat prévoient une transposition dans les ordres juridiques nationaux. Pour l'U.E.M.O.A, elle devra être faite dans un délai de dix-huit mois c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre 2011. L'application doit être faite au plus tard le 1er janvier 2012. Les Etats membres disposent d'un délai supplémentaire qui va jusqu'au 1er janvier 2017 pour l'application intégrale des règles de comptabilité générale. Pour la C.E.M.A.C, le délai de transposition est de deux ans à compter de sa publication qui a eu lieu dans la semaine du 19 décembre 2011. Mais vu l'ampleur des réformes, elle prévoit un délai supplémentaire de deux ans pour les Etats qui souhaiteraient en bénéficier.Elle accorde aussi un délai jusqu'en 2022 pour l'application intégrale de la directive sur la comptabilité publique.

Pour le Togo, le rapport PEFA de juin 2016 constate que c'est en 2008 que les premières directives de 1997-1998 de l'U.E.M.O.A ont commencé à être appliquées79(*). Le Togo a transposé les nouvelles règles de transparence et a réformé le cadre juridique de la comptabilité et de la procédure budgétaire en 2014 et en 201580(*). D'autres textes complémentaires doivent également être adoptés. Même si elles ont été transposées, il est clair que les directives de 2011 connaîtront une application très tardive dans le pays.

En Centrafrique, jusqu'en 2010, il n'existait même pas de comptes administratifs pour retracer les activités des ministères. Le compte administratif du ministère des finances omettait beaucoup de précisions sur les recettes. De plus, il n'y avait que les emprunts qui faisaient l'objet de justifications, les autres dépenses ne nécessitaient pas de pièces justificatives.81(*)

Malgré les évolutions récentes et pertinentes des directives de l'UEMOA et de la CEMAC, il est clair que les Etats auront du mal à s'adapter à ce nouveau contexte. Néanmoins, l'idée qui transparaît dans toutes ces réformes est de rendre limpide les comptes publics notamment par un contrôle plus efficace.

* 75 Article 3 de la directive n°09/2009/CM/UEMOA portant plan comptable de l'Etat au sein de l'UEMOA

* 76 Pour plus d'informations sur les normes IPSAS et leur intégration dans le secteur public cf. ROBERT Jean François des et COLIBERT Jacques, Les normes IPSAS et le secteur public », Ed. Dunod, Paris, 2008, 282 pages

* 77 LAMBERT Alain, « Quel bilan 10 ans après », in RFFP n°136, p.20

* 78 Il s'agit de la directive n°06/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 qui s'est fortement inspirée du décret français du 29 Décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique

* 79PEFA, « Evaluation du système de gestion des finances publiques selon l'approche PEFA 2016, République togolaise », juin 2016 P.1

* 80 Loi n°2014-009 du 11 juin 2014 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques ; et en 2015 les cinq directives ont été transposées.

* 81 Commission Européenne et Banque Africaine de Développement, « République centrafricaine, évaluation de la gestion des finances publiques selon la méthodologie PEFA », juillet 2010, p.14

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