La dépénalisation des délits de presse et la protection des droits de la personnalité au Burkina Faso( Télécharger le fichier original )par Yacouba GORO Institut des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication - Bac+5 en Science et technique de l'information et de la communication 2016 |
2. Le droit à la voixParallèlement au droit à l'image, s'est forgé, au fil de quelques décisions de justice, un droit à la voix, que viennent conforter là encore, les articles 226 alinéa 1 et suivants du nouveau code pénal français. La voix est un attribut de la personnalité, même lorsque ce n'est pas celle d'un chanteur ou d'une cantatrice51(*). La notion d'image s'est ensuite étendue à la voix humaine, car si le corps humain est le reflet de la personnalité, la voix est aussi considérée comme l'un des attributs de la personnalité52(*). A travers la voix, on arrive à identifier souvent un individu. Ainsi, n'importe quel individu peut interdire que l'on imite sa voix dans les conditions susceptibles de créer une confusion ou de lui causer un préjudice. En effet, il est interdit d'enregistrer la voix d'une personne sans son autorisation, qu'il s'agisse ou non de la voix d'un chanteur. Il en résulte qu'une imitation de nature à entraîner une confusion de personnes est, en principe, interdite, surtout si elle aboutit à causer un préjudice, même seulement moral, à celui dont la voix est imitée53(*). Ce droit à la voix comporte alors, la possibilité de s'opposer à toute utilisation de sa voix comme à toute manipulation qui pourrait en être faite. Il permet aussi, de contrôler l'imitation de la voix, dont l'illicéité est renforcée, «dès qu'elle a une finalité commerciale et notamment, lorsqu'elle laisse croire que la personne imitée cautionne un produit ou un service à des fins publicitaires54(*)». Dans cette logique, Evelyne Thomas, une présentatrice française, a pu s'opposer à la rediffusion de 64 émissions auprès d'une société de production avec laquelle elle avait passé un contrat pour la première diffusion de ces émissions. La rediffusion n'était pas mentionnée dans ce contrat, mais la société défenderesse soutenait que l'accord passé avec la présentatrice emportait autorisation tacite de l'exploitation répétée des émissions. La demanderesse a choisi de fonder son action sur les droits de la personnalité affirmant que la société en cause avait fait une utilisation illicite de ses attributs : nom, image et voix. Le juge a repris ses arguments, en précisant que l'exploitation, sans contrepartie, des attributs de la personnalité, est constitutive d'un dommage qui doit être indemnisé sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Dans cette affaire, l'image de la plaignante lui permet d'obtenir réparation d'un préjudice issu de l'exploitation des résultats de son activité principale. D'un point de vue économique, ce n'est pas pour son travail que la présentatrice est indemnisée, mais bien pour l'exploitation de son image et de sa voix, en tant qu'attributs de la personnalité55(*). Par ailleurs, les conversations téléphoniques devraient bénéficier, à plusieurs titres, de la même protection de la vie privée que les correspondances écrites, dans la mesure où elles leur sont logiquement assimilables. L'atteinte au secret des correspondances est sanctionnée pénalement en vertu de l'article 226-15 du code pénal français56(*). L'article 6 de la Constitution du Burkina, du 2 juin 1991, considère que la demeure, le domicile, la vie privée et familiale, le secret de la correspondance de toute personne, sont inviolables57(*) et il ne peut y être porté atteinte que selon les formes et dans les cas prévus par la loi, selon l'alinéa 2 de cette constitution. Dans la pratique, les conversations téléphoniques véhiculent autant de données personnelles que les enveloppes postales et posent toutefois, quelques problèmes difficiles à résoudre. Techniquement, elles peuvent être pratiquées, sans que les victimes ne le sachent, et sans laisser de traces. Dès lors, il est extrêmement difficile, pour ceux qui les subissent, d'apporter la preuve de leur existence. C'est pourquoi, la constitution espagnole prévoit en son article 18, alinéa 4 que «la loi limitera l'usage de l'informatique, afin de garantir l'honneur et l'intimité personnelle et familiale des citoyens, ainsi que le plein exercice de leurs droits58(*)». Si ces écoutes téléphoniques portent atteinte au droit à la vie privée, elles peuvent parfois s'avérer nécessaires. Les autorités publiques peuvent en effet, être amenées, afin de découvrir les auteurs d'une infraction ou pour prévenir celles qui sont sur le point d'avoir lieu, à ordonner l'interception de communications téléphoniques. En somme, les écoutes téléphoniques effectuées par des particuliers sont donc interdites de même que celles menées par la presse, à des fins de publication, sans le consentement de l'intéressé. Quant à celles qui sont le fait de la puissance publique, la loi française du 10 juillet distingue les deux cas traditionnels: les écoutes judiciaires et les écoutes administratives59(*) pour une question de sécurité et d'ordre public. Ces écoutes téléphoniques ne sauraient être des délits de presse que dès lors qu'elles ont été effectuées par des journalistes et publiées par voie de presse. * 51D. Huet-Weiller, La protection juridique de la voix humaine, RTD civ. 1982, 497 s. TGI Paris, 3 déc. 1975, D. 1977, 211, note R. Lindon, JCP 1978, II, 19002, note D. Bécourt ; 11 juill. 1977, D. 1977, 700, note R.L. ; 19 mai 1982, D. 1983, 147, note R. Lindon. - Adde : Marie Serna, La voix et le contrat : le contrat sur la voix, Cont., Conc., Consom. sept. 1999, chron. 9. * 52 Voir Dénis TALLON : Op cit. Recueil Civil personnalité. N°104. Pour le refus de reproduire l'image d'une maison. Cf. Grenoble 15 Juillet 1919.D.1920. 2. P.9. * 53Paris 6 juin 1984, D. 1985, Inf. rap. 314, obs. C. Colombet. * 54André Bertrand, Le Droit d'auteur et les droits voisins, Masson, 1991 in Emmanuel Pierrat, Protection des droits de la personnalité, LEGICOM 1996/2 (N° 12), Victoires éditions, P. 87-93. * 55TGI Paris, 3e ch., 2e sect., Evelyne Thomas et 2 Secondes production c/ Réservoir Prod, Légipresse, n° 236, novembre 2006, I, P. 160. Pour les magistrats, les parties avaient clairement entendu conférer à l'image et à la voix de la demanderesse une valeur d'ordre patrimonial. Ainsi, l'exploitation sans contrepartie de ces attributs de la personnalité est constitutive d'un dommage, indemnisable sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Pour évaluer le préjudice subi, le tribunal se base sur le nombre d'émissions rediffusées et sur le fait que les contrats antérieurs prévoyaient une rémunération de 5 % des recettes nettes au profit de la demanderesse. La société de production ayant cédé les émissions à la chaîne France 3 pour 15 000 euros chacune, le tribunal alloue donc à la présentatrice 46 500 euros à titre de dommages-intérêts... bien inférieurs aux 4,65 millions d'euros réclamés ! * 56Sur les mel, V. L. Rapp, Secret des correspondances et courriers électroniques, D. 2000, n° 41, point de vue, III s. * 57 Constitution du Burkina Faso, adoptée par le Référendum du 02 juin 1991. P. 9 * 58 Constitution espagnole, approuvée par les Cortès réunies en séances plénières du Congrès des Députés et du Sénat célébrées le 31 octobre 1978, Ratifiée par le peuple espagnol par le référendum du 6 décembre 1978, Sanctionnée par S.M. le Roi devant les Cortès le 27 décembre 1978. P. 12 * 59, Alexandre Maitrot de la Motte, Le droit au respect de la vie privée, Groupe d'études Société d'information et vie privée, Chap. 17, P.266 |
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