12. Modélisation et simulation :
Après cette brève présentation sur la
notion des modèles, nous passons au développement de deux
concepts qui lui sont associés : la modélisation et la
simulation. Vu leur importance dans les recherches scientifiques et
didactiques, l'Institut National de Recherche Pédagogique (IRRP) a
réservé tout un numéro Aster N°43 (2006)
présentant notre ressource majoritaire puisqu'elle touche
profondément notre domaine d'intervention et de recherche ; ce
numéro est relatif au traitement de la modélisation et la
simulation ; d'ailleurs il portait leur nom comme titre et sous la coordination
de Maryline Coquidé et Jean-François Le Maréchal. Ils ont
commencé leur article présentatif par ce qui suit :
« La modélisation et la simulation
représentent un vaste champ pour les recherches relatives à
l'enseignement scientifique et technologique, exploré depuis plusieurs
décennies déjà (Giordan & Martinand, 1987). Les
travaux les plus anciens concernant la modélisation en sciences ont
été listés par Drouin (1992) qui proposait près de
250 références basées sur l'épistémologie,
sur la psychologie cognitive ou sur la didactique des sciences. Plusieurs
outils didactiques ont été élaborés : outil
d'analyse didactique basé sur la modélisation
considérée comme pouvant catégoriser savoir savant, savoir
enseigné et fonctionnement de l'élève face à ces
savoirs (Tiberghien, 1994), schéma distinguant des registres et
modélisant des contraintes pour un projet d'enseignement de la
modélisation (Martinand, 1992, 1994) »
Ce paragraphe introductif, montre que la modélisation
et la simulation ont été l'objet de recherches scientifiques et
techniques et qui ont intéressé pas mal de chercheurs
didacticiens et scientifiques (Giordan & Martinand, 1987), (Droun, 1992),
(Tiberghien, 1994), (Martinand, 1992, 1994)...Cette exploration est
basée sur l'aspect épistémologique, psychologique et
cognitif ainsi que didactique de la modélisation. Ils ont montré
que plusieurs outils, basés sur la modélisation, ont
été élaborés pour catégoriser savoir savant,
savoir enseigné et fonctionnement de l'élève face à
ces savoirs (Tiberghien, 1994).
29
Cadre théorique
De plus, apprendre par le biais de la modélisation dans
l'enseignement des sciences a été le thème d'un
numéro spécial de l'International Journal of Sciences
Education (2000) comme l'évoquaient Maryline Coquidé et
Jean-François Le Maréchal dans leur article. Elle disait que dans
cette revue des questions sur les apports de la technologie informatique pour
l'enseignement des sciences réalisée par Linn (2003). Deux
principaux domaines parmi d'autres ont été abordés par
l'auteur à savoir « la visualisation de
phénomènes scientifiques » et « les
modèles scientifiques et la simulation ».
La contribution des auteurs des articles figurant dans Aster
(2006) orientait l'écriture « pour mieux connaitre la
manière dont on peut enseigner et faire apprendre en concevant, en
construisant, en manipulant et en adaptant des objets (réel ou virtuel)
dans un but de modélisation scientifique ». Ainsi, la
distinction entre enseigner la modélisation ou enseigner la
modélisation et la simulation n'est pas toujours aisé comme
l'annonçait Maryline Coquidé et Jean-François Le
Maréchal. Dans cette optique, nous pouvons signaler la
spécificité de notre recherche qui essaye de traiter la
simulation au service de l'enseignement de la modélisation, d'où
l'importance de montrer les fonctions de ces deux concepts tout en s'inspirant
l'idée du même article.
o. Fonctions de la modélisation et de la
simulation :
Selon la même revue Aster (2006), le statut de la
simulation a été un débat contradictoire entre les
scientifiques et les épistémologues (Parrocha, 2000 ; Varenne,
2006). Ils le présentent comme étant « sorte
d'expérience, outil intellectuel ou théorique d'analyse, ou bien
intermédiaire entre théorie et source d'information sur la nature
des choses ».Nous pouvons remarquer qu'il s'agit d'un outil
expérimental associant ou non la théorie à la pratique
(expérience) d'une part, et une source d'apprentissage (information)
d'autre part. (Gilbert, 2004) signale que la modélisation et la
simulation peuvent fonctionner comme « un pont entre théorie
scientifique et monde réel et être soumis à
l'expérience ». Mise à part le statut de la
modélisation et de la simulation et si l'on aborde leurs fonctions, nous
indiquons que Muriel Ney dans son article (intitulé : une typologie des
fonctions des modèles formels : l'exemple de la biologie) propose une
vision élargie sur la notion d'expérience en discutant de
« différentes fonctions
30
Cadre théorique
pédagogiques des modèles et des simulateurs,
et l'importance théorique d'une composante « expérientielle
» dans ces enseignements ».Ainsi Muriel les considère
comme instruments permettant l'exploration de la réalité, la
description, l'explication, la prévision et l'aide à la prise de
décision dans une remarquable diversité de rôles.
Relativement à la simulation, nous confirmons ce qu'ont
développé Maryline Coquidé et Jean-François Le
Maréchal, en disant : « De même, les fonctions de la
simulation peuvent varier dans chaque domaine concerné et dans chaque
cas». Dans le cas de notre recherche, nous indiquons que le
rôle de la simulation est d'aider les élèves de la
première année secondaire à s'exprimer sur le
modèle relatif à l'étude fonctionnelle d'un système
technique (automatisé) pour pouvoir remplir et décrire les
différentes composantes proposées par le schéma
normalisé du système. Etant donné que les fonctions de la
simulation varient selon le domaine d'usage et le champ concerné, et vu
l'intérêt que donnent les chercheurs à ces notions, un
numéro spécial de clefs CEA (2002), revue de commissariat
à l'énergie atomique a été consacré à
la simulation. Ainsi, elle suggère les titres des articles suivants :
« simuler pour comprendre », « simuler pour concevoir »
et « simuler pour agir ». Dans cette perspective, on peut dire
que la simulation est un outil qui participe à l'acquisition du savoir
chez les élèves d'une façon socioconstructiviste tout en
les impliquant dans le processus d'apprentissage et la construction du savoir.
Dans le même enchainement, nous pouvons dire que la simulation permet de
faire évoluer les modèles mentaux des élèves vers
des modèles plus scientifiques et ce, selon le model-based
learning de la littérature anglophone Aster 2006.
p. Enseigner par la modélisation et la simulation
:
Toujours en se référant à la même
revue Aster (2006), nous avons choisi ce sous-titre vu la place qu'occupent la
modélisation et la simulation dans la situation
enseignement-apprentissage. Les auteurs montrent que « Dans
l'enseignement par la modélisation et la simulation l'objectif
pédagogique principal est que les élèves construisent des
savoirs en modélisant des phénomènes scientifiques »
; comme déjà signalé, nous pouvons
insister sur le processus social de l'apprentissage. Dans le même ordre
d'idée, Maryline Coquidé et Jean-François Le
Maréchal disent : « L'utilisation de
31
Cadre théorique
la simulation en classe peut aussi remettre en question
l'idée que l'on se fait de la notion d'étayage ou
échafaudage (scaffoling) ».A titre de rappel et selon les
auteurs, l'étayage genre de soutien, notion issu du modèle
socioconstructiviste vygotskien l'apprentissage, doit permettre «
à l'élève ou à l'étudiant d'exercer une
activité cognitive au-delà de capacités acquises ».
Avec l'innovation et le développement exponentiel des technologies
informatiques et leurs exploitations dans le milieu scolaire, une question se
pose : Dans quelle mesure la simulation en tant qu'outil informatique
favorise-elle la contribution à cet étayage au court de
l'apprentissage ? Plusieurs chercheurs (Guzdial, 1995 ; Linn, 1995 ; Bell &
Davis, 2000) ont proposé des éléments de discussions
à ce propos.
q. Evaluer l'impact d'apprentissage par la
modélisation et la simulation :
Un parmi les points qui nous parait primordial à
traiter dans notre recherche, est l'impact de la simulation et la
modélisation sur l'apprentissage des élèves dans le
domaine technologique en particulier sur les modèles des systèmes
techniques (automatisés). Dans notre ressource (Aster, 2006), les
auteurs ont annoncé dans un paragraphe intitulé (Evaluer un
impact) ce qui suit : «Il peut s'agir de mieux connaitre les
usages scolaires de l'enseignement, et l'impact sur les apprentissages, de la
modélisation et de la simulation »
En ce qui nous concerne, nous nous posons la question suivante
:Comment la simulation influe-elle la modélisation, autrement dit, sur
la façon avec laquelle les élèves s'expriment pour remplir
le modèle d'un système étudié ?A ce propos de
longues études ont comparé les effets sur l'enseignement
basé sur l'emploi de la simulation dans l'apprentissage par rapport
à celui assuré par méthode transmissive sous forme
d'exposé. Ces études ont touché beaucoup de disciplines
à savoir la biologie (Riversb & Vockell, 1987), la mécanique
(Riebert, Boyce & Assad, 1990) et l'électricité (Carlsen
& André, 1992). Les travaux de (Jong et al, 1999) ont montré
que l'emploi de la simulation dans l'enseignement est plus efficace ce qui
offre: « les possibilités d'investigation et de
découverte ».
32
Cadre théorique
r. Simulations et animations informatisées
(technique et exploitation) :
Parler des simulations fait rappeler l'environnement
informatique, par conséquent impliquer les logiciels utilisés
pour concevoir une animation servant comme simulation. De point de vue
technique, confectionner et concevoir une simulation nécessite une
maitrise rigoureuse de l'outil informatique à savoir les logiciels
adéquats tels que : Flash, Solid Works, 3DS MAX, Power Point... Certains
enseignants chevronnés utilisent les applets Java et d'autres programmes
permettant la création de leurs propres animations. De plus des phases
demeurent importantes pour aboutir à la réalisation d'une
simulation. Nous pouvons les résumer comme suit :
Etudes des besoins
Etudes de l'existant
Etablir un canevas
Choix de l'environnement informatique
Passer à la réalisation
Evaluation du produit
Validation finale
Une fois la simulation est achevée, nous passons
à son exploitation didactique lors d'une séance d'enseignement et
apprentissage en classe.
Au cours de la 4ème conférence international :
Sciences de l'électronique, technologies d'information et de
télécommunication (4th International Conference : Sciences of
electronic, Technologies of Information and Telecommunications)
Organisé en Tunisie en 2007, un article publié par (Ammar Brika
& Amar Balla, 2007) décrit les différentes étapes
nécessaires pour exploiter pédagogiquement une animation. Ils
indiquent ce qui suit :
« La scénarisation :
créer et préparer les conditions
d'apprentissage : concevoir des activités d'apprentissage
, ·
anticiper un processus d'apprentissage , ·
anticiper les interactions.
33
Cadre théorique
L'animation proprement dite :
mettre l'apprenant en situation d'apprendre, gérer et
réguler les démarches d'apprentissage,
gérer et réguler les interactions,
gérer et réguler le fonctionnement en groupe
organisation, répartition, réalisation des tâches et des
rôles.
L'analyse :
analyser le déroulement ;
évaluer les résultats du processus
d'apprentissage ;
modifier la scénarisation, l'animation. »
On remarque que l'exploitation des animations
considérées comme simulation,
obéit à trois étapes essentielles que nous
pouvons présenter comme suit :
Avant, pendant et après l'usage des animations. Ainsi nous
résumons ces phases
dans le tableau suivant :
Avant l'utilisation de la simulation.
|
Pendant l'utilisation de la simulation.
|
Après l'utilisation de la
simulation.
|
C'est une phase de conception et d'anticipation
|
C'est la phase de l'exécution et d'apprentissage
|
C'est la phase de l'analyse et de remédiation.
|
Tableau 01 : Phases d'utilisation de la
simulation. s. Types et natures des simulations :
Suite à nos recherches établies sur les
simulations utilisées dans le domaine de l'enseignement scientifique et
technique, et selon les études que nous avons suivies lors du
Mastère des nouvelles technologies éducatives (NTE), nous avons
rencontré une panoplie de catégories de simulations. Cette
diversité de supports est définie majoritairement par les
objectifs spécifiques fixés avant les séances
d'apprentissage d'une part et par la nature et les caractéristiques
associées à chaque discipline d'autre
34
Cadre théorique
part, ceci est remarquable dans les sciences de
l'environnement et de la terre, des sciences physiques et
mécaniques...
Nous pouvons classer et catégoriser les types de
simulations comme suit :
Des simulations passives ou inertes : elles
décrivent le phénomène à étudier sans
impliquer l'apprenant dans le processus d'apprentissage. Elles servent comme
éléments introductifs sollicitant l'attention des apprenants et
ses premières réflexions. Cela les aide à entamer le
thème à étudier et avoir une idée sur ses
prérequis et/ou ses pré-acquis ou comme une aide didactique qui
résume et récapitule le sujet étudié ou qui
explique un phénomène abstrait ou difficile à imaginer
comme la solution qu'a proposé Jalel Saadi dans sa thèse pour
expliquer la notion du vecteur de Fresnel et son fonctionnement dans ce qu'il a
appelé « une simulation modélisante » comme nous avons
déjà signalé.
Des simulations interactives ou actives :
elles impliquent l'apprenant dans le processus d'apprentissage. Il
intervient directement et à son propre rythme dans le processus
d'apprentissage, comme il peut collaborer avec ses paires pour contribuer
à l'acquisition des savoirs. Cette catégorie de simulation
favorise l'apprentissage selon une approche socioconstructiviste.
Des simulations que nous appelons « puzzle »
: Elle est composée de plusieurs éléments
détachés et indépendants constituant le système
à étudier et c'est à l'apprenant de les réunir les
organiser pour confectionner le système et le savoir à
acquérir. Cette catégorie de simulation a les mêmes
caractéristiques que la précédente avec l'ajout de la
possibilité de fabrication des supports propres et spécifiques
à l'apprenant ou d'établir un diagnostic pour proposer des
solutions et améliorer le système. Nous avons rencontré ce
type de simulation surtout dans la discipline des sciences de la vie et de la
terre qui est devenue sciences de l'environnement et sciences de la vie.
t. Concept des conceptions :
Parmi les concepts clefs utiles et centraux pour notre recherche
est celui des conceptions appelées encore représentations. Ce
concept est nomade, on le trouve dans
35
Cadre théorique
pas mal de champs disciplinaires tels que la sociologie, la
psychologie cognitive, la psychologie sociale....). (Astolfi & Al, 1997)
explique que les conceptions d'un sujet désignent le «
déjà-là au moment de l'enseignement d'une notion, et
susceptible d'influencer l'apprentissage ».Il est à signaler
que cette explication est relative aux apprenants, mais dans notre étude
nos traiterons celles qui intéressent les enseignants. « Le
commun » ou encore le « déjà connu
», même s'il n'est pas juste, influence le processus
d'enseignement et apprentissage. Il constitue chez les élèves un
système explicatif, organisé, personnel et fonctionnel. C'est
Jean Migne qui fut parmi les chercheurs à introduire le terme conception
en didactique. Il écrit : « une représentation
(conception) peut être considérée comme un modèle
personnel d'organisation des connaissances par rapport à un
problème particulier ». Donc c'est une façon de penser
sur un savoir selon ce que possède l'apprenant comme connaissances
antérieures. C'est aussi l'exploitation de ces connaissances face
à un problème rencontré lors de l'apprentissage. Dans son
cours « La didactique des sciences physiques », Jalel Saadi
présente les conceptions comme un ensemble d'informations, d'attitudes
et d'opinions, formant un système explicatif personnel, structuré
et organisé ayant comme fonction principale l'appréhension du
monde physique. Ces conceptions disposent de certaines caractéristiques
à savoir :
Contextuelle ténacité
Résistance Transversalité Cohabitation
mentale Caractère évolutif
|
|
Savoir scolaire Conceptions
|
Dans une annexe relative au cadre didactique nous allons
déposer un support qui développera d'avantage ces notions ainsi
que d'autres nécessaires pour la compréhension de ce concept
didactique intéressant.
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Cadre théorique
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