Conclusion
Il apparait que l'intelligence économique
représente bien un enjeu de premier ordre pour les entreprises
marocaines en Afrique. Les champions nationaux ont conscience que, du fait de
leur spécialisation dans les services, l'intelligence économique
est centrale dans leur approche du marché africain. Mais contrairement
à ce que laisse penser la littérature journalistique sur le
sujet, l'IE n'est dans la majorité des cas ni formalisée ni
structurée : elle ne porte pas ce nom auprès des acteurs qui la
pratiquent.
Seuls quelques grandes entreprises comme la Royal Air Maroc,
Maroc Telecom, BMCE Bank ou Attijariwafabank ont en effet réellement mis
en place des dispositifs structurés avec des budgets
dédiés pour la veille stratégique, la surveillance et la
communication d'influence. Pour la grande majorité du tissu
économique marocain, l'intelligence économique n'est pas une
composante formelle de la prise de décision pour se développer en
Afrique.
De plus, le gouvernement étudie, depuis une dizaine
d'années, la possibilité de mettre en place une stratégie
nationale d'intelligence économique au service du secteur privé
mais rien n'est encore réellement fait à ce jour dans ce domaine.
L'État comble partiellement ce déficit par une diplomatie sud sud
dynamique dans le but de décrocher des opportunités d'affaires
pour les entreprises marocaines en Afrique, mais ne met pas de dispositifs
d'information et de veille stratégique à la disposition des
entreprises en dehors d'évènements promotionnels à
l'exportation.
Les entreprises marocaines ont vite intégré
cette donne et adaptent leur manière de se renseigner sur le continent.
Les sources de la veille stratégique sont pour elles leurs contacts
locaux ; la surveillance de leur environnement règlementaire, juridique
et fiscal se fait grâce aux informations recueillies auprès des
réseaux bancaires marocains ; leur communication d'influence se fait
avec l'appui de la diplomatie économique royale et de structures telles
que Maroc Export. La proximité culturelle du Maroc avec l'Afrique est
très importante dans ce contexte.
On retrouve ici une composante essentielle du tissu
économique marocain, à savoir le pragmatisme et la grande
capacité d'adaptation de ses entrepreneurs, qui ont recours à
une
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intelligence économique « à la marocaine
». Celle-ci leur donne un avantage unique sur le continent, malgré
le fait que le gouvernement ne semble pas avoir véritablement pris la
mesure de l'urgence à mettre en place une stratégie nationale
d'intelligence économique. Celle-ci est en effet la seule à
même de mutualiser un certain nombre de moyens informationnels et
analytiques au service du tissu économique.
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