CHAPITRE 1. LA
DEPENALISATION DES DELITS DE PRESSE ET L'OPINION PUBLIQUE
L'adoption des textes relatifs à la
dépénalisation des délits de presse ne s'est pas faite
sans opposition. De la République démocratique du Congo au
Bénin, en passant par le Niger, le débat s'est installé
entre les acteurs du monde de la presse au Burkina Faso, les juristes et
l'opinion publique. Faut-il, au nom de la démocratie, laisser les
journalistes porter atteinte aux droits de la personnalité sans
être inquiétés pénalement ? Si certains
répondent par la négative, d'autres par contre, pensent que c'est
possible, au regard des mécanismes de protection des droits de la
personnalité déjà existants. Les autorités de la
transition et le législateur burkinabè, eux, ont
préféré une dépénalisation partielle des
délits de presse à celle totale, au regard de l'obligation de
protection des droits de la personnalité des autres citoyens. Cette
partie de notre étude va consister alors, à analyser la
dépénalisation partielle des délits de presse, en tant que
menace à la protection pénale des droits de la
personnalité dans une première section.
Dans une deuxième section, nous allons étudier
cette dépénalisation des délits de presse, en tant que
facteur de renforcement de la liberté d'expression.
SECTION 1 : LA
DEPENALISATION PARTIELLE DES DELITS DE PRESSE : UNE MENACE A LA PROTECTION
PENALE DES DROITS DE LA PERSONNALITE
Le droit burkinabè distingue les infractions commises
par voie de presse en ligne, par voie de presse écrite et par voie de
presse radiodiffusion sonore. Trois textes régissant les médias
au Burkina Faso ont été adoptés le 4 septembre 2015, en
vue de l'enracinement de la liberté de la presse, de la
démocratie et de l'Etat de droit au Burkina Faso. Ces textes ont
été par la suite, modifiés par les lois
n°85-2015/CNT, portant modification de la loi n°057-2015/CNT, portant
régime juridique de la presse écrite au Burkina Faso,
n°086-2015/CNT, portant modification de la loi n°058-2015/CNT,
portant régime juridique de la presse en ligne au Burkina Faso et
n°087-2015/CNT, portant modification de la loi n°059-2015/CNT,
portant régime juridique de la radiodiffusion sonore et
télévisuelle au Burkina Faso. La particularité de ces
textes est la suppression des peines privatives de liberté et de la mise
en place d'une peine d'amende en contrepartie. En vertu de ces textes, aucun
journaliste n'ira en prison au Burkina Faso, pour des infractions commises par
voie de presse.
Les journalistes vivant dans une société
organisée comme le Burkina Faso sont pourtant soumis, comme les autres
citoyens, au respect des droits de la personnalité d'autrui. Une
protection qui était d'ailleurs, garantie par l'Etat, non seulement
à travers la mise en oeuvre de la responsabilité pénale du
journaliste, mais également, par celle de sa responsabilité
civile. Mais les nouveaux textes viennent remettre en cause cette
responsabilité pénale en cas de délit de presse et diviser
ainsi l'opinion publique.
Au sein de cette opinion publique, certains ont vite
pensé à l'érection d'une citadelle de l'impunité au
profit des journalistes. D'autres aussi estiment que c'est une manière
d'instaurer une inégalité entre les citoyens devant la loi.
Pour d'autres encore, il s'agit également de remettre
en cause la fonction punitive de la peine.
|