La gestion de la dette publique dans les états membres de UEMOA et de la CEMAC( Télécharger le fichier original )par Aïcha Ndiaye Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master II recherche droit et gouvernance des systèmes financiers publics 2017 |
Paragraphe1 : la transparence dans la procédure budgétaire :Elle a été non seulement affirmée dans le code de transparence mais aussi renforcée par les nouvelles directives portant lois de finances. La transparence dans la procédure budgétaire concerne surtout la mise à disposition de l'information au Parlement (A) et au Public (B). A- Une revalorisation du Parlement pour un contrôle démocratique des finances:Déjà, dans un rapport de 2005, certains experts ont estimé que dans le système de l'Afrique subsaharienne d'une manière générale « le Parlement est quasiment exclu du processus budgétaire et financier. Il est (donc) urgent de réintégrer le Parlement en tant qu'acteur à part entière des systèmes financiers publics de l'Afrique subsaharienne, d'autant que partout dans le monde, un consensus se forme pour renforcer le rôle du Parlement, particulièrement en matière budgétaire et financière »67(*). Le Parlement, en sa qualité de représentant du peuple, devient la première instance qui doit être informée sur tous les engagements de l'Etat et plus généralement l'état des finances publiques. Dans ce sillage, les directives de l'UEMOA et de la CEMAC sur les lois de finances, calquées sur le modèle de la loi n°2001-692 du 1er aout 2001 portant loi organique relative aux lois de finances de la France, ont prévu une multitude dispositifs afin de renforcer le Parlement : - Une multiplication des documents à fournir au Parlement pour lui permettre de connaître les états financiers : · Une annexe aux lois de finances doit donner les détails et l'origine des investissements accordés par les bailleurs de fonds ; · Avant le 1er Aout de chaque année, le gouvernement doit fournir au Parlement le Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT)68(*), un rapport sur la situation économique et un rapport sur l'exécution du budget en cours. C'est sur la base de ces documents que le débat d'orientation budgétaire sera organisé. Ils vont permettre au parlement de connaître la position à adopter par rapport à la prochaine loi de finances. · De nombreux documents doivent aussi être annexés au projet de lois de finances69(*). Il s'agit entre autres du document de SDMT dont l'élaboration a été prévue par la directive de 2009 sur l'endettement. Le rôle de la représentation nationale est renforcé dans le processus budgétaire même si dans la pratique, la situation est tout autre. Malgré, le fait qu'il soit reconnu au parlement le pouvoir d'amender la loi de finances, la nouvelle nomenclature telle que proposée par les directives de l'U.E.M.O.A et de la C.E.M.A.C ne facilitent pas une telle tâche. En effet, les deux Unions se sont inspirées de la LOLF française mais en ignorent l'esprit. Les directives adoptées ont omis d'intégrer les missions comme unité de vote des lois de finances. Il n'est prévu que l'existence de programmes et d'actions. Ce qui fait que les parlementaires ne pourront reventiler les crédits que dans le cadre d'un même programme. Or, le programme est trop restreint pour permettre un exercice efficace du droit d'amendement. En outre, par le débat d'orientation budgétaire, le parlement n'aura pas seulement à intervenir à la fin de la procédure budgétaire pour l'adoption de la loi de finances. Il est associé, en principe, au processus budgétaire dès la préparation par le gouvernement. Le débat d'orientation budgétaire doit intervenir chaque année. Par ailleurs, le vote du projet de loi de règlement est institutionnalisé. Pour l'U.E.M.O.A, il l'était déjà avec les directives révisées en 2000. Il est obligatoire pour chaque année. Et le projet de loi de règlement doit être déposé au parlement et distribué aux représentants du peuple avant le dépôt du projet de loi de finances pour l'exercice à venir. Le but est de permettre aux représentants du peuple de savoir ce qu'il est advenu des autorisations de l'année N-1 et comment envisager celles de l'année N+1. C'est ce qu'on appelle le chaînage vertueux. La loi de règlement doit aussi être accompagnée d'une foule de documents afin de renforcer l'information parlementaire. Avant les directives, peu d'importance était accordée à la loi de règlement non seulement à cause de son adoption tardive mais aussi parce qu'elle fait état d'un exercice budgétaire déjà achevé et qui ne peut donc être modifié. La pratique de la loi de règlement n'est toujours pas encore encrée dans le système budgétaire et financier des Etats. Au Sénégal, malgré le fait que la première loi de règlement ait été votée depuis 1967, il s'est présenté par la suite une irrégularité dans le processus de vote des lois de règlements à partir de 1976. Des retards de deux ou trois ans étaient notés. La loi de règlement de l'exercice budgétaire de 1998 du Cameroun a été votée en 2000. La revalorisation du Parlement vise à renforcer le contrôle non juridictionnel. Il présente surtout un caractère politique car pouvant déboucher sur une sanction du Gouvernement par le biais d'une motion de censure. Cependant, beaucoup notent les incapacités de parlements nationaux d'user de leur pouvoir de contrôle. Cette incapacité est dès fois volontaire vu qu'elle se caractérise par un « désintérêt des députés ». Au Mali, les députés sont occupés à défendre leurs intérêts personnels. En plus, le cumul des fonctions rend la situation plus difficile. Les députés se concentrent beaucoup plus sur les affaires locales que celles nationales.70(*) Quant aux élus camerounais, ils ont tout simplement opté pour la « démission intellectuelle »71(*). Ils n'ont pas l'ensemble des outils techniques leur permettant de faire face aux experts du gouvernement. Donc ce qu'il préfère faire, c'est d'obtempérer. A partir de ce moment, le contrôle parlementaire est vidé de sa substance. Le public se préoccupe aussi de plus en plus de la gestion des deniers publics. C'est pourquoi, les informations doivent également être mises à sa disposition. * 67« La gestion de la dépense publique dans les pays de l'Afrique francophone subsaharienne », op.cit., p.37 * 68 Le CDMT n'est pas un instrument nouveau. Il a été initié au sein des Etats par le FMI et la Banque Mondiale depuis la fin des années 90. Il permettait alors de contourner les rigidités du principe d'annualité car les directives n'avaient pas encore prévu une gestion axée sur les résultats. Les CDMT doivent être en phase avec les Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté telles qu'élaborées par les institutions de Breton Woods. Ils sont aussi des conditions pour bénéficier de l'aide financière. Les CDMT concernent surtout les dépenses publiques. Ils permettent à un Etat de se fixer des objectifs de politiques publiques et d'en évaluer les résultats après exécution. Ils s'inscrivent dans un cadre pluriannuel et nécessitent une grande technicité pour la prévision et l'évaluation des politiques publiques. Ce qui n'est pas toujours évident. * 69 L'Article 45 de la directive n°01/11 de la CEMAC qui fait état de 15 annexes et article de la directive de l'UEMOA * 70 TOURE Chekna, « Le système de contrôle des finances publiques au Mali », in Afrilex, n°4 p.164 * 71 BATOUM-BA-NGOUE Samuel Théophile « Démocratisation et processus budgétaire dans les Etats de l'Union Economique et Monétaire d'Afrique Centrale : exemple du Cameroun » in Afrilex n°4, p. 20 |
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