1.2.3.1.3
Les facteurs environnementaux
Chaque maison de détention est régie par
un ensemble de dispositions qui fondent sa particularité. Le camp
pénal de Bouaké est identifié comme la prison qui a les
conditions de détention les plus rigides du pays. Il « est
réputé pour être l'universcarcéral le plus infernal
de la Côte d'Ivoire», selon le site information
Linfodrome.com ; Cette réputation même est pour le
détenu et leur famille source de stress et de
vulnérabilité. (N'Goran F., 2013).
Dans le même sens il a par ailleurs été
établi qu'un haut niveau de contrainte et une faible latitude du sujet,
soit une forte pression combinée à des marges de
manoeuvre restreintes, étaient précisément à
la source d'un déséquilibre producteur de stress négatif
(Karasek, Theorell, 1990) tendant à favoriser une inhibition de
l'action (Laborit, 1979).
Ainsi, le confinement imposé par un espace vital
réduit en maison d'arrêt entraîne-t-il, avec la
promiscuité l'inconfort et l'insalubrité qui en résultent,
des effets négatifs certains sur le moral des détenus.
L'entassement dans un espace cellulaire réduit
constitue à lui seul un facteur notoire et durable de tensions
souligné tant par la recherche que par les professionnels.
Indépendamment de ces effets pernicieux d'une surpopulation
endémique, la forte tension causée par une
surveillance rapprochée et constante imposée concurremment par
l'institution et les codétenus aboutit à produire des formes de
violence bien spécifiques ( Sykes, G.M. (op .cit,p.265)
1.2.4 Stress et
conséquences en milieu carcéral
En médecine et en
psychiatrie, une tendance actuelle est de raisonner en terme de seuil entre
physiologique et pathologique, avec une approche catégorielle et non
dimensionnelle. Le risque de ce modèle dichotomique est de ne pas se
préoccuper d'un individu qui n'aurait pas encore franchi le seuil
stricto sensu , mais qui serait toutefois en souffrance. Pour la prise
en charge du stress et de ses conséquences, nous considérons
qu'il est plus pertinent de s'intéresser à l'intensité
d'un symptôme qu'à son existence binaire.
Schématiquement le stress est le résultat d'une
soustraction entre besoins pour répondre à une situation
potentiellement néfaste et besoins effectivement disponibles pour
répondre à cette situation. Le stress psychologique est le
résultat de la construction cognitive évaluant la
différence entre perceptiondes besoins pour répondre à une
situation donnée et perceptionde ses capacités à y faire
face.
Chaque individu évaluant à la fois une
situation et ses propres ressources selon ses critères, le niveau de
stress perçu est différent entre plusieurs individus
confrontés à une même situation. Une réponse
opérante au stress consiste à réduire l'écart entre
besoins et capacités : par exemple la fuite supprime l'exposition au
facteur de stress donc supprime le besoin, ou au contraire la mobilisation des
ressources pour faire face augmente ses capacités (théorie du
« fight or flight » de Cannon ,1929).
Le stress est donc physiologique et permet une adaptation rapide
à l'environnement. Le stress n'est pas un symptôme en soi, mais il
peut être à l'origine de symptômes. Le stress, la
réponse au stress, et l'analyse plus ou moins conscientisée que
chaque individu fait du résultat, peuvent être à l'origine
de manifestation négatives variées et interdépendantes
:
· réponses extériorisées
(c'est-à-dire visibles de l'extérieur) : difficulté de
régulation des comportements, hostilité, agressivité
dirigée contre soi ou autrui, consommation de toxiques,
etc.
· réponses intériorisées
(c'est-à-dire que seul l'individu ressent) : ruminations, tristesse,
douleur psychologique mauvaise estime de soi, anxiété,
difficulté de régulation des émotions, etc. En
milieu ordinaire, la base de la prise en charge d'un stress trop fort repose
sur des règles hygiéno-diététiques simples (rythme
de vie calme et régulier, sommeil préservé, alimentation
soignée, pas d'alcool ni tabac ni drogue, environnement paisible, temps
de loisirs, activité physique, liens sociaux et familiaux, etc.) qu'il
n'est pas possible d'appliquer en détention.
En cas d'inefficacité, on peut avoir recours à
la psychothérapie, qui n'est pas forcément disponible en
détention puisque sa pratique dépend des thérapeutes de
l'unité sanitaire. Les conséquences cliniques du stress peuvent
se traiter par pharmacothérapie (anxiolytiques, antidépresseurs,
somnifères, etc.), mais avec une prudence particulière en milieu
carcéral au vu de la haute prévalence des addictions.
La méditation, et particulièrement celle
appelée »méditation de pleine conscience» ou
»mindfulness» rentre progressivement dans les
recommandations de prise en charge en milieu ordinaire. En France, son
utilisation reste anecdotique en prison pour l'instant.
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