2.4.2 Le degré d'implication et
d'adaptabilité
Les entretiens des usagers démontrent de bonnes
connaissances du dispositif d'urgence. Pour les entretiens 1 et 2, elles sont
une condition sine qua non pour sortir de la galère: je
fais attention aux heures, je suis discipliné (usager 1). dans
l'entretien 2, les connaissances des structures font parties d'une
stratégie d'action globale: se débrouiller, c'est
connaître toutes les combines (usager 2). dans ce contexte, la vie
au quotidien est organisée en fonction de la gestion des horaires:
celles des structures d'urgence dans le cas n°1, celles de l'aide sociale
classique et de retour à l'emploi dans le cas n°2: la CAF,
le Pôle Emploi, l'UTS. Dans l'entretien n°3, les
structures sont connues. La méfiance envers l'assistanat engendre un
degré d'implication moindre que dans les deux premiers cas:
ça a traîné pendant des mois ( usager 3).
Cependant, l'adaptabilité au réseau d'urgence, en dépit
d'un discours négatif, apparaît tout autant. La Chaloupe, Epheta,
l'UMAPP, le Lien, l'Armée du Salut sont cités et
différenciés dans leurs missions respectives: Le Lien m'a
aidé dans mes papiers, je suis allé à l'UMAPP quand
ça n'allait vraiment pas bien (usager 3).
le degré d'implication des usagers est
révélé dans les entretiens avec les professionnels par la
qualité de l'accompagnement. Les professionnels s'adaptent aux
capacités des usagers: on agit en fonction de ses capacités,
à ses côtés (TS 2). Ils parlent avant tout de leurs
pratiques. En revanche, il n'apparaît pas que les
bénéficiaires de la prise en charge doivent s'adapter à
des réalités de fonctionnement institutionnel. Or, dans les
réponses des usagers, la nécessité de s'adapter aux
structures est perçue comme un enjeu important pour s'en sortir. La
difficulté d'adaptation est source d'incompréhension (usager 1),
voire d'un état dépressif (usager 3). Même si la cause
réelle de cet état n'est pas seulement le fait d'un échec
dans les démarches auprès du dispositif de prise en charge, il
est révélé comme tel dans le discours: souvent,
ça m'a déprimé (usager 3). C'est une
représentation personnelle à prendre en compte dans une analyse
qualitative.
2.4.3 La prise en charge institutionnelle
Pour les travailleurs sociaux, l'usager est
considéré comme un acteur et placé à ce titre au
centre de l'intervention le concernant: l'usager est acteur de sa propre
vie (TS 3).
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L'évocation de l'escalier symbolisé comme
l'image-type du parcours de rue (TS 3) me fait penser au principe du jeu de
l'oie avec ses avancées et ses reculs dont parle J. Damon (1). La notion
d'urgence apparaît clairement mais n'est citée qu'une seule fois
(TS 3). On parle d'accueil, d'accompagnement par petites touches successives.
Dans leurs discours, les professionnels ont à la fois une vision
déontologique - l'individu reconnu comme sujet, la création du
lien, l'écoute et le respect, et une vision pratique:
il faut s'adapter aux différentes situations
(TS 2), le professionnel peut classifier selon ses propres critères,
son expérience (TS 1), bien sûr, certains cas sont
particuliers ( TS3).
En ce qui concernent les entretiens avec les usagers, le
travail des professionnels est reconnu même s'il est minimisé dans
l'entretien 3. la capacité de se débrouiller est tout aussi
important que la collaboration avec les professionnels: autonomie et
indépendance pour les usagers 1 et 3, capacité à
solliciter un réseau de sociabilité pour l'usager 2. En comparant
les discours des professionnels de ceux des usagers, je constate que les
réseaux extérieurs, qui apparaissent significativement dans
l'entretien n°2, ne sont pas cités comme éléments
participant à une démarche de réinsertion. Toutefois la
question relative aux réseaux de sociabilité n'a pas
été posée directement aux professionnels, ainsi que celle
sur la signification de l'urgence dans leurs pratiques. On peut
considérer qu'il s'agit ici d'un manque dans ma grille d'entretien.
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