L'accès à la justice en milieu ruralpar Bio Marc KORA CHABI Université de Parakou - Bénin - Maîtrise en droit privé 0000 |
PREMIERE PARTIE : UN ACCES DIFFICILELa justice est un attribut fondamental d'une société qui fonctionne. Elle structure les relations, prévoit l'impartialité, règle des problèmes et prévient le désordre25(*). En effet, dans un Etat dedroit26(*), l'accès aux services juridiques est un droit humain, un droit pour tous,limité par d'innombrables obstacles. En milieu rural, l'accès des populations à la justice constitue un problème crucial. Pour mieux appréhender les difficultés auxquelles sont soumises ces couches de la société, il importe d'étudier dans un premier temps les obstacles traditionnels (chapitre I), et dans un second temps, de mettre en exergue les obstacles modernes (chapitre II). 1 CHAPITRE I : LES OBSTACLES TRADITIONNELSAu Bénin, depuis l'avènement de la démocratie, l'accès des populations rurales à la justice est fortement entravé. Cette situation a pour source le respect à l'égard de la tradition (section I). En outre, la justice est perçue par elles comme essentiellement répressive et non protectrice de leurs droits. Confronté aux litiges qui d'ailleurs «(...) est la condition du procès mais que le procès donne au litige sasolution»27(*) ; cette solution ne peut venir que de la justice informelle (section II). 1.1 Section I : L'attachement pathogène à la traditionLe peu niveau d'adhésion aux services juridiques s'explique du fait de la manière d'agir ou de penser transmise de génération en génération.28(*). Certes, en milieu rural «l'on est souvent en contravention et en contradiction avec la loi»29(*),mais les savoirs endogènes (paragraphe 1)constituent une barrière pour la quête d'une justice crédible. L'autre mal dont souffre ces justiciables a pour nom l'influence des tiers à l'égard du titulaire d'action. Autrement dit, les causes exogènes (paragraphe 2) doivent être prises en compte. Il parait juste d'éclairer ces deux difficultés. 1.2 Paragraphe 1 : Les savoirs endogènesPlusieurs raisons peuvent expliquer les comportements endémiques observés en milieu rural. En effet, du fait de croire aux ancêtres (A), les villageoispréfèrent des solutions négociées ou amiables au procès à l'occidental qui tranche et fait des gagnants et des perdants. De plus s'ajoutent les pesanteurs morales (B). A- La croyance aux ancêtresAux yeux du monde rural, la justice moderne est perçue comme dangereuse, elle est «facteur d'insécurité en ce sens qu'elle est étrangère aux convictions des populations et perçue par elles comme un système de répression »30(*). Demander justice est synonyme de rupture de la paix sociale. Jacques Vanderlinden a remarqué dans ces types de société les acteurs «se doivent d'être solidaires pour faire face aux défis combinés de la nature et des sociétés voisines, le maintien de l'harmonie sociale, meilleur gage qui soit de la survie du groupe, tend à devenir un objectif prioritaire»31(*)..De même, en milieu rural les rapports qu'entretiennent les uns et les autres par l'entremise de la coutume prime sur tout. Dans le cadre de cette étude, la coutume se définit comme «l'expression des volontés ancestrales ; elle renvoie aux rites et usages établies par les ancêtres peu à peu observés par les populations et plus ou moins acceptés par elles, comme des règles de comportement normal et correct au sein de leur société»32(*). Braver l'interdiction des coutumes est « source de rancoeurs, de désirs de revanche, de conflits nouveaux et contribuent à rendre la vie commune difficile, voire impossible dans les communautés où les liens entre les individus sont nombreux et étroits.»33(*) * 25HiiL, Rapport sur les tendances - partie 1 2012 (ébauche) p. 13. In Alison MacPhail, Le groupe de travail sur l'accès aux services juridiques du Comité d'action sur l'accès à la justice en matière civile et familiale, Mai 2012, dossier PDF, disponible sur Google, consulté le 29/07/2013 à 21h 27min * 26Expression employée pour caractériser un Etat dont l'ensemble des autorités politiques et administratives, centrales et locales, agit en se conformant effectivement aux règles de droit en vigueur. * 27 J. DJOGBENOU, Cours manuscrit de droit judiciaire privé, 2e année universitaire, 2011-2012.Op. cit. * 28 LAROUSSE, Dictionnaire de français, 2è sens du mot tradition p.428 Op. cit. * 29 A. BADIANE, Op. cit. p.55 * 30 A. KOSSI et al, Op.cit. p.188. * 31 J. VANDERLINDEN, Les systèmes juridiques africains, éd presses universitaires de France, p.21. * 32 A. KOSSI et al, Op.cit. p.193. * 33 J. VANDERLINDEN, Op. cit. 22. |
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