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Quelle place occupe l'intelligence économique dans le déploiement des entreprises marocaines en afrique subsaharienne ?

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par Kenza Slaoui
HEC Paris - Master in Management 2014
  

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III. Des marges de progression réelles grâce à

l'enracinement de l'intelligence économique

A. Les défis à relever pour l'intelligence économique tournée vers l'Afrique

a) Enraciner l'IE dans la stratégie de développement des grandes entreprises

Les grandes entreprises marocaines réfléchissent à renforcer et à formaliser leurs systèmes d'intelligence économique dans le contexte de la mondialisation. Alliances, par exemple, cherche à la formaliser en trois pôles sous la direction Stratégie et Partenariats, qui auront chacun pour objectif de faire, d'après Brahim Skalli :

- Une veille macroéconomique au niveau de la direction de la stratégie suivant l'évolution politique, le PIB, les taux d'intérêts, la position du Maroc vis-à-vis des marchés extérieurs, la production de ciment, le niveau de liquidités du marché financier, le marché boursier...

- Une veille métier au niveau de chaque pôle d'activité d'Alliances. Elle doit suivre tous les projets en cours, ce qui est vendu ou non, à quel prix, quelle marge... Cette base de données existe déjà au niveau de du pôle « résidentiel haut de gamme et golfique » et l'entreprise souhaite la dupliquer sur son activité de logement social et de construction ;

- Une veille financière pour surveiller les communications financières des concurrents, les annonces de contrats, les projets de développement des concurrents, etc.

Chez Saham Group, la démarche de structuration de l'activité d'intelligence économique est plus balbutiante. En effet, la direction générale a pendant longtemps estimé que l'information qui provenait de la presse écrite ne représenterait pas des opportunités intéressantes car l'information n'est pas fiable ou les deals annoncés étaient souvent trop chers. Toutefois, le réalisme l'emporte : « nous sommes trois chez Saham à travailler sur le développement en Afrique. Compter uniquement sur nos réseaux et nos déplacements va nous coûter de plus en plus cher », dit Nadia Fettah. Dès lors, l'entreprise est en train de tester des bases de données et fait appel à un cabinet de conseil qui lui envoie des bulletins de veille presse

hebdomadaires. En tant qu'opérateur économique de taille aux ambitions panafricaines, le management de Saham se rend compte qu'il lui faut construire sa propre intelligence économique. « Nous le faisons, donc, mais de manière très modérée à ce jour avec l'espoir de structurer », ajoute-t-elle.

b) Mettre en place une intelligence économique panafricaine

Face à la faiblesse de l'intelligence économique étatique en Afrique sous ses aspects de défense et d'influence, des efforts pour structurer une intelligence économique panafricaine ont été consentis dès 2009. L'un de ses principaux enjeux est de permettre aux entreprises et aux gouvernements de bénéficier d'informations fiables et partagées entre les pays africains. Cet effort est tout d'abord visible à l'échelle de l'Union Africaine : lors de sa tribune « L'Union Africaine en marche73 », le président de la commission de l'UA J. Ping insiste sur le fait que « l'Afrique ne pourra résister aux défis de la globalisation qu'unie et solidaire ». Cette affirmation est également inscrite dans la résolution 464 de la 26ème session ordinaire du conseil des ministres de l'UA, qui marque sa déclaration d'intention pour une intelligence économique panafricaine à travers « une seule entité d'intégration qui sera le point d'ancrage et le creuset où tous les États de la région élaboreront et mettront en oeuvre leurs politiques dans des domaines intégrateurs tels que les transports, les communications, l'industrie, l'agriculture (É) ». Le secrétariat de l'UA s'est engagé à sensibiliser les États membres pour la mise en place d'une stratégie d'intelligence économique à l'échelle du continent avec l'appui de la Banque Africaine de Développement et des organismes de coopération comme la Francophonie.

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73 Le Monde Diplomatique n°666, septembre 2009

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Pyramide de l'intelligence économique proposée à l'Union Africaine
Source : Cabinet de conseil en stratégie Knowdys

La Francophonie a vu l'intelligence économique inscrite à l'ordre du jour de sa 35ème assemblée de la Conférence Permanente des Chambres Consulaires Africaines74. Pendant cette réunion, les chambres consulaires ont réfléchi ensemble à l'utilisation de l'intelligence économique dans le développement d'opportunités d'affaires.

Cette réflexion a également été engagée au sein de L'Assemblée Parlementaire Francophone75 quelques mois plus tard en déclarant que « les États et les entreprises sont amenés à adopter des attitudes offensives pour accroitre leur réactivité et assurer leur pérennité et leur compétitivité, tout en faisant preuve de réactivité et d'anticipation ». L'APF a sommé ses États membres de s'équiper en outils d'intelligence économique pour rattraper son retard. Enfin, l'APF a encouragé les États membres à recourir au réseau de la Francophonie pour le partage de l'information, la coopération et la recherche. Les organismes interétatiques jouent donc un rôle important dans la structuration d'une intelligence économique panafricaine.

74 Réseau de coopération et de soutien aux chambres consulaires pour le développement du secteur privé sur le continent qui compte plus de cent organisations dans vingt quatre pays africains dans différents secteurs économiques

75 Organisation qui réunit les représentants parlementaires de 77 parlements, (dont l'Afrique représente un tiers des effectifs avec vingt cinq pays membres), du Parlement Panafricain, de l'UEMOA et de la CEMAC

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La sensibilisation des acteurs économiques à ce sujet est également un sujet important pour l'avènement d'une intelligence économique panafricaine, et surtout pour la fiabilisation, le partage et la structuration de l'information en présence. Les rencontres et conférences sur le sujet sont une composante incontournable de cette sensibilisation avec une fréquence moyenne de cinq manifestations par an en Afrique76. Les cabinets de conseil en intelligence économique sont les auteurs de publications enrichissantes à ce sujet : pour ne citer que les plus gros cabinets africains, Global Intelligence Partners, Knowdys, Sopel, l'Organisation africaine de l'intelligence économique et Strageco enrichissent le débat et sensibilisent aussi bien les pouvoirs publics que les organisations privées. Enfin, les médias sont des acteurs centraux de l'intelligence économique : l'hebdomadaire Les Afriques possède des bureaux à Casablanca, Alger et Dakar et propose une chronique d'intelligence économique depuis 2009 ; les journaux en ligne et les sites spécialisés tels que Africa Intelligence contribuent à également à sensibiliser le public.

Ainsi, la mise en place d'une intelligence économique panafricaine au niveau de la veille informationnelle sur le continent permettrait-elle à tous les acteurs de bénéficier d'informations plus fiables possibles dans le cadre d'une économie mondialisée.

c) Surmonter la problématique linguistique est un enjeu majeur

La question de la langue revêt une importance capitale dans l'intelligence économique : faire de la veille sur les pays anglophones et lusophones pour un pays qui ne maitrise pas la langue relève du défi. Comme le rappelle Abdelmalek Alaoui, 80% des productions d'intelligence économique sont en réalisées en français au Maroc, alors que 80% de l'information produite dans le monde est en anglais. Il est donc nécessaire de développer l'anglais, l'espagnol, l'allemand et le portugais dans les techniques de veille au Maroc afin de prendre en compte l'environnement informationnel dans son intégralité.

La question de la langue se pose également pour les entreprises marocaines qui se déploient en Afrique. En effet, celles-ci s'orientent en priorité vers les pays d'Afrique francophone du

76 Guy Gweth, fondateur du cabinet en intelligence économique Knowdys

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fait de la langue et de la proximité culturelle. C'est le cas par exemple d'Alliances, pour qui l'anglais représente une vraie barrière pour leur implantation en Afrique anglophone au niveau des ressources humaines. Brahim Skalli, directeur Stratégie et Partenariats, s'explique : « dans notre métier, faire de la promotion immobilière c'est avoir des ressources humaines locales qui arrivent à piloter, lancer, construire, vendre et encaisser un projet. Or les cadres expatriés d'Alliances qui vont les encadrer sont des francophones et ils ne parlent pas forcément l'anglais ».

D'autres entreprises comme Saham Group tentent de s'adapter face à cette problématique en recourant à l'anglais et en organisant leurs implantations en régions. C'est surtout la culture anglophone ou lusophone, plus que la langue en elle-même, qui pose problème, car c'est une manière différente de faire des affaires. Comme l'explique Nadia Fettah, directrice générale déléguée aux finances et au M&A, « tout le monde chez Saham se met aux cours d'anglais et nous essayons de communiquer davantage en anglais. C'est un travail de longue haleine. Nous essayons aussi de ne pas tout gérer à partir de Casablanca : nous avons un hub à Abidjan qui chapeaute dix pays et nous sommes en train d'en mettre un en place à Maurice pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique Australe. Le Nigéria et l'Angola sont suffisamment gros pour être gérés séparément ».

d) Apprendre à chasser en meute en Afrique : le rôle des clusters d'entreprises

Les clusters d'entreprise représentent un levier de compétitivité important pour les entreprises. Ils permettent d'améliorer les transactions, de partager les dépenses et de les réduire, de faire collaborer les entreprises et de favoriser les transferts de compétences et de technologies. La mutualisation de l'intelligence économique au sein de ces pôles de compétitivité pourrait être un atout certain pour les entreprises marocaines en Afrique pour « chasser en meute ». Ils permettraient notamment de mutualiser le cout d'acquisition de l'information entre tous leurs membres, qui est le premier obstacle à la mise en place de cellules de veille stratégique dans les entreprises. L'intérêt est également de se développer ensemble en Afrique à travers des opportunités qu'une entreprise ne pourrait pas saisir seule.

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Néanmoins, cette pratique reste très peu répandue parmi les entreprises marocaines, qui se voient comme concurrentes sur le marché africain. C'est ce que déplore Nadia Fettah, directrice générale chez Saham Finances, « malheureusement, chacun y va de son côté. La diplomatie économique n'est pas coordonnée : par exemple, nous sommes très nombreux à être investisseurs en Côte d'Ivoire et au Sénégal ; pourtant personne n'a négocié de conventions fiscales ou de convention de non double imposition. Nous ne sommes pas bons pour nous coordonner et faire des opérations ensemble ». A titre d'exemple, elle explique que les grands groupes français sont tous assurés chez Axa au Maroc ; alors que les grands groupes marocains ne sont pas assurés chez Saham en Côte d'Ivoire. D'après elle, il faut mener une réflexion sur ce sujet car le blocage est principalement culturel. Abdelmalek Alaoui, président de l'AMIE, va plus loin : « Il faut réfléchir à comment nous allons agrandir le gâteau plutôt que de s'entretuer sur le petit gâteau dont nous disposons pour l'instant. (É) Chasser en meute veut dire que l'on va attaquer un gâteau beaucoup plus gros et mutualiser ce qui peut l'être pour faire des économies. Or, culturellement, il y a un vrai blocage ».

Il faut déplorer le fait que les fédérations professionnelles promouvant les secteurs d'activités marocains soient principalement centrées sur la protection anti-dumping et l'optimisation du dispositif de fiscalité, à défaut d'organiser des sorties communes en Afrique.

B. PME : développer l'accès à l'intelligence économique et le soutien financier

a) L'intelligence économique y est quasi-inexistante

Le tissu économique marocain est formé à 90% de PME et de TPE. Or, l'intelligence économique, cruciale pour se renseigner sur la concurrence et pour assoir leur compétitivité, ne semble pas être une préoccupation pour elles aujourd'hui. Les conséquences peuvent être désastreuses, à l'image du secteur textile au Maroc dont les difficultés sont principalement dues au fait qu'elles n'ont pas su anticiper les accords multifibres77 et su s'adapter face à la concurrence étrangère.

77 Cet accord a régi le commerce du textile pendant 30 ans par la mise en place de quotas d'importation. Il pris fin en 2005 et en 2008 pour la Chine, beaucoup plus compétitive que le Maroc notamment, en raison du faible coût de sa main d'oeuvre.

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En effet, rares sont les PME qui ont mis en place leurs propres systèmes d'intelligence économique en interne car les dirigeants ne perçoivent pas le retour sur investissement que pourrait leur apporter de tels dispositifs qui sont couteux à mettre en place. Driss Alaoui Mdaghri, l'une des personnalités pionnières de l'intelligence économique au Maroc, expliquait déjà en 200978 que le fait que les PME n'aient pas de cellules de veille est compréhensible, car il est nécessaire pour elles d'atteindre une taille critique avant de réfléchir à investir dans des outils de veille stratégique.

Dès lors, les PME ont besoin de l'appui des collectivités locales, des universités et organismes d'intelligence économique publics et privés afin d'accéder à de l'information à forte valeur ajoutée pour les aider dans leur processus de prise de décision. A. Moutawakil, président de la Fédération Chimie-Parachimie (FCP)79 explique en effet que « au delà de l'aspect prospectif, les opérateurs ont des besoins concrets en information commerciale sur le triptyque produits, marchés et clients, sur la concurrence, sur les stratégies adoptées par les pays concurrents qui nous ont devancés sur le marché ». Ceci est crucial pour les entreprises dans une optique d'optimisation de leurs performances et de leur compétitivité.

La création de l'ANPME80 en 2002 avait, dans sa mission de modernisation des PME marocaines, pour objectif de permettre aux entreprises d'accéder à de l'intelligence économique qualifiée. La structure a ainsi mis en place le programme « Yakada » en partenariat avec la Coopération Technique Allemande (GTZ), qui réalise de la veille concurrentielle, commerciale, technologique et environnementale (juridique, politique,etc.) pour les PME. Toutefois, cette aide ne suffit pas à elle seule à aider ces entreprises à s'adapter à un environnement en mutation.

Le Ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Innovation et de l'Économie Numérique a mis en place des mécanismes d'aides financières pour les PME :

- Le programme « Moussanada ti » promeut l'utilisation des nouvelles technologies dans l'activité des entreprises ;

- Le programme « Imtiaz » octroie des subventions d'investissements pour des PME innovantes, qui peuvent atteindre 20% de l'investissement (les subventions sont plafonnées à cinq millions de dirhams).

78 Intelligence économique : la CGEM veut s'engager », l'Economiste, 02 juin 2009

79 Hebdomadaire Economie Entreprises, Juin 2014

80 Agence Nationale pour la Promotion de la Petite et Moyenne Entreprise

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A ces programmes devrait s'ajouter un soutien pour la mise en place opérationnelle de dispositifs d'intelligence économique au sein des PME, ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui.

Des initiatives privées ont également vu le jour et proposent aux PME de les assister dans la mise en place de cellules de veille à moindre cout pour collecter et organiser les informations qui concernent l'environnement de leur entreprise. Un outil d'intelligence économique pour les PME a ainsi vu le jour à l'initiative du cabinet de conseil en veille stratégique Cybion, qui a lancé, en partenariat avec Form'info+81, un « pack marocain pour la veille stratégique » appelé E-btikar. Le principe est d'offrir un accompagnement spécifique par un expert, comprenant une formation à la veille, un outil de collecte automatisé ainsi qu'un logiciel de surveillance. D'après Mounir Rochdi82, directeur général délégué de Cybion, E-btikar répond à un besoin réel des PME qui n'ont ni les ressources, ni le temps, ni les outils pour avoir une intelligence économique en interne. E-btikar leur offre une solution accessible, tout en leur donnant autonomie et indépendance pour gérer leur propre intelligence économique en interne afin de mieux connaitre la concurrence, de surveiller les fournisseurs dont elles dépendent, de mieux s'adapter à leur clientèle, de maitriser son environnement juridique et fiscal et de suivre les innovations sur leur marché. Par ailleurs, Cybion les sensibilise à la protection de leur savoir-faire, autre volet de l'intelligence économique qui n'est pas pris en compte par les PME, afin d'éviter le piratage83. La menace est réelle : d'après une étude réalisée par Kapersky84, le Maroc fait partie des pays les plus ciblés par les pirates informatiques85, du fait d'un mauvais entretien des serveurs et de l'utilisation élevée de Windows XP, vulnérable aux virus.

81 Formation et accompagnement des entreprises sur des thématiques spécifiques

82 Intelligence économique et PME marocaines, Adil Cherkaoui, chercheur ès Sciences de gestion, Univestité Hassan II, 2 novembre 2011

83 En août 2014, des hackers marocains ont piraté un fonds d'investissement sud africain

84 Logiciels de lutte contre la malveillance informatique

85 « Le Maroc parmi les pays les plus vulnérables aux virus informatiques », media24.com, 22 août 2014

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b) La nécessité d'un soutien financier pour les PME à l'exportation en Afrique

Dans une perspective d'intelligence économique, la Fédération Marocaine de Plasturgie (FMP) a lancé une étude pour évaluer le potentiel d'exportation des PME marocaines en Afrique, dont l'une des conclusions est que le cout logistique et de fret à l'export grèvent la compétitivité des entreprises. La FMP a ainsi relevé la faiblesse voire l'absence de lignes maritimes régulières et compétitives et des couts élevés de magasinage dans les ports de destination. A ceci s'ajoute l'assurance à l'export, qui affecte aussi significativement la compétitivité des PME industrielles.

Des études similaires réalisées par Maroc Export ont démontré que des pays comme la Tunisie, la Turquie ou la Jordanie proposent des outils et du soutien financier aux exportateurs pour le fret via une prise en charge partielle ou totale de ce cout; et pour les frais de location de magasins de stockage dans les pays de destination.

En Tunisie par exemple, le Fonds de Promotion des Exportations (Foprodex) soutient les entreprises industrielles sur 30 à 50% de des couts, leur propose un prêt de trois ans avantageux et leur concède une bonification de dix points sur la partie subventionnée pour leurs échanges vers l'Afrique subsaharienne. Les exportateurs marocains, eux, ne reçoivent de subventions de Maroc Export uniquement pour des contrats signés pendant les foires promotionnelles, salons et rencontres B2B, alors qu'ils auraient grandement besoin de subventions pour le transport pour toutes leurs opportunités d'affaires.

Certaines PME marocaines exportent déjà timidement en Afrique. Il reste à leur donner les moyens de démultiplier leurs exportations. C'est ce que demande Mehdi Zouhir, directeur général de Buzichelli, une PME industrielle qui réalise un chiffre d'affaires de 80 millions d'euros dont la moitié en Afrique86 : « les ministères de tutelle doivent prendre conscience de la nécessité d'accompagner des entreprises comme nous à l'export, car aller vers l'Afrique demande beaucoup de ressources et d'énergie ».

86 Documentaire France 24, « Au Maroc, croissance économique rime avec Afrique », 23/11/2013

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C. Le recours à d'autres leviers pour se développer efficacement en Afrique

a) Les banques marocaines, une source informelle d'IE pour les entreprises

Le secteur bancaire marocain joue un rôle essentiel dans les systèmes d'intelligence économique des entreprises, qu'elles soient des champions nationaux ou des PME. Les réseaux de filiales des banques marocaines en Afrique draine une quantité d'informations considérable sur les marchés, les opérateurs locaux et les consommateurs, et constituent pour elles un vivier informel d'intelligence économique non négligeable. Les réseaux développés par les banques marocaines sont en effet utiles pour les exportateurs à quatre égards :

- Financement : les banques marocaines connaissent les entreprises marocaines, ce qui peut être un atout car cela peut accélérer la mise en place de schémas de financement pour les exportateurs marocains ;

- Connaissance du marché : Les banques mettent en relation les entreprises marocaines avec des prestataires locaux. Dans le cas d'Alliances par exemple, leur partenaire bancaire marocain en Afrique les a mis en relation avec des entreprises dans la construction, des partenaires juridiques, des avocats et des fiscalistes qui ont grandement facilité leur entrée sur le marché.

- Garantie de paiements : Le cercle de réflexion marocain IRES87 dont l'influence est reconnue à Rabat, a suggéré la mise en place d'un système de paiement entre banques : centrales sur le continent. L'objectif est de garantir le transfert des revenus du commerce et des investissements en cas de défaillance de paiement entre opérateurs au Maroc et en Afrique.

- Protection contre les risques non-commerciaux sur le continent : BMCE Bank a signé un partenariat avec la MIGA88 qui s'applique à une centaine d'entreprises marocaines accompagnées par la banque dans leur développement en Afrique, et qui les protège contre (i) les risques de changement politique, de guerres civiles, d'émeutes et d'incendies, et contre (ii) les risques fiscaux et règlementaires telles que l'expropriation ou l'interdiction de rapatrier des dividendes.

87 Institut Royal pour les Etudes Stratégiques

88 Multilateral Investment Guarantee Agency, filiale de la Banque Mondiale

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- Détection d'opportunités d'affaires : les banques les mettent en relation avec les acteurs locaux. Comme l'explique Mamoun Tahri Joutei de BMCE Bank, les entreprises exportatrices marocaines ne souhaitent qu'une chose ; c'est d'être mises en relation avec des acteurs locaux pour dénicher des opportunités d'affaires. A cet égard, la conférence sino-maroco-africaine organisée par BMCE Bank en juin 2014 est à l'origine d'une cinquantaine de rencontres B2B entre entreprises marocaines, chinoises et africaines.

Ainsi, les banques ont un rôle important à jouer dans l'écosystème d'intelligence économique

des entreprises exportatrices. Cette relation unique permet aux opérateurs d'avoir des

avantages concurrentiels face aux opérateurs étrangers. En effet, pour l'entreprise

exportatrice, la banque marocaine partenaire permet de :

- Diminuer le cout du capital grâce à la baisse du délai moyen du recouvrement des

créances et du cout du crédit ;

- D'avoir un flux de trésorerie prévisible ;

- De bénéficier d'un portefeuille client stable ;

- De garantir une plus grande transparence dans le processus de paiement.

L'intérêt pour les banques est entre autres de :

- Participer aux affaires de leurs clients sur le continent ;

- Fidéliser leur clientèle importatrice et exportatrice ;

- Cultiver leur image de marque en tant que banque clé dans le financement de

transactions à l'international.

Le président du cabinet de conseil en intelligence économique Global Intelligence Partners nuance ce constat en expliquant que les banques ne peuvent pas être des pourvoyeurs d'information pour les cabinets de conseil pour des raisons de règles prudentielles qui les empêchent de remonter de l'information sur leurs clients.

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b) De nouveaux types de partenariats pour se développer en Afrique

Les entreprises marocaines réfléchissent à des partenariats avec des institutions ou des entreprises étrangères pour trouver des opportunités d'affaires en Afrique. Ceci peut venir du fait que les entreprises ont une capacité d'endettement limitée et qu'elles ont besoin d'un appui financier pour réaliser certaines opérations sur le continent. Brahim Skalli, directeur Stratégie et Partenariat chez Alliances, justifie cela en expliquant que « la capacité d'investissement et d'endettement d'Alliances étant limitée, nous ne pouvons pas nous engager seuls sur 25 pays. Coopérer avec ces structures multilatérales de financement signifie que l'on peut envisager ensemble le montage d'opérations plus importantes en Afrique ». Alliances s'est ainsi rapproché d'institutions multilatérales telles que la Banque Africaine de Développement, la BERD ou l'AFD pour réaliser des opérations conjointes sur le continent.

Un autre exemple probant est celui d'Attijariwafabank, première banque marocaine, et de Bank of China, qui ont signé un accord le 20 juin 2013 à Pékin pour encourager les échanges commerciaux et les investissements chinois en Afrique grâce à l'appui du Maroc pour la prospection des marchés des régions Afrique du Nord, UEMOA et CEMAC. D'après le directeur général d'Attijariwafabank, Omar Bounjou, la présence de la banque dans 14 pays africains et sa connaissance des marchés lui permet d'accompagner des opérateurs économiques étrangers sur ces géographies. Il est donc pertinent de mettre en place des partenariats win-win avec de grandes institutions asiatiques notamment ; ce qui explique le choix la banque de se rapprocher de la Chine, premier partenaire commercial du continent africain. Les synergies entre les deux banques sont conséquentes :

- Elles ont une dimension internationale (elles sont présentes à elles deux dans soixante cinq pays) ;

- Les deux banques possèdent des offres dédiées pour toutes les personnes, entreprises, organisations et gouvernements ;

- Elles oeuvrent toutes les deux pour la coopération sud-sud.

L'accord conclu entre les deux banques contient quatre volets :

- L'accueil ainsi que l'assistance aux clients en matière de commerce international :

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Attijariwafabank et Bank of China ont développé un savoir faire en ce qui concerne l'accompagnement des opérateurs économiques et sont toutes les deux leaders sur leurs marchés ;

- L'accompagnement et le financement de projets d'investissements : la Chine et le Maroc étant parmi les plus gros investisseurs en Afrique, il est question de soutenir la dynamique d'investissement en plaçant l'expertise de chacune au service des investisseurs dans les marchés africains où les deux banques sont présentes.

- L'organisation de rencontres B2B : l'organisation de rencontres bilatérales vise à rapprocher et mettre en relation des hommes d'affaires chinois avec les opérateurs économiques dans les pays où Attijariwafabank est implantée. L'objectif de ces rencontres est d'aboutir à des investissements croisés et des JV sur le continent. Le Forum Afrique Développement a favorisé à ce titre plus de 3 000 rencontres B2B en deux éditions en rapprochant plus de 1 000 opérateurs économiques présents dans les pays où sont implantées les filiales d'Attijariwafabank.

- L'accompagnement des cadres expatriés de Chine et Afrique et vice versa : La banque chinoise peut s'appuyer sur le réseau de la banque marocaine pour mieux servir la communauté chinoise en Afrique (le nombre de chinois vivant sur le continent dépasse le million de personnes) ; et Attijariwafabank pourra apporter le réseau de Bank of China aux africains vivant en Chine.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon