Les sans-domicile fixe comme acteurs sociaux

2.3.2 Elaboration de la technique d'exploitation des données

Le choix de l'approche qualitative permet de systématiser, sous la forme d'une grille d'interprétation, des données issues d'un échantillon restreint (6 personnes). Ce type d'analyse, à défaut d'être rigoureusement objectif d'un point de vue scientifique, identifie des paramètres permettant de vérifier l'hypothèse.

L'investigation systémique qui suit considère l'ensemble des réponses comme un tout à l'intérieur duquel je recherche la présence et le poids des indicateurs cités précédemment. Le principe de cette analyse consiste à identifier des mots, des groupes de mots qui renvoient aux représentations et à l'expérience de chaque enquêté. Ces mots répertoriés dans chacune des grilles (usagers et professionnels) font état du sens que l'enquêté accorde aux faits qu'il décrit. Les mots sont donc des indices de fonctionnement liés aux pratiques et aux relations inter-individuelles.

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Grille d'interprétation systémique des données

issues des réponses des usagers

Usagers Indicateurs	Usager n°1	Usager n°2	Usager n°3
Négociation entre les acteurs	- Indépendant - ne pas profiter du système - bonne entente avec les professionnels - ils sont au contact avec la personne	- ne compter que sur soi - ne jamais renoncer - toujours quelqu'un pour l'aider	- éviter d'avoir affaire aux professionnels - aide de temps en temps
Degré d'implication et d'adaptabilité	- utiliser les structures - entretenir les contacts - être ponctuel - être discipliné - difficulté à mémoriser les horaires	- connaître les combines - bien connaître l'endroit - tout faire pour ne pas retourner à la rue	- se protéger - je ne me sens pas bien au foyer - du mal à s'en sortir avec les papiers
Prise en charge institutionnelle	- soutien des professionnels - ils font un bon travail	-un logement grâce à l'assistante sociale - aide pour la demande d'APL - soutien des animateurs	- certains devraient changer de métier - mes papiers ont traîné - les activités ne sont pas mon truc
Sollicitation des réseaux	- connaissance des structures - solitaire - incompréhension -ne fréquente pas les gens de la rue	- aider des gens en galère - discuter -de la famille sur Rouen - s'entreaider	- ne se mélange pas aux autres - éviter les problèmes

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Grille d'interprétation systémique des données

issues des réponses des professionnels

Travailleurs sociaux Indicateurs	Travailleur social 1	Travailleur social 2	Travailleur social 3
Négociation entre les acteurs	- tout dépend où elles en sont - recevoir la personne sans a priori	- autonomie variée selon l'usager - avancer au rythme de la personne	- amener la personne le plus loin possible - accueil important pour la qualité de l'accompagnement
- Degré d'implication et d'adaptabilité	- évolution du discours de la personne	- agir en fonction de ses capacités.	- l'usager acteur de sa propre vie
Prise en charge institutionnelle	- empathie et écoute - travailler au cas par cas. - importance de la neutralité	- être dans la relation - continuité - procéder par étapes - prise en charge comme dans le handicap	- chaque professionnel apporte sa contribution  - pas un accueil mais des accueils toute la journée. - pas de différents publics
Sollicitation des réseaux	- travail de coordination avec les partenaires en baisse	- partenariat moins riche qu'avant	- le partenariat est la pratique professionnelle en tant que telle

2.4 Analyse des données

L'analyse consiste à valider les indicateurs en recoupant les informations issues des 6 entretiens. Elles mettent en balance certains descripteurs qui apparaissent nettement dans les réponses et ceux qui apparaissent faiblement. L'objectif de cette analyse est de conforter la portée générale de l'hypothèse tout en clarifiant ses points faibles.

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L'analyse est structurée en reprenant chacun des indicateurs des grilles d'interprétation.

2.4.1 La négociation entre les acteurs

Dans les entretiens 1 et 2 (usagers 1 et 2), la référence aux mots clés témoigne d'une qualité relationnelle positive avec les travailleurs sociaux : bonne entente, au contact (usager 1), toujours quelqu'un pour l'aider (usager 2). Ces deux personnes gardent un niveau d'autonomie important tout en assurant un contact régulier avec les dispositifs de prise en charge : indépendant, ne pas profiter (usager 1), ne compter que sur soi (usager 2). Ces deux paramètres - régularité des contacts avec les travailleurs sociaux et autonomie personnelle, relèvent du profil des SDF habitués vu dans la partie théorique.

L'usager 3, dans ses propos, n'adhère pas au système assistanciel. Les qualités relationnelles existent au strict minimum. Il refuse les sollicitations des professionnels : j'évite d'avoir affaire à eux ou alors c'est un de temps en temps. La débrouille est davantage dans ce cas un enjeu de survie dans la rue qu'un moyen de monopoliser l'ensemble des ressources comme dans les deux premiers cas : se protéger, planquer ses affaires. Son discours ressemble davantage à une personne sédentarisée. Toutefois, il sort aussi de l'urgence en intégrant un foyer AFTAM. Il manque le témoignage d'un usager véritablement sédentarisé, vivant dans la rue depuis des années. Cela m'aurait permis de rendre compte du niveau de dépendance mais aussi des capacités de négociation envers les institutions.

Les travailleurs sociaux ont conscience des différents stades existant dans les parcours de rue. Ils parlent de variation, d'intervention à la personne. L'importance de l'accueil revient souvent dans leurs propos : recevoir la personne telle qu'elle a envie de se présenter (TS 1), avancer au rythme de la personne (TS 2). La prise en charge est individualisée et fonctionne sur un mode progressif. Les ressources de la personne sont utilisées par le professionnel pour le faire agir : susciter la demande, créer le lien (TS2), donner envie à la personne de s'aider (TS 3). La stratégie de négociation, la capacité d'utilisation du dispositif de la part des usagers ne ressortent pas dans les propos. La négociation est perçue comme le lien interactif professionnel-usager évoluant durant l'intervention, pas comme un moyen de peser sur l'aspect décisionnel.

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