2.4.4 La sollicitation des réseaux
Les usagers 1 et 3 sollicitent prioritairement le
réseau institutionnel. L'usager 2 élargit son réseau
d'assistance au réseau communautaire : j'ai demandé à
un de mes amis de l'emmener à l'aéroport pour partir au bled
(usager 2). la multiplicité des réseaux, les ressources
personnelles (santé, capital symbolique prioritairement) ont permis
à cette personne de trouver un travail et un logement : il faut se
faire des connaissances, c'est comme ça que j'ai pu trouver un travail
(usager 2). Dans ce cas précis, davantage que pour les deux autres,
il ressort des entretiens que l'intervention des professionnels est cruciale
mais qu'elle constitue un facteur parmi d'autres dans la démarche
d'insertion.
Les professionnels considèrent le public de l'urgence
comme unique avec des critères qui nécessitent des interventions
différenciées: le travailleur social 1 fait
référence à des
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critères professionnels, le travailleur social 3 aux
critères de santé et socio-démographiques des
bénéficiaires. Les difficultés structurelles, leurs
inquiétudes sur ce sujet apparaissent dans les réponses relatives
au partenariat: problèmes structurels et budgétaires (TS
1), partenariat efficace s'il y a de la coordination (TS 3).
La question de
l'hétérogénéité du public est abordée
dans le thème de la classification. Les problématiques du public
de l'urgence évoluent: l'addiction exclusive à l'alcool est,
depuis une dizaine d'années, remplacée par une polyaddiction
(alcool, toxicologie) et des problèmes psychiatriques lourds
abordés dans l'entretien n°6: les cas psychiatriques posent le
problème de la formation (TS 6).
A l'issue des entretiens avec les professionnels, je me suis
demandé si l'on devait parler de plusieurs publics ou d'un seul. Cette
question abordée dans les ouvrages ou sur le terrain propose deux
versions opposées: la première parle des publics SDF, la
seconde vise à l'homogénéiser.
L'hétérogénéité du public de l'urgence est
donc un indicateur de recherche apparu au cours des entretiens.
2.5 Bilan de l'analyse: vers une
remédiation de l'hypothèse
Il existe un écart entre l'énoncé de
l'hypothèse et les résultats de l'enquête de terrain.
Les capacités d'adaptation et de négociation
sont perçus différemment selon que l'on pose la question aux
usagers et aux travailleurs sociaux. L'action stratégique du SDF, quelle
que soit sa situation dans son parcours de rue, est minimisée par les
professionnels. Un entretien auprès d'une personne
sédentarisée à la rue aurait certainement permis
de révéler le niveau de dépendance par rapport aux
structures médico-sociales. Dans les trois entretiens menés
auprès des usagers, l'interaction entre eux et les professionnels ne
suffit pas à rendre compte de la démarche d'insertion. De ce
point de vue, l'hypothèse est validée. Toutefois, si l'on se
place du côté des professionnels, c'est l'accompagnement qui est
au centre de la démarche d'insertion: les ressources de l'usager, ses
capacités sur lesquelles se joint l'expérience de la pratique
professionnelle permettent d'envisager une porte de sortie vers l'autonomie. Ce
constat d'un décalage entre la vision du SDF et celle du professionnel
relatif aux contraintes et aux opportunités à une démarche
d'insertion m'amène à m'interroger sur la qualité de
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l'énoncé de l'hypothèse. Sa
remédiation passe un plus juste équilibre entre l'accompagnement
institutionnel et les capacités d'action de l'usager. En
conséquence, je propose la réécriture suivante de mon
hypothèse: la démarche d'insertion des sans domicile fixe
est le résultat d'un accompagnement professionnel et de leurs
capacités à solliciter l'ensemble de leurs ressources
personnelles.
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